Croissance, fluctuations et crises

Introduction :

Après avoir traité la question de la croissance économique et de son fonctionnement, nous allons nous intéresser à présent à ses fluctuations et aux crises économiques. Pour comprendre comment fonctionne l’économie, il faut s’intéresser au cycle de vie d’un produit :

  • tout commence par la phase de lancement, lors de la création du produit ;
  • c’est ensuite la phase de croissance, quand la production et la diffusion du produit débutent ;
  • puis vient la phase de maturité, quand tous les ménages commencent à être équipés de ce produit ;
  • enfin arrive le déclin, quand la production et la consommation commencent à diminuer.

Tout comme ce produit, l’ensemble de l’activité économique connaît des cycles de croissance et de déclin. Les théoriciens expliquent donc que les crises ne sont pas des accidents imprévisibles mais reviennent régulièrement, dans ce qu’on appelle le cycle économique. Cette théorie est vérifiée, car depuis le XIXe siècle, on remarque que la production et donc toute l’économie qui en découle diminue beaucoup durant certaines périodes avant d’augmenter à nouveau.

Nous allons donc tout d’abord voir que la croissance sur une longue période est particulièrement instable, et que cette instabilité est intimement liée au système capitaliste. Nous verrons ensuite qu’il existe différents types de crises qui dépendent soit de problématiques d’offre, soit de problématiques de demande.

Instabilité de la croissance sur les périodes longues

Depuis 1960, on constate que l’évolution du PIB de la France n’est pas constante. De près de 8 % en 1960, on est passé aux alentours de 2 % dans les années 2000.

Sur ce graphique, les différents niveaux de croissance sont représentés par les colonnes vertes. On remarque d’emblée les baisses significatives du PIB en 1976, en 1994 et en 2009/2010. À l’inverse, on voit qu’il y a eu des périodes de forte progression en 1968, 1988 ou 1998. Néanmoins, d’une décennie à une autre, le taux de croissance diminue constamment.

Evolution de la croissance en France depuis 1960 Évolution de la croissance en France depuis 1960

Ce que l’on constate en France est vrai pour la plupart des pays. Sur une longue période, on remarque de grandes fluctuations de croissance où alternent croissance, expansion et récession.

Les fluctuations économiques

On appelle fluctuations économiques les changements qui révèlent l’instabilité de l’activité économique.

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Astuce

Il faut savoir que pour mesurer ces fluctuations, on a inventé des outils de mesure, les agrégats économiques. Le principal est le PIB, mais le taux de chômage ou le taux d’inflation sont d’autres exemples.

On distingue cinq phases de l’activité économique.

  • Premièrement, l’expansion : c’est la phase où l’activité économique tourne à plein régime avec une forte consommation, une forte production, un très faible taux de chômage, et des taux d’intérêts proches de zéro. Parfois, l’expansion n’est pas durable et n’est qu’une bulle spéculative, c’est-à-dire un phénomène au cours duquel le prix d’un produit (bien ou service) augmente tellement qu’il devient largement supérieur à sa valeur réelle, cela ne dure qu’un temps avant que la bulle éclate, faisant énormément et brusquement baisser les prix. Parfois, la baisse influence tous les secteurs de l’économie, c’est alors la crise.
  • La crise est la deuxième étape de l’activité économique : l’endettement massif et la forte inflation souvent constatés en phase d’expansion peuvent se développer tellement qu’ils finissent par entraîner un retournement de situation.
  • C’est ce retournement qui est à l’origine de la troisième étape : la récession. C’est une période de baisse passagère de l’activité économique. Concrètement, on parlera de récession quand la production diminue pendant au moins deux trimestres consécutifs.
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Attention

Attention à ne pas confondre récession et dépression.

  • Contrairement à la récession, la dépression signifie une forte baisse de l’activité économique sur une période plus longue, c’est-à-dire au moins une année. C’est la quatrième phase. Le taux de chômage est à un niveau très élevé, la consommation reste faible malgré la déflation. Dans ce cas, la baisse des prix ne résulte pas de la concurrence mais traduit une crise financière qui limite les transactions, affecte l’investissement et la consommation. La déflation ne doit pas être confondue avec la désinflation, qui ne signifie pas la fin de l’inflation mais plutôt son ralentissement.
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Définition

Déflation :

La déflation est une baisse généralisée des prix suite à une chute de l’activité économique.

Après l’expansion, la crise, la récession et la dépression économique vient la cinquième phase : la reprise, durant laquelle l’activité économique redémarre et fait augmenter peu à peu le PIB.

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Toutes ces fluctuations économiques sont dues au système capitaliste, actuel système économique qui prône l’initiative privée, la concurrence entre les firmes et les États, la spéculation, l’endettement ou encore l’inflation, soit en résumé la recherche de gains de plus en plus importants. Cela implique une prise de risques financiers qui peut entraîner des pertes colossales et des crises d’endettement bancaire ou économique.

On dit que toutes ces fluctuations sont des cycles. En effet, les cinq étapes dont nous venons de parler se répètent, et sur de très longues périodes on constate qu’elles se renouvellent avec une certaine régularité.

Description des cycles économiques

On distingue principalement trois sortes de cycles, qui portent le nom des économistes qui les ont mis en évidence.

  • Les cycles courts ou cycles KITCHIN sont des cycles qui durent environ 40 mois et qui s’expliquent par les variations de stocks. Pendant la phase d’expansion que nous avons vue, la forte demande va inciter les entreprises à produire énormément, ce qui entraîne une surproduction à un moment donné. Anticipant une baisse de l’activité économique, ces entreprises réduisent la production pour écouler les stocks. La baisse de la production entraîne à son tour la hausse du chômage, réduisant ainsi les revenus distribués et la consommation. Tous ces phénomènes accumulés entraînent un changement de phase : l’expansion cède sa place à la récession.
  • Il existe aussi les cycles moyens ou cycles JUGLAR : ils durent entre 8 et 10 ans et sont dus aux variations monétaires. En période d’expansion, l’accès facile au crédit fait augmenter les investissements. Mais devant le risque d’inflation, les taux d’intérêt vont progressivement augmenter, entraînant une baisse de la production et le chômage.
  • Enfin, les cycles longs ou cycles KONDRATIEV durent 50 ans, avec une première phase ascendante de 25 ans environ qui se caractérise par une hausse des prix et de la production, puis une phase de déclin qui dure 25 ans. Pour expliquer ces cycles, un grand économiste, Schumpeter, va mettre en évidence le fait que les cycles Kondratieff sont liés aux innovations. Il appelle ce phénomène la destruction créatrice.
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Définition

Destruction créatrice :

La destruction créatrice est un processus par lequel une entreprise qui va innover va se développer de plus en plus, jusqu’à ce qu’elle obtienne tellement de parts de marchés que les autres entreprises en seront poussées à la faillite, entraînant une phase de déclin économique.

L’activité économique est donc bien cyclique, elle génère des crises qui se renouvellent plus ou moins régulièrement. Au-delà de leur régularité dans le temps, on constate aussi que ces crises ont des raisons récurrentes.

Les différents types de crises

Il existe différents types de crises. Chaque fois, elles s’expliquent par un écart entre la croissance potentielle et la croissance effective. Cet écart occasionne des chocs au niveau de l’offre, ou au niveau de la demande.

Les écarts entre croissance potentielle et croissance effective

La croissance potentielle est celle qui est espérée au regard des possibilités de production existantes. Par exemple, au vu des machines, de l’effectif du personnel et de la demande, l’entreprise peut déterminer sa croissance potentielle. Mais cette croissance potentielle ne se confirme pas toujours. Elle peut être différente de la production effective, c’est-à-dire de la production réellement obtenue.

Comme pour l’entreprise, il existe au sein du pays un PIB potentiel estimé à partir des capacités maximales de l’économie et du PIB effectif observé.

Quand le taux de croissance potentiel est égal au taux de croissance effectif, c’est que l’économie valorise au mieux toutes ses ressources et utilise de manière optimale ses capacités de production. À l’inverse, quand la croissance potentielle est différente de la croissance effective, cela entraîne un écart de production qui va avoir à son tour de nombreuses répercussions sur les acteurs économiques et sur les politiques à mettre en œuvre.

Par exemple, quand la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, la croissance « s’emballe », favorisant la création des bulles spéculatives. Or, nous avons vu que l’éclatement d’une bulle spéculative entraîne très souvent des crises, et certaines peuvent être dévastatrices. Aux États-Unis, quand la bulle Internet et plus récemment celle de l’immobilier ont éclaté, les crises qui ont suivi ont eu des conséquences désastreuses sur l’économie locale et au-delà des frontières américaines.

  • C’est la raison pour laquelle certains États mettent en place des mesures pour ralentir la croissance dès qu’elle est jugée trop forte.

La notion de croissance potentielle est donc essentielle pour comprendre les crises. C’est elle qui va générer des chocs d’offre ou de demande.

Les chocs d’offre

Les chocs d’offres proviennent principalement de l’évolution de la productivité ou des coûts des facteurs de production. Ils peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’économie.

Un choc d’offre positif se caractérise par une baisse des prix et une augmentation des quantités vendues. Il peut s’expliquer par l’augmentation de la productivité du travail, la baisse de coûts de production, la diminution des charges salariales. C’est une situation qui profite et au consommateur qui achète moins cher et au producteur qui réalise des économies d’échelle en produisant plus, ce qui rend le prix unitaire plus faible.

Inversement, en cas de choc d’offre négatif, la production baisse et entraîne une hausse des prix. Les coûts de production peuvent augmenter, ce qui contraint l’entreprise à revoir ses prix à la hausse. L’augmentation du prix décourage une partie des consommateurs qui ne veulent ou ne peuvent plus acheter, ce qui entraîne une baisse de la demande.

Les chocs de demande

Les chocs de demande, tout comme les chocs d’offre, peuvent eux aussi être positifs ou négatifs. Ces chocs ont généralement lieu quand la consommation ou l’investissement se modifient ou quand les dépenses publiques varient de façon imprévue.

Le choc de demande positif est la situation où les prix et la quantité consommée augmentent. En général il s’agit de produits du secteur tertiaire : malgré l’augmentation des prix, la demande globale reste forte. Cette situation peut par exemple s’expliquer par une hausse du revenu des ménages, et est à l’origine d’une expansion.

Le choc de demande négatif entraîne une baisse de la consommation et donc une offre excessive qui met les entreprises en difficulté. Ce choc de demande négatif a des effets pervers car le ralentissement de la consommation incite les entreprises à baisser leur production, ce qui augmente le chômage et diminue les revenus.

Conclusion :

Les fluctuations économiques sont donc inévitables puisqu’elles sont liées au système capitaliste. Elles sont régulières et se présentent sous forme de cycles : courts, moyens ou longs respectivement théorisés par les économistes Kitchin, Juglar et Kondratiev.

Chaque cycle comprend cinq phases : l’expansion, la crise, la récession, la dépression et la reprise. Les crises sont générées par des déséquilibres entre la croissance réelle et la croissance potentielle. Ces déséquilibres peuvent entraîner des chocs positifs de l’offre et de la demande, nous sommes alors en période d’expansion. Ils peuvent aussi entraîner des chocs négatifs de l’offre et de la demande, et nous entrons en période de récession.

Cependant, si l’alternance des phases d’expansion et de récession est naturelle, il faut savoir que depuis ces trente dernières années, les crises financières ont tendance à se succéder plus rapidement.