Corrigé Bac
Sujet bac – annale géopolitique – 21 mars 2023 – corrigé – étude critique de documents

Sujet bac : annale 21 mars 2023

Étude critique de documents en histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques

Les sociétés face au changement climatique

En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez la permanence et les ruptures dans les relations que les sociétés entretiennent avec les milieux dans lesquels elles vivent.

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Remarques préliminaires :

Extrait du Bulletin officiel spécial n° 2 du 13 février 2020 sur l’épreuve d’étude critique de documents.
Pour traiter le sujet, le candidat :

  • analyse de manière critique les documents en prenant appui sur la consigne et élabore une problématique ;
  • rédige une introduction comportant une problématique ;
  • organise son propos en plusieurs paragraphes ;
  • rédige une conclusion qui comporte une réponse à la problématique.

Attention, il est nécessaire :

  • d’analyser les documents le plus précisément possible ;
  • de porter un regard critique sur les documents ;
  • de différencier l’explicite et l’implicite ;
  • d’apporter vos connaissances personnelles permettant de montrer les limites des documents.

Introduction :

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L’introduction comprend 4 parties :

  • L’accroche : il s’agit d’amener le sujet en donnant envie au correcteur de lire la copie, une manière de lancer l’hameçon. Le choix se porte sur les travaux de l’historien français du climat, Emmanuel Le Roy Ladurie, ce qui permet de donner un cadre historique au sujet.
  • La confrontation des documents et la définition du sujet : c’est-à-dire, la définition des termes du sujet mais aussi l’éclairage du sujet proposé par les documents.
  • La problématique : construire une problématique à partir du libellé du sujet et des documents proposés.
  • L’annonce du plan (les points autour desquels s’organise l’argumentation) : il s’agit de proposer une argumentation montrant les complémentarités et les différences entre les deux documents permettant de répondre au sujet.

Les travaux de l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie montrent qu’il existe une histoire du climat sur la longue durée, avant et après le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre produites par les activités humaines, un de ses ouvrages les plus célèbres ayant pour titre L’histoire du climat depuis l’an 1000, publié en 1967, puis dans Histoire humaine et comparée du climat dont le dernier volume est paru en 2009.
Les documents à confronter portent tous deux sur une réflexion concernant le changement climatique naturel et anthropique et les solutions à mettre en place à deux époques différentes. Le premier document est une circulaire officielle, datant d’avril 1821, c’est-à-dire avant l’industrialisation, qui évoque dans le deuxième paragraphe « montagnes », « forêts » et « campagnes », donc plutôt des milieux ruraux. Le deuxième document, datant de 2019, est une illustration extraite du rapport annuel de C40 Cities, donc centrée sur les milieux urbains. Cette organisation rassemble un réseau d’une centaine de grandes villes engagées pour faire face à la crise climatique. Elle est créée en 2005 par le maire de Londres à l’époque, Ken Livingstone.
Le sujet nous amène donc à inscrire le changement climatique dans le temps beaucoup plus long de l’histoire générale du climat, entre rupture et continuité, mais aussi d’évoquer des relations dans différents milieux et à différentes échelles. Il faut rappeler que les milieux sont composés de divers éléments constitutifs : physique, biologique, géographique, technique et social. Les sociétés ne sont ni au centre, ni en dehors des milieux. Les milieux reposent, en effet, sur des interactions entre ses diverses composantes et les actions des sociétés humaines.
Comment montrer à la fois les continuités et les évolutions dans les relations que les sociétés entretiennent avec les milieux dans lesquels elles vivent depuis le début du XIXe siècle ?
Nous verrons dans une première partie les questionnements des sociétés qui prennent conscience des conséquences de l’action anthropique entraînant des risques climatiques. La deuxième partie sera consacrée à la recherche de solutions, ou pour le moins, d’une action indispensable des sociétés pour faire face à une évolution des milieux les mettant en difficulté.

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Attention

Pour vous aider à visualiser le corrigé, nous allons mettre des titres aux différentes parties : vous ne devez bien sûr pas les écrire sur votre copie le jour de l’épreuve, mais vous pouvez les noter sur votre brouillon pour vous aider à structurer vos idées.

Questionnement et prise de conscience des sociétés : les conséquences de l’action anthropique entraînant des risques climatiques

Permanence temporelle des préoccupations concernant les variations climatiques et la responsabilité des sociétés

Que ce soit en 1821 ou en 2019, les sociétés sont préoccupées par les variations inhabituelles des conditions climatiques. Dans le document 1, le recul est de « quelques années ». Ce recul faible n’ôte pas toute confusion potentielle entre climat et météorologie. En effet, si l’on prend la définition du climat, il s’agit du temps moyen sur une période de plusieurs décennies, trois décennies en principe d’après l’OMM (Organisation météorologique mondiale).
Les sociétés de l’époque observent des « refroidissements sensibles » qui seraient d’origine naturelle. Ces refroidissements s’accompagnent de risques climatiques – plus précisément atmosphériques avec les « ouragans » et hydrologiques avec les « inondations » – qui peuvent, à n’en pas douter, constituer une menace pour les sociétés dans leurs milieux. Notons qu’une évolution négative est esquissée entre « extraordinaires » et « de plus en plus sujette », et cette aggravation est due à l’action de l’être humain.
Le document 2 montre une préoccupation climatique contemporaine, appelée « dérèglement climatique ». Contrairement à l’expression de « changement climatique », le terme « dérèglement » met l’accent sur l’action de l’être humain et renvoie davantage aux conséquences. Il s’agit des conséquences du réchauffement climatique d’origine anthropique, car attribué aux émissions de gaz à effet de serre engendrées par les activités humaines. Ce réchauffement est très lent, en marche depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, coïncidant avec l’industrialisation. La prise de conscience est assez récente et date des années 1980-1990, mais ce n’est que depuis 2004 que les années les plus chaudes se multiplient et deviennent de plus en plus chaudes. Contrairement aux « refroidissement » du document 1, le réchauffement évoqué par le document 2 est scientifiquement prouvé.

Préoccupation et prise de conscience à diverses échelles

Le document 1, qui émane du ministère de l’Intérieur français, évoque la situation de la France mais aussi de toute l’Europe. Cette circulaire est adressée à tous les préfets leur demandant des observations à l’échelle départementale. L’échelle urbaine n’est absolument pas évoquée. Il faut dire que la France est un pays majoritairement rural en 1821 : à cette époque, à peu près 1 français sur 5 est citadin.

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Pensez à mobiliser de temps en temps, lorsque cela est pertinent, des données chiffrées qui viennent appuyer son argumentation. Ici, la part des Français vivant en ville au XIXe siècle a été vue notamment dans le programme de première, en histoire.

Le document 2, quant à lui, propose une réflexion à deux échelles différentes de celles du premier document. L’échelle mondiale est représentée par ce réseau international composé des plus grandes villes du monde, notamment les villes globales telles qu’elles ont été définies par Saskia Sassen en 1991, à savoir les villes concentrant les principales fonctions de commandement, se trouvant donc au sommet de la hiérarchie urbaine à l’échelle mondiale et jouant un rôle de chef d’orchestre de la mondialisation : New York, Londres et Tokyo. Il faudrait y ajouter Paris, mais aussi des villes globales émergentes de plus en plus nombreuses comme Singapour et Shanghai, qui ont toutes deux, dans le C40, un statut de villes observatrices. Le C40 rassemble une centaine de villes, réparties sur tous les continents, qui ont en commun de contribuer à la lutte contre le changement climatique.
L’autre échelle mobilisée est évidemment l’échelle urbaine, parce que les métropoles sont soucieuses de valoriser leur qualité de vie et leur image. Elles sont en concurrence pour attirer les IDE (investissements directs à l’étrangers) et les cerveaux, à travers la migration du brain drain. Elles peuvent donc promouvoir leur attractivité en mettant en place des stratégies urbaines durables. Alors, si la prise de conscience à l’échelle mondiale est défendue par les COP (Conférences des parties, ou conférences des États signataires) qui se réunissent annuellement pour proposer une réponse globale au changement climatique, elle est aussi animée par les villes du C40.
Il nous faut donc approfondir les solutions et les actions proposées face au changement du climat.

Recherche de solutions et actions indispensables des sociétés pour faire face à une évolution des milieux les mettant en difficulté

Des acteurs et des stratégies politiques

Le rôle de l’État apparait central dans le document 1. En France, au temps de la restauration, le pouvoir politique est centralisé. À cette époque, Siméon est ministre de l’Intérieur et l’administration de chaque département est confiée à un préfet. Siméon propose donc à ses préfets de mener une enquête qui porte sur les conséquences possibles de la déforestation, à savoir des ouragans plus dévastateurs et des inondations.
Il est intéressant de voir les liens entre science et politique : « Je réunirai tous les documents que j’aurai reçus, je les communiquerai à l’Académie des sciences, et mon avis se formera sur ce que vous et elle auront d’abord émis en les motivant. » Le ministre propose en fait une observation empirique, tout en sachant qu’elle nécessite une interprétation scientifique rigoureuse. Il semblerait que l’homme politique ait besoin des avis scientifiques pour légitimer ses choix. Nous avons donc deux types d’acteurs qui semblent travailler de concert.
Le document 2 est beaucoup plus implicite et les acteurs ne sont pas cités. Néanmoins, nous comprenons que les États ne sont pas décisionnels : ce sont les maires des métropoles, qui s’inspirent des travaux du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat). En 2023, le C40 a initié un modèle de co-présidence particulièrement novateur avec deux maires à la tête de l’organisation, le maire de Londres, Sadiq Khan, et la maire de Freetown (Sierra Leone), Yvonne Aki-Sawyerr. Cela signifie que si les villes ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le changement climatique, les villes du Sud, qui sont sévèrement touchées et plus vulnérables, doivent être entendues et participer aux décisions. L’implication des villes du Sud dans l’action climatique montre que les solutions ne peuvent qu’être à caractère inclusif. Le slogan de l’illustration est suffisamment large avec le « nous » pour inclure tous les citoyens dans les actions menées. Les résidents et tous les travailleurs sont partie prenante de la prise de décision.

Des actions indispensables

Au début du XIXe siècle, les actions sont différentes. La question du reboisement de la France, soulevée dans le document 1, aboutit à la création de l’École nationale des eaux et forêts à Nancy en 1824. De plus, le code forestier, qui a pour but de protéger et gérer les forêts françaises, date de 1827. Ce code restreint le droit d’usage des paysans sur les forêts. Ceux-ci étaient privés de la cueillette des baies comestibles, des fruits sauvages et des champignons. Certains habitants se sont même révoltés. Nous voyons bien que dans ce texte, les Français ne participent aucunement aux prises de décisions.
Le document 2 est une illustration à caractère publicitaire avec un slogan optimiste : « Nous avons le pouvoir de faire avancer le monde ». Il serait contre-productif d’être alarmiste et un retour en arrière est considéré comme impossible. Il s’agit donc d’« avancer ». L’illustration donne ainsi une impression de mouvement et une photographie représente deux jeunes femmes à bicyclette. La bicyclette est un symbole de qualité de vie, d’air pur et de santé. En effet, le C40 est favorable à une transition verte qui passe par le développement des déplacements en transports en commun et à vélo. Le C40 suit les préconisations du GIEC qui est une organisation composée à la fois de scientifiques et d’acteurs politiques. Tout doit être mis en œuvre pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C, et cet objectif des 1,5 °C a d’ailleurs été rappelé à la COP28 de Dubaï fin 2023.
Si l’illustration semble caricaturale, il faut cependant souligner les mesures locales concrètes prises dans les grandes métropoles du C40. Yvonne Aki-Sawyerr est particulièrement exemplaire dans ses choix d’aménagement de la ville. Depuis 2019, elle s’est engagée à planter et à faire pousser 1 million d’arbres pour lutter contre les inondations et absorber le dioxyde de carbone. Les stratégies de résilience se multiplient dans les grandes métropoles. La ville de Paris, notamment, se prépare à des canicules extrêmes et organise des exercices de crise intitulés « Paris à 50° » afin de s’adapter aux vagues de chaleur, tout en mettant en place une politique de végétalisation de la ville.

Conclusion :

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La conclusion comprend trois parties :

  • Faire un bilan (et non pas un résumé) : retenir l’essentiel, mais ne pas recopier l’annonce du plan, ce qui n’aurait aucun intérêt.
  • Répondre à la problématique : Montrer que vous avez compris l’enjeu du sujet, la réponse n’est pas toujours tranchée, elle peut être nuancée, entre rupture et continuité dans ce cas.
  • Faire une ouverture : toujours à l’affirmative, sur un sujet qui n’a pas été abordé par les documents et qui mènerait à un approfondissement de la réflexion, ici la décroissance pour lutter contre le réchauffement climatique.

À travers l’étude de deux documents présentant des contextes très différents, nous nous apercevons que les évolutions climatiques et leur impact sur les milieux préoccupent, de tous temps, les sociétés.
Néanmoins, le caractère irréversible du changement climatique apparaît beaucoup moins marqué au début du XIXe siècle que dans notre monde actuel, à tel point que se développe en ce XXIe siècle des formes d’éco-anxiété paralysantes. Entre permanence et rupture, la rupture semble donc l’emporter dans la mesure où le réchauffement climatique actuel est scientifiquement prouvé, même s’il existe toujours des climatosceptiques.
Les documents ne nous permettent pas d’aborder le fait que le réchauffement climatique va de pair avec la croissance économique. Aujourd’hui, le choix du développement durable semble s’imposer à condition d’être accompagné de la croissance. La décroissance soutenable, théorisée dans les années 1970 par le mathématicien et économiste Nicholas Georgescu-Roegen, reste tout à fait marginale dans la réflexion sur le climat. Néanmoins, des citoyens de plus en plus nombreux sont en quête de sobriété heureuse et de simplicité volontaire, dont le philosophe André Gorz faisait l’éloge.