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2e sujet Reconnaître ses devoirs est-ce renoncer à sa liberté ? |
Problématisation possibles
La notion de devoir (que ce soit celui du citoyen, du parent ou du sujet moral) renvoie immédiatement à l’idée de contrainte, d’obligation. Or spontanément on associe la liberté à l’idée d’absence de contraintes et de limites à nos actions. Le sujet invite donc clairement à interroger cette opposition apparente. Et c’est d’abord autour de l’idée de reconnaissance qu’on pouvait problématiser. Reconnaître, ce n’est pas seulement prendre acte que nous avons des devoirs, qu’à nos droits correspondent des devoirs, c’est les accepter comme devant être, comme légitimes, c’est se reconnaître comme devant les remplir et donc vouloir les accomplir. Dès lors, c’est une volonté délibérée qui vient s’ajouter à la notion de devoir et cette volonté pourrait être compatible avec la liberté si elle ne s’arrête pas à faire ce qui nous plaît. Ce sujet invite donc à interroger la notion de liberté autour de la distinction entre désirer et vouloir. La notion de devoir moral peut aussi suggérer la distinction entre raison et désir et l’association de la liberté à l’exercice et l’usage de la raison face aux désirs. Faire son devoir pourrait alors même être envisagé comme libérateur. L’idée d’un renoncement à la liberté peut aussi permettre de poser le problème sous un autre angle. Peut-on vraiment dire qu’on renonce à sa liberté quand on fait le choix de soumettre à ses devoirs, quand on exerce donc sa liberté avec son libre arbitre ? Et peut-on finalement renoncer à sa liberté ou sommes-nous condamnés à être libre, comme le soutenait Sartre ?
Un plan possible
- L’existence de devoirs semble s’opposer à celle de la liberté.
Un devoir, c’est ce qui nous est imposé du dehors par l’État, la société ( obligations parentales, maritales, devoirs en tant que citoyens…), rencontre du visage de l’autre qui nous prend en otage selon Lévinas ou ce qui s’impose du dedans par notre raison (morale kantienne), par notre conscience morale, même si elle ne peut être que l’intégration d’une morale sociale extérieure ou par des sentiments moraux comme la pitié chez Rousseau.
Un devoir est un commandement auquel on se doit d’obéir sous peine de sanction. En cela, il semble déjà s’opposer à la liberté qui présuppose l’absence de maître et de nécessité, face à son devoir on ne peut s’échapper, on se doit de l’accomplir de gré ou de force.
Il implique souvent la mise entre parenthèses voire le sacrifice de nos désirs dont la satisfaction nous procure, elle, un vif sentiment de liberté.
Avoir des devoirs, c’est ne plus pouvoir faire tout ce qui nous plaît et être parfois contraint à faire ce qui nous déplaît.
Mais il se pourrait que faire tout ce qui nous plaît ne soit qu’une liberté illusoire et précaire et que l’existence de devoirs soit ce qui garantisse la liberté et surtout, reconnaître ses devoirs, n’est-ce pas les vouloir ?
- Reconnaître ses devoirs, c’est les vouloir.
Non seulement l’existence de devoirs (en lien avec des droits : tes devoirs = mes droits et réciproquement) est ce qui assure au sein d’une société la liberté de chacun (insister sur le rôle de l’État et des lois) mais reconnaître ses devoirs, c’est donc reconnaître leur raison d’être et leur légitimité. C’est donc faire le choix de les accomplir. Or la liberté est dans le fait de pouvoir faire choisir et faire ce qu’on a choisi. C’est la notion de libre arbitre.
De plus, si on peut opposer la liberté à la nécessité qui est impliquée par la notion de devoir, on peut aussi et surtout l'opposer à la contrainte, sur les pas de Spinoza. Dès lors, reconnaître son devoir, c’est ne plus être contraint, c’est le vouloir et donc être libre.
Enfin, faire son devoir moral c’est écouter sa raison et donc par là se libérer de l’esclavage du désir et accéder à la liberté comme autonomie, obéir à une loi qu’on s’est soi-même donnée. On peut même penser qu’en un sens le devoir libère ou nous fait prendre conscience de notre liberté, comme possibilité d’échapper à l’existence empirique pour accéder à une existence intelligible en tant qu’être de raison avec Kant.
Dans certaines situations extrêmes, le devoir offre parfois un choix impossible sans lui. Par exemple, le devoir de fidélité à ses compagnons de lutte ou à soi-même pourrait permettre au torturé d’avoir le choix face à son tortionnaire selon Merleau-Ponty. La situation porte alors, même s’il est difficile de faire la part entre situation, déterminisme et liberté.
- On ne peut renoncer à sa liberté.
On pouvait finir avec Sartre pour s’interroger sur l’idée même d’un renoncement possible à la liberté. Face au devoir, comme face à toute situation, nous restons libres avec des possibles et des choix à faire. Impossible d’échapper à la liberté à laquelle nous sommes condamnés parce que conscients.
Ou on pouvait aussi peut-être renverser en s’interrogeant sur la réalité du libre arbitre et souligner qu’un renoncement présuppose qu’on soit au préalable libre, ce qui peut être remis en question par l’existence de déterminismes. Mais selon Sartre cela ne justifierait pas qu’on puisse se délester du fardeau de la liberté, sinon par mauvaise foi !