Corrigé Bac
Sujet bac - 2024 - Français - Corrigé - Dissertation - Sujet B

Sujet bac : Annale 2024

ÉPREUVE DE FRANÇAIS
SUJET CENTRES ETRANGERS – ASIE

ŒUVRE – Honoré de Balzac, La Peau de chagrin
PARCOURS – Les romans de l’énergie : création et destruction
DISSERTATION – Tout est-il voué à la disparition dans La Peau de chagrin ?

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Analyse du sujet :
Plusieurs possibilités s’offrent à vous quand vous voulez étudier un sujet. Commencez par identifier les termes clés : ici, la notion de disparition. Associée au verbe « vouer », elle prend un caractère inéluctable. Tout se passerait comme si la disparition était partout dans le roman. Or, il faut essayer d’aller à l’opposé de ce que suppose le sujet. Donc ici, se demander si la création n’est pas tout aussi présente que la disparition, notamment parce que certains personnages résistent à la disparition. Il y a donc là un plan en trois parties : l’exténuation de la vie, l’irrésistible épuisement, des stratégies pour supporter la marche du temps.

Introduction :

« Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit […] » : Cette citation extraite de La Peau de chagrin pourrait être la devise de toute la Comédie humaine publiée entre 1829 et 1847. Des Chouans au Cousin Pons en passant par les Mémoires de deux jeunes mariées, Balzac met en scène une longue galerie de personnages dévorés par la passion. L’existence même de Balzac témoigne d’un appétit de vivre dévorant. Auteur prolifique, bon vivant infatigable, entrepreneur audacieux, amoureux éperdu : il aura brulé sa vie par les deux bouts, comme le dit l’expression, à l’image de ses personnages, au point de mourir relativement jeune. À bien considérer son œuvre dans son ensemble, il se dégage une véritable théorie de l’énergie, qu’illustre à merveille La Peau de chagrin, à savoir que toute dépense d’énergie conduit à l’effacement. Raphaël de Valentin incarne le héros romantique par excellence, qui aura cherché à tout posséder et qui, au seuil de sa mort, se rendra compte qu’il n’a rien fait de durable ou de grandiose. Mais ces considérations couvrent le roman d’un voile sombre, pessimiste, et il convient de se demander si réellement tout est voué à la disparition dans La Peau de chagrin.

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La contextualisation :
Il est essentiel de donner le cadre dans lequel s’inscrit votre réflexion. C’est-à-dire que vous devez présenter l’œuvre et son auteur. Mais vous ne devez surtout pas perdre de vue le sujet et l’essentiel et de revenir vite au sujet et à sa discussion.

Sans dépense d’énergie il n’y a pas de vie, mais cette dépense n’est pas forcément vouée à exténuer la vie. Dans La Peau de chagrin, elle peut aussi être employée à ralentir l’écoulement de l’existence, à éviter l’usure. Pour démontrer cet état de fait, nous montrerons que la disparition s’impose bien comme thème dans le roman et qu’en outre s’opposer à elle est voué à l’échec, mais nous tenterons de mettre en évidence la façon dont Balzac propose aussi des stratégies pour supporter la marche du temps.

L’exténuation de la vie

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Rappel

Aucun titre ou sous-titre ne doit apparaître sur votre copie le jour du bac, mais ils peuvent vous aider au brouillon pour structurer votre pensée.

Le roman de Balzac, aussi divertissant qu’il puisse paraître, se présente également comme une « étude philosophique ». L’auteur y défend la thèse vitaliste qui suppose que tout être vivant bénéficie d’une certaine quantité d’énergie dès sa naissance, qu’il dépense progressivement jusqu’à sa mort. La réduction progressive de la peau d’onagre dont Raphaël entre en possession au début de l’histoire est une métaphore de cette usure, un peu comme le tableau dans Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, écrit des décennies plus tard, porte la marque du vieillissement du protagoniste principal. Raphaël l’acquiert dans une boutique d’antiquaire où tous les objets sont marqués par ce passage du temps, à la manière des jeunes fêtards dans l’orgie qui ouvre le texte, qui semblent vieillis au lendemain de leur nuit. Avec ironie, voire cruauté, le narrateur parle du funeste « réveil de la débauche ». Le talisman de Raphaël n’est là que pour concrétiser cet écoulement du temps, si bien que le lecteur, au moment de refermer le livre, peut se demander s’il était nécessaire d’utiliser cet artifice, tant Raphaël aurait pu se rendre compte tout seul que la mort nous rattrape toujours, malgré l’épanouissement plus ou moins intense des désirs. La perte d’énergie vitale du héros est seulement un peu plus précoce que chez d’autres, comme Aquilina ou Euphrasie, qui se rendent compte assez tôt, parce que ce sont des femmes qu’une société patriarcale rend objet de désirs, qu’il faut profiter de la vie sans attendre. Carpe diem, rappelle le dicton. De surcroît, la société que dépeint Balzac ne fait qu’encourager l’accélération de cette ruine par la valorisation des plaisirs.
La diminution de l’énergie vitale s’accompagne d’une perte des illusions. Cet autre thème cher à Balzac se retrouvera dans Les Illusions perdues quelques années après la parution de La Peau de chagrin. Non seulement Raphaël a des rêves qu’il abandonne progressivement, mais en plus, quand il réalise ses vœux grâce à La Peau de chagrin, il se rend compte que ce sont des chimères qui ne le rendent pas heureux. Il devra se résoudre à voir ses amis se corrompre, comme Rastignac, mais aussi à vendre l’île où repose sa mère, à renoncer à Fœdora, etc. En acceptant l’argent et les honneurs, il s’éloigne de valeurs plus fondamentales et passe à côté de sa jeunesse. Balzac prend même le parti de critiquer la gloire littéraire, vaine à ses yeux, lui qui est pourtant un écrivain reconnu de son vivant. En effet, Raphaël écrit un Traité de la volonté qui n’est pas lu, et sa comédie se révèle un terrible échec.
Dès lors, il semble que tout dans La Peau de chagrin mène inévitablement à la mort. Elle plane au-dessus de chaque péripétie, se rappelle à chaque fois que la vie semble l’emporter. Il est probable que Balzac est encore profondément marqué par la mort de son père, qui survient en 1829, quand il écrit ce texte. De fait, c’est la mort du père de Raphaël qui provoque sa ruine et sa misère. Le roman et le début de la Comédie humaine, s’ancrent donc dans une longue réflexion sur la fatalité. Dès l’incipit, le héros cherche à se suicider. Il a ensuite envie de mourir à de nombreuses reprises. Il est obnubilé par cette idée de se donner la mort. Dès la première page, on comprend qu’il finira mal : « Il voyait la MORT. », écrit Balzac. Mais c’est uniquement sa mort qui l’intéresse. Il reste relativement insensible à la mort qu’il inflige à son adversaire lors de la scène du duel, et pendant un temps il préfère mourir plutôt que de vivre sous les ordres de son talisman. Que Pauline puisse mourir d’amour, parce que leur mariage n’aura jamais lieu, n’effleure que trop tard l’esprit de Raphaël. Finalement, la mort des êtres humains, la finitude des choses dans leur ensemble, est bien le thème majeur de La Peau de chagrin, roman de la désolation, du désespoir et de la fin du monde. Mais la tonalité de l’ensemble est loin d’être mélancolique, car les personnages sont engagés dans une lutte acharnée contre les ravages de la disparition.

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Les remarques biographiques :
Le recours à des informations biographiques au sujet de l’auteur est encouragé. Mais il n’est pas nécessaire de raconter toute son existence ou de citer des événements de sa vie juste pour le principe. Vous devez montrer qu’il existe un lien direct entre l’épisode biographique que vous relatez et le passage de l’œuvre qui vous commentez.

L’irrésistible épuisement

La Peau de chagrin n’est pas seulement un observatoire de l’avancée de la mort, c’est également une scène sur laquelle se débattent des personnages résolus à ne pas se laisser emporter par l’épuisement. Si la peau d’onagre apparait comme une angoissante horloge qui marque l’avancée inéluctable du temps, elle apparaît d’abord aux yeux de Raphaël et de l’antiquaire comme un moyen d’échapper à la destruction. L’idée est que la réalisation des désirs est suffisamment satisfaisante pour faire une vie pleine et heureuse. Ainsi, quand Raphaël reçoit suffisamment d’argent pour assouvir ses désirs, il se met à ne plus rien vouloir pour ne plus voir la peau rétrécir. Cette attitude est paradoxale puisqu’elle le conduit à renoncer à « la vie pour vivre ». Autrement dit, quand il se rend compte qu’il a trop vécu, il s’emploie à ne plus vivre, et se recroqueville dans une existence d’ascète [personne qui vit une vie austère, remplie de privations], qui ne fait que ralentir l’inévitable. Il ne parvient pas se débarrasser de la peau et la récupère sitôt après qu’il l’a jeté dans un puits. Il ne parvient pas non plus à l’agrandir. Il se tourne alors vers l’amour pour vivre dans l’illusion d’un bonheur éternel, mais se rend vite compte qu’il détruit la vie de celles qu’il aime. Il agit ainsi à l’opposé de l’antiquaire, résolu à vivre au calme pour ne pas voir le temps défiler, quitte à parfois avoir l’impression d’être passé à côté de l’existence et des jouissances qu’elle peut offrir.
Il existe une stratégie qui tente tous les personnages pour résister au passage du temps, ou plutôt pour faire en sorte de ne pas le voir, ne pas s’en rendre compte : le divertissement. Tout le début du roman montre des jeunes gens en train de jouer aux cartes, à la roulette, etc. En pleine euphorie, ils ne semblent pas se rendre compte qu’ils se fatiguent. Pourtant, pour Raphaël, le tripot est aussi le lieu de la fin, puisqu’il vient y jouer sa dernière pièce. La scène du banquet semble promettre une sorte de suspension du temps, mais au lendemain de la soirée la triste réalité est palpable : trop manger, trop veiller, etc., ne fait qu’accélérer la cadence, épuise, précipite le sort funeste. La sagesse, la vie recluse et l’épanouissement de l’esprit provoquent un résultat similaire. Pensant se tenir loin des désirs, Raphaël est déçu : « l’étude et la pensée » ne l’ont « même pas nourri ». Il en va de même pour l’art. En effet, l’opéra où se rend Raphaël n’est pas vraiment le lieu où chacun se perd dans la contemplation d’un beau spectacle, il est plutôt le lieu où tous les regards se tournent vers les personnalités qui forment la haute société. Les spectateurs sont plus occupés par ceux qui sont dans la salle que par les artistes. Toutes les péripéties de Raphaël confirment en fait la théorie du philosophe Pascal qui considère que les hommes cherchent à se consoler en se divertissant, sans y parvenir totalement : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre. », peut-on lire dans Les Pensées.
Si les individus seuls ne peuvent pas résister aux assauts du temps, peut-être que collectivement, via une société intelligemment organisée, il serait possible de mener le combat. C’est une des pistes de réflexion que propose le roman de Balzac, mais force est de constater qu’elle mène aussi à une impasse. Les beautés du passé, les grands livres, les architectures impressionnantes, toutes ces choses semblent peser assez peu. Les grands textes sont oubliés ou obsolètes, les bâtiments tombent en ruines, etc. Pour l’antiquaire, il existe une véritable « misère » de l’esprit humain. Fœdora pense qu’en s’enrichissant elle pourra avoir une vieillesse heureuse, mais elle se trompe, car elle ne va jamais arrêter de courir après l’argent. La gloire ne la rendra pas heureuse non plus. D’une manière générale, tout ce que les principaux personnages de La Peau de chagrin possèdent les use, leur demande trop d’efforts ou d’énergie. La Restauration, période pendant laquelle l’action se déroule, apparaît sous la plume de Balzac comme une époque d’enrichissement et de dépenses inutiles où la consommation est perçue comme une finalité. Cette attaque précoce du consumérisme mêle donc la critique économique et sociale à la réflexion philosophique générale sur la disparition.

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Les paragraphes :
Un paragraphe doit correspondre à une idée forte qu’il faut tout de suite annoncer. Les paragraphes sont d’une taille similaire et proposent au minimum un argument accompagné d’un exemple.

Des stratégies pour supporter la marche du temps

Sinistre tableau que celui de La Peau de chagrin, qui représente un monde en déclin, un monde vaniteux entièrement soumis à la disparition. Pourtant ce qui apparaît comme un malheur, voire une malédiction tombée sur l’espèce humaine, porte aussi en lui une lueur d’espoir ou donne de temps en temps une raison de vivre. Chaque germe de destruction porte en lui une force de reconstruction. Ainsi en va-t-il de la vie rangée. Si elle apparaît comme effrayante à Raphaël, elle est tout à fait profitable à l’Antiquaire, qui a pu vivre longtemps en se laissant aller aux joies du « Savoir » et de la connaissance. Se reposer, être au calme, cela revient à concentrer son énergie, et dans le Traité de la volonté c’est une des conditions essentielles, selon Raphaël, pour atteindre la plénitude. Cela implique de se débarrasser du superflu, des jouissances matérielles, à la manière d’un philosophe sobre comme Diogène ou encore Rousseau. La vie au grand air, dans la nature, semble promettre une existence prolongée. La mesure est également l’apanage de Rastignac, aussi surprenant que cela puisse paraître. Il dépense son énergie uniquement dans le but que cela lui rapporte. Il établit un parallèle rigoureux entre ce qu’il dépense et ce qu’il reçoit. Celle qui est encore plus radicale dans ce comportement c’est Fœdora, qui va renoncer à tous les plaisirs, devenir une « femme sans cœur », elle qui était pourtant l’exemple le plus parfait d’un être se laissant guider par ses envies.
L’amour passe pour l’occupation à la fois la plus dévorante et la plus salvatrice de tout le roman. En l’occurrence, c’est l’amour que porte Pauline à Raphaël qui apparaît comme le plus pur. C’est un sentiment qui, chez elle, n’est pas égoïste. Raphaël peut créer et se consacrer à son œuvre parce qu’ils se sent sincèrement aimé par Pauline. Il l’aurait su beaucoup plus tôt et aurait choisi Pauline bien plus vite s’il avait seulement écouté l’Antiquaire qui déclare qu’« il y a toute une vie dans une heure d’amour ». Encore eut-il fallu qu’il parvienne à voir dans l’amour de Pauline l’amour véritable. Il ne s’aperçoit pas tout de suite que son amour dissipe ses « chagrins » et purifie son « âme ». Tout se passe comme si l’amour de Pauline avait une force de régénération, comme s’il pouvait faire naître à nouveau Raphaël. La preuve en est que la peau qui l’accompagne ne rétrécit pas au moment où il lui demande d’être aimé par Pauline. À la fin du roman, Balzac fait d’elle un portrait angélique, comme si elle survivait à la mort. L’amour profond, sincère, non inféodé aux plaisirs de la chair, est donc la motivation principale de toutes nos agitations, il leur donne sens.
Cette force de régénération amoureuse est transcendée dans la création artistique ou scientifique. La Peau de chagrin est une ode à la créativité. Même s’il est déçu par ce qu’il écrit et par son insuccès, même si l’art ne répond pas toujours à ses attentes, Raphaël, comme Balzac, reste persuadé qu’à travers l’écriture il est possible de toucher à une sorte d’immortalité. Toujours en quête d’inspiration, il part en quête d’un Savoir universel. La peinture et la littérature lui apparaissent comme des moyens de s’emparer du réel et de la vie. Toute l’existence se trouve concentrée, fondue dans une œuvre. Il est vrai qu’à la lecture de La Peau de chagrin le lecteur d’aujourd’hui peut encore ressentir la puissance vitaliste que Balzac insuffle à son histoire. Le succès permettrait donc de dépasser l’oubli. La gloire artistique passe à la fois pour une vanité et pour une consolation. Dans le roman, le narrateur, toujours prompt à surprendre le lecteur, s’adresse quelque fois directement à lui par l’intermédiaire du pronom « vous ». De la sorte, c’est un peu la voix de Balzac qui se fait entendre d’outre-tombe. Pour un autre écrivain comme André Malraux, l’art est capable de sublimer la mort, et cette certitude traversera aussi toute son œuvre.

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Titres :
Attention : les titres d’œuvres se soulignent dans votre copie. Dans une version imprimée ou en ligne, ils sont écrits en italique. Les titres des parties d’une œuvre (comme un chapitre, un poème contenu dans un recueil, etc.) se placent entre guillemets.

Conclusion :

Pour conclure, on peut dire que si tout est voué à la disparition dans La Peau de chagrin, c’est pour mieux instruire le lecteur et donner de la vitalité à l’intrigue romanesque. En effet, le motif de la disparition n’empêche aucunement les personnages de continuer à vivre, et le récit de Balzac de s’écrire. Certes, l’élan vital passe pour un réservoir constamment en train de se vider, mais il n’en reste pas moins qu’avant d’être complétement épuisé, il offre de belles possibilités de jouissance et de création. Balzac raconte davantage la lutte contre la mort que le déclin d’un monde en train de mourir. L’intérêt du roman réside dans les scènes d’éloges du Savoir, de l’amour et de l’art, qui sont des contrepoints à une inévitable destruction, plutôt que dans les scènes de désespoir. Le personnage de Fœdora propose peut-être le point de vue de Balzac sur la question. Arrivée au terme de sa vie courte, elle ne semble finalement pas regretter ses excès. Dès lors, une vie brève mais intense, résolument tournée vers sa fin, dont elle est pleinement consciente, voilà peut-être ce qui est valorisé à travers La Peau de chagrin, et probablement dans la suite de la Comédie humaine.