Citoyenneté et empire à Rome
Introduction :
L’enjeu de ce cours est de déterminer la spécificité de la citoyenneté romaine par rapport à la citoyenneté athénienne.
Nous allons d’abord développer les repères historiques et géographiques nécessaires pour aborder le thème de la citoyenneté puis nous développerons les droits et les devoirs du citoyen romain. Enfin, nous finirons ce chapitre par une particularité caractéristique de l’Empire romain : l’extension de la citoyenneté.
Repères historiques et géographiques
Repères historiques et géographiques
Remarques préliminaires
Remarques préliminaires
On parle d’empire entre le Ier siècle et le IIIe siècle. À partir de 27 av. J.-C. (c’est-à-dire à la fin du Ier siècle av. J.-C.), la République romaine disparait avec Auguste, premier empereur de Rome.
Naît alors l’Empire, que les Romains appelaient plutôt « principat ». Pendant le Ier et le IIe siècle de l’Empire romain, ce sont quatre dynasties d’empereurs qui se succèdent : les Julio-Claudiens, les Flaviens, les Antonins et les Sévères.
On parle de « citoyenneté romaine », pourtant, l’Empire romain n’a jamais été une démocratie.
Autrement dit, même s’il y a des citoyens qui ont des droits et des devoirs, ceux-ci ne s’expriment pas dans le cadre d’une démocratie. Il ne faut pas appliquer la vision moderne de la citoyenneté, qui est associée à un régime démocratique, à celle de Rome, qui en est très éloignée.
L’Empire romain
L’Empire romain
À partir d’Auguste, l’Empire romain ne cesse de s’accroitre au niveau territorial. Au IIe siècle, Rome atteint son extension maximale et domine plus de 5 millions de km2.
L’Empire romain
- À l’intérieur de l’Empire, c’est la pax romana, la « paix romaine » qui s’installe.
En effet, après des siècles de guerres civiles sous la République, Auguste et ses successeurs sont parvenus à maintenir une paix durable au sein de l’Empire, en théorie du moins, car les révoltes n’ont jamais cessé dans cet empire immense. Les limites de cet empire sont marquées par le limes.
Limes :
Le limes est un réseau de fortifications dans les zones sensibles de l’Empire romain. La limite la plus connue est celle du limes rhénan au nord-est de l’Europe.
Cet empire immense suscite la création d’innovations administratives.
Les empereurs décident d’organiser et de diviser les territoires conquis en provinces. Celles-ci étaient administrées soit par le Sénat, ce sont les provinces sénatoriales, soit par des représentants de l’empereur, ce sont les provinces impériales.
Dans cet immense empire, composé de plusieurs millions d’habitants, se pose bien évidemment la question des droits civiques.
- Les habitants des nouveaux territoires conquis peuvent-ils bénéficier de la citoyenneté romaine ?
- Et s’ils ne l’obtiennent pas, quelles relations maintiennent-ils avec Rome ?
La situation est radicalement différente entre Rome et Athènes : le territoire athénien est ridiculement petit par rapport à celui que contrôle Rome et celle-ci est obligée, d’une certaine façon, de distribuer sa citoyenneté, afin de maintenir les régions conquises par la force en paix.
Les cités dans le monde romain
Les cités dans le monde romain
Athènes ne devait gérer que ses propres affaires, alors que Rome doit composer avec une multitude de cités. Que deviennent alors les cités conquises par les Romains ?
La seule ville de Rome ne pouvait pas contrôler toute seul cet immense empire.
- C’est pourquoi chaque ville possède un certain degré d’autonomie.
De manière plus précise, il existe une hiérarchie dans les cités de l’Empire romain. On trouvait en effet des cités pérégrines, des cités de droit latin et des cités de droit romain.
- Cités pérégrines : ce sont des cités « étrangères ». Elles ne sont pas assimilées par l’administration romaine, et elles conservent leur statut antérieur à la conquête. Les habitants de ces cités ne sont pas citoyens romains et doivent payer un impôt important. C’est le statut le moins avantageux.
- Cités de droit latin, ou cités latines : ce sont des cités qui possèdent un statut intermédiaire. Les magistrats de ces cités de droit latin, c’est-à-dire l’aristocratie locale, peuvent obtenir, à la fin de leur carrière politique, la citoyenneté romaine. Autrement dit, Rome distribue sa citoyenneté de manière à intégrer les élites locales, dans le but de « romaniser » celles-ci et, bien évidemment, de limiter les risques de potentielles rébellions.
- Cités de droit romain : les habitants des cités de droit romain possèdent la citoyenneté intégrale.
Droits et devoirs du citoyen romain
Droits et devoirs du citoyen romain
Définition du citoyen romain
Définition du citoyen romain
Citoyen romain :
Le citoyen romain est un homme libre né de parents citoyens légalement mariés.
Cette définition est importante, car il existe certaines cités qui ne donnent pas aux habitants le droit de se marier légalement, ce qui ne permet donc pas de transmettre la citoyenneté.
- Le citoyen romain possède les tria nomina, ou « trois noms ». Ce sont le prénom, le nom de famille, et le surnom. Les esclaves, quant à eux, ne portent qu’un surnom.
- Le citoyen se distingue également par le port de la toge.
Droits et devoirs
Droits et devoirs
La citoyenneté romaine donne tout d’abord, une garantie de protection judiciaire. Par exemple, seul le citoyen romain n’a pas le droit d’être torturé lors d’un procès, ou peut demander la protection juridique de l’empereur. La citoyenneté romaine permet également de se marier légalement, de transmettre son patrimoine et d’acheter et de vendre des terres.
Seuls les citoyens romains pouvaient accéder aux magistratures, que l’on nommait cursus honorum ou « carrière des honneurs. »
Les devoirs du citoyen sont les suivants : non seulement il doit payer un impôt spécifique, l’impôt du citoyen, mais il doit aussi fournir des contingents à l’armée (il doit faire partie de l’effectif de l’armée). Il doit aussi participer aux fêtes religieuses, très importantes dans le monde romain.
Les exclus de la citoyenneté sont nombreux.
- Ce sont les femmes tout d’abord, qui jouent néanmoins un rôle essentiel dans la vie religieuse.
- Ce sont ensuite bien évidemment les esclaves, qui forment sans doute la majorité de la population antique. Ils peuvent toutefois être libérés sous certaines conditions.
- Ce sont également les pérégrins, ou « étrangers », qui sont, contrairement aux esclaves, des hommes libres sans citoyenneté romaine. Il s’agit en général de commerçants.
Acquisition individuelle de la citoyenneté
Acquisition individuelle de la citoyenneté
Contrairement à la citoyenneté athénienne, très fermée, on peut acquérir la citoyenneté romaine de diverses façons :
- un esclave peut être libéré, il devient alors un affranchi. L’affranchi prend le statut social de son ancien maître. Autrement dit, si son ancien maître était citoyen, l’affranchi devient citoyen romain ;
- on peut également accéder à la citoyenneté après avoir servi dans l’armée. Rome récompense en effet ses vétérans en leur donnant la citoyenneté après 26 ans de service.
L’extension de la citoyenneté
L’extension de la citoyenneté
Rome domine un empire allant de l’Espagne actuelle à l’Iran actuel.
- La citoyenneté est utilisée comme une méthode, un outil pour contrôler les populations.
Progressivement, ce sont tous les habitants de l’Empire qui obtiendront cette fameuse citoyenneté. Ce long processus est marqué par une série de lois impériales. Nous en présenterons ici seulement deux :
- la Table claudienne,
- et l’édit de Caracalla.
La Table claudienne
La Table claudienne
- La Table claudienne est une plaque de bronze sur laquelle est gravé le discours que l’empereur Claude a prononcé devant le Sénat en 48.
Claude a régné sur Rome entre 41 et 54. Dans ce discours, il propose qu’une partie de l’aristocratie gauloise (notamment un peuple qu’on appelait les Eduens), obtienne la citoyenneté romaine et puisse entrer au Sénat. Claude parle plus précisément de la « Gaule chevelue ».
- C’est ainsi qu’on appelait les « Trois Gaules » : l’Aquitaine, la Belgique et la Lyonnaise.
La Gaule chevelue et la Narbonnaise
Les chefs des Trois Gaules se réunissaient chaque année autour du sanctuaire fédéral situé à Lyon. Les notables ont alors sollicité l’empereur pour avoir accès à la citoyenneté, et par là même, aux magistratures romaines.
Si les sénateurs romains se sont tout d’abord opposés à cette proposition, ils finiront peu à peu par ouvrir leurs portes aux notables locaux.
L’aristocratie locale avait calqué son mode de vie sur celui de Rome. Les villes gauloises possédaient en effet un sénat local, des magistratures locales et devaient rendre un culte à l’empereur comme marque de fidélité.
Les notables des cités conquises pratiquent l’évergétisme. Cela signifie qu’ils donnent de l’argent pour la construction d’œuvres publiques : c’est ainsi qu’ils se font connaitre, qu’ils gagnent en popularité et qu’ils se présentent aux élections locales.
Romanisation :
Processus progressif d’adaptation des élites, puis de toute la société, à la culture romaine.
L’édit de Caracalla
L’édit de Caracalla
- Ce processus de romanisation durant les trois premiers siècles de l’empire aboutit, en 212, à l’édit de Caracalla.
Édit :
Un édit est une loi dictée par magistrat de l’Empire romain.
Caracalla a été empereur de Rome entre 211 et 217. Dans cette loi, il donne la citoyenneté romaine intégrale à tous les habitants de l’Empire.
Conclusion :
La citoyenneté romaine est très différente de la citoyenneté athénienne. Rome ne s’en sert pas dans un cadre démocratique mais dans un souci de domination impériale. La citoyenneté est alors un outil utilisé par Rome afin d’organiser et de pacifier les territoires conquis. Peu à peu, les peuples vivant sous l’Empire vont eux-mêmes réclamer la citoyenneté et c’est en 212 que l’Empire romain est unifié par l’édit de Caracalla.