Corrigé Bac
Sujet bac – annale géopolitique – 2024 jour 2 – centres étrangers groupe 2 – corrigé – étude de documents

Sujet bac : annale – groupe 2 jour 2 – 2024

BACCALAURÉAT GÉNÉRAL

SESSION 2024 – centre étranger groupe 2 – jour 2

HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE et SCIENCES POLITIQUES

Durée de l’épreuve : 4 heures

L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Étude critique de documents en histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques

Les États-Unis et la question environnementale

En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, expliquez le rapport des États-Unis à l’environnement depuis le XIXe siècle.

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Astuce

Remarque préliminaire :

Dans une étude critique de documents, il est indispensable de confronter les documents proposés et de mettre en évidence leur intérêt historique.
Ici, cette confrontation met en évidence le paradoxe américain sur la question environnementale.

Introduction :

Le document 1 est une huile sur toile de 1872 du peintre et lithographe américain John Gast intitulée American progress, aujourd’hui conservée au Autry Museum of the American West de Los Angeles. Unique toile de John Gast, davantage connu pour ses lithographies, ce tableau, véritable allégorie de la doctrine de la « destinée manifeste », offre une vision idéalisée de la conquête de l’Ouest mettant en scène Columbia, personnage divin personnifiant les États-Unis.
Le document 2 est un extrait d’une interview accordée par l’universitaire et directeur de l’IRIS Francis Perrin à TV5 Monde le 11 août 2022. L’interview porte sur les points environnementaux importants du plan anti-inflation du président américain Joe Biden (2021-2025) et sur ses limites.
L’intérêt de ces deux documents est de témoigner du rapport de la société américaine avec son environnement entre le XIXe siècle et le XXIe siècle. La confrontation de ces deux documents doit donc permettre de saisir les permanences et les ruptures dans le rapport des États-Unis à l’environnement.

Dans quelle mesure peut-on qualifier le rapport des États-Unis à leur environnement de paradoxal depuis le XIXe siècle ?
Nous verrons que les États-Unis ont construit leur puissance économique sur la transformation et l’exploitation de leur environnement, tout en étant pionniers dans la préservation de l’environnement.

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Astuce

Bien que les deux documents soient de natures différentes et qu’ils concernent également des époques différentes, il apparaît intéressant de ne pas dissocier leur analyse. Il faudrait donc aborder les deux documents dans chacune de vos parties.

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Attention

Pour vous aider à visualiser le corrigé, nous allons mettre des titres aux différentes parties : vous ne devez bien sûr pas les écrire sur votre copie le jour de l’épreuve, mais vous pouvez les noter sur votre brouillon pour vous aider à structurer vos idées (travail sur le plan détaillé de votre rédaction).

Une puissance économique construite sur la transformation et l’exploitation de l’environnement

Dès le XIXe siècle, la puissance économique américaine s’est construite sur la transformation et la surexploitation de l’environnement. Dans la seconde partie de ce siècle, le gouvernement américain a encouragé la conquête de l’Ouest, processus de colonisation de l’immense territoire qui s’étend entre le Mississipi et l’océan Pacifique par des populations essentiellement d’origine européenne. Cette conquête s’est faite au détriment des populations amérindiennes qui ont été décimées ou chassées de leurs terres ancestrales par les pionniers et l’armée américaine. C’est ce processus de colonisation dont la toile de Gast fait la promotion.
En effet, sur cette toile, on aperçoit les pionniers qui ont franchi le fleuve Mississipi (visible à l’arrière-plan à droite). Ils exploitent l’environnement en construisant le chemin de fer transcontinental et en cultivant les grandes plaines, tandis que des mineurs, attirés par la ruée vers l’or en Californie, repoussent les Amérindiens et les animaux sauvages toujours plus loin à l’ouest. Au centre du tableau, marchant au milieu des pionniers, se tient Columbia, angélique jeune femme personnifiant les États-Unis, tenant dans ses mains les fils du télégraphe et un livre, symboles de la connaissance et du progrès. Le clair-obscur employé par l’artiste, qui met en valeur les pionniers, démontre bien son engagement en faveur de la conquête de l’Ouest associée à une mission civilisatrice. Il s’agit de l’illustration de la doctrine de la « destinée manifeste », apparue au XIXe siècle aux États-Unis, selon laquelle ces derniers ont pour mission divine de porter la civilisation vers l’ouest.

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Astuce

Pensez à décrire les documents iconographiques avec précision et à les relier, le cas échéant, aux notions en lien avec la thématique de l’étude de documents.
Ici, l’idée de « destinée manifeste » est un point important de la construction des États-Unis pour comprendre leur rapport à leur territoire.

Dès lors, le gouvernement américain va légitimer et encourager la colonisation de l’Ouest américain et la surexploitation de ses ressources, ce qui permet aux États-Unis d’affirmer leur puissance économique au cours de la période de la « Marche en avant » entre 1879 et 1917. Cette période se caractérise par une forte croissance démographique (du fait de l’immigration), une importante appropriation des terres autrefois sauvages ou occupées par les peuples autochtones et une accélération de l’industrialisation. Ainsi, entre le début du XIXe siècle et 1885, les hardes de bisons, que l’on voit représentées à l’arrière-plan du tableau à droite, fortes de 70 millions de têtes au départ, ne comptaient plus que 300 individus, notamment en raison de la chasse effrénée dont elles furent victimes. Dans le même temps, les écosystèmes ont été mis à mal par la déforestation et par la pollution des cours d’eau et des sols, due à l’exploitation pétrolière et minière notamment. On constate que la nature est perçue sous l’angle des ressources qu’elle a à offrir et qui sont exploitées sans grand ménagement par les colons américains.

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Astuce

Éclairez le sens des documents à l’aide d’exemples précis issus de vos connaissances. Évitez à tout prix les approximations !
Ici, on mobilise des exemples chiffrés qui permettent de montrer la pression humaine exercée sur les animaux sauvages.

Plus d’un siècle plus tard, le plan présenté par le président Joe Biden pour protéger l’environnement aux États-Unis ne renie pas fondamentalement la doctrine de la « destinée manifeste ». Dans l’interview qu’il a accordé à TV5 Monde sur ce sujet, Francis Perrin souligne notamment que « la question des hydrocarbures de schiste est en dehors du domaine d’application de ce projet ». Or, l’extraction des gaz de schiste et du pétrole des sables bitumeux est une activité particulièrement polluante et constitue l’une des plus grandes menaces pour l’environnement aux États-Unis. Ce constat illustre le paradoxe des États Unis sur leur rapport à l’environnement.

Le paradoxe d’un pays pionnier dans la préservation de l’environnement

Si les États-Unis se sont construits en tant que nation et en tant que puissance économique grâce à la surexploitation de leur environnement, ils ont aussi été, dès le XIXe siècle, pionniers dans sa préservation. Ainsi, le président américain Ulysse Grant créa le parc national de Yellow Stone en 1872. La toile de Gast illustre parfaitement ce paradoxe. Si elle célèbre la conquête de l’Ouest par les pionniers, elle sublime également la nature sauvage avec les hardes de bisons qui parcourent les grandes plaines sauvages et les montagnes enneigées visibles à l’arrière-plan.

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Astuce

Le « piège » de cette étude de documents est que les deux documents qu’elle présente paraissent de prime abord antagonistes. Or, l’idéologie qui les anime n’est pas si éloignée. Le thème de la frontière à conquérir a autant imprégné l’imaginaire des démocrates que des républicains. Cette proximité idéologique est perceptible sur d’autres thèmes, tels que celui de la conquête spatiale.

Le plan de Joe Biden présenté dans le document 2 s’inscrit en partie également dans la vision traditionnelle de préservation de l’environnement initiée dès le XIXe siècle par les présidents américains avec la création des parcs nationaux. Le projet porté par le président Biden prévoit notamment de protéger les forêts anciennes.
Mais il est important de s’intéresser aux motivations réelles ayant mené les États-Unis à mettre en place des politiques de préservation de l’environnement. En effet, au début du XXe siècle, si le président Roosevelt développe une politique de protection des forêts par exemple, ce n’est pas tant pour l’enjeu écologique et la préservation des écosystèmes en eux-mêmes, mais pour éviter d’épuiser prématurément des ressources naturelles économiquement essentielles pour le pays. Aujourd’hui, parallèlement à cette visée utilitariste, une réelle préoccupation pour l’environnement en lui-même s’exprime, appuyée notamment par les mouvements écologistes (nés aux États-Unis) et les travaux des scientifiques qui alertent sur l’urgence de prendre soin de l’environnement (biodiversité, milieux, climat…). Mais le plan de Joe Biden ne rompt pas fondamentalement avec la vision d’exploitation de l’environnement présente dans le tableau de Gast. Par exemple, il ne remet pas en cause les permis d’exploration et d’exploitation accordés par son prédécesseur Donald Trump à des compagnies pétrolières dans des zones protégées, comme en Alaska. Le plan initié par le président Biden vise à « réduire les émissions de gaz à effet de serre américaines de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 2005 ». Pour Biden, il s’agit donc de tenir les engagements américains pris par Barack Obama en 2016 lors de l’accord de Paris dont Donald Trump s’était retiré en 2017. Néanmoins, pour y parvenir, l’administration Biden n’entend pas sanctionner les industries énergétiques américaines ni limiter la consommation d’énergie des États-Unis. Ces mesures en faveur de l’environnement, présentées dans une loi de lutte contre l’inflation (augmentation des prix), consistent davantage en une incitation envers les industriels et les particuliers à adopter des sources d’énergie moins polluantes, sans pour autant renoncer à leur mode de vie basé sur la surconsommation. Dans le détail, le plan Biden prévoit notamment « 60 milliards de dollars [d’aides de l’État fédéral] pour la construction d’éoliennes, panneaux solaires et véhicules électriques aux États-Unis ». Il s’agit donc d’accompagner la transition de l’économie américaine vers une énergie moins polluante, mais toujours basée sur l’exploitation de l’environnement et des ressources du territoire américain. Ce soutien « à l’innovation et aux acteurs économiques » dans le domaine du capitalisme vert vise avant tout à soutenir la croissance de l’économie américaine.

Conclusion :

Depuis le XIXe siècle, le rapport que les États-Unis entretiennent avec l’environnement est paradoxal. En effet, la doctrine de la « destinée manifeste », élaborée dans le contexte de la conquête de l’Ouest, a durablement imprégné l’imaginaire américain. Fondée sur la croyance en des ressources naturelles inépuisables destinées à soutenir la croissance économique américaine, elle a permis aux États-Unis de s’affirmer comme la première puissance mondiale au siècle suivant. Paradoxalement, en sublimant une nature sauvage, les représentants de cette doctrine, comme Gast, ont aussi été à l’origine d’une volonté de préservation de certains espaces naturels remarquables, avec la création des parcs nationaux. Confrontés au réchauffement climatique, les États-Unis n’ont pas véritablement rompu avec cette vision, comme en témoigne le plan Biden qui incite les entreprises et les citoyens américains à une transition massive vers les énergies vertes, sans pour autant condamner l’exploitation gazière et pétrolière ou réduire leur consommation énergétique.
Donald Trump, réélu pour un nouveau mandat présidentiel en novembre 2024 pourra donc facilement tenir sa promesse d’autoriser les compagnies américaines à exploiter davantage encore les gisements de pétrole bitumeux et de gaz de schiste du territoire américain, rendant l’équilibre entre préservation et exploitation de l’environnement aux États-Unis encore plus précaire.

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