Corrigé Bac
Sujet bac – Annale SES – 20 mars 2023 – Corrigé – Dissertation

Sujet bac : annale 20 mars 2023

BACCALAURÉAT GÉNÉRAL

SESSION 2023 – 20 MARS

SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Durée de l’épreuve : 4 heures

L’usage de la calculatrice est strictement interdit.

Dissertation s’appuyant sur un dossier documentaire

Sujet – Comment l’action collective s’est-elle transformée dans les sociétés démocratiques ?

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Astuce

Ce sujet appelle donc à interroger les principales évolutions de l’action collective au sein des sociétés démocratiques, telles que celles-ci apparaissent dans les documents. Il conviendra de définir les termes suivants : « action collective » et « sociétés démocratiques ».

Introduction

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Astuce

L’accroche doit connecter le sujet à des événements qui se sont produits et qui illustrent le propos qui va être tenu par la suite.

Entre l’instauration du suffrage universel et l’octroi tardif du droit de vote aux femmes, des modifications profondes de nos régimes démocratiques se sont produites. Or, ces transformations ne sont pas déconnectées d’actions collectives de grandes envergures qui ont bouleversé nos environnements sociaux. Au cours des dernières années, des manifestations de grandes ampleurs se sont déroulées sur le territoire national. Que l’on pense à la mobilisation massive contre la réforme des retraites en 2023, ou bien, dans un autre registre, au mouvement des gilets jaunes, les Français ont montré, à travers ces actions diverses, qu’ils étaient toujours prompts à se mobiliser contre des réformes qu’ils peuvent considérer comme injustes.
D’une part, une action collective peut être définie comme le fait pour des individus ou des groupes d’individus d’agir collectivement dans le but de défendre leur intérêt, ou bien, de façon plus abstraite, une idée. D’autre part, les sociétés démocratiques peuvent être comprises à la fois comme des sociétés au sein desquelles le pouvoir politique est détenu par un groupe d’individus élus et représentant ainsi le peuple par délégation, et en même des environnements sociaux où la société civile joue un rôle central pour influencer le pouvoir politique. Alors qu’au cours du XIXe et du « premier XXe siècle »1, l’action collective a été dominée par les conflits du travail, nous ne pouvons que constater que de nouvelles formes et de nouveaux enjeux sont venus s’y ajouter. Aussi, nous nous demanderons comment l’action collective de ce début du XXIe siècle se distingue de celle des décennies passées.
Pour cela, nous verrons que ce que nous appelons « action collective » connaît des transformations qui concernent aussi bien ses objets, que ses acteurs, ou bien encore son répertoire.

1. Expression d’histoire contemporaine délimitant la première partie du XXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale (Le Premier XXe siècle, 1900-1939 – Histoire du Vingtième siècle, Tome I : « 1900, un monde déstabilisé », de Serge Berstein, Pierre Milza, Éditions Hatier GF)

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Astuce

Le plan de cette dissertation est relativement simple, il suffit de reprendre les trois éléments du cours, à savoir les « objets », les « acteurs » et les « répertoires d’action ». Ces trois éléments fournissent ainsi les trois parties. Il ne reste plus qu’à discuter les évolutions pour chacun des trois éléments.

Un enrichissement des objets de l’action collective

Les objets de l’action collective sont composés de l’ensemble des thématiques autour desquelles l’action collective se constitue. Pendant longtemps, ces thématiques ont été concentrées autour de la question du travail. Mais progressivement un élargissement s’est opéré.

Une diminution relative des conflits du travail

Le travail comme source de conflit (salaires, conditions de travail…) demeure central. Dans le cadre de l’opposition entre deux classes sociales antagonistes, bourgeois et prolétaires pour reprendre la distinction marxiste, les conflits du travail ont été structurants pour les sociétés occidentales. Ces conflits ont pu porter sur la durée du temps de travail, sur les conditions de travail ou encore sur les salaires. Toutefois, la structuration de cette conflictualité, qui a donné toute sa force au mouvement ouvrier, s’est transformée au cours du temps.
Comme l’illustre le document 1, la forte baisse du taux de syndicalisation constitue à la fois une cause et un reflet du recul des conflits du travail traditionnels comme objet de l’action collective. Depuis l’après-guerre et en particulier après un léger regain au début des années 1970, le taux de syndicalisation a très nettement reculé : aujourd’hui, moins d’un salarié sur 10 est syndiqué, contre près d’un tiers dans l’immédiat après-guerre. En outre, la forte baisse du taux de syndicalisation depuis le début des années 1970 reflète la perte centralité du secteur industriel. Alors que ce dernier fut le cœur du bastion ouvrier depuis la révolution industrielle, la tertiarisation de l’économie a participé à l’atomisation des travailleurs, à la difficulté croissante de leur organisation collective.

Et l’émergence de nouvelles causes de mobilisation collective

Des enjeux de mobilisation ont émergé au cours des dernières décennies. Ces enjeux ne sont pas nouveaux en tant qu’objets de lutte, mais ils suscitent un nouvel engouement. Ces nouvelles mobilisations ont été plutôt liées à ce que d’aucuns ont appelé des revendications post-matérialistes, c’est-à-dire centrées autour de l’autonomie individuelle (mouvements pour la défense de l’environnement, féministes, antiracistes, LGBTQIA+, etc.). Ces objets de mobilisation se sont particulièrement diffusés chez les jeunes.
Le document 2, à travers l’exemple du mouvement « Black Lives Matter » (aux États-Unis d’Amérique), illustre ainsi un enjeu qui diffère des revendications autour du travail, celui des luttes minoritaires. La revendication d’égalité de dignité et de traitement est souvent au cœur de ces nouveaux enjeux de mobilisation, que l’on pense au mouvement « Black Lives Matter » tel qu’il est décrit dans le document 2, ou bien à #MeToo, qui constitue un autre exemple de mobilisation en faveur de l’égalité de dignité et de traitement.
En outre, si l’on se réfère au document 4, qui met en évidence l’évolution des domaines dans lesquels les jeunes (18-30 ans) s’engagent bénévolement, alors on peut mettre en lumière la prégnance d’enjeux variés, tels que : l’environnement, le domaine social et la solidarité. En effet, respectivement, 16 % des jeunes bénévoles en 2021 l’étaient dans une association défendant la cause environnementale et 17 % l’étaient bénévoles dans une association dans le domaine social et la solidarité.
Après avoir vu que les objets de l’action collective ont évolué, nous allons tenter de démontrer que les acteurs de l’action collective se sont eux aussi transformés.

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Astuce

Dans une dissertation, il est important de soigner les transitions entre les parties afin de mettre en avant la logique de la réflexion menées (enchainement des idées).

Une diversification des acteurs de l’action collective

Les objets de l’action collective ne sont pas les seuls à avoir évolués au cours des dernières décennies, les acteurs mobilisés en faveur d’une cause, se sont eux aussi transformés.

Des acteurs traditionnels de l’action collective qui perdent en influence

Le mouvement ouvrier, central de la fin du XIXe siècle aux années 1970, fondait son action collective sur des formes institutionnalisées : formes syndicale et partidaire (liée aux partis politiques). La structuration de l’action collective dépendait donc en grande partie de corps intermédiaires à même de mettre en mouvement des masses. Les syndicats et les partis jouaient alors ce rôle de courroie de transmission. De ce fait, les conflits liés au travail mobilisaient surtout la classe ouvrière et les ouvriers peu diplômés constituaient donc le gros des cortèges de mobilisations.
Or, ces formes voient leur capacité d’influence refluer, notamment du fait de leurs pertes d’effectifs d’adhérents, comme l’illustre la forte baisse du taux de syndicalisation. Durant la période des Trente Glorieuses, la classe ouvrière demeurait importante et de fortes mobilisations se produisaient. D’ailleurs, à cette période, le parti communiste, historiquement le parti de la classe ouvrière, faisait encore 26 % des voix aux législatives (1951). Aujourd’hui, non seulement plus que 10 % des salariés étaient syndiqués en 2019, mais le parti communiste français dépassait à peine les 2 % aux dernières élections présidentielles.

Et l’émergence de nouveaux acteurs de l’action collective

Des organisations ou groupements, aux formes organisationnelles moins centralisées et hiérarchisées se développent (coordinations, réseaux, par exemple). Des mouvements aux contours plus flous, mais disposant parfois d’une forte charge revendicative, prennent une place importante, comme le mouvement « Black Lives Matter » ou #Metoo. Cette diversification des mouvements a modifié la composition sociologique des acteurs mobilisés. Alors que dans le cadre des conflits du travail, les ouvriers ont constitué le gros des troupes, on retrouve aujourd’hui, au sein des actions collectives centrées autour des valeurs post-matérialistes, davantage de catégories sociales plus privilégiées.
Maintenant que nous avons pu voir que les acteurs de l’action collective ont évolué, nous allons tenter de démontrer que les acteurs de l’action collective se sont eux aussi transformés.

Une ouverture du répertoire d’action collective

On doit à C. Tilly d’avoir proposé la notion de répertoire de l’action collective pour désigner l’ensemble des moyens de protestation auxquels l’action collective peut recourir à un moment donné.

Un répertoire d’action traditionnel en question : perte de vitesse du couple grève/manifestation

Comme le montre le document 3, l’affaiblissement du cadre traditionnel des conflits du travail, et leur perte de visibilité dans ce contexte, se traduit par une tendance à la diminution de la conviction selon laquelle faire grève peut exercer une influence sur les décisions prises. De plus, le nombre de journées non travaillées pour fait de grève recule depuis les années 1970.
Le militantisme dans les partis politiques a également nettement diminué, notamment du fait d’une perte de croyance en l’influence de ce type d’action. Ainsi, le document 3 permet de mettre en lumière l’évolution du répertoire des actions collectives entre 2010 et 2018. Il présente les différents moyens d’expression jugés les plus efficaces par les citoyens pour influencer les décisions prises en France. Si le vote demeure l’élément du répertoire le plus cité, il est cependant en assez net repli (citations qui passent de 67 % en 2010 à 58 % en 2015). De même, le militantisme dans les partis politiques recule sensiblement, parallèlement à la grève (–7 points entre 2009 et 2015). On peut conclure à un recul des formes traditionnelles du répertoire des actions collectives (sauf pour la manifestation qui est passée de 23 % en 2010 à 42 % en 2018, soit une hausse de 19 points de %).
Les transformations des acteurs de l’action collective (notamment la perte de puissance du mouvement ouvrier) ont eu un impact sur les répertoires d’actions. Les syndicats et partis politiques ouvriers avaient comme mode opératoire traditionnel la grève et la manifestation. Avec le déclin des syndicats, les deux répertoires d’actions traditionnels (grève et manifestation) se sont eux-mêmes transformés. S’ils conservent une place centrale dans au sein des répertoires d’actions collectives, leur structuration a évolué (décentralisée et non directement liée à une organisation partisane). leur déclin progressif au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, ces deux répertoires d’actions ont reflué.

L’apparition et le développement de formes de mobilisations originales

D’autres formes d’actions collectives plus variées sont ainsi montées en puissance au cours des dernières décennies. Alors que les sociétés démocratiques évoluaient progressivement vers des sociétés de l’information et de la communication, le répertoire d’actions collectives s’est élargi, avec un souci croissant de la spectacularisation de l’action (formes destinées à attirer l’attention des médias). On peut penser par exemple aux actions de blocages de route, d’occupation de site, ou encore de sit-in.
Certains moyens d’action comme la signature de pétition ou le boycott connaissent une adhésion croissante. Le boycott (consommation engagée) par exemple progresse globalement sur la période 2010-2018 (+6 points de %).
L’usage des réseaux sociaux par le mouvement « Black Lives Matter » ou encore le mouvement #MeToo peut aussi illustrer les transformations des répertoires de l’action collective. En effet, ces derniers vont, dans une large mesure, démarrer en ligne sur les réseaux sociaux et ensuite se structurer autour de ces mêmes canaux de diffusion.

Conclusion

Nous nous étions demandé si l’action collective avait évolué. En répondant à cette question, nous avons montré que ses objets se sont tournés progressivement vers la défense de valeurs post-matérialistes, que les acteurs sont, quant à eux, bien moins centralisés et institutionnalisés que par le passé et leur composition sociologique s’avèrent dorénavant bien plus diversifiée. Enfin, l’avènement des médias de masse et de la société connectée a entrainé également la transformation du répertoire d’action. Celui-ci s’est élargi, intégrant des formes d’actions plus originales et spectaculaires que par le passé.
À l’ère de la recrudescence des conflits armés, on observe des formes de politisation et de mobilisation autour de ces thématiques (conflits russo-ukrainien ou israélo-palestinien). Cette recrudescence des conflits armés, peut-elle conduire les jeunes générations à se mobiliser massivement ? Et quelles seront les formes prises par de telles mobilisations ?

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Astuce

La conclusion doit reprendre de manière concise les éléments discutés dans le plan. Ici, il faut rappeler rapidement les différentes évolutions (objets, acteurs et répertoire d’action), puis proposer une ouverture, c’est-à-dire un élargissement du sujet vers un nouveau questionnement. Par exemple pour ce sujet, on pourrait se demander si, compte tenu des évolutions récentes du marché du travail, les conflits liés à cette question ne vont pas reprendre une centralité qu’ils avaient un peu perdue.