Corrigé Bac
Sujet bac – annale géopolitique – 2024 jour 2 – centres étrangers groupe 2 – corrigé – dissertation 2

Sujet bac : annale – groupe 2 jour 2 – 2024

BACCALAURÉAT GÉNÉRAL

SESSION 2024 – centre étranger groupe 2 – jour 2

HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE et SCIENCES POLITIQUES

Durée de l’épreuve : 4 heures

L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Dissertation 2

Sujet – Juger à différentes échelles depuis 1945 pour reconstruire les sociétés après les conflits.

Introduction :

Le 29 novembre 2017, Slobodan Praljak, ancien officier des forces armées croates de Bosnie, s’est suicidé en avalant du poison en pleine audience du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye, alors qu’il venait d’être condamné pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Cet exemple dramatique s’inscrit dans la multiplication des procès pour crimes de guerre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en particulier depuis la fin de la guerre froide, avec le développement d’une justice pénale internationale à toutes les échelles.
En effet, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés, confrontés aux crimes perpétrés par les forces de l’Axe, développèrent la justice pénale internationale avec les procès de Nuremberg (1945-1946) et de Tokyo (1946-1948).

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Astuce

La date de 1945 correspond à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans le contexte du sujet, elle fait donc référence au jugement des principaux responsables des crimes de guerre nazis et japonais dans l’immédiat après-guerre.

Face à la complexité des crimes à juger et au nombre hors du commun de victimes (notamment dans le cas des génocides) et d’accusés, une justice d’exception se met en place, tant à l’échelle locale qu’à l’échelle internationale, afin de juger les crimes commis à grande échelle, comme au Rwanda ou dans les Balkans après la fin de la guerre froide.

Dès lors, nous pouvons nous demander comment la justice s’est organisée aux échelles nationales et internationales afin de reconstruire les sociétés après la survenance de conflits ?
C’est pourquoi nous verrons d’abord la construction de la justice pénale internationale, avant de nous intéresser à la constitution de tribunaux d’exception à l’échelle locale afin d’apaiser des sociétés déchirées par la guerre. Enfin, nous évoquerons les limites de la justice à l’échelle internationale.

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Astuce

Le sujet invite à s’intéresser au développement de la justice pénale internationale et des tribunaux d’exception. Pour en rendre compte complètement, il convient donc de vous intéresser également aux limites de cette justice pénale internationale.

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Attention

Pour vous aider à visualiser le corrigé, nous allons mettre des titres aux différentes parties : vous ne devez bien sûr pas les écrire sur votre copie le jour de l’épreuve, mais vous pouvez les noter sur votre brouillon pour vous aider à structurer vos idées (travail sur le plan détaillé de votre rédaction).

La justice pénale internationale face aux crimes de masse

La justice pénale internationale est née à la fin de la Seconde Guerre mondiale afin de juger les responsables des crimes de masse commis par les nazis et les militaires japonais. Des institutions judiciaires exceptionnelles (qui deviendront permanentes en 2002 avec la création de la Cour pénale internationale) sont créées. C’est ainsi qu’une partie des responsables de la Shoah sont jugés lors des procès de Nuremberg (1945-1946), tandis que de hauts dignitaires Japonais sont condamnés pour leur responsabilité dans les crimes de masse commis par l’armée japonaise en Chine et en Corée lors des procès de Tokyo (1946-1948).
Néanmoins, l’affrontement entre les États-Unis et l’URSS lors de la guerre froide (1947-1991) va limiter le développement de la justice pénale internationale et il faudra attendre son issue afin qu’elle se développe pleinement. Par exemple, les dirigeants du gouvernement des Khmers rouges, responsables de la mort de plus de 2 millions de cambodgiens entre 1975 et 1979 ne seront poursuivis par un tribunal spécial instauré par l’ONU et le gouvernement cambodgien qu’à partir de 2011, soit plus de 30 ans plus tard.
La constitution d’une justice pénale internationale va connaître une importante avancée avec la guerre en ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995. En 1993, l’ONU décide de créer un tribunal spécial à La Haye, le Tribunal pénal international, afin de juger les crimes contre l’humanité commis pendant cette guerre. On peut par exemple citer le massacre de Srebrenica en 1995 (durant la guerre de Bosnie-Herzégovine), au cours duquel l’armée serbe de Bosnie, placée sous le commandement de Ratko Mladić, exécuta plus de 8 000 bosniaques. Ce Tribunal pénal international est ainsi formé de juges internationaux qui enquêtent sur les violations du droit international. Si les procès ne commencèrent qu’en 1996 et si l’administration de la justice fut lente, ils furent une étape fondamentale dans la mise en place de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002. Cette juridiction universelle et permanente dépendant de l’ONU est compétente pour juger les crimes contre l’humanité et les génocides. Cependant, elle ne peut exercer sa juridiction qu’à la condition où le système judiciaire de l’État concerné s’avère incapable ou refuse de juger les crimes internationaux perpétrés sur son territoire.

La mise en place de tribunaux d’exception à l’échelle locale

Dans le contexte des crimes de masse, le nombre d’accusés et de victimes est tel et les faits jugés sont tellement complexes qu’ils nécessitent d’être jugés à plusieurs échelles, dont l’échelle locale ou nationale. C’est notamment le cas avec le génocide au Rwanda.
En 1994, dans un contexte d’importantes tensions entre les deux ethnies majoritaires du pays, les Hutus et les Tutsis, l’avion du président hutu du Rwanda, Juvénal Habyarimana, est abattu par un missile. Cet événement sert de déclencheur au génocide de la minorité tutsie par la majorité hutue. Entre le 7 avril 1994 et le 17 juillet de la même année, entre 800 000 et 1 million de Tutsis, hommes, femmes et enfants, soit les trois quarts de la population tutsie présente à l’intérieur du pays, sont massacrés, principalement à la machette, avec le soutien du gouvernement.

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Astuce

La constitution de tribunaux d’exception est liée à un contexte historique bien particulier qu’il est nécessaire d’exposer avec précision dans votre dissertation.

Dès novembre 1994, un Tribunal pénal international pour le Rwanda est instauré par l’ONU pour juger les responsables du génocide. Cependant, les victimes du génocide estiment que l’action du TPI a été insuffisante. Confronté à un nombre très important d’accusés (plus de 2 millions), le Rwanda réactive des juridictions coutumières pour juger les génocidaires et leurs complices : les gacaca. À l’origine destinées à juger publiquement des conflits locaux, voire de voisinage, et permettant à toute personne présente de prendre la parole, ces institutions coutumières vont permettre de juger rapidement les plus de 2 millions de Rwandais suspectés d’avoir participé au génocide des Tutsis.
Les gacacane visent pas seulement à condamner les coupables, mais plutôt à obtenir réparation pour les victimes et à découvrir et révéler publiquement la vérité sur les crimes qui ont été commis. Parmi les réparations possibles, la justice traditionnelle peut imposer des dédommagements financiers, la restitution de biens dérobés ou la reconnaissance et la commémoration des violences subies par les victimes.
Les gacaca ne sont pas un exemple isolé. Par exemple, en 1995, Nelson Mandela a instauré des commissions « vérité et réconciliation » en Afrique du Sud afin de faciliter le processus de transition démocratique après la fin du régime de l’Apartheid. Leur objectif était de permettre une réconciliation nationale entre victimes et auteurs de crimes. En échange de l’immunité, ces derniers devaient révéler publiquement l’ensemble des crimes dont ils s’étaient rendus coupables ou auxquels ils avaient participé. Il s’agit donc de permettre aux victimes de construire une mémoire de leurs souffrances. Ce modèle a été étendu à de nombreux pays, notamment en Amérique du Sud, afin de permettre la reconstruction de sociétés déchirées par des conflits.

Les limites de la justice internationale

Les objectifs de la justice pénale internationale sont d’œuvrer en faveur de la paix, de préserver la stabilité des sociétés impactées par la guerre ou les crimes de masse et de lutter contre l’impunité des criminels de guerre. Cependant, cette justice n’est pas exempte de limites.
Tout d’abord, la lenteur de sa mise en œuvre jette parfois le discrédit sur elle. Par exemple, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a achevé ses travaux en 2017, soit 25 ans après le début des crimes commis en ex-Yougoslavie.
Cette lenteur est aussi renforcée par les difficultés à arrêter les fugitifs pour pouvoir les traduire en justice. Par exemple, Félicien Kabuga, homme d’affaire rwandais inculpé en 1997 pour sa participation au génocide des Tutsis, n’a été arrêté qu’en 2020, en France, au terme d’une très longue cavale. D’un âge avancé, il est finalement déclaré inapte à être jugé en 2023.
De plus, la justice internationale peine à s’imposer aux États. Sur ce sujet, l’exemple de la guerre en Ukraine est emblématique. En effet, en mars 2023 la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine soupçonné d’avoir ordonné la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie. Cependant, la Russie a jugé ce mandat nul et non avenu et sa seule conséquence concrète est qu’il limite la liberté de déplacement du dirigeant russe dans le monde.
La justice internationale est également parfois accusée de partialité et assimilée à une « justice des vainqueurs ». Cette accusation est souvent soulevée par les accusés, comme ce fut le cas lors du premier procès de Nuremberg. De même, on peut questionner la légitimité d’interventions extérieures dans des États souverains. Pour justifier ces interventions, les puissances occidentales ont développé la notion de « droit d’ingérence humanitaire ». Néanmoins, cette notion a été rapidement dévoyée pour justifier des interventions militaires hors de toute légalité internationale, comme lors de l’invasion de l’Irak par une coalition menée par les États-Unis en 2003 au mépris de l’opposition exprimée par la communauté internationale et du véto de la France devant le conseil de sécurité de l’ONU.

Conclusion :

Après le traumatisme de la Shoah, une justice pénale internationale a été mise en place sous l’égide de l’ONU. Si la guerre froide a ralenti son développement, elle a connu un essor à partir de 1993 avec la mise en place du Tribunal spécial de La Haye en 1993. Cependant, à la suite du génocide au Rwanda, ce seul échelon international est apparu insuffisant. Des tribunaux d’exception ont été créés aux niveaux national et local comme les gacaca au Rwanda. Participant de la justice transitionnelle, ces tribunaux ont pour mission de donner la parole aux victimes et de faire émerger la vérité sur les crimes commis. Il s’agit donc de concilier réparation des crimes commis et apaisement de sociétés déchirées par les conflits.
Cependant, ces deux objectifs sont difficiles à concilier et le fait que des pays comme la Russie ne reconnaissent pas la compétence des juridictions pénales internationales est une limite importante à l’exercice du droit international. Par exemple, le président syrien déchu Bachar al-Assad, accusé d’avoir commis des crimes de masse, s’est réfugié en Russie en décembre 2024 afin d’échapper à toute poursuite.

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