Sujet bac : annale 14 juin 2023
Dissertation de philosophie Sujet 2 - Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? |
Introduction :
- L’introduction doit présenter un problème qui justifie la question. Elle doit être « dramatique », c’est-à-dire présenter une difficulté qu’il faudra résoudre. Par exemple, ici, les concepts de paix et de justice, de prime abord positifs, vont être d’abord révélé dans leur aspect négatif.
- À côté des deux concepts principaux, il faut être attentif aux autres termes, verbe, adjectif ou adverbe. Ils donnent au sujet son orientation. Ici, il faut préciser dès l’introduction les sous-entendus ce que le verbe « vouloir » implique.
La paix et la justice sont souvent associées, dans le cadre d’une relation de cause à effet : la justice est conçue comme une condition et un moyen majeurs en vue d’un but : la paix. Mais, que veut-on dire exactement quand on dit que l’on veut la justice et la paix ? La « justice » peut être celle des tribunaux staliniens, c’est-à-dire une parodie de justice ; quant à la « paix » elle peut être celle des cimetières, celle d’une société où les êtres humains se tiennent tranquilles parce qu’ils vivent sous le régime de la terreur. Ainsi, si vouloir la paix passe par la volonté préalable de vouloir la justice, et que la justice est une procédure finalement très injuste, alors que vaut la paix qui en découle ? Quels sont les sous-entendus de cette justice que l’on voudrait ? Et quand on dit « vouloir la paix », de quel type de paix s’agit-il ? Autrement dit, la question « Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? » doit être ici traitée au regard du concept de volonté (« vouloir »). Or, la volonté étant parfois subjective, il se peut que la mise en place de l’outil juridique soit suspecte ; en effet, un tyran, dans son discours, est souvent déterminé à réclamer justice pour la paix de son peuple. Mais au fond, que cache cette détermination ?
Vouloir la paix, c’est vouloir la justice comme sa condition préalable
Vouloir la paix, c’est vouloir la justice comme sa condition préalable
- Les « 1 » et « a », « introduction » et « conclusion » délimitant les parties sont ici indicatif, dans le cadre d’un plan fait au brouillon, mais ne doivent pas apparaître dans la copie.
- Si vous n’annoncez pas votre plan en fin d’introduction, afin de mieux faire entrer le professeur ou la professeure dans votre cheminement, annoncez très clairement l’idée générale de la 1re partie (les astuces pour cette première partie valent aussi pour les parties suivantes).
La « paix » n’est pas au programme ; pour autant, il faut définir ce concept. Ceci est valable pour tout concept hors programme pouvant se trouver dans un sujet (dissertation ou texte).
La paix se définit généralement comme absence de guerre ; la justice, quant à elle, est un acte de rééquilibrage des rapports sociaux qui seraient déséquilibrés, et ce par des mesures que l’on décide, donc que l’on « veut ».
Admettons que la paix ne soit pas un état naturel et spontané de l’humanité. Si l’être humain est naturellement mauvais, égoïste, et que le conflit et la guerre sont des situations habituelles, alors vivre en paix nécessite bien une volonté, une motivation. Et ce serait celle de mettre en place un outil, la justice, permettant de garantir la paix. Par exemple, la justice, en tant qu’Institution, donnera une compensation à une victime à qui on a volé quelque chose et, au coupable, une peine qui lui retire l’équivalent de ce qu’il a pris indûment à la fois à la victime et à la société. Cet acte de justice est censé contribuer à la paix d’un pays conçu comme ordre social, harmonie entre les citoyens.
Si, par nature, « l’homme est un loup pour l’homme », la justice est là pour nous forcer à être des êtres « gentils » et capables d’obéir à la loi afin de vivre en paix. Dans son Léviathan, Hobbes définit l’état de nature où vit l’homme avant l’apparition des premières sociétés comme un état de « guerre de tous contre tous ». Chacun a la volonté d’exercer son pouvoir sur les autres et sur toutes les choses. Afin de vivre en sécurité, l’État et son chef suprême, le Léviathan, sont inventés. Faire les lois et rendre justice sont les pouvoirs donnés à ce dernier, pour la paix de tous. Celui qui va contre les lois est condamné et éliminé de la société afin que celle-ci conserve son ordre sécuritaire.
Par ailleurs, il se peut aussi qu’en politique on se serve des valeurs que sont la justice et la paix afin d’acquérir et d’asseoir sa puissance. Beaucoup de courants politiques dénoncent l’injustice et les conflits pouvant exister entre les classes sociales, et revendiquent la mise en place de la justice comme égalité entre les individus, condition de la paix. Par exemple, les théories marxistes dénoncent « la lutte des classes » existant dans les sociétés capitalistes comme porteuses d’injustices. Ici, l’injustice produit le conflit. Mais l’histoire du communisme montre que la justice et la paix voulues sont des éléments de langage d’une propagande destinée à servir les intérêt du régime politique. À la place, les procès staliniens notamment, outil des purges staliniennes, tout comme les camps Ouïghours dans la Chine actuelle, sont des exemples terrifiants du mésusage que l’on faire de ces deux valeurs.
Récapitulez la première partie en reprenant les termes du sujet pour bien montrer que vous l’avez traité.
La justice et la paix sont donc indissociables, dans le bien comme dans le mal.
Faites une transition vraiment critique (posez une question, soulevez un doute, une limite), et pas simplement rhétorique (« nous avons vu ceci, maintenant nous allons voir cela »).
Une société où tout le monde se tiendrait paisiblement tranquille, serait-elle une société où règnerait une vraie paix ? De plus, la justice répressive d’un pouvoir suprême est-elle une vraie justice, voulue par tous ?
Vouloir une vraie paix nécessite de vouloir une vraie justice, et inversement
Vouloir une vraie paix nécessite de vouloir une vraie justice, et inversement
- Les textes officiels précisent que, pour la dissertation, aucune méthodologie n’est obligatoire. Vous pouvez faire 2 parties au lieu de 3, mais il faut alors que chaque partie soit plus développée.
- Relancez en mettant en avant d’autres notions du programme (ici la liberté et la vérité).
Qu’est-ce qu’une vraie paix ? C’est une paix où la personne humaine ne perd pas sa liberté (sa liberté de pensée, d’expression, sa liberté de déplacement). Qu’est-ce qu’une vraie justice ? C’est une justice qui cherche et dit la vérité, au lieu de falsifier les faits.
Tout d’abord, il faut se reposer la question de la nature humaine. Plutôt que mauvais, supposons que l’être humain soit fondamentalement bon, juste et paisible. Dans ce cas aurait-on besoin de vouloir la paix et la justice, qui seraient déjà là ? C’est que la paix, même si elle est naturelle, doit être entretenue. C’est en ce sens que Rousseau, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, considère que la nature humaine est portée par un sentiment de compassion à l’égard d’autrui et de soi-même, qui nous amène à être juste et paisible. Ce sont les civilisations qui, en se développant, nous ont fait perdre notre sensibilité bonne, au profit d’une raison purement calculatrice, dominatrice, égoïste. Les tyrannies, injustes et conflictuelles, sont nées du mauvais usage de la raison. Les injustices aussi ; « ceci est à moi » : voici comment la propriété privée serait apparue, par un acte d’intimidation volontaire et rusée, s’imposant aux autres, alors naïfs. De là, Rousseau envisage la justice sociale et la paix, non comme un retour à l’état de nature, mais comme un progrès que des États républicains peuvent mettre en place. « L’homme est né libre et partout il est dans les fers », écrit Rousseau au début de son Contrat Social : la liberté nous est naturelle mais on nous l’a volée. Comment la retrouver ? Par des lois qui seraient justes dans la mesure où elles seraient l’expression de la « volonté générale » d’un « peuple souverain » ; et non l’expression de la volonté capricieuse d’un tyran, ou d’un dictateur. Il faut vouloir la justice des lois justes, pour le dire ainsi, afin de vivre dans la « concorde », c’est-à-dire la paix.
Pour passer d’une-sous partie à une autre, vous pouvez généraliser (aller de l’individuel au collectif, ou, ici, du national aux relations internationales)
Mais la paix d’un État est-elle en même temps la paix entre les États ? Nous voyons que vouloir la paix d’un pays n’est pas suffisant. Il faut aussi vouloir défendre ses droits face à un ennemi extérieur. La guerre de défense est un moyen. La diplomatie en est un autre. Kant, dans son Projet de paix perpétuelle, défend les moyens d’une justice dans le but d’une paix durable entre les Nations. Pour Kant, la paix ne se limite pas à une absence de guerre, mais doit être une véritable situation authentique et durable. La paix est conditionnée par les lois, certes, mais aussi par les principes universels des droits de l’homme, ainsi que par une morale centrée sur une valeur tout aussi universelle : le respect de la dignité de la personne humaine. La vraie paix doit être durable et étendue. Pour cela, Kant conçoit un droit cosmopolitique, équivalent d’un droit international, qui garantirait un état de paix mondial. Kant préconise même des mesures plus techniques afin de montrer comment la paix et la justice peuvent être mis en place. Par exemple, à l’issue d’une guerre, les traités de paix ne doivent pas, pour le pays vainqueur, constituer un moyen de dominer le pays vaincu, le soumettre, le ruiner, tout lui prendre de sorte qu’il ne puisse pas se reconstruire. Il faut que le traité de paix soit juste, c’est-à-dire ici équitable, en trouvant des dispositions relevant de la mesure juste entre la façon dont un pays envahi a été lésé et ce que doit le pays qui a voulu envahir. Hélas, l’histoire nous apprend que Kant n’a pas été bien considéré par les hommes politiques et les militaires.
On pourra ici, après la récapitulation, ouvrir sur la question de savoir si la paix ne nécessite cependant pas l’usage d’une violence légitime ; ou encore : si la nature est foncièrement mauvaise, toute paix est-elle tenable ?