Comment les entreprises sont-elles organisées et gouvernées ?
Introduction :
Pour fonctionner, une entreprise doit mettre en place un système de gouvernance plus ou moins centralisé afin de répartir le pouvoir et harmoniser les relations sociales. En effet, la vie en entreprise comporte souvent des conflits pouvant générer une crise et parfois même conduire à la disparition de l’entreprise. Ainsi, il est important de connaître les procédures visant à restaurer la coopération entre les diverses parties prenantes au sein de l’entreprise.
Comment les entreprises sont-elles organisées et gouvernées afin de s’adapter à leur environnement ?
Nous observerons tout d’abord qu’il existe plusieurs formes de gouvernance et de nombreuses parties prenantes pouvant influencer l’entreprise. Puis, nous verrons comment s’articulent coopération et conflits au sein des entreprises.
Quelle gouvernance au sein des entreprises ?
Quelle gouvernance au sein des entreprises ?
Gouvernance :
La gouvernance décrit la manière dont quelque chose est dirigé, administré et contrôlé.
Un mode de gouvernance plus ou moins centralisé
Un mode de gouvernance plus ou moins centralisé
La gouvernance renvoie à la mise en œuvre d’un ensemble de dispositifs (règles, contrats, etc.) dans le but d’assurer la coordination des acteurs de l’entreprise. Cette gouvernance est généralement retranscrite grâce à un organigramme qui permet de visualiser la répartition des rôles ainsi que le pouvoir de décision au sein de l’organisation.
Un exemple d’organigramme
Ce type de document présent au sein des entreprises donne à voir la structure des relations sociales formelles ainsi que l’existence d’une hiérarchie. Cependant, il peut aussi exister une hiérarchie plus informelle.
- Par exemple, une ouvrière s’occupant de la maintenance d’une machine peut aisément exercer un pouvoir sur son contremaître et son directeur technique.
Dans son mode de gouvernance, l’entreprise peut généralement opter pour une centralisation ou une décentralisation des décisions.
Centralisation :
La centralisation désigne une forte concentration du pouvoir avec une autorité unique.
Décentralisation :
La décentralisation désigne une répartition du pouvoir entre différents acteurs.
Les entreprises fortement centralisées
L’entreprise peut opter pour une forte centralisation du pouvoir. Plusieurs structures sont possibles.
- La structure en étoile
Dans cette structure, l’autorité est concentrée dans les mains d’une seule personne au centre de l’organisation. Les autres membres se réfèrent directement à lui et n’ont pas d’interactions les uns avec les autres. Ils exécutent mais ne décident pas.
- La structure en pyramide
Dans ce type de structure, il existe plusieurs niveaux de responsabilité. Il y a une hiérarchie, un peu comme s’il s’agissait d’une armée avec à sa tête un général, puis des commandants et enfin des soldats. L’information ne circule que dans un sens : du haut vers le bas. Les liens de subordination sont forts. Ce mode de gouvernance est surtout visible dans les grandes entreprises qui organisent leur production sur le modèle tayloriste.
Le modèle actionnarial
Dirigeant :
Un dirigeant est chargé de l’ensemble des décisions concernant la production et l’investissement de l’entreprise. Il peut être propriétaire-gestionnaire de l’entreprise ou salarié (manager dans une société par actions).
Actionnaire :
Un actionnaire est une personne physique ou morale (société) qui, en investissant du capital dans une entreprise, en détient une part, acquiert un droit de regard (voire parfois de décision) et reçoit des dividendes.
Les dirigeants peuvent bénéficier de stock-options de la part des actionnaires : il s’agit d’un mode non conventionnel de rémunération des dirigeants par les actionnaires sous la forme d’un transfert d’actions à un prix préférentiel. Ils délèguent alors la conduite des activités de l’entreprise aux dirigeants qui prennent les décisions stratégiques visant à contenter les propriétaires.
- Cela permet d’inciter le dirigeant salarié à agir dans l’intérêt des actionnaires (maximisation du profit).
Les SCOP : un exemple de forte décentralisation des décisions
Une SCOP (société coopérative et participative) est d’abord une désignation juridique d’entreprise. Les SCOP ont un mode de gouvernance décentralisé puisqu’il s’agit d’entreprises dont les salariés sont les associés majoritaires. Ils détiennent alors au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Le principe est simple : une personne équivaut à une voix.
Au sein d’une SCOP, le dirigeant est élu par les salariés et le profit est distribué en trois parts plus ou moins égales : une pour les salariés, une autre pour les salariés associés et enfin, la dernière part (40 à 45 %) est mise en réserve pour assurer la pérennité de l’entreprise (investissements futurs, remboursement de créanciers, fonds de réserve, etc.).
Ce mode de gouvernance n’est pas nouveau : de nombreuses banques se reposent sur un principe quasi identique avec la présence de « clients associés ».
Les salariés sont dans une relation de subordination par rapport à leur employeur, mais ils ne sont pas toujours considérés comme des exécutants : selon les pays, ils peuvent être inclus dans les prises de décision concernant le processus productif, notamment dans le cadre d’un modèle de cogestion.
L’entreprise et ses différentes parties prenantes
L’entreprise et ses différentes parties prenantes
L’entreprise n’est pas une « boîte » fermée sur l’extérieur. Au contraire, les relations sociales d’une entreprise s’organisent dans un environnement ouvert. Gouverner une entreprise, c’est donc aussi faire face à une grande diversité de parties prenantes.
Selon le chercheur R. Edward Freeman, une partie prenante fait référence à : « tout groupe d’individus ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs [de l’entreprise] ».
On distingue d’abord la triade clients, salariés et propriétaires.
- Si une de ces parties prenantes fait défaut, c’est toute l’entreprise qui est menacée. Prenons l’exemple d’une entreprise dont le client ne peut honorer le paiement une commande. Cela peut dégrader le bilan de l’entreprise et ainsi provoquer, à terme, un dépôt de bilan.
Viennent ensuite les fournisseurs. Ces derniers ont un lien direct et contractuel avec l’entreprise puisqu’ils fournissent à cette dernière des ressources permettant de produire (consommations intermédiaires).
- Là encore, si un fournisseur fait défaut, c’est toute la chaîne de production qui est affectée négativement, ce qui peut à terme provoquer des licenciements et potentiellement un dépôt de bilan.
Enfin, il existe des parties prenantes plus diffuses, n’ayant aucun lien contractuel avec l’entreprise mais influençant la vie de l’entreprise. Nous pouvons prendre l’exemple d’une autorité publique, d’un syndicat professionnel, d’une O.N.G., d’un lanceur d’alerte ou encore d’un concurrent direct.
- Si une personne met en lumière des comportements illicites et dangereux constituant une menace pour l’intérêt général (un lanceur d’alerte par exemple), alors l’activité de l’entreprise à l’origine de l’alerte peut être affectée négativement. On peut penser par exemple à la fraude à la viande de cheval en 2013 qui a affecté toutes les entreprises produisant des plats cuisinés surgelés.
L’entreprise : une organisation où conflits et coopération se côtoient
L’entreprise : une organisation où conflits et coopération se côtoient
Il existe des mécanismes permettant une représentation de tous les acteurs intervenant dans l’entreprise (conseil d’administration, présence de syndicats, etc.). Cela n’empêche cependant pas toujours l’émergence de conflits plus ou moins ouverts (grève, absentéisme, manque d’implication).
L’entreprise, une organisation plus ou moins hiérarchisée
L’entreprise, une organisation plus ou moins hiérarchisée
Afin de réguler les relations, l’entreprise déploie une hiérarchie.
Hiérarchie :
Relation sociale fondée sur une inégalité de statut conférant l’autorité à certains individus ou à certaines fonctions.
L’existence d’une hiérarchie permet d’organiser directement les rapports de subordination au sein de l’entreprise et d’orienter les rôles en fonction d’un but collectif.
- Le principe hiérarchique doit donc permettre de mieux structurer les relations sociales au sein de l’entreprise.
Pourquoi l’entreprise élabore-t-elle une telle organisation ? Revenons à la théorie économique pour mieux le comprendre. Deux célèbres économistes et lauréats du prix Nobel d’économie dans la seconde moitié du XXe siècle, Ronald Coase (1910-2013) et Oliver Williamson (1932) ont introduit le concept de coûts de transaction afin d’expliquer l’existence d’une gouvernance hiérarchique au sein des entreprises.
Coûts de transaction :
Coûts relatifs à l’échange marchand entre deux agents économiques.
Ces deux économistes appartenant au courant « institutionnaliste » vont révolutionner l’analyse de l’entreprise en mettant l’accent sur l’existence de ces coûts bien éloignés des coûts de production traditionnels. Les coûts de transaction sont par exemple les coûts liés à la recherche d’information concernant un produit ou un procédé ou ceux liés à la rationalité limitée des agents (mauvais choix, erreurs, etc.).
Afin de lutter contre leur rationalité limitée, les agents économiques vont donc mettre en place toute une série de contrats organisant nombre de liens de subordination afin d’améliorer l’information et d’organiser au mieux la production.
En fin de compte, la structure des coûts de transaction auxquels l’entreprise fait face explique en grande partie l’organisation et la gouvernance au sein de l’entreprise.
Entre coopération et conflits
Entre coopération et conflits
Un lieu de conflits
Conflit :
Opposition pouvant prendre diverses formes entre des individus ou des groupes d’individus dont les intérêts, matériels ou non, divergent.
Le conflit en entreprise est souvent décrit comme le résultat d’un dysfonctionnement. Pourtant, il est aussi annonciateur d’un changement social au sein de l’entreprise.
Dans le modèle actionnarial, la principale source de conflits concerne le partage des richesses. Les parties prenantes internes (propriétaires-actionnaires d’un côté et travailleurs de l’autre) se répartissent la richesse produite : la valeur ajoutée. D’un côté les salaires pour les travailleurs et de l’autre les profits.
Le but des propriétaires de l’entreprise est de maximiser les profits afin d’obtenir davantage de dividendes et ainsi faire augmenter la valeur de leur entreprise. Les travailleurs, eux, souhaitent voir leurs salaires augmenter et leurs conditions de travail s’améliorer.
Cet antagonisme est toujours aussi central au sein des entreprises. Cependant, depuis les années 1980, avec le ralentissement de la croissance économique et la montée du chômage, ils ont changé de nature : les conflits du travail sont devenus de plus en plus défensifs, les travailleurs cherchent à préserver leurs emplois de plus en plus remis en cause (délocalisations et licenciements dans l’industrie par exemple). Durant les Trente Glorieuses, en revanche, les conflits étaient offensifs, les travailleurs revendiquant et cherchant à obtenir de nouveaux acquis sociaux.
Dans l’entreprise, une des principales formes que peut prendre le conflit est la grève même s’il ne s’agit pas de la seule forme de conflit. D’autres modes d’action peuvent être utilisés de façon complémentaire (manifestation notamment).
Un lieu de dialogue social
Au sein des entreprises, la régulation des conflits passe souvent par le dialogue social.
Dialogue social :
Ensemble des négociations entre les différentes parties prenantes afin de promouvoir une amélioration de la gouvernance et une prise en compte des revendications.
Il y a d’abord, dans les entreprises de plus 50 salariés, le délégué syndical (DS) qui est le représentant du personnel désigné par un syndicat représentatif dans l'entreprise.
- C'est grâce à lui que le syndicat fait connaître à l'employeur ses réclamations, revendications ou propositions et négocie les accords collectifs.
Auparavant, une entreprise d’au moins 11 salariés organisait l’élection de délégués du personnel (DP). Leur nombre variait en fonction de l'effectif total. Il était chargé de représenter les salariés et leurs réclamations auprès de l'employeur.
De plus, les entreprises d'au moins 50 salariés devaient mettre en place un comité d'entreprise (CE). Celui-ci était composé de représentants du personnel et syndicaux ayant un mandat de 4 ans maximum. Ce comité était présidé par l'employeur et pouvait décider de mesures économiques, sociales et culturelles.
Enfin, dans ces mêmes entreprises, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) était obligatoire. Il se composait de représentants désignés, pour 4 ans maximum, par les membres élus du comité d'entreprise (CE) et les délégués du personnel (DP). Il permettait d’assurer des missions liées à la prévention, à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des salariés.
Au 1er janvier 2020, le comité social et économique (CSE) a remplacé les délégués du personnel, le comité d’entreprise ainsi que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Toutes les instances précédemment évoquées ont donc été regroupées.
L’entreprise est un lieu de relations sociales où se combinent coopération et conflits, association et opposition.
Conclusion :
Le fonctionnement cohérent d’une entreprise suppose l’existence d’une autorité. Cette dernière peut prendre la forme d’une hiérarchie, c’est-à-dire l’existence de lien de subordination entre les différents éléments de l’organisation. Lorsque l’autorité est concentrée sur un niveau hiérarchique, on parle alors de centralisation du pouvoir. En revanche d’autres entreprises peuvent décider d’opter pour une décentralisation du pouvoir (les SCOP par exemple).
L’entreprise doit également coordonner l’action d’une diversité de parties prenantes qui n’ont pas toutes les mêmes intérêts. On distingue le modèle actionnarial dans lequel des actionnaires confient à un dirigeant salarié les objectifs de l’entreprise du modèle partenarial dans lequel l’entreprise tente d’associer une plus grande diversité de parties prenantes aux choix stratégiques de l’entreprise.
Au final, le monde de l’entreprise suppose une coopération importante afin d’atteindre un objectif commun. Les parties prenantes peuvent entrer en conflits ce qui suppose la mise en place de procédures visant à encourager le dialogue social.