Changement social et conflits
Introduction :
Les conflits sociaux sont des tensions entre les membres d’une société, entre ses acteurs sociaux. Le sociologue français Alain Touraine les définit comme une « relation antagonique entre deux ou plusieurs unités d’action, dont l’une au moins tend à dominer le champ social de leurs rapports ». Il s’agit donc de moments d’affrontements entre deux ou plusieurs groupes sociaux qui s’opposent en raison d’intérêts ou d’idées. Leur but est d’obtenir des avantages qui peuvent être concrets, comme de l’argent, ou symboliques, comme une reconnaissance. Les conflits sociaux font souvent référence à une répartition inégale des ressources et à un rapport de domination.
Nous allons aborder dans un premier temps l’action de ces conflits dans l’intégration sociale (est-ce qu’ils s’y opposent, ou est-ce qu’ils y participent ?), puis leur influence sur les transformations de la société (est-ce qu’ils stimulent le changement social, ou est-ce qu’ils le freinent ?).
Conflits sociaux et intégration
Conflits sociaux et intégration
On peut considérer que les conflits sociaux sont l’expression d’une carence de la société. Les individus s’opposent car celle-ci n’est plus à même de créer du lien social, de faire en sorte que tous ses membres vivent ensemble dans l’apaisement. Nous allons pourtant voir que paradoxalement, dans de nombreuses situations, ils permettent à leur manière de renforcer la cohésion sociale.
Les conflits sociaux, pathologie de l’intégration
Les conflits sociaux, pathologie de l’intégration
Les conflits sociaux peuvent être perçus l’expression de dysfonctionnements de la société, d’une pathologie. Pour Durkheim, la société produit naturellement des conflits. En mettant en contact des individus différents avec des modes de vie identiques, elle les met en concurrence. Cette mise en concurrence est dangereuse car les conflits sociaux sont l’un des paramètres qui favorisent l’apparition de situations d’anomie.
Anomie :
L’anomie, pour Durkheim, c’est l’affaiblissement des règles sociales qui guident les conduites et les aspirations des individus, pour finalement devenir incompatibles avec la modernité et céder la place à de nouvelles règles.
En laissant se développer les conflits, on accepte de courir le risque d’une remise en question de l’ordre social. Il est alors indispensable de limiter leur apparition et d’empêcher leur développement. Mais comment faire ? Durkheim précise que l’augmentation du nombre et de l’intensité des conflits doit être entendue comme l’expression d’un défaut d’intégration. Cela signifie qu’à partir du moment où l’on estime que les conflits font courir un risque sur le vivre-ensemble, on ne pourra y remédier qu’en stimulant les instances d’intégration sociale. Par exemple, en permettant à la famille, à l’école ou au travail de ne plus être défaillants dans la production du lien social. Si on intègre mieux les individus, la probabilité qu’ils rentrent en conflit se réduit.
Dans le prolongement de cette réflexion, plusieurs sociologues américains considèrent les conflits comme une violation de l’ordre naturel. C’est notamment le cas de Talcott Parsons, pour qui le conflit social a un effet fondamentalement négatif. Selon lui, il nuit à la société, mais pourrait être évité si l’intégration sociale fonctionnait correctement. C’est la divergence des normes, des codes, des valeurs et des intérêts entre plusieurs groupes qui suscite les premières tensions. L’État doit alors intervenir pour prendre rapidement les mesures destinées à renforcer l’intégration. Tous les conflits ne sont pas identiques et ils varient en fonction du type de conflit et de son intensité.
Prenons le cas d’un conflit au travail qui peut apparaître lors d’une négociation entre des salariés et leur employeur. Il peut se résoudre très rapidement, mais aussi déboucher sur des manifestations, des grèves, des sabotages de matériel voire même la séquestration des dirigeants.
D’une façon plus générale, quand on parle de conflits, il peut s’agir :
- d’actes symboliques, comme le fait d’épingler un badge sur sa veste pour exprimer un refus ;
- d’actes pacifiques, comme lorsque les médecins refusent de prendre la carte vitale de leurs patients pour protester contre une nouvelle loi de santé et paralyser les services de la sécurité sociale ;
- d’actes citoyens, comme un vote ou des élections ;
- d’actes conventionnels, comme les manifestations contre le mariage homosexuel.
Si on considère que toutes ces formes de conflits sont pathologiques, qu’elles expriment toutes un dysfonctionnement social, cela signifie qu’elles représentent systématiquement et quel que soit leur degré, une menace pour la société.
Tout cela est pourtant à nuancer. Historiquement, notre société a fait face à des conflits très importants, d’une intensité sans précédents (on peut prendre pour exemple récent les événements de mai 68). Or, ils n’ont pas pour autant provoqué la disparition de la société et sont même toujours d’actualité, sous des formes plus ou moins variées. S’ils sont une menace, pourquoi se maintiennent-ils donc ?
Les conflits sociaux, facteur de cohésion
Les conflits sociaux, facteur de cohésion
Plutôt que l’expression de pathologies sociales qui reflètent un défaut d’intégration, les conflits sociaux peuvent être envisagés comme des facteurs importants de cohésion sociale. Karl Marx a été le premier à insister sur cette dimension. Pour lui, c’est dans le conflit que se forment et s’affirment les groupes sociaux. Dans son analyse des classes sociales, il distingue les classes en soi des classes pour soi. Les prolétaires deviennent une classe pour soi quand ils prennent conscience de leurs intérêts communs et de leur opposition à la classe bourgeoise. C’est dans la lutte que se construit donc la conscience de classe.
Les conflits sont un facteur d’affirmation des identités. Pour le sociologue allemand Georg Simmel, les conflits ont une véritable dimension socialisante car ils favorisent la cohésion du groupe qui entre dans le conflit. Ils permettent de compenser la désaffiliation sociale.
Désaffiliation sociale :
La désaffiliation sociale est l’affaiblissement du lien social en raison de l’absence de travail ou d’isolement social.
D’autre part, le conflit conduit à des compromis. Il est donc créateur de nouvelles règles sociales. En ce sens, il est facteur de cohésion sociale.
Ils canalisent aussi la haine et les envies, car ils restent encadrés par des règles qui empêchent chacun d’agir n’importe comment. Ici, le conflit n’apparaît donc plus comme l’inverse d’une relation sociale, mais plutôt comme une forme particulière de relation. Le conflit serait ainsi une expression parmi d’autres du maintien de la cohésion sociale.
Max Weber place d’ailleurs le conflit social parmi l’ensemble des autres agents de socialisation : l’école, le travail, la famille et les loisirs.
Pour le sociologue français Alain Touraine, il renforce l’identité de chaque groupe, crée une solidarité positive, notamment contre l’adversaire. Le groupe se mobilise, les individus se rassemblent et oublient leurs différents pour désigner leur adversaire commun et décider collectivement des actions à mener. La régularité de certains conflits entretient cette solidarité. Dans le cas d’opposition frontale entre deux groupes, les conflits deviennent le moyen de mettre en lumière les tensions latentes pour mieux résoudre les dualismes, les oppositions et pouvoir les réconcilier.
On dit que les conflits sont institutionnalisés car il existe des institutions spécifiques chargées de les organiser (ce sont les syndicats et les partis politiques).
Ils bénéficient de garanties juridiques qui bordent leur expression. Par exemple, les grèves sont autorisées, mais avec un préavis ; les manifestations sont un droit mais il faut avertir auparavant la préfecture du jour, de l’heure et du lieu. On instaure des espaces de dialogues et de concertations, comme les conseils d’administration, les comités d’entreprises ou les négociations organisées par l’État.
Les conflits sociaux sont donc normaux, ils semblent même vitaux pour la survie de toute société. Ils ont d’ailleurs un second rôle, qui est lié au changement social.
Conflits et changement social
Conflits et changement social
Le changement social est un thème central de l’analyse sociologique. Quand la société se transforme, elle interroge sur les facteurs sociaux qui favorisent ce changement. Un conflit social est un évènement qui est fortement lié à la structure de la société. Il revêt en fait une triple dimension :
- il peut être à l’origine d’une évolution sociale profonde, structurelle. On dira alors qu’il est moteur du changement social ;
- il peut aussi être une réaction à un changement que l’on refuse et auquel on s’oppose. Il sera alors un moyen de résister ;
- il peut enfin, en raison même des nouveaux types de conflits qui apparaissent, être l’expression de ce changement social.
Les conflits, moteurs du changement social
Les conflits, moteurs du changement social
Karl Marx est le premier à avoir considéré les conflits sociaux comme des facteurs du changement social. Pour lui, les conflits sont au cœur de l’histoire de l’Humanité, et l’Histoire est une histoire de la lutte des classes. Il nous l’explique dans son Manifeste du Parti Communiste, publié en 1848.
- Chaque société se structure en plusieurs groupes hiérarchisés : les classes sociales. Dans toutes les sociétés, les classes sociales se sont menées à chaque fois une lutte sans répit et ont systématiquement aboutit à une reconstruction du modèle de société.
- Ces classes ont des intérêts différents ou opposés et elles s’affrontent par des luttes.
- Ces luttes se développent à mesure que les classes prennent conscience de leur existence, jusqu’à ce qu’un changement profond s’opère : une transformation complète du modèle d’organisation sociale qui mettra un terme aux différences de classes ou entrainera peut-être la création de nouvelles classes.
Selon Marx, le changement social révolutionnaire est inéluctable car il existe une contradiction entre l’état des forces productives (l’état des techniques, l’urbanisation), qui peut changer rapidement et l’état des rapports de production (relation entre exploités et exploiteurs, qui se maintient). Par exemple, il explique la révolution française par le fait que les structures économiques ont changé rapidement au XVIIe et XVIIIe siècle (le bourgeoisie prend un pouvoir grandissant), alors que les rapports sociaux sont restés féodaux (l’aristocratie reste dominante). C’est cette contradiction qui fait éclater la révolution française.
Pour illustrer son propos, Marx prend exemple sur plusieurs périodes historiques :
- la Grèce antique où à Athènes les citoyens étaient divisés entre patriciens et plébéiens ;
- le Moyen Âge, entre les seigneurs et serfs ;
- la Renaissance, entre maîtres et compagnons ;
- et de tout temps entre les hommes libres et les esclaves.
Pour chacune des périodes, il démontre que la lutte s’est achevée par la transformation de la société et l’anéantissement des deux classes.
Les conflits peuvent donc « produire » de la société, ils sont l’expression des relations sociales entre les individus et permettent de faire émerger les oppositions. La résolution de ces oppositions entraîne mécaniquement des changements pour apaiser les relations et permettre de maintenir la cohésion sociale du groupe. C’est un phénomène qui se vérifie historiquement : ce sont par exemple les grèves ouvrières du début des années 1930 qui ont conduit le Front Populaire à instaurer les premiers jours de congés payés en 1936. En termes d’évolutions sociales, c’est le renforcement de la lutte des femmes à partir de mai 68 qui a contraint les parlementaires à légaliser l’avortement en 1975.
Pour Robert Castel, sociologue français, les conflits sociaux ont donc une véritable utilité sociale puisqu’ils permettent de faire apparaître les problèmes au grand jour et d’imposer collectivement leur résolution. Il explique ce phénomène par le fait que les conflits ont progressivement été encadrés par toute une série de règles légales. Il parle d’institutionnalisation des conflits.
Les syndicats sont un bon exemple de cette instrumentalisation. En 1982, le gouvernement du président François Mitterrand fait voter les lois Auroux qui instaurent des règles relatives aux négociations des conflits au sein des entreprises. Elles créent des droits pour protéger les salariés (notamment de la discrimination par la direction à propos du fait d’être syndiqué). Elle donne le droit à une expression et une négociation annuelle sur les conditions de travail. Elle attribue également des moyens aux instances où l’ensemble du personnel est représenté (comme les comités d’entreprise).
La loi devient un outil juridique à la disposition des acteurs du monde du travail, elle pose un cadre légal pour gérer leurs relations conflictuelles. Les syndicats, qui sont chargés de défendre les intérêts des salariés, voient alors leur rôle renforcé.
Si une tension naît parmi les salariés, les syndicats sont les premiers mobilisés, puisque leurs adhérents font partie de ces salariés. Comme le prévoit la loi, ils ont la possibilité d’organiser des rencontres et des discussions avec les chefs d’entreprise. C’est donc la mobilisation des outils légaux par les syndicats et les représentants des salariés qui permet, avant que le conflit ait lieu, d’envisager sa résolution. S’il n’y a pas d’accord, le conflit apparaîtra mais si un accord est trouvé, alors des changements se produiront sans que le conflit n’ait eu l’occasion de se développer : il sera désamorcé.
L’institutionnalisation des syndicats permet donc de les transformer en canal de pacification pour désamorcer les conflits naissants.
On le voit bien, les conflits sociaux sont historiquement et politiquement un outil de transformation de la société : ils permettent aux oppositions de s’exprimer et de s’affronter. En manifestant un besoin de changement, ils constituent ainsi le moteur principal du changement social. Mais dans d’autres cas cependant, ils peuvent traduire le sentiment inverse : le besoin de résister.
Les conflits, une résistance au changement
Les conflits, une résistance au changement
Le changement social peut aussi être source de conflits. On l’a vu ces dernières années à travers l’exemple du mariage homosexuel qui, par la loi votée en 2013, autorise l’union civile de deux personnes quel que soit leur sexe. Pour certains, ces nouvelles dispositions légales feraient planer un danger sur le modèle traditionnel de la famille. Ils ont donc organisé de grandes manifestations qui se sont étalées sur plusieurs mois en 2013 et 2014.
Dans ce genre de cas, le conflit n’est plus un moyen de provoquer du changement social mais d’exprimer un désaccord par rapport à un changement en cours. C’est une réaction pour revenir à une situation antérieure. On juge que le changement social produira des effets irréversibles sur la société, et qu’il est donc dangereux.
Les individus s’engagent dans le conflit afin préserver une situation existante présente : la conflictualité devient une marque de résistance.
Les revendications concernées peuvent être de divers ordres. Il peut s’agir de questions sociétales, comme pour le mariage pour tous, mais également de questions liées au modèle économique ou au droit du travail. Quand l’âge de départ à la retraite est passé de 60 à 62 ans, et de 37,5 années de cotisation (dans les années 90) à 42,5 (aujourd’hui), les manifestants demandaient le maintien de leurs acquis sociaux. Plus localement, on peut voir des salariés se mettre en grève contre la délocalisation de leur usine et contester les décisions prises par leurs dirigeants.
Ces types de conflits sont qualifiés de conflits conservateurs puisque les personnes qui s’engagent dans le conflit l’utilisent comme réaction pour revenir à une situation précédente.
Conflit conservateur :
Un conflit conservateur est une réaction collective destinée à résister au changement pour revenir à une situation antérieure.
Les conflits peuvent ainsi être à la fois moteurs du changement social et expression d’une résistance à ce changement. Mais ils peuvent aussi, de par leur forme, incarner ce changement.
Les conflits, expression du changement social
Les conflits, expression du changement social
Le nombre total de conflits sociaux a tendance à diminuer depuis les années 1970 en France. Sur ce graphique, on a représenté l’évolution du nombre de journées individuelles non travaillées (JINT) entre 1975 et 2005, en France. Il s’agit du nombre de jours de grèves recensés par l’Inspection du travail.
On peut voir que le nombre de journées de grève a tendance à diminuer très sensiblement tout au long de la période. Si on trace la tendance de la courbe, le recul apparait de façon très nette. Et même si les données s’achèvent en 2005, la tendance se poursuit encore aujourd’hui. Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer ce phénomène :
- la baisse de la conscience de classe ;
- la moyennisation de la société ;
- la réduction des inégalités ;
- le fait que les conflits se soient institutionnalisés.
Un sociologue américain du XXe siècle, Mancur Olson, a mis en lumière un phénomène, qu’il appelle le phénomène du passager clandestin. Pour lui, si le nombre de conflits diminue, c’est parce que le nombre de personnes qui y prend part a lui aussi tendance à se réduire. Au sein d’une entreprise, la plupart des salariés laisse une petite poignée d’entre eux s’engager dans le conflit, le durcir et le faire durer. Elle observe passivement cette minorité active sans s’y impliquer car elle sait qu’elle pourra, si le conflit débouche sur des avancées notables, bénéficier de ces retombées.
En revanche, si les négociations n’aboutissent pas, elle ne sera pas impactée par les conséquences négatives, comme la perte de salaire liée à la grève, les difficultés dans les relations hiérarchiques futures ou la stigmatisation interne.
Les salariés font donc un calcul entre les coûts de participation au conflit et les bénéfices espérés.
Et quels que soient les bénéfices, comme les coûts sont souvent jugés supérieurs, ils se tiennent à l’écart. Ce paradoxe du « passager clandestin » exprime lui aussi le phénomène de la montée de l’individualisme. Mais il ne résout pourtant pas une autre évolution, celle des nouvelles formes de conflictualité. Car on constate que plutôt qu’une diminution nette, les conflits sociaux ont en fait tendance à se transformer. Alors qu’ils étaient fortement liés au monde du travail jusqu’à la fin des années 1970, et même des années 1980, le clivage salariés/employeurs tend à se dépasser.
Alain Touraine, le sociologue français dont nous avons déjà parlé, a été le premier à parler de « nouveaux mouvements sociaux ». Il considère en effet que les changements récents de la société ont eu une incidence sur la forme et les enjeux des tensions qui apparaissent dans la société :
- en ce qui concerne les enjeux, les nouveaux conflits semblent moins portés sur les salaires, l’économie, le travail ou l’emploi, mais davantage sur les identités et les droits culturels ;
- en ce qui concerne leur forme, les manifestations ou les grèves qui étaient les formes traditionnelles laissent place à des moyens d’action différents : les happenings (ces situations qui sont censées créer un « buzz » médiatique), les sittings ou les boycotts. Autrement dit, les formes conventionnelles ont laissé la place à des conflits de forme non-conventionnelle.
Ce glissement s’explique par la moindre implication de chacun dans les mouvements, mais aussi par la fin des grèves comme outils principaux de lutte. Cela ne veut donc pas dire que le nombre de conflits diminue, plutôt que les façons de gérer ces conflits changent, en même temps que la société.
Sur ce premier graphique, on constate que, entre 2011 et 2013, l’absentéisme au travail est en constante augmentation d’une année sur l’autre : entre + 2,5 et + 3 % par an ces dernières années ! Le fait qu’un salarié soit volontairement absent de son travail exprime l’existence d’un mal-être au travail, d’une forme de tension professionnelle. L’absentéisme volontaire est donc une forme de conflit, qui a l’avantage d’être moins pénalisante pour le salarié que les formes de conflit conventionnelles.
Sur ce second document sont indiquées les évolutions des problèmes de travail qui sont dénoncés à l’Inspection du travail par les salariés eux-mêmes, pour que des contrôles soient effectués.
Les chiffres progressent de façon très importante d’une année sur l’autre. Cela signifie que le nombre de personnes qui dénoncent leurs employeurs pour mauvaise gestion humaine, malversation, ségrégation ou harcèlement augmente de plus en plus.
Ces deux courbes prises pour exemple attestent du fait que le canal de protestation n’est aujourd’hui plus collectif, mais que, même s’il ne passe plus par le syndicat, il se maintient bel et bien !
- Les modalités des conflits sociaux, leurs formes et leurs enjeux, évoluent donc avec le changement social : ils sont une façon d’exprimer les évolutions de la société.
Conclusion :
Pour résumer, nous avons vu que le conflit pouvait être envisagé comme une entrave à l’intégration sociale : en mettant en concurrence des individus, il risque de faire apparaître des situations d’anomie qui mettent en danger l’ordre social. Dans cette perspective, seul l’État peut agir en permettant aux instances d’intégration d’être plus efficaces, puisque son objectif est de prévenir l’apparition d’une nouvelle tension. Néanmoins, les conflits permettent aussi de resserrer les liens entre des individus qui affrontent un adversaire commun. Ils ont une dimension socialisante qui contribue à prévenir les situations de désaffiliation sociale. Leur apparition est normale : elle fait partie de l’ordre social.
Quand on essaie de faire le lien entre les conflits et le changement social, on observe que les conflits sont souvent à la source du changement. C’est notamment ce qu’exprime Marx pour qui toute l’Histoire est une histoire de luttes. Robert Castel nous dit lui que c’est l’institutionnalisation de ces conflits qui a permis de les intégrer au processus d’évolution sociale.
Au-delà de cette dimension, les conflits peuvent être à l’origine d’un refus du changement social : on parle alors de conflits conservateurs. Ils sont aussi eux-mêmes l’expression du changement social, notamment à travers les nouveaux mouvements sociaux qui ont tendance à se développer et qui reflètent les évolutions de la société.