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BACCALAURÉAT GÉNÉRAL
SESSION 2019
LITTÉRATURE
SÉRIES L
JEUDI 20 JUIN 2019
Cœfficient : 4
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Question 1 (8 points)
Dans sa préface, Victor Hugo remercie « cette jeunesse puissante » pour qui il dit travailler. En quoi Hernani est-elle la pièce de la jeunesse ?
Le 25 février 1830, une bande de jeunes romantiques hirsutes et habillés de rouge envahit la Comédie française, chacun brandissant tel un étendard révolutionnaire son billet rouge siglé « Hierro » et signé par Victor Hugo : la bataille d’Hernani est née ! Victoire des jeunes contre les Anciens, triomphe bruyant et indiscipliné de la fougue romantique contre les « cranes d’œufs » classiques. C’est en partie grâce à cette « claque » hugolienne que la pièce devient le symbole d’une jeunesse littéraire qui plébiscite un nouveau genre plus représentatif de son époque. Hugo, qui avait été marqué et blessé par la censure de Marion de Lorme, sait qu’il doit beaucoup à son armée de jeunes disciples ; dans sa préface, il remercie « cette jeunesse puissante » pour qui il dit travailler. En quoi Hernani est-elle la pièce de la jeunesse ? Au-delà des circonstances de la représentation, qu’est-ce qui fait de cette pièce écrite par un très jeune dramaturge l’allégorie d’un souffle jeune et créatif ?
Plan possible :
Une pièce qui insuffle jeunesse et renouveau dans le théâtre français
Une pièce qui insuffle jeunesse et renouveau dans le théâtre français
- Une pièce écrite par un jeune dramaturge qui comprend les préoccupations de sa génération Il a 28 ans. Il est le porte-parole de la jeunesse.
- Hernani rajeunit la Comédie française
La pièce signe le renouveau de la Comédie française : le souffle neuf du romantisme. En effet, le baron Taylor, nommé à la tête du vénérable établissement en 1825, constate que se limiter au répertoire classique ne fait plus recette et souhaite ouvrir la salle Richelieu aux Romantiques. Ainsi, Le More de Venise de Vigny, adaptation de Othello de Shakespeare est accepté et l’entrée au répertoire de Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas marquent un tournant dans lequel Victor Hugo va s’engouffrer. - « Travailler » pour un public jeune et nouveau
Les amis de Hugo et toute la jeune garde romantique constituent une « claque » survoltée. La censure de sa pièce Marion de Lorme en août 1829 est vécue comme une injustice qu’il faut réparer et le clan se mobilise. Depuis plusieurs semaines, ils se réunissent chez Hugo et préparent la bataille ; cette armée d’artistes et de jeunes révolutionnaires est parfaitement prête à se « battre » le 25 février 1830. Surexcités, ils entrent dans la salle dès 15 heures et passent l’après-midi à boire, déclamer des vers, chanter, s’échauffer comme des étudiants agités. Ils reçoivent avec toute l’insolence de leur jeunesse criarde le clan des classiques. Ce public plus traditionnel et beaucoup plus âgé est largement composé de monarchistes conservateurs qui ne pardonnent pas Hugo d’avoir changé de camp politique et esthétique. Ils sont porteurs des valeurs traditionnelles, défenseurs des convenances et de l’ordre social. Le choc est violent entre les jeunes révolutionnaires et ce public conservateur. Cf -Albert BESNARD, La Première d’Hernani –avant la bataille (1903) Agitation, effervescence- Les jeunes bohèmes, « chevelus » en gilets rouges, Théophile Gautier en tête CONTRE les « grisâtres », les anciens. - Hernani : une esthétique nouvelle pour un public jeune
Victor Hugo n’hésite pas à bouleverser les règles du théâtre classique et fournit à son public de nouveaux plaisirs, alliant la grandeur romantique à un divertissement plus populaire. La jeune génération se reconnaît dans cette audace qui se manifeste dans la pièce par : - Le mélange de la poésie lyrique et de la trivialité.
- La bienséance heurtée avec les duels (ou menaces de duels), le fait que Dona Sol dès l’exposition reçoive son amant de nuit dans sa chambre alors qu’elle est fiancée à un autre, les sensuels baisers et Hernani et Dona Sol, la mort violente sur scène de DRG, de DS et d’H.
- Les invraisemblances comme le dialogue de DC avec le tombeau de Charlemagne.
- La métrique inhabituelle et les entorses faites à l’alexandrin traditionnel.
Dans la pièce, les jeunes personnages sont à l’honneur
Dans la pièce, les jeunes personnages sont à l’honneur
- Une pièce qui met en scène des personnages jeunes et fougueux qui s’opposent au vieux barbon Les personnages sont les symboles du conflit générationnel : les deux jeunes contre le vieillard Cf « Vieillard stupide », par DS : « vieillard insensé » (V, 6, v. 2065), par DRG lui-même : « vous prenez un vieillard » (I, 3, v. 234) « Hélas ! seul je surnage/ D’un siècle tout entier. Tout est mort à présent » (v. 308- 309).
- La pièce célèbre la jeunesse comme « une force qui va » : Hernani et Dona Sol, héros plein de fougue et d’énergie.
- Hernani satisfait les aspirations d’une jeunesse en proie au mal du siècle
La jeunesse et la révolution romantique ont une portée idéologique certaine, cf la Préface de Cromwell qui revendique « La liberté en art contre le despotisme des systèmes, des codes et des règles. » La fin de la pièce choque les conservateurs parce que le dénouement tragique et la mort des amants symbolisent les espoirs de la jeunesse anéantis par une société étriquée et mesquine. « Un monde trop vieux » dans lequel les désirs d’héroïsme ne peuvent se réaliser comme le dit Musset dans sa Confession d’un enfant du siècle.