Sujet bac : annale 21 mars 2023
Épreuve d’humanités, littérature et philosophie Interprétation philosophique : D’après ce texte, pourquoi sommes-nous tous autre chose que ce que nous paraissons être ? |
Introduction :
Nietzsche, dans cet extrait d’Aurore, formule la thèse suivante : « nous sommes tous autre chose que ce que nous paraissons » (l. 17). Autrement dit, nous présentons un décalage entre notre être (« sommes ») et notre apparence (« paraissons »). Nous pouvons penser quelque chose de triste et exprimer un message joyeux. Mais la question qui se pose ici est celle de l’origine de cette duplicité, qu’elle soit volontaire ou involontaire, et qui produit un trouble dans le moi, autant pour moi-même que pour autrui. Selon Nietzsche, la raison principale est le langage dans la mesure où les mots sont « superlatifs » (l. 4) : ils semblent exprimer au plus haut degré, dans l’excès, ce qui, en nous, est en réalité plus atténué. On parlera de « colère » ou d’« amour passion » quand on fait un petit caprice passager, ou qu’on trouve simplement belle une personne.
- Il s’agit d’une question d’interprétation : faire un plan avec deux grandes questions rhétoriques dynamise la démarche.
- Contrairement à l’explication de texte en philosophie du tronc commun, qui doit être exhaustive et suivre l’ordre du texte, il est possible ici de fournir une interprétation en se limitant aux passages et idées fortes du texte, sans suivre nécessairement sa chronologie.
- Les « 1 » et « a », « introduction » et « conclusion » délimitant les parties sont ici indicatif, dans le cadre d’un plan fait au brouillon, mais ne doivent pas apparaître dans la copie.
Comment expliquer le schisme entre les mots exprimés et nos états intérieurs ?
- Nietzsche parle d’une « autre chose » (l. 18) un peu mystérieuse, différente de notre paraître. Il s’agit ici de notre vie intérieure, personnelle, faite de sentiments de joie ou de douleur. Ces sentiments ont en nous une origine encore plus profonde : nos « pulsions » (l. 3).
- Le propre de ces états intérieurs est de présenter des variations quantitatives, c’est-à-dire d’intensité : malheureux ou heureux, nous le sommes mais plus ou moins. Or, le problème est que nous ne disposons que d’un seul mot général pour le dire (« malheur » ou « bonheur »), qui ne précise pas de différences d’intensité.
- Le mot représente le niveau le plus extrême de la pulsion : il est toujours « superlatif » ; or, superlatifs, nous ne le sommes que rarement dans l’existence.
Est-ce que ce schisme entre le langage et nos états intérieurs produit, au-delà des mots, un autre schisme entre le moi profond et le moi superficiel ?
- Tout d’abord cette division est générale : elle nous concerne « tous » (l. 17), tout moi. Nietzsche explique cela par le fait que nous soyons par nature des êtres variant, dont la personnalité se fonde non sur la raison mais sur des émotions qui, donc, « tissent la toile de notre caractère » (l. 11).
- Mais les mots que nous employons pour définir nos sentiments profonds, puisqu’ils les exagèrent, nous donnent une apparence excessive mais qui ne représente pas notre moi, surtout s’il est calme. Le mot est en quelque sorte une interface souvent peu adaptée, entre ma vie intérieure et mon comportement.
Conclusion :
Socrate disait que l’œil est le miroir de l’âme. Nietzsche semble donc remettre en cause cette idée. Ou alors le miroir qu’est notre visage est un miroir déformant. Mais alors, existe-t-il un autre médium, à côté du langage courant pour dire ses sentiments sincèrement ? La musique ou la peinture, c’est-à-dire autre chose que les mots ?