Corrigé Bac
Sujet zéro n° 1 - Philosophie 2021 - Corrigé - Sujet 3

Sujet 3

La vie en société menace-t-elle notre liberté ?

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Attention

Pour vous aider à visualiser le corrigé, nous allons mettre des titres aux différentes parties : vous ne devez bien sûr pas les écrire sur votre copie le jour de l’épreuve. Mais vous pouvez les noter sur votre brouillon pour vous aider à structurer vos idées.

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Astuce

L’introduction doit avant tout poser un problème qui justifie la question ; un problème est un débat, une opposition entre deux notions, ici société / liberté, ou bien un dilemme (la société sans la liberté ou la liberté sans la société), ou encore la définition générale d’un concept qui vient s’opposer à la définition d’un autre concept. Vous avez donc le choix du procédé, mais dans tous les cas, il faut poser un vrai problème.

Introduction :

D’une part, hormis les ermites, les êtres humains ne s’imaginent guère vivre seuls dans la nature. Mais d’autre part, si être en société est commode, ce mode de vie impose des contraintes : il faut obéir à des lois, suivre une organisation, un emploi du temps, respecter les autres, supporter les autres, appliquer les codes d’un groupe, avoir des habitudes, se sentir obligé de rire quand les autres rient… Autrement dit, il semblerait que la société nous empêche d’être nous-même, d’être comme nous voudrions être – au risque d’être mal jugé. Ainsi, la vie en société menace-t-elle notre liberté ? La question renvoie à cette contradiction que Kant nomme « l’insociable sociabilité de l’homme » dans Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique : d’un côté, nous avons tendance à vouloir vivre ensemble, pour des raisons de commodité individuelle ; d’un autre côté, il existe en nous une résistance – à laquelle nous cédons pourtant – à la vie sociale, à cause justement de ses contraintes.

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La question ici est n’est pas posée sans raison, artificiellement : un problème la justifie.

Tout d’abord, nous verrons que la vie en société constitue non seulement une menace pour notre liberté, mais qu’elle empêche toute possibilité de pouvoir faire ce que nous voulons faire. Toutefois, cette liberté menacée n’étant qu’un type particulier de liberté, nous nous apercevrons que la vie en société, loin de menacer notre liberté, au contraire la conforte. Cependant, si la vie en société menace notre liberté, il se peut que cette menace, due à une exigence de sécurité, soit en partie voulue par les hommes pour réduire et permettre à la fois la liberté.

La vie en société, une menace pour notre liberté

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Dans cette première partie, nous allons tout d’abord définir les concepts puis travailler sur ceux-ci.

La vie en société est une menace pour notre liberté. La liberté peut se définir, dans un premier temps, sur le mode de l’immédiateté, comme la liberté de faire ce que nous voulons, sans limite ; autrement dit, être libre serait pouvoir agir et parler conformément à notre volonté, au-delà de toute obligation ou interdiction. Dans la mesure où notre lieu de vie qu’est la société constitue un système, une organisation humaine faite de lois et d’habitudes prévisibles qui sont autant de sources de pression pour la personne, apparaît dès lors un très fort degré d’incompatibilité entre la vie collective en société et la vie de la liberté individuelle. Une « menace » n’est pas exactement un péril avéré mais un péril en puissance, c’est-à-dire un danger : ainsi, vivre en société oblitère nos chances de liberté. Ou encore, si vivre c’est être libre, et si être libre c’est vivre, vraiment vivre, alors « vivre en société » n’est pas vraiment vivre. La société ne serait-elle pas une caverne de Platon mais dont nous savons que nous ne pouvons en sortir ?

L’anarchisme

Dès lors, si vivre en société risque d’empêcher notre liberté, ne faut-il pas concevoir et même assumer une vie hors de la société, ou du moins en dehors de tout État, de toute organisation ou pouvoir politique au sens large ? L’anarchisme serait-il le seul système socio-politique pouvant garantir la liberté humaine ? En ce sens, pour Stirner, la liberté a pour condition l’absence de société organisée en État, par un gouvernement politique. Dans L’Unique et sa propriété, il considère que toute société, même la plus démocratique, asphyxie le moi et le prive de liberté. L’Homme serait par essence libre et responsable, et pourrait ainsi se passer d’une autorité supérieure et souveraine. Cette dernière produit l’anéantissement de l’autonomie individuelle et empêche tout épanouissement personnel. D’où cette idée radicale : la nécessité de faire disparaître toute vie en société organisée autour d’un État (c’est-à-dire la quasi-unanimité des société humaines). La société et la liberté du moi sont en conflit. La vie en société exige des engagements : le vote démocratique est l’engagement selon lequel on se pliera à la volonté de la majorité d’un moment. Or la liberté est aussi la liberté de changer d’avis, sur le mode du temps qui passe. Pourtant, Stirner précise : « Ne serais-je pas lié, aujourd’hui et toujours, à ma volonté d’hier ? Ma volonté dans ce cas serait immobilisée, paralysée. Toujours cette malheureuse stabilité ! » La liberté du moi est, au contraire, de pouvoir changer. La vie en société ne le permet pas.

La liberté est naturelle

Plus radicalement, être libre, c’est se retirer de toute société humaine, organisée étatiquement ou non. Zhuangzi, dans son livre le Zhuangzi, prône une vie spontanée, faite d’actions nous permettant de nous libérer du monde humain, de la société, de ses règles et de ses artifices (notamment techniques). Il faut faire de la vie humaine un « vagabondage libre et simple » dans lequel le moi, plutôt que de s’affirmer, devrait pouvoir se fondre avec la nature. La vraie vie n’est pas sociale, elle est à l’image du cheval sauvage dans la nature, non du cheval domestiqué, amoindri, altéré, mis au service de l’Homme dans des écuries. L’élément de notre liberté est l’air plutôt que la terre. Nous mourrons un jour ? Certes mais « Si à l’air libre je serai livré en pâture aux corbeaux, sous terre je serai dévoré par les vers. » Mieux vaut mourir libre et heureux dans la nature que vivre prisonnier et malheureux dans la société.

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Une transition critique est indispensable avant de passer à la partie suivante.

Cependant, cette vie libre nécessite un renoncement au milieu dans lequel nous naissons et vivons depuis très longtemps : la société. Ce renoncement est-il véritablement possible ? Même les aventuriers qui vivent de la nature et éprouvent un fort sentiment d’évasion ne doivent leur vie et leur liberté qu’à la sécurité et aux moyens techniques qu’offre la civilisation : une combinaison en néoprène pour nager dans l’eau libre et froide, ou un VTT trail solide, maniable et léger pour s’enfoncer aisément dans les forêts.

La vie en société, une condition de la liberté

La vie en société et la compagnie des hommes sont peut-être alors non l’obstacle mais la condition de la liberté, la mienne comme celle des autres. Une société est un réseau d’échanges, échanges matériels, intellectuels et affectifs. Elle semble indispensable à toute vie humaine.

La société, nature de l’être humain

Autrement dit, vivre en société serait inscrit dans la nature humaine et serait pour nous la seule vie possible. Celui qui vit seul vit-il encore dans une humanité ? En ce sens, Aristote considère, au début de sa Politique, que « L’homme est un animal politique » (zôon politikon), c’est-à-dire un être naturellement social. Le « vivre » de l’expression « la vie en société » est à prendre au sens d’une disposition propre au vivant humain (d’où le mot « animal »). Nous sommes fait pour vivre ensemble, pour une meilleure indépendance sociale, une meilleure liberté politique de chacun : le cordonnier vend au boulanger les chaussures qu’il ne sait pas fabriquer ; et le boulanger vend au cordonnier le pain qu’il n’a pas appris à faire, ayant appris à faire autre chose. La liberté est ici conditionnée par le fait de vivre en bonne intelligence, dans une Cité elle-même libre, selon le principe de l’indépendance politique et juridique. L’homme qui vit seul est soit un animal, soit un dieu. Les besoins naturels et leur satisfaction constituent le fondement de la vie en société. Seuls, nous ne pouvons combler ces besoins. Notre nature nous impose la mise en place de réseaux d’échanges, eux-mêmes naturels. La vie en société devient insupportable et condamnable quand les échanges deviennent artificiels et produisent des besoins tout aussi artificiels. D’où la condamnation aristotélicienne de la « chrématistique », c’est-à-dire le commerce de tout ce qui n’est pas indispensable à une vie humaine faite de rapports sincères et qui viendrait, au contraire, les corrompre et produire des injustices, faire perdre à certains leur liberté.

Le contrat social, condition de la liberté

Aujourd’hui, l’institution de l’État comme modèle structurel de la société a remplacé la réalité de la Cité antique : est-ce à dire que l’État permet une vie en société qui serait plus libre que dans une Cité antique ? Pour Rousseau, un problème se pose cependant. Au début du Contrat social, il écrit : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. » Selon lui, l’Homme jouit d’une liberté naturelle : il s’agit d’un droit que la nature lui donne. Toutefois, les sociétés et les États ont transformé l’Homme libre en individu esclave ou prisonnier des tyrannies (symbolisées par les « fers » ou encore l’image du « joug »). Dès lors, la question que Rousseau se pose est : comment l’Homme pourrait-il recouvrer une liberté dans une société organisée ? Quel type d’État le permettrait ? Une république serait, selon lui, un État de cet ordre. Quel type de liberté est possible dans la vie en société organisée par une république ? Le chapitre 6 du livre I du Contrat social explique qu’un « pacte social », première étape d’un « contrat social », repose sur le fait qu’à la liberté naturelle et individuelle se substitue une liberté civile et collective. La liberté naturelle et individuelle de faire ce que l’on veut est solitaire et limitée d’une part par nos capacités physiques (s’il existe une liberté et un droit naturels de déplacement, nous n’avons pas le liberté de marcher des heures en plein chaleur sans boire), d’autre part par l’environnement (qui peut devenir très hostile, au plan climatique notamment, comme le fait remarquer Rousseau). De là, la vie dépend de notre capacité à nous organiser : l’union fait la force. Une république demande à chacun de renoncer à sa liberté de faire ce qu’il veut au profit d’une liberté commune, garantie par le cadre des lois que tout le monde accepte librement de respecter (par opposition à la loi du tyran ou à la loi du plus fort). Telle est la formule du contrat social : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n'obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. » Ce cadre législatif et républicain est la condition à respecter pour que la vie en société ne menace pas nos libertés fondamentales (penser, s’exprimer, se déplacer, entreprendre…).

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Une transition critique est indispensable avant de passer à la partie suivante.

La question qui se pose est aussi celle de savoir ce qui, précisément, dans la vie en société, risque de détruire notre liberté ? Pour Rousseau, le contrat social est un équilibre entre liberté et sécurité. Or, la liberté n’est-elle pas un risque pour notre sécurité ? Et sans sécurité, pouvons-nous réellement être libres ?

Liberté et sécurité

Ainsi, si la vie en société nécessite une sécurité civile, il se peut que cette dernière vienne menacer notre liberté. La question est de savoir quel rapport entre liberté et sécurité les hommes préfèrent pour vivre dans la société la plus heureuse et la plus juste : plus de sécurité au détriment de la liberté, ou plus de libertés au détriment de la sécurité ?

La sécurité plutôt que la liberté ?

Il se peut que la satisfaction du besoin de sécurité soit une menace pour la liberté, c’est-à-dire ici un mal nécessaire. L’être humain préfèrerait la sûreté civile. Il la choisirait, même, au détriment de la liberté. C’est ce qu’avance Hobbes, dans son Léviathan. Cette idée repose sur un postulat anthropologique : l’Homme serait mauvais pas nature. L’hypothèse de l’état de nature décrit un être intéressé seulement par lui-même, ce qui ferait de chacun d’entre notre un être prêt à tuer son semblable pour lui voler son bien ou pour assurer sa propre sécurité. « L’homme est un loup pour l’homme » et, si on le laissait libre de faire ce qu’il veut, la société serait « un état de guerre de tous contre tous ». Dès lors, ce n’est pas la vie en société qui constitue une menace pour la liberté, mais la liberté qui constitue une menace pour la vie tout court. La vie en société est ce qui pose des règles à la vie tout court et, en même temps, ses conditions nécessaires. Pour que la paix civile soit garantie et dans la mesure où l’Homme est mauvais par nature, il doit vouloir, s’il veut vivre tranquille, qu’un pouvoir coercitif soit institué, en la personne du Léviathan. Ce chef politique reçoit, par contrat social, le pouvoir et la liberté individuel de tous les sujets et se voit doté d’un pouvoir politique suffisant pour assurer la sécurité de tous. La liberté a un prix, mais payer ce prix est conscient et volontaire : les hommes veulent moins de liberté, davantage de sécurité, et c’est sciemment qu’ils font de la réduction de la liberté la condition de la vie en société. L’Homme est mauvais mais intelligent : il veut vivre (en société).

La liberté plutôt que la sécurité ?

Mais l’Homme est-il réellement mauvais par nature ? Le choix contraint d’un pouvoir autoritariste est-il une fatalité ? L’Homme est-il suffisamment responsable et paisible pour vivre dans une société permettant des libertés ? Le problème de la vie en société est qu’elle doit composer avec des caractères, des désirs et des avis différents : par exemple, actuellement en France, certaines personne préfèreraient des lois plus fermes, empêchant certaines liberté mais permettant selon elles une vie en société plus tranquille ; d’autres préfèreraient moins de contraintes sociales au profit de davantage de libertés. Des situations de pandémie obligeant à des limitations dans les déplacements (confinement, couvre-feu) et à des mesures de protection (port du masque) révèlent ce à quoi se réduit parfois la sûreté publique pour les uns (des barrières contre la phobie des contaminations de toute sorte), et ce à quoi se réduit la liberté pour les autres (prendre l’apéritif à la terrasse d’un café). Dans le chapitre 9 du livre III du Contrat social, Rousseau traduit ainsi les controverses de la vie en société, controverses qui résument bien le problème du rapport entre « vivre ensemble » et « vivre libre » : « Les sujets vantent la tranquillité publique, les citoyens la liberté des particuliers ; l’un préfère la sûreté des possessions, et l’autre celle des personnes ; l’un veut que le meilleur gouvernement soit le plus sévère, l’autre soutient que c’est le plus doux ; celui-ci veut qu’on punisse les crimes, et celui-là qu'on les prévienne […]. » Le but de « l’association politique », c’est-à-dire de la vie en société, est d’abord « la conservation et la prospérité de ses membres », sans lesquelles la liberté civile ne serait pas possible. Pour Rousseau, une république est un juste compromis entre liberté et sécurité. Autrement, cette société ne prospèrerait pas, ni sur le plan moral ni sur le plan économique. Vivre nécessite de vivre en toute sécurité : de là, la vie en société n’est pas une menace pour la liberté.

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Astuce

On utilise la conclusion pour préciser sa prise de position finale, l’idée à laquelle on aboutit en fin de raisonnement et sur laquelle on s’engage.

Conclusion :

« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » : ce proverbe semble finalement faux, tant la liberté dans une société s’exerce dans un cadre partagé, celui que nous délimitons ensemble de façon démocratique et qui se traduit par des lois auxquelles chacun accepte librement d’obéir. Si ma liberté s’arrête là où la tienne commence, nous vivons alors chacun dans notre petite parcelle de liberté : en ce cas, il y a peut-être une société – fragmentée – mais pas à proprement parler de vie en société. « Ensemble » est l’adverbe politique par excellence : vivre ensemble, c’est être libres ensemble, dans un État garantissant la protection de notre liberté.