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3e sujet Expliquez le texte suivant : Nous avons le libre arbitre, non pas quand nous percevons, mais quand nous agissons. Il ne dépend pas de mon arbitre de trouver le miel doux ou amer, mais il ne dépend pas non plus de mon arbitre qu’un théorème proposé m’apparaisse vrai ou faux ; la conscience n’a qu’à examiner ce qui lui apparaît. Lorsque nous décidons de quelque chose, nous avons toujours présentes à l’esprit ou bien une sensation ou une raison actuelles, ou tout au moins un souvenir actuel d’une sensation ou d’une raison passées ; bien qu’en ce dernier cas nous soyons souvent trompés par l’infidélité de la mémoire ou par l’insuffisance de l’attention. Mais la conscience de ce qui est présent ou de ce qui est passé ne dépend nullement de notre arbitre. Nous ne reconnaissons à la volonté que le pouvoir de commander à l’attention et à l’intérêt ; et ainsi, quoiqu’elle ne fasse pas le jugement en nous, elle peut toutefois y exercer une influence indirecte. Ainsi il arrive souvent que les hommes finissent par croire ce qu’ils voudraient être la vérité, ayant accoutumé leur esprit à considérer avec le plus d’attention les choses qu’ils aiment ; de cette façon ils arrivent à contenter non seulement leur volonté mais encore leur conscience. LEIBNIZ, Remarques sur la partie générale des Principes de Descartes (1692). La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question. |
Analyse du sujet :
La notion concernée par ce texte apparaît clairement, il s'agit de la liberté, abordée plus précisément sous l'angle du libre arbitre. « En quoi consiste exactement notre libre arbitre ? » pourrait être le problème abordé et la thèse de Leibniz est qu'il ne consiste que dans notre capacité à diriger notre attention et notre intérêt (lignes 10-11).
- Lignes 1 à 5
« Nous avons le libre arbitre, non pas quand nous percevons, mais quand nous agissons ». Cette première phrase est essentielle pour comprendre le texte. L'action dont il est question ici consiste en l'orientation de nos centres d'intérêts, ce vers quoi nous nous tournons. Nous avons la capacité de diriger notre attention, pas de décider de ce que nous allons percevoir, aussi bien sur le plan sensible (le miel) que sur le plan intellectuel (le théorème).
- Lignes 5 à 9
Nos décisions sont toujours accompagnées de perceptions, de pensées, de souvenirs. Mais nous ne pouvons pas décider librement du contenu de ces perceptions. Ainsi, pour reprendre le premier exemple, nous pouvons décider de goûter du miel mais nous ne pouvons pas décider de son goût, la sensation sucrée ne dépend pas de notre libre arbitre.
- Ligne 9 à la fin
La phrase « Nous ne reconnaissons à la volonté que le pouvoir de commander à l'attention et à l'intérêt » constitue en fait la thèse de Leibniz. Le libre arbitre consiste donc, selon lui, uniquement dans la capacité de diriger notre attention, c'est-à-dire de se tourner vers tel ou tel sujet sans que nous puissions décider des impressions que cela produit en nous. Cependant la direction de cette attention va se trouver elle-même conditionnée par le fait que nous tournerons notre attention plus facilement vers ce qui produit en nous des sensations plaisantes que vers celles qui sont déplaisantes. Du coup un renforcement s'exerce qui peut nous plonger dans l'illusion.
Intérêt de ce texte
La dernière partie du texte est d'une actualité brûlante car ce que décrit là Leibniz, ce sont des mécanismes psychologiques amplifiés de façon préoccupante avec internet et les réseaux sociaux, tant ils se prêtent malheureusement à la manipulation. En dirigeant notre attention vers ce que nous croyons déjà (moralement, politiquement, religieusement) nous renforçons toujours plus notre conviction, notre croyance, et réduisons d'autant plus notre sens critique.
Pour éviter cela, il faudrait, comme Nietzsche le recommandait, regarder les choses à travers « de multiples yeux » c'est-à-dire à travers de multiples points de vue, sous plusieurs angles.