Sido, suivi de Les Vrilles de la vigne - Partie 2

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Introduction

Les Vrilles de la vigne est un recueil de nouvelles d’une autrice qui s’est surtout fait connaître grâce aux quatre Claudine, des romans qu’elle signe sous un autre nom que le sien. C’est donc le livre d’une deuxième entrée en littérature, un livre qui va poser tous les grands thèmes abordés dans l’œuvre profuse de Colette. Au contraire, Sido est l’œuvre d’une femme de lettres très ancrée dans la vie culturelle de son pays. Si le lecteur y retrouve les thèmes des Vrilles de la vigne, il a aussi l’impression de lire trois souvenirs d’une femme qui a déjà bien vécu et qui ressent le besoin de se retourner sur son enfance. Toutefois, qu’ils soient des œuvres de jeunesse ou des œuvres de gloire, ces deux ouvrages mêlent avec constance la biographie et la fiction à travers un style d’une force toujours aussi impressionnante depuis les premiers pas de Colette en littérature.
Pourquoi persiste-t-elle à écrire sa vie sur des décennies ? Pour répondre à cette question, nous montrerons d’abord que l’existence mouvementée de Colette ne fut pas tout de suite celle d’une femme libérée. Il lui a fallu braver bien des obstacles et apprendre à changer, à se transformer en permanence. Ensuite, nous essaierons de montrer que c’est grâce à son lyrisme et à son style léger, mais non facile, que Colette a pu maîtriser ces métamorphoses et trouver sa voix. Ce parcours pourrait nous amener à saisir en quoi l’écriture est pour Colette un geste de libération, qui permet de partir à la conquête de soi.

Le douloureux apprentissage de la liberté

Pour comprendre en quoi Sido et Les Vrilles de la vigne sont des œuvres par lesquelles Colette se libère d’un sentiment d’oppression, il faut comprendre la crise personnelle qu’elle traverse autour de 1905, autour de ses trente-deux ans.

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Définition

Oppression :
Sentiment d’être empêché de respirer librement.

Une existence troublée

Au début du vingtième siècle, Colette vient de terminer le cycle des Claudine, quatre romans écrits entre 1900 et 1904, et qui lui ont apporté un succès littéraire considérable. Elle se demande donc ce qu’elle va pouvoir écrire maintenant. L’incertitude est d’autant plus grande que Willy, l’homme à qui elle empruntait son nom de plume, la trompe et la malmène. Les disputes sont fréquentes. Colette est également troublée par la mort de son père et par les sentiments qu’elle ressent à l’égard de la marquise de Morny, dite Missy. Tout cela s’ajoute au défi qu’elle s’est lancé de monter sur scène. En conséquence, elle tombe malade et hésite même à se suicider.

Colette et Willy en 1902 Colette et Willy en 1902

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Attention

Il n’y a rien d’étonnant pour le public des années 1900 que Colette signe avec un nom d’homme. Comme ce sont les hommes qui sont le mieux éduqués, ce sont également eux qui sont amenés le plus souvent à publier. De plus, une femme autrice, artiste de manière générale, est jugée plutôt négativement par la société. Toujours est-il que cette pratique reste une contrainte.

Colette entre donc dans une période d’introspection. Elle est perturbée de découvrir que son père était un écrivain manqué. Trop impressionné par sa femme « Sido », il ne s’est jamais lancé dans une entreprise d’écriture importante. Or, Colette ne veut pas être vis-à-vis de Willy comme son père vis-à-vis de sa femme ; c’est-à-dire qu’elle ne veut pas que son compagnon l’empêche de créer librement et de signer ses propres œuvres. La démarche littéraire de Colette est certes libératrice, mais elle est aussi un hommage rendu à la figure paternelle. Dès lors, il est possible de voir Sido et Les Vrilles de la vigne comme un duo : le premier permet de saluer la présence de la mère, et le second, par ses audaces morales, est une façon de saluer un père discret.

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Définition

Introspection :
Regard attentif porté sur soi-même.

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Exemple

Dans Sido, Colette explique les non-dits provenant d’un père pourtant bavard. Elle le rend secret et donc intéressant :
« Gai ? Et pourquoi eût-il été, sincèrement, gai ? Il avait besoin de vivre au sein d’une chaude approbation, après avoir eu besoin, dans sa jeunesse, de mourir publiquement et avec gloire. Réduit à son village et à sa famille, envahi et borné par son grand amour, il livra le plus vrai de lui-même à des étrangers, à des amis lointains. Un de ses compagnons d’armes, le colonel Godchot, vit encore, et garde des lettres, redit des mots du capitaine Colette… »

À partir du moment où Colette va assumer d’être une saltimbanque divorcée et bisexuelle, autant de tares avilissantes pour une femme aux yeux de l’opinion publique, elle va connaître de fortes réprobations. Aussi peut-on lire les textes des Vrilles de la vigne comme des provocations qui lui permettent de revendiquer ses choix.
Par exemple, dans « Toby-chien parle » la maîtresse de Toby crie son désir de liberté, « Music-hall » décrit avec malice les coulisses d’un spectacle de danse, et « Nuit blanche » évoque subtilement l’amour lesbien. En effet, pour comprendre que le « je » raconte une nuit passée entre deux amantes, il faut être attentif à l’accord du verbe « pencher » dans la dernière phrase de la nouvelle : « Tu me donneras la volupté, penchée sur moi, les yeux pleins d’une anxiété maternelle, toi qui cherches, à travers ton amie passionnée, l’enfant que tu n’as pas eu… ». Ce « e » indique bien que c’est une autre femme qui se penche sur la narratrice.

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Définition

Saltimbanque :
Professionnel du spectacle.

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Définition

Réprobation :. Fait de condamner quelqu’un pour ses actes ou son attitude.

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Exemple

Voici les propos de sa maîtresse que Toby rapporte à Kiki-la-doucette :
« Je veux faire ce que je veux. Je veux jouer la pantomime, même la comédie. Je veux danser nue, si le maillot me gêne et humilie ma plastique. Je veux me retirer dans une île, s’il me plaît, ou fréquenter des dames qui vivent de leurs charmes, pourvu qu’elles soient gaies, fantasques, voire mélancoliques et sages, comme sont beaucoup de femmes de joie. Je veux écrire des livres tristes et chastes, où il n’y aura que des paysages, des fleurs, du chagrin, de la fierté, et la candeur des animaux charmants qui s’effraient de l’homme… Je veux sourire à tous les visages aimables, et m’écarter des gens laids, sales et qui sentent mauvais. Je veux chérir qui m’aime et lui donner tout ce qui est à moi dans le monde : mon corps rebelle au partage, mon cœur si doux et ma liberté ! »

Colette dans le spectacle Rêve d’Égypte en 1907 Colette dans le spectacle Rêve d’Égypte en 1907

Changer par le conte

Il ne suffit pas de dire qu’on se libère pour être véritablement libéré. Réussir à se libérer signifie réussir à passer d’un état premier à un autre. Or, dans Sido et dans Les Vrilles de la vigne beaucoup de choses se modifient et se transforment dans un esprit merveilleux qui tient du conte en de nombreux endroits. Par exemple, la critique a pu considérer que « Toby-chien et la musique » est un « conte réconfortant », voire un « conte de noël ». C’est assez surprenant parce que dans ce texte il n’y a ni neige, ni sapin, ni miracle, ni ange, ni enfant divin, bref, tout ce qui fait le folklore du conte de Noël dans la tradition chrétienne occidentale. En fait, c’est un conte au sens traditionnel, c’est-à-dire que c’est un récit court, avec du merveilleux (un chien qui donne une interview), et avec une dimension éducative (montrer le goût qu’on peut avoir pour la musique).

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Définition

Folklore :
Ensemble des traditions et des arts d’une région donnée.

La première nouvelle du recueil, « Les vrilles de la vigne », peut aussi être lue comme un conte. En tous cas, la portée métaphorique est évidente puisqu’il faut voir le rossignol comme une incarnation de Colette, et les vrilles comme les nombreuses contraintes de sa vie personnelle qui la tiennent prisonnière. Réussir à sortir des vrilles ce serait, pour Colette, réussir à se sortir des griffes de Willy, un homme brusque et dominateur. Le conte serait donc un moyen de dire sa libération, mais par des moyens détournés.

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Définition

Métaphorique :
Qui relève de la métaphore, cette figure de style qui permet de désigner une chose par une autre.

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Exemple

Dans cet extrait des « Vrilles de la vigne », il apparaît que rompre les liens qui nous retiennent revient à sortir d’un sommeil funeste pour trouver sa propre « voix » : « Cassantes, tenaces, les vrilles d’une vigne amère m’avaient liée, tandis que dans mon printemps je dormais d’un somme heureux et sans défiance. Mais j’ai rompu, d’un sursaut effrayé, tous ces fils tors qui déjà tenaient à ma chair, et j’ai fui… Quand la torpeur d’une nouvelle nuit de miel a pesé sur mes paupières, j’ai craint les vrilles de la vigne et j’ai jeté tout haut une plainte qui m’a révélé ma voix… »

Page 6 des Vrilles de la vigne, illustré par René Lelong, 1930, Éditions Kra Page 6 des Vrilles de la vigne, illustré par René Lelong, 1930, Éditions Kra

Cependant, se libérer sans rien faire de sa liberté peut conduire à souffrir à nouveau et à tomber dans les mêmes écueils qu’auparavant. Il faut donc savoir se libérer pour changer, pour devenir quelqu’un d’autre, pour acquérir de nouvelles valeurs, comme dans les contes. En guise d’illustration, on peut dire que Sido et Les Vrilles de la vigne sont des œuvres qui valorisent la tendresse et condamnent à plusieurs reprises la volupté trop brutale.
Ainsi la complicité silencieuse qui unit la chatte à sa maîtresse dans Dialogues de bêtes est l’exemple d’un amour délicat qui passe par une compréhension respectueuse de l’autre : « Mais nos confidences, d’Elle à moi, de moi à Elle, sont d’autre sorte. Depuis que nous sommes ici, Elle s’est confiée, presque sans paroles, à mon instinct divinateur. »

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Définition

Écueil :
Difficulté dangereuse dans laquelle il faut éviter de tomber.

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À retenir

L’organisation des nouvelles au sein du recueil Les Vrilles de la vigne n’est pas hasardeuse. En choisissant de placer son histoire sur le rossignol en première position, Colette place tous les autres textes sous son autorité. De la sorte, elle prévient qu’elle se libère des convenances et s’autorise à parler de tous les sujets qui vont suivre.

Trouver sa voix

Pour un écrivain, trouver sa voix peut signifier trouver son style, c’est-à-dire sa façon à lui de s’exprimer et de manipuler la langue. Pour Colette, cela passe par le déploiement d’un art lyrique d’une grande sensibilité qui tente de faire oublier la lourdeur du quotidien et les banalités du discours.

Le lyrisme comme refuge

Le chant lyrique de Colette ne veut pas être un chant inutile. Pour elle, cela ne suffit pas d’avoir une écriture simplement jolie. Il est remarquable que son rossignol dans la première nouvelle des Vrilles de la vigne « chante de si belles choses qu’il ne sait plus ce qu’elles veulent dire ».
Il est vrai que si le rythme des mots tourne à vide, la libération par le langage peut conduire à la solitude. Or, écrire doit permettre de trouver un refuge.

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Définition

Lyrisme :
Caractéristique esthétique qui met en avant la subjectivité ainsi que des thèmes existentiels.

Pour ne pas rester coincée dans sa solitude, la narratrice s’adresse à de nombreuses reprises à un « tu ». C’est le cas dans « Nuit blanche », « Jour gris » ou encore dans « Le dernier feu ». La littérature sert donc à trouver un soutien. Aujourd’hui, on sait que ce « tu » désigne Missy, la maîtresse de Colette, qui n’est pas directement nommée. Cependant, l’usage de cette deuxième personne du singulier rend la relation entre la narratrice et le lecteur plus intime. Le tutoiement rapproche les individualités.

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Définition

Individualité :
Ce qui existe en tant qu’individu.

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Exemple

« Alors tu feindras de t’éveiller ! Alors je pourrai me réfugier en toi, avec de confuses plaintes injustes, des soupirs excédés, des crispations qui maudiront le jour déjà venu, la nuit si prompte à finir, le bruit de la rue… Car je sais bien qu’alors tu resserreras ton étreinte, et que, si le bercement de tes bras ne suffit pas à me calmer, ton baiser se fera plus tenace, tes mains plus amoureuses, et que tu m’accorderas la volupté comme un secours, comme l’exorcisme souverain qui chasse de moi les démons de la fièvre, de la colère, de l’inquiétude… »

Colette et la Marquise de Morny (Missy) Colette et la Marquise de Morny (Missy)

Si Missy, figure de l’être aimé, est un refuge pour celle qui a su se libérer et partir à la conquête d’elle-même, l’autre refuge possible est à trouver dans la sagesse de sa mère. Une sagesse étroitement liée au paradis perdu de l’enfance. Avec Sido, Colette remonte donc à cette origine, ce qui lui permet de trouver d’où vient son goût pour la littérature, qui est précisément l’outil de son émancipation. C’est pourquoi elle explique que Sido, derrière son allure de campagnarde de province, est aussi une femme lettrée, qui a une véritable fibre artistique, et qui a même fréquenté un temps les élites intellectuelles de Paris. Elle raconte aussi les histoires que se plaisait à raconter son père, et insiste sur les jeux de lecture auxquels s’adonnaient ses frères. Autant d’occasions pour la petite fille qu’elle était de faire l’apprentissage des mots et de l’art.

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Définition

Émancipation :
Action de se libérer d’un état de dépendance.

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Exemple

Alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, Colette juge la qualité des histoires que lui lit son père :
« J’étais petite quand mon père commença d’en appeler à mon sens critique. Plus tard, je me montrai, Dieu merci, moins précoce. Mais quelle intransigeance, je m’en souviens, chez ce juge de dix ans…
— Écoute ça, me disait mon père.
J’écoutais sévère. Il s’agissait d'un beau morceau de prose oratoire, ou d’une ode, vers faciles, fastueux par le rythme, par la rime, sonores comme un orage de montagne…
Je hochais ma tête et mes nattes blondes, mon front trop grand pour être aimable et mon petit menton en bille, et je laissais tomber mon blâme :
— Toujours trop d’adjectifs ! »

À plus d’un titre, Sido et Les Vrilles de la vigne invitent à être marginal. D’une part, ces œuvres suggèrent à leur lecteur de trouver sa propre voie au sens de sa propre inspiration, suivant ses propres désirs ; et d’autre part elles l’invitent à trouver sa propre voix au sens de son propre style. Par exemple, « Belles-de-jour », « De quoi est-ce qu’on a l’air ? », « La Guérison » et « Le Miroir » sont à lire comme des appels à se tenir à l’écart des modèles stéréotypés de féminité et de relation amoureuse que la société propose.

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Définition

Marginal :
Qui se tient en marge, à l’écart d’une norme établie.

L’illusion de la légèreté

Où Colette trouve-t-elle la force de dire sa conquête d’elle-même ? Très probablement, les descriptions de paysages, ceux de la forêt de Saint-Sauveur ou de la mer par exemple, l’aident à installer le décor de sa libération. Il est donc possible d’affirmer que l’art de Colette, comme le dit le spécialiste Michel Mercier, est un « art du regard », un art de la retraite loin de l’agitation du monde.

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Exemple

« Il y a moins de printemps parmi ces roses, sous ces orangers lumineux d’oranges mûres, que dans un seul jour de dégel, là-bas, en mon pays aux collines voilées !… Joli Midi menteur, je donnerais toutes tes roses, toute ta lumière, tous tes fruits, – pour un tiède et frais après-midi de février, où dans le pays que j’aime la neige bleuâtre fond lentement à l’ombre des haies et découvre, brin à brin, le jeune blé raide, d’un vert émouvant… »

Les effets qui permettent d’installer cet « art du regard » sont les suivants : la concision, qui permet une certaine plasticité du récit en changeant rapidement de sujet, la préciosité, qui fait que l’autrice utilise un vocabulaire précis et une langue soignée, et l’usage méticuleux de l’adjectif, utilisé souvent en antéposition par rapport au nom, ce qui renforce la préciosité du style. L’humour de Colette, dont les disputes entre les animaux qui parlent ne donnent qu’une mince illustration, prouve également son sens aigu de l’observation.

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Définition

Antéposer :
Placé avant. Montrer le caractère antérieur d’une chose.

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Exemple

La fameuse description des violettes dans « Le dernier feu » donne quelques exemples d’antéposition de l’adjectif :
« Violettes à courte tige, violettes blanches et violettes bleues, et violettes d’un blanc bleu veiné de nacre mauve, – violettes de coucou anémiques et larges, qui haussent sur de longues tiges leurs pâles corolles inodores… »

Bouquet de violettes, Edgard Manet, 1872 Bouquet de violettes, Edgard Manet, 1872

La tendresse et la délicatesse qu’une Colette libérée cherche à exprimer s’affirment à travers un style spontané, instinctif et naturel. De surcroît, le « je » dans Sido et Les Vrilles de la vigne prend le temps de la contemplation. Pour cette raison, ces deux œuvres peuvent être considérées comme des successions de poèmes en prose. Plus précisément, chacun de ces poèmes s’appuierait sur le registre épidictique pour faire des portraits finement ciselés de personnages, ce qui peut apparaitre comme une forme de respect que Colette manifeste aux personnes qui l’ont entourée.

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Définition

Registre épidictique :
Discours qui sert à louer ou à blâmer, et qui est souvent utilisé pour idéaliser ou caricaturer certains individus.

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Exemple

Dans ce passage, Colette fixe clairement son ambition de faire un portrait laudatif de sa mère, projet de tout Sido :
« Au vrai, cette Française vécut son enfance dans l’Yonne, son adolescence parmi des peintres, des journalistes, des virtuoses de la musique, en Belgique, où s’étaient fixés ses deux frères aînés, puis elle revint dans l’Yonne et s’y maria deux fois. D’où, de qui lui furent remis sa rurale sensibilité, son goût fin de la province ? Je ne saurais le dire. Je la chante, de mon mieux. Je célèbre la clarté originelle, qui, en elle, refoulait, éteignait souvent les petites lumières péniblement allumées au contact de ce qu’elle nommait le “commun des mortels”. »

Enfin, c’est par une mémoire réveillée sans cesse par l’écriture que cet exercice de remémoration libérateur peut être entretenu. Du reste, la répétition est un des traits stylistiques communs à Sido et aux Vrilles de la vigne, comme s’il était nécessaire de rappeler le caractère de chacun et l’omniprésence de certains thèmes, pour ne pas les oublier. Cela implique que ces œuvres conservent une dimension ludique : elles se plaisent à toucher aux choses graves, sans en avoir l’air.

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Définition

Ludique :
Qui a rapport avec le jeu.

Conclusion

Si, du point de vue du fond, Sido et Les Vrilles de la vigne ne semblent être que de simples agencements d’anecdotes ordinaires, du point de vue de la forme, tout s’agite. En effet, ces récits relèvent à la fois du conte, de la chronique, de la confession, de la scénette de théâtre ou encore du poème en prose. Un style lyrique et exigeant attend de son lecteur qu’il soit un observateur attentif du vivant. De textes courts en textes courts, Colette nous embarque dans des recoins toujours plus éloignés de sa mémoire sans que nous puissions vraiment établir une chronologie. Ce processus est à lire comme un moyen de nous faire échapper aux griffes du temps, pour entrer dans le cycle éternel de la vie et de la mort.
Une fois ces procédés acceptés, il est plus facile de découvrir la profondeur des anecdotes. On se rend compte que toutes ces scènes de solitude et de retraite, de la part d’un être dans l’attente d’un amour véritable, permettent à l’autrice de se créer une dignité et de brandir sa liberté. Ainsi toute l’œuvre de Colette, même si elle paraît sage, est un travail de défiance vis-à-vis de la morale et des convenances, mais elle effleure avec confiance plutôt qu’elle ne dénonce violemment.