1944-1947 : refonder la République, redéfinir la démocratie
Introduction :
Au cours des quatre années d’occupation de la France par les Allemands, la Résistance s’est battue, non seulement contre l’occupant, mais aussi contre le régime autoritaire et collaborationniste du maréchal Pétain.
Si les sensibilités politiques divergent parmi les résistants, tous s’accordent sur un même idéal : libérer le pays et restaurer les valeurs démocratiques. La France résistante est unifiée autour du général de Gaulle et prépare son après-guerre. À la Libération, elle est prête à refonder la République et à redéfinir la démocratie.
Nous nous intéresserons, dans un premier temps, à la constitution du Gouvernement provisoire de la République française et à son action pendant la Libération. Notre attention se portera ensuite sur les avancées démocratiques et sociales qui ont accompagné cette période. Enfin, nous verrons dans quelles conditions est née la IVe République.
Une République provisoire dans une France libérée
Une République provisoire dans une France libérée
Il est important de souligner que la reconstruction politique de la France ne s’est pas faite en un jour, au sortir de la guerre. Le processus démocratique de refondation républicaine est long. Or, dans le contexte chaotique de la Libération, certaines décisions doivent être prises dans l’urgence, sous l’autorité d’un gouvernement provisoire.
Le gouvernement provisoire
Le gouvernement provisoire
Le Gouvernement provisoire de la République française (appelé aussi GPRF) est directement issu de la Résistance. Son président est le général de Gaulle.
Le GPRF se compose d’hommes politiques, pour la plupart de gauche. On y retrouve donc les communistes du PCF (Parti communiste français), les socialistes de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière, ancêtre du Parti socialiste) et les radicaux. Il est à noter qu’un nouveau parti, appelé le Mouvement républicain populaire (le MRP), rassemble les chrétiens démocrates.
En août 1944, en pleine Libération, le GPRF quitte Alger, où il siégeait depuis 1943, pour s’installer à Paris.
Le 26 août 1944, le Général de Gaulle descend les Champs-Élysées, entouré des membres de son gouvernement provisoire
Restaurer l’autorité républicaine
Restaurer l’autorité républicaine
La première action du GPRF est d’envoyer ses représentants dans les régions libérées.
Ces derniers ont pour mission d’annuler systématiquement les décisions du régime de Vichy et de restaurer l’autorité républicaine.
Leur présence est nécessaire car dans de nombreuses communes la Libération s’accompagne de violences.
Cette femme, accusée par certains d’avoir fréquenté les Allemands, est tondue publiquement à Montélimar, en août 1944
Cette scène ne représente malheureusement pas un cas isolé. Elle illustre ce qu’on appelle l’épuration.
Épuration :
C’est la répression des individus ayant collaboré avec les nazis durant l’Occupation.
L’urgence, pour les représentants du GPRF, est de faire régner l’ordre et la justice en organisant des procès équitables.
On parlera alors d’une « épuration légale ».
L’un des procès les plus attendus est bien évidemment celui de l’ancien chef du régime de Vichy, le maréchal Pétain. Il se tient à l’été 1945. Le vieux maréchal est condamné à mort, mais sa peine est commuée, c’est à dire qu’elle est réduite à une peine d’emprisonnement à vie par le Général de Gaulle.
Alors que le pays règle ses comptes avec le passé, le GPRF prépare l’avenir, un avenir démocratique et social.
Une République démocratique et sociale
Une République démocratique et sociale
Le droit de vote des femmes
Le droit de vote des femmes
Le nouveau mot d’ordre est « rendre sa souveraineté au peuple ».
Ainsi, pour fonder la nouvelle République, le GPRF entend s’appuyer sur des élections. Les Français sont donc associés à toutes les décisions politiques mais aussi, et pour la première fois, les Françaises.
Ce droit de vote, les Françaises le réclament depuis la fin du XIXe siècle. Mais ni leur rôle, fondamental pendant la Première Guerre mondiale, ni la lutte des militantes féministes n'avaient pu leur permettre d'accéder à une véritable reconnaissance de l'État comme citoyennes à part entière.
Le suffrage universel est restauré en octobre 1944, et en élargissant le droit de vote aux femmes, le GPRF reconnaît leur engagement au sein de la Résistance et leur confère une place de citoyenne à part entière dans la République à venir.
Les réformes sociales
Les réformes sociales
Après l’instauration du suffrage universel, le GPRF lance un vaste programme de réformes économiques et sociales. Ce programme s’inspire directement de celui qu’avait rédigé le Conseil national de la Résistance (le CNR), en 1943, en prévision de la Libération.
- Il tend à créer un État-providence.
État-providence :
État qui garantit à tous la protection sociale ainsi que des droits nouveaux.
Dans le domaine économique, l’État procède à de nombreuses nationalisations, en prenant le contrôle des secteurs essentiels à la reconstruction du pays, comme l’énergie, les transports ou la finance.
Des entreprises ayant collaboré avec l’Allemagne sont également nationalisées. C’est le cas du constructeur automobile Renault.
Dans le domaine social, la plus grande réforme aboutit en 1945 à la mise en place de la Sécurité sociale. Elle garantit aux Français une protection face aux maladies, à la vieillesse ou aux accidents et repose sur la solidarité nationale, puisqu’elle est financée grâce aux cotisations des salariés et des entreprises.
Dans cette France enthousiaste où les réformes vont bon train, une question pose néanmoins problème : à quel type de régime doit s’apparenter la IVe République ?
La difficile naissance de la IVe République
La difficile naissance de la IVe République
Une Constitution en débat
Une Constitution en débat
Le 21 octobre 1945, citoyens français et françaises votent pour élire l’Assemblée constituante. Comme son nom l’indique, cette assemblée est chargée de rédiger la Constitution.
Constitution :
Texte fixant l’organisation et le fonctionnement de la nouvelle République.
Or, la question du contenu de cette Constitution fait débat parmi les hommes politiques.
Faut-il conserver les institutions de la IIIe République ou créer de nouvelles institutions ?
D’un côté, il y a les partisans d’un régime parlementaire, qui voudraient privilégier le pouvoir législatif des députés, comme sous la IIIe République. De l’autre, Il y a ceux qui, comme de Gaulle, souhaiteraient réformer les institutions de manière à renforcer le pouvoir exécutif, celui détenu par le président et son gouvernement.
Bien qu’il demeure la figure incontestée de la Résistance, le général de Gaulle ne parvient pas à faire entendre son projet.
Voyant son autorité remise en question, il décide de quitter le Gouvernement provisoire en janvier 1946.
L’adoption de la Constitution
L’adoption de la Constitution
Libérés de l’influence du Général de Gaulle, les trois partis majoritaires de l’Assemblée constituante, le PCF, la SFIO et le MRP s’accordent sur un projet de Constitution calqué sur le modèle parlementaire.
Ce projet est soumis le 5 mai 1946 au référendum. Les citoyens sont donc invités à se prononcer en votant « oui » ou « non » à la proposition. Et à 53 % des voix, c’est le « NON » qui l’emporte.
Ce refus entraîne l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante qui, à son tour, rédige un projet de Constitution. Ce second projet, qui n’est pas véritablement différent du premier, est voté. Et à 53 %… les Français l’acceptent.
C’est ainsi que le 27 octobre 1946 naît la IVe République.
Conclusion :
À la Libération, le pouvoir est donc assuré par un gouvernement provisoire issu de la Résistance. Celui-ci engage un programme de réforme ambitieux qui, en accordant le droit de vote aux femmes et en fondant l’État-providence, redéfinit la démocratie.
Néanmoins, dans son effort pour refonder la République, le Général de Gaulle ne parvient pas à imposer sa vision des institutions. La IVe République se construira sans lui sur le modèle d’un régime parlementaire, comme le voulaient les trois partis dominants : le PCF, la SFIO et le MRP.