Absorbance et spectre d’absorption
Introduction :
Observons un verre d’eau : son contenu apparaît transparent. Lorsqu’on plonge sous l’eau, le milieu environnant apparaît aussi transparent sur une courte distance, mais les poissons et les rochers sont un peu bleutés. Au-delà de quelques mètres, tout apparaît bleu, même si l’éclairage, provenant du Soleil, est identique. Cela est dû à l’absorption par l’eau d’une partie de la lumière du Soleil.
L’eau n’est donc pas incolore, même si elle le semble quand on en observe une petite épaisseur seulement. D’autres milieux et espèces apparaissent colorés sans forcément être opaques, même en faible quantité, par exemple la chlorophylle qui colore les végétaux.
Ce chapitre présente les notions d’absorbance et de spectre d’absorption. La relation entre la couleur d’une solution et sa composition chimique est aussi expliquée, et comment déterminer la concentration d’une espèce chimique en solution d’après son spectre d’absorption.
L’absorbance
L’absorbance
L’éclairement
L’éclairement
Considérons un ensemble de panneaux solaires : celui-ci produit d’autant plus d’électricité que la surface de panneaux est importante. Or la puissance électrique produite est aussi proportionnelle à la puissance lumineuse reçue, c’est-à-dire la quantité de photons arrivés chaque seconde sur les panneaux.
De même, la pupille de l’œil est contractée en pleine lumière pour limiter la lumière entrant. Elle est dilatée dans la pénombre pour laisser passer plus de lumière.
La puissance lumineuse totale reçue sur une surface est proportionnelle à la surface collectrice.
Éclairement énergétique :
L’éclairement reçu sur une surface est le rapport de la puissance lumineuse reçue divisée par l’aire collectrice.
Il est mesuré en watt par mètre carré ($\text{W}\cdot{\text{m}}^{-2}$).
Il ne faut pas confondre l’éclairement avec l’intensité lumineuse, qui est une grandeur qui caractérise l'éclat d'une source ponctuelle de lumière et est mesurée en candela ($\text{cd}$) dans le Système international.
La transmittance et l’absorbance
La transmittance et l’absorbance
Considérons à nouveau l’exemple du plongeur. L’éclairement qu’il reçoit est inférieur à ce qui arrive à la surface de l’eau. Le rapport de ces deux quantités est le facteur de transmission. Ici, nous considérons que ce facteur de transmission et la transmittance se valent.
Transmittance :
La transmittance $T$ d’un milieu est le rapport de l’éclairement transmis à travers ce milieu $I$ sur l’éclairement incident $I_0$ :
$$T=\dfrac{I}{I_{0}}$$
$T$ est sans dimension.
- Ce facteur est défini à une longueur d’onde donnée.
Dans le cas de l’eau, la transmittance mesurée à $450\ \text{nm}$ (bleu) est différente de celle mesurée à $650\ \text{nm}$ (rouge).
Il en est de même pour la grandeur associée qu’est l’absorbance.
Absorbance :
L’absorbance $A$ d’un milieu est le logarithme décimal de l’inverse de la transmittance $T$ :
$$\begin{aligned} A&=\log\Big(\dfrac{1}{T}\Big) \\ &=\log\Big (\dfrac{I_0}{I}\Big) \\ &=-\log(T) \end{aligned}$$
$A$ est sans dimension.
Le spectre d’absorption
Le spectre d’absorption
Spectre d’absorption et couleur d’une solution
Spectre d’absorption et couleur d’une solution
Comme l’absorbance d’un milieu dépend de la longueur d’onde de la lumière incidente, on peut caractériser celui-ci en construisant son spectre d’absorption.
Spectre d’absorption :
Le spectre d’absorption d’un milieu regroupe les valeurs de l’absorbance $A(\lambda)$ de ce milieu pour des valeurs de la longueur d’onde lambda décrivant l’ensemble du spectre visible et une partie du domaine ultraviolet (entre $200$ et $800\ \text{nm}$).
Dans le cas d’un milieu blanc ou incolore, la partie visible du spectre est uniformément absorbée, ou pas du tout.
Le spectre d’un milieu coloré présence des maxima et des minima dans le domaine visible. La couleur du milieu est le résultat de la composition des couleurs les moins absorbées par ce milieu.
Un milieu dont le spectre d’absorption présente un maximum apparaît de la couleur complémentaire de celle correspondant au maximum d’absorption.
Voici, pour rappel, les longueurs d’onde du spectre de la lumière visible.
Longueurs d’onde du spectre de la lumière visible (et couleurs complémentaires)
Spectre d’absorption UV-visible de l’eau
L’absorbance de l’eau augmente continûment du bleu au rouge.
- L’eau apparaît donc bleue.
Spectre d’absorption UV-visible de la chlorophylle a
Le spectre d’absorption de la chlorophylle présente deux maxima, vers $440\ \text{nm}$ et vers $650\ \text{nm}$. Les couleurs absorbées sont donc le bleu et le rouge.
- D’où la couleur verte des végétaux qui contiennent de la chlorophylle.
Mesure de l’absorbance et du spectre d’absorption
Mesure de l’absorbance et du spectre d’absorption
Spectrophotomètre :
Un spectrophotomètre est un appareil permettant de mesurer l’absorbance d’un milieu à une longueur d’onde donnée. Il contient :
- une source de lumière blanche ;
- un réseau de diffraction pour décomposer la lumière ; son orientation permet d’envoyer vers l’échantillon à tester la lumière d’un petit intervalle de longueur d’onde ;
- un emplacement pour l’échantillon à tester, généralement une cuve contenant une solution de l’espèce chimique à tester ;
- un capteur de lumière.
Schéma de principe d’un spectrophotomètre
Méthode :
La mesure de l’absorbance comporte plusieurs étapes.
- Il faut d’abord procéder à l’étalonnage.
- Si on mesure l’absorbance d’une espèce en solution, il s’agit de mesurer l’absorbance du solvant.
- Ensuite, on mesure l’absorbance de la solution testée.
- Enfin, l’absorbance de l’espèce en solution est la différence de deux absorbances mesurées :
$$A(\text{solution}) - A(\text{solvant}) = A(\text{soluté})$$
En effet, dans une solution, solvant et soluté sont absorbants.
Imaginons que le soluté soit extrait et qu’on observe le passage de la lumière par le solvant pur puis par le soluté. On a alors :
$$\dfrac{I}{I_0} = \dfrac{I}{I^\prime} \times \dfrac{I^\prime}{I_0}$$
Le facteur de transmission total est donc le produit de ceux du solvant et du soluté :
$$T(\text{solution}) = T(\text{solvant}) \times T(\text{soluté})$$
- Et donc :
$$\begin{aligned} A(\text{solution}) &= -\,\log\big(T(\text{solution})\big) \\ &= -\,\log\big(T(\text{solvant}) \times T(\text{soluté})\big) \\ &= - \,\log\big(T(\text{solvant})\big) - \log\big(T(\text{soluté})\big) \\ &= A(\text{solvant}) + A(\text{soluté}) \end{aligned}$$
Pour construire un spectre d’absorption, ces mesures sont effectuées pour un grand nombre de valeurs de longueur d’onde réparties uniformément sur l’intervalle UV-visible. Cela peut représenter plusieurs centaines de mesures, mais des appareils récents permettent d’automatiser le processus.
Le domaine idéal de transmittance pour des mesures spectrophotométriques va de $0,2$ à $0,6$, ce qui correspond à des absorbances comprises entre $0,22$ et $0,70$ environ. Des phénomènes optiques comme la réfraction ou la diffusion sont une source d’erreur dans les mesures, surtout pour des concentrations élevées (supérieures à $0,01\ \text{mol}\cdot \text{L}^{-1}$).
Composition d’une solution colorée
Composition d’une solution colorée
La loi de Beer-Lambert
La loi de Beer-Lambert
L’exemple des plongeurs met en évidence l’augmentation de l’absorbance du milieu avec son épaisseur. En effet, les molécules d’eau qui absorbent certaines longueurs d’onde sont d’autant plus nombreuses que l’épaisseur d’eau traversée est importante.
- L’expérience montre que ces grandeurs sont proportionnelles.
De même, observons un verre de menthe à l’eau. La couleur est d’autant plus intense que la proportion de sirop est grande. Autrement dit, l’absorbance augmente avec la concentration de soluté.
- L’expérience montre que ces grandeurs sont proportionnelles.
La loi de Beer-Lambert énonce que l’absorbance $A$ d’une espèce chimique en solution est proportionnelle à la concentration molaire $C$ (en $\text{mol}\cdot\text{L}^{-1}$) de celle-ci et à l’épaisseur $b$ (en $\text{cm}$) de solution traversée.
Le facteur de proportionnalité $\varepsilon$ (en $\text{L}\cdot \text{mol}^{-1}\cdot \text{cm}^{-1}$), mesuré à la longueur d’onde du maximum d’absorption, est appelé coefficient d’extinction molaire :
$$A_\text{max} = \varepsilon \times b \times C$$
Voici les coefficients d’extinction molaire de quelques espèces chimiques, et les longueurs d’onde auxquelles elles sont mesurées :
Espèce chimique | $\varepsilon$ ($\text{L}\cdot \text{mol}^{-1}\cdot \text{cm}^{-1}$) | $\lambda_\text{max}$ ($\text{nm}$) |
Permanganate $\text{MnO}_4^{-}$ | $2\,250$ | $525$ |
Diiode $\text{I}_2$ | $900$ | $520$ |
Cuivre II hydraté $\text{Cu}^{2+}_{(\text{aq})}$ | $12$ | $810$ |
Chlorophylle $\text{a}$ | $111\,000$ | $428$ |
- Un composé de grand coefficient d’extinction molaire (supérieur à $1\,000\ \text{L}\cdot\text{mol}^{-1}\cdot \text{cm}^{-1}$) est dit fortement absorbant.
Mesure d’une concentration par étalonnage spectrophotométrique
Mesure d’une concentration par étalonnage spectrophotométrique
Une application de la loi de Beer-Lambert est la méthode de dosage par étalonnage.
- Il s’agit de déterminer la concentration molaire d’un soluté coloré d’après la valeur de son absorbance maximale.
Considérons un antiseptique contenant du Dakin : il s’agit d’une solution de permanganate de potassium dont on souhaite connaître la concentration. Cette solution de couleur violette présente un maximum d’absorption à $525\ \text{nm}$ (jaune).
Méthode :
- Il faut d’abord préparer des solutions de permanganate de potassium plus colorées que celle à tester, et aussi moins colorées.
- On mesure ensuite les absorbances maximales de ces solutions. La droite d’étalonnage ci-dessous représente les concentrations de ces solutions et leurs absorbances.
- Enfin, on mesure l’absorbance $A_\text{mes}$ de la solution à doser et on trace la droite horizontale correspondante sur le graphique précédent. L’abscisse du point d’intersection est la concentration $C_\text{mes}$ de la solution dosée.
Conclusion :
Le facteur de transmission $T$ est la fraction de l’éclairement reçu par un milieu, qui traverse celui-ci. Il dépend de la longueur d’onde.
L’absorbance $A$ quantifie l’absorption de la lumière par un milieu à une longueur d’onde donnée. Elle est liée au facteur de transmission et est mesurée à l’aide d’un spectrophotomètre.
Le spectre d’absorption d’un milieu représente l’évolution de son absorbance avec la longueur d’onde dans le domaine UV-visible. Le spectre d’un milieu coloré présente un ou plusieurs maxima. Dans le cas d’un seul maximum, la couleur la plus absorbée et la couleur du milieu sont complémentaires.
L’absorbance maximale $A_\text{max}$ d’une espèce en solution est proportionnelle à sa concentration molaire $C$ et à l’épaisseur $b$ de solution traversée par la lumière. C’est la loi de Beer-Lambert.
La méthode de dosage par étalonnage spectrophotométrique permet de déterminer la concentration molaire d’une espèce absorbante en solution d’après son absorbance maximale et celles de solutions de concentrations connues. C’est une application de la loi de Beer-Lambert.