Corrigé Bac
Sujet bac - 2024 - Français - Corrigé - Dissertation - Sujet C

Sujet bac : Annale 2024

ÉPREUVE DE FRANÇAIS
SUJET CENTRES ETRANGERS – ASIE

ŒUVRE – Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne
PARCOURS – La célébration du monde
DISSERTATION – « Colette ravale ses larmes pour mieux croquer la vie » écrit une critique. La célébration du monde dans Sido et dans Les Vrilles de la vigne suppose-t-elle d’en nier la tristesse ?

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Analyse du sujet :
Ce sujet est un peu long car il est introduit par une citation (vous n’avez pas besoin de savoir qui l’a écrite). Il ne faut pas oublier que le vrai sujet c’est la question qui suit, mais vous devez commenter la citation en introduction, voire en conclusion. Elle peut aussi vous être utile dans le développement, selon les cas. Le thème de la célébration est incontournable de ce parcours. C’est un sujet prévisible : il vous demande de définir la notion de célébration dans les différentes parties de votre plan. Vous devez donc opposer joie et tristesse, pour donner une définition subtile, entre les deux, de la célébration.

Introduction :

Quand la critique explique que « Colette ravale ses larmes pour mieux croquer la vie », elle expose les termes d’un paradoxe qui peut sauter aux yeux à la lecture de Sido et des Vrilles de la vigne. Dans les pages de ces deux œuvres autobiographiques, tristesse et joie s’entremêlent, illustrant le propos du poète Khalil Gibran : « Plus profondément le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir de joie. » Il existe donc une conception intellectuelle et artistique des émotions qui n’oppose pas ces deux sentiments. Au contraire, ils seraient complémentaires. Colette ne dissimule rien de ce qui fait les douleurs de la vie. Ses récits de jeunesse témoignent de son apprentissage glorieux de la liberté et de la découverte fascinante de la nature. La célébration du monde passe-t-elle exclusivement par une peinture de ses beautés, et nécessite-t-elle systématiquement d’en cacher les souffrances ? Notre plan pour répondre à cette question reviendra sur le paradoxe soulevé par Kristeva. Dans un premier temps, nous expliquerons comment Sido et Les Vrilles de la vigne célèbrent des instants de bonheur, mais dans un deuxième temps nous montrerons que Colette ne rechigne pas à révéler des blessures intimes. Un troisième et dernier temps de notre réflexion aura pour intention de signifier comment, chez Colette, c’est le lyrisme poétique qui permet de dépasser l’amertume de l’existence.

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Les citations :
Chaque citation doit être clairement reliée à votre propos. Expliquez toujours pourquoi vous l'utilisez et ce qu'elle apporte à votre argumentation. Vous n’avez pas besoin de connaître l’auteur, mais vous devez obligatoirement la commenter, au moins dans l’introduction.

Un style didactique :
Vous devez vous adresser au lecteur de votre travail non pas comme s’il s’agissait d’un professeur, mais comme s’il s’agissait d’un autre élève, à qui vous expliqueriez très clairement ce qu’il y a dans l’œuvre étudiée. C’est pourquoi il faut faire des phrases courtes, expliquer tout ce que vous pensez sans vous dire que le correcteur le sait déjà, utiliser des termes simples mais précis, articuler votre pensée avec des connecteurs logiques. N’utilisez pas un vocabulaire soutenu que vous n’avez pas l’habitude d’employer.

Célébrer des instants de bonheur

Indéniablement, une lumière se dégage des œuvres de Colette dans lesquelles elle décrit son enfance, son adolescence et sa jeunesse. De ces récits se dégage une force qui, selon elle, est ce qui lui a permis de résister aux assauts du temps, aux chagrins de l’existence. Ses relations avec sa mère, la nature, les animaux, ses amis et amies sont le ciment qui ont construit son identité d’auteure. Les souvenirs heureux sont au cœur de Sido et des Vrilles de la vigne. Sido est un personnage comique, une commère toujours prompte à commenter ce que font ses voisins, les frères de Colette sont des polissons toujours prêts à commettre des bêtises, les petits chiens de la narratrice multiplient les actions drolatiques. Tous ces êtres évoluent dans le cadre d’un jardin merveilleux où les plantes et le calme contribuent à l’éclosion d’un monde harmonieux « où les enfants ne se battaient point, où bêtes et gens s’exprimaient avec douceur ». Colette désigne la maison et le jardin de son enfance comme un « paradis », comme son « royaume ». Sido refuse de couper ses roses pour l’enterrement d’un voisin, car elle ne souhaite pas condamner ses fleurs au même sort que le défunt. Ce geste de protection de la nature exprime tout l’attachement de la mère de la narratrice à la beauté du monde.
Mais, au-delà de la nature, la pureté des relations humaines est également valorisée. Colette n’oppose pas le monde des animaux et des végétaux à celui des humains. L’amitié et l’amour sont des sentiments placés au centre des Vrilles de la vigne. Les nouvelles « Belles-de-jour », « De quoi est-ce qu’on a l’air ? » et « La guérison » sont entièrement consacrées à la relation de tendresse amicale qui unit la narratrice avec Valentine. Les conversations sont profondes et les deux amies s’attendent avec impatience. Dans d’autres nouvelles, la narratrice raconte aussi ce qui l’unit à Marthe, Maggie ou le Silencieux. Là encore, les amitiés se nouent lors des sorties dans la nature, où l’humour et l’insouciance se manifestent. Il y a fort à parier que c’est cette relation de confiance dans un groupe que recherche ensuite Colette quand elle devient comédienne. La vie de troupe est une vie collective, qui suppose la promiscuité et les compromis. Une telle existence nomade implique des situations amusantes et des aventures cocasses que Colette s’efforce de mettre en avant. Dans « Music-halls », les amitiés, bien que brèves, sont intenses et inoubliables. Sur un schéma comparable, Colette raconte ses aventures amoureuses. Elle décrit des histoires brèves, mais tendres et sensuelles, ou des passions plus durables. La simple description d’un lit dans « Nuit blanche » suffit à rendre compte des voluptés de l’amour et de l’importance qu’elles prirent dans l’existence de celle qui écrit.
Tous ces éléments font des œuvres de Colette des célébrations revendiquées des beautés du monde, qu’elles soient naturelles ou sociales. Elle use d’un vocabulaire extrêmement précis pour rendre hommage à la nature qui a bercé son enfance. Elle s’exprime presque en scientifique, plus précisément en naturaliste ou en botaniste, pour restituer les splendeurs de la végétation dans laquelle elle a grandi. Ce n’est pas sans ironie qu’elle dénigre les paysages marins dans « Jour gris ». En réalité, elle ne cherche pas vraiment à dévaloriser les beautés des rivages, mais à insister sur les splendeurs de son « pays » d’origine : l’Yonne. Le « parfum des bois » et l’odeur des herbes coupées l’émeuvent beaucoup plus que les senteurs de l’iode et l’étendue de la vaste mer. Son jardin familial est un coffre au trésor dans lequel se retrouvent mille variétés de sensations. Pour rendre compte de cette diversité, Colette recourt à des synesthésies, c’est-à-dire à des mélanges de perceptions, à des unions de sens. Une couleur lui rappelle un parfum, un parfum lui évoque un paysage, etc. En réveillant ainsi ses propres souvenirs de bonheur, elle espère réveiller les souvenirs heureux de ses lecteurs. La beauté du monde apparaît comme un réconfort face à la dureté de certaines épreuves. Un peu comme chez Jean Giono, qui célèbre dans Que ma joie demeure les splendeurs d’une nature éternelle s’opposant à une vie agricole pleine de rudesses.

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Raconter le texte :
Au-delà des indispensables citations qui doivent rythmer votre dissertation, vous devez impérativement faire référence à des épisodes précis de l’œuvre étudiée. Il ne faut pas passer trop de temps à raconter ces épisodes, sinon vous tombez dans la paraphrase, et il ne faut pas non plus les raconter sans les commenter. C’est un équilibre subtil à trouver.

Révéler des blessures intimes

Étrange vision du monde que celle qui n’y voit qu’« ordre et beauté,/ luxe, calme et volupté », pour reprendre les vers célèbres de Baudelaire dans L’invitation au voyage. En tous cas, difficile à croire que ce soit une vision réaliste du monde. Or, chez Colette, le bonheur ne va pas sans révéler, ici et là, des blessures personnelles, des échecs, des traumatismes d’enfant. La raison même pour laquelle Colette écrit Sido est un aveu de souffrance : elle souhaite se souvenir d’une mère disparue il y a quinze ans. Comme elle l’explique dans « Les Sauvages », sa démarche d’écriture témoigne d’une volonté de raviver un bonheur qui semble perdu, évanoui ou au moins défaillant. Elle cherche donc à « posséder les secrets d’un être à jamais dissous », c’est-à-dire, ici, sa mère. La sève des plantes qui entourent son enfance n’évoque pas seulement une jeunesse insouciante car dans « Jour gris », les plantes sont aussi ses « racines qui saignent ». Il faut donc percer, derrière le voile de paix et de douceur, les secrets d’un être qui a souffert.
La technique d’autrice qu’emploie Colette pour dire ces failles, c’est de différer les paroles qui rapportent ses propres douleurs. Au lieu de dire directement ce qui a pu la faire souffrir par le passé, elle fait parler les animaux qu’elle met en scène. Par exemple, Toby-Chien, quand il s’adresse à Kiki-la-Doucette, c’est pour lui confier les paroles de sa maîtresse. Et quelles paroles ! Elle exprime de nombreuses frustrations, une impossibilité à se sentir elle-même, un besoin criant de liberté. Une société figée, pleine de principes et de conventions, a longtemps empêché Colette de vivre sa vie d’artiste et ses amours bisexuels. Comment ne pas voir dans ses écrits sur la nature une façon de se tenir en retrait de cette violence sociale ? Toby l’entend dire : « Je veux écrire des livres tristes et chastes, où il n’y aura que des paysages, des fleurs, du chagrin… ». Le dernier terme est très fort, car le chagrin est une tristesse profonde, ancrée, et non pas un vague malheur.
Derrière la joliesse du terme « vrilles » qui compose le titre du recueil de Colette peut se lire la métaphore de la prison. Comme dans le texte qui ouvre le livre, les vrilles enserrent le rossignol, le tiennent serré et l’empêchent de s’enfuir. Le lecteur peut comprendre que ces vrilles sont les bras de Willy, l’époux de Colette, qui l’a si souvent retenue, empêchée de se faire connaître. Mari jaloux, brutal, qui se servi du talent littéraire de Colette pour se faire connaitre, Willy est la source principale du sentiment d’étouffement dont témoigne Colette et qui lui fait écrire : « Je voudrais dire […] tout ce qui m’enchante et me blesse ». Les portraits qu’elle fait des autres, comme ceux qu’elle brosse d’elle-même, sont donc tout en ambiguïté. Il ne s’agit pas d’idéaliser sa mère par exemple, mais plutôt de restituer l’image qu’elle en eut lorsqu’elle était petite fille. En l’occurrence, si elle l’a fasciné, elle lui faisait aussi peur parfois, et reconnaît qu’elle pouvait être autoritaire. Pour ce qui est des personnages plus secondaires, comme son père qu’elle a mal connu, elle tente également de rendre compte de leurs failles. Si elle met en avant les qualités de son père, elle n’hésite pas à souligner ses frustrations, comme l’échec de sa carrière littéraire. De manière comparable, elle affiche de l’affection autant que de la pitié pour son frère Léo qui ne semble pas avoir su s’extraire de son enfance. Raconter le destin de chacun de ses proches revient à rendre compte de la complexité de chaque être humain. La Promesse de l’aube de Romain Gary, autre récit laudatif [rappel : élogieux] sur la figure maternelle, montre pareillement les imperfections des êtres qui entourent le narrateur, et en premier lieu celles de sa mère.

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Les répétitions :
Il n’est pas inutile de répéter dans plusieurs paragraphes l’idée centrale de la partie. Mais il faut faire attention à ne pas perdre le fil du paragraphe et à ne surtout pas répéter une information parce qu’on n’a, en réalité, plus rien à dire. Ce rappel de l’information est en fait un moyen de montrer que l’on donne de solides illustrations de celle-ci.

Dépasser les souffrances par l’écriture

Par la manière dont elle ressuscite le passé, avec ses lumières et ses ombres, Colette fait de l’écriture un acte magique, un geste de renaissance. Dès lors, le but n’est pas de valoriser un aspect mélioratif ou péjoratif du monde, mais de dévoiler ses différentes facettes. Le lyrisme est le moyen poétique par lequel Colette ravive son enfance perdue et s’exalte de ce qui, parfois, se révèle avoir été un véritable paradis. Dans « Le dernier feu », elle reconnaît qu’elle « crée ce qui lui manque », animée qu’elle est par une douce nostalgie, parfois vivifiante, parfois mélancolique. L’emploi du discours direct ne fait que renforcer cette nostalgie, car en faisant parler directement les personnages de son passé, tout devient comme s’ils revenaient à la vie, prenaient la parole et entraient en dialogue avec elle. Rapporter au discours direct les phrases sans tact de Sido, bien que cela soit sûrement douloureux pour Colette, restitue bien sa présence : « Mais que tu as donc l’air bête aujourd’hui, ma fille ! ». Dès lors, il apparaît clairement que célébrer le monde, dans Sido comme dans Les Vrilles de la vigne, revient à s’émerveiller de ce qui fut, que ce soit dans le bien ou dans le mal. La description de la forêt de Crécy rend compte de la joie et de la douleur qu’il y a à se souvenir d’un temps que nous avons perdu. Parcourant les bois, la narratrice s’exclame : « Un ancien moi-même se dresse, tressaille d’une triste allégresse […] ». L’antithèse finale est hautement révélatrice : « triste allégresse », voilà bien une façon de dire à quel point il est possible de trouver de la joie dans la peine. Toujours est-il que l’écriture n’a pas les moyens de faire réellement revenir à la vie ce qui fut. Colette en est consciente, et préfère insister sur ce qui, dans son enfance, l’a le plus marqué. En l’occurrence, il s’agit de sa mère, qu’elle déifie. Elle explique à son lecteur qu’elle la __« chante », comme autrefois les grecs racontaient les exploits de leurs héros et de leurs dieux à travers des épopées mémorables. De fait, Sido apparait en plusieurs endroit comme l’alpha et l’oméga de tout un univers. Par exemple, quand elle est debout au centre de son jardin, elle passe pour le point central de toute chose, là d’où partent tous les points cardinaux. Ainsi Colette admet qu’elle se trompe peut-être dans le portrait qu’elle fait de Sido, mais ses erreurs sont pleinement assumées. Ce qui compte, ce n’est pas le petit fait vrai, mais l’émotion juste. Elle cherche surtout à expliquer en quoi sa mère était et reste la source majeure de son inspiration d’auteure.
De ces considérations poétiques et biographiques se déploient toute la portée philosophique de Sido et des Vrilles de la vigne. L’élégie familiale laisse la place à une méditation sur le temps qui passe. Au-delà de sa propre enfance, Colette pousse à réfléchir sur ce qui fait la nature même de l’enfance en général. Un texte aussi mélancolique que « Jour gris » ne se referme pas sur une évocation mélancolique du passé. Au présent, la narratrice se dépeint partant avec Missy pour ramasser des coquillages. L’idée que le temps ne s’arrête pas, et qu’aujourd’hui est aussi précieux qu’hier, traverse ce récit. D’une manière qui peut sembler paradoxale, ce sont peut-être les vicissitudes [rappel : aléas, fluctuations de la vie] d’hier qui sont présentées comme des clés pour être heureuse maintenant. En effet, la conclusion de la nouvelle « Les Vrilles de la vigne » semble sous-entendre que Colette a fini par accepter ses douleurs, et qu’elle peut maintenant les dépasser, notamment par l’écriture. Parce qu’elle a été prisonnière de sa mère puis de son époux, elle a réussi à trouver sa voie. Ce n’est pas qu’elle valorise l’emprise que certains êtres aimés peuvent avoir sur d’autres, mais elle cherche à prouver qu’il n’est jamais trop tard pour prendre sa vie en mains et pour se libérer de ses chaînes. L’écriture a été pour elle le facteur de sa libération, sa « guérison », le processus par lequel elle a pu lâcher des « larmes bienfaisantes ». Une telle vision de la littérature comme guérison est largement partagée dans la littérature. Par exemple, Albert Cohen dans Le Livre de ma mère fait revenir sa mère d’entre les morts et, malgré le chagrin, y voit sa seule « consolation ».

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La neutralité :
La dissertation est un exercice de présentation et de commentaire. Il faut avoir du recul sur l’œuvre et sur les points de vue défendus. Cela implique de ne pas donner son opinion de manière trop subjective : il faut tendre à l’objectivité. Certes, on peut s’émouvoir de ce qu’il y a dans une œuvre, mais il faut sans arrêt remettre cette émotion en perspective avec un contexte historique ou stylistique. N’oubliez pas que l’objectif principal est de répondre à la problématique.

Conclusion :

L’exploration de deux œuvres de Collette, Sido et Les Vrilles de la vigne, permet de saisir ce que signifie célébrer le monde, dans le domaine des arts et particulièrement en littérature. Cela ne revient pas nécessairement à faire un éloge aveugle de la beauté et des joies de ce qui nous entoure. Certes, Colette décrit ses bonheurs d’enfant et propose un portrait magnifié de sa mère, mais elle ne cache rien de ses blessures et des difficultés qu’elle a eu à s’émanciper de son enfance. Dès lors, la célébration passe plutôt pour une sorte de régénération par l’écriture. Chez Colette, cela revient à dire que douleur et joie sont mêlées et que ce mélange fait la richesse et l’intérêt de l’existence. Son œuvre s’ancre donc dans deux traditions littéraires au minimum. La première consiste à raconter son enfance et à décrire les membres de sa famille, et la seconde cultive l’art de la description lyrique de la nature. Ces deux démarches relèvent d’une même volonté d’universalité, puisqu’il s’agit de réfléchir à la place de l’individu dans le monde. Mais n’est-ce pas là l’enjeu de toutes les formes d’autobiographies ?