Question de corpus |
Remarques préliminaires sur le sujet :
L’un des éléments de polémique du bac de français des années précédentes portait sur la présence de textes uniquement écrits par des auteurs masculins. Il peut donc être important de remarquer que cette année, les trois textes sont écrits par des femmes. Et mieux : les trois héros sont des héroïnes !
On notera par ailleurs que les trois romans relèvent de trois formes d’écriture différentes : un roman, un roman épistolaire et un roman autobiographique. De plus, les trois textes ont été publiés à trois siècles différents.
Introduction
Les titres de partie ainsi que les titres « Introduction » et « conclusion » sont là pour le corrigé. Lors de l’épreuve, vous ne devez pas les écrire sur votre copie.
L'introduction présente les textes et leurs auteurs et reprend la problématique posée par la question.
Les textes du corpus appartiennent tous au genre du roman. Le premier, La Princesse de Clèves, écrit par Madame de La Fayette est paru en 1678, à la fin du XVIIe siècle. Le deuxième, Delphine, de Madame de Staël, est paru en 1802, un peu plus d’un siècle plus tard. Le troisième, La Vagabonde, de Colette, a été publié en 1910, encore un siècle après. Ces trois œuvres ont été rédigées par des femmes de lettres et mettent en scène trois héroïnes qui renoncent à leur passion amoureuse et le justifient par des arguments différents mais complémentaires.
I. La morale, le devoir, la bienséance
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La Princesse de Clèves prend pour raison la « bienséance ». Même si elle est dorénavant libre, puisque veuve, elle a peur qu’on lui reproche de ne pas respecter la période de deuil habituelle après la mort de son mari : « Attendez ce que le temps pourra faire. M. de Clèves ne fait encore que d'expirer ». Elle pense que mettre au jour son amour pour M. de Nemours serait montrer sa culpabilité dans la cause de la mort de son mari.
Elle est animée par « une vertu austère » qui lui fait craindre de graves conséquences de sa passion : « je me défie de moi-même ».
On retrouve par ailleurs le champ lexical du devoir : « vertu », « devoir », « scrupules », « surmonter l’inclination », « interdit ». Il marque la séparation entre la raison et la passion.
Le mot « passion » est employé au sens étymologique du terme : « patio » signifie « souffrance ». C’est un thème philosophique récurrent au XVIIe siècle : Descartes puis Spinoza, Hobbes… l’ont traité.
La Princesse de Clèves souligne l’antagonisme qu’elle vit entre sa raison et ses sentiments pour M. de Nemours : « je me défie de mes forces au milieu de mes raisons ». Elle fait appel à sa morale.
Delphine a, elle aussi, conscience de l’immoralité de son amour : « j’aime mieux mourir qu’avoir à me reprocher vos douleurs, j’ai plus qu’expié mes fautes ». Elle est prête à se sacrifier : « c’est pour votre bonheur que je sacrifie le mien », partageant une vision religieuse, comme la Princesse de Clèves : « Dieu qui sait la douleur que j’éprouve, estime dans sa bonté cet effort ce qu’il vaut ».
On retrouve donc le champ lexical de la morale : « morale », « devoir », « dévouement », « âmes […] vertueuses ». Delphine est prête au sacrifice et au renoncement. Elle renonce au nom des « droits » de Matilde, épouse légitime et future mère.
Cette idée de bienséance et de sacrifice n’est pas reprise dans le texte de Colette : son héroïne agit pour des raisons plus personnelles et égoïstes qu’elle lance dès l’apostrophe : « Cher intrus. ».
Renée veut se protéger des désillusions de l’amour ; pour elle, l’amour est trop réducteur : « les plus beaux pays de la terre, je refuse de les contempler, tout petits, au miroir amoureux de ton regard ». Elle estime qu’aimer Max c’est le laisser s’immiscer dans sa vie : « t'introduire à chaque heure dans la pagode secrète de mes pensées ». Elle revendique sa liberté.
II. Le doute, le déchirement
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Malgré tout, les trois héroïnes sont animées du même sentiment de doute et de déchirement : le renoncement à l’amour est perçu par elles comme un sacrifice.
La Princesse de Clèves déplore « la destinée » qui l’arrache à M. de Nemours. Elle la perçoit comme « un obstacle si invincible ». Elle promet également un amour inépuisable, et par là-même, une souffrance infinie : « les sentiments que j'ai pour vous seront éternels, et qu'ils subsisteront également, quoi que je fasse ».
De son côté, Delphine pense que Dieu reconnaît le prix de son sacrifice : « votre religion n’a point exigé de sacrifice qui puisse surpasser celui que je fais pour vous ; et Dieu qui lit dans les cœurs, Dieu qui sait la douleur que j’éprouve, estime dans sa bonté cet effort ce qu’il vaut ». On suppose par ailleurs que le déchirement de la séparation est tel qu’il va la mener à la mort : « il faut déjà me compter parmi ceux qui ne sont plus ».
La fin de l’extrait de La Vagabonde montre enfin Renée désespérée et en proie au doute. On note les multiples questions qu’elle pose, souvent rhétoriques : « Combien de fois […] ? », « Combien de temps[…] ? » ainsi que les exclamations qui soulignent son déchirement : « Ah ! tu seras longtemps une des soifs de ma route ! »
Conclusion
La conclusion reprend les grandes idées évoquées en une simple phrase. Elle peut proposer aussi une ouverture (sur une thématique proche, sur une autre question corrélée…).
Ces trois héroïnes sont en proie à la passion amoureuse et son déchirées par le choix qu’elles ont fait : la séparation. Même si les raisons de cette séparation varient, toutes éprouvent avec violence le déchirement, les doutes, l’ambivalence des sentiments. Elles sont des exemples parfaits à la théorie de Jules Simon, qui, en 1854, écrit : « Les passions ont beau se croire indomptables, elles ont un maître : c'est la raison ».