Des cartes pour comprendre le monde
Introduction :
Les cartes sont des outils essentiels pour appréhender la complexité du monde actuel. Il est nécessaire de regarder les cartes comme des constructions humaines : leur conception et la manière de les utiliser sont donc en partie subjectifs. Il faut aussi se familiariser avec le planisphère et maîtriser le vocabulaire spécifique qui accompagne les thèmes de chaque carte.
Nous allons d’abord étudier comment le planisphère choisit de représenter le monde, puis nous allons nous intéresser aux informations qui peuvent être transmises par les cartes, qu’elles soient économiques, démographiques, ou géopolitiques.
Représenter le monde
Représenter le monde
La planète n’est pas parfaitement ronde mais elle est légèrement aplatie aux extrêmes des pôles. Résultat : toute carte est une déformation de notre planète. La méthode choisie pour confectionner la carte va influencer notre vision du monde.
- Le planisphère de Mercator est le plus répandu et date du XVIe siècle. Cette projection est dite « cylindrique », car une fois projetée sur une surface plane rectangulaire, elle pourrait s’enrouler autour d’un cylindre. Elle respecte les angles mais déforme les surfaces. L’Europe est au centre et l’océan Pacifique est coupé deux.
Planisphère de Mercator - ©Strebe - CC-BY-SA-3.0
- Le planisphère de Peters, réalisé en 1970, est lui aussi une projection cylindrique. Les superficies des continents sont plus proches de la réalité mais cette projection en déforme les contours. Contrairement à la vision précédente, l’Afrique ou l’Amérique du Sud sont beaucoup plus vastes.
Planisphère de Peters - ©Penarc - PD-user
- Le planisphère en projection azimutale équidistante est une projection vue du pôle Nord qui permet d’avoir une vision plus « neutre » de notre planète puisqu’elle n’est centrée sur aucun continent. Le point négatif est qu’elle déforme les grands continents.
Planisphère en projection azimutale équidistante - ©Strebe - CC-BY-SA-3.0
- La projection de Buckminster-Fuller de 1946, est une projection qui n’a rien à voir avec la réalité matérielle planétaire. Constituée de 20 triangles, elle permet d’avoir une vision assez neutre.
Projection de Buckminster-Fuller - ©Eric Gaba, Wikimedia Commons user Sting - CC BY-SA 2.5
- Pourquoi une carte n’est jamais neutre ?
L’enjeu politique des cartes est important : selon le continent qui est placé au centre ou la place qu’il occupe, un pays paraîtra plus ou moins important.
Les planisphères de Mercator et de Peters, réalisés par des Européens, prennent l’Europe comme centre du monde.
Il existe d’ailleurs un planisphère dit « on top down under », renversé et centré sur le Pacifique. Il est apparu dans les années 1970, époque où l’Australie et la Nouvelle-Zélande veulent changer la vision européenne ou américaine du monde.
Carte on top down under
On peut donc dire que sur une carte, la planète ne sera pas perçue de la même manière selon notre position géographique, nos opinions politiques, etc.
- On appelle cela la subjectivité des cartes.
Cartes par anamorphose :
En général ce sont des cartes en projection de Mercator où les informations sont représentées par des formes géométriques (rectangles ou carrés) dont la surface est proportionnelle à l’importance du phénomène étudié.
Des cartes pour informer : la géo-économie
Des cartes pour informer : la géo-économie
Carte par anamorphose de la richesse mondiale en 2014
Cette carte par anamorphose permet de contraster au maximum les pays en fonction de leur produit national brut, ou PNB.
Produit national brut :
Le PNB est la production totale de richesses d’un pays sur l’année, à l’intérieur de ses frontières comme à l’étranger.
C’est une carte à double entrée. Le PNB global est représenté par la surface des formes géométriques, et les couleurs distinguent le PNB par habitant. Selon l’entrée choisie, le classement n’est pas le même.
On voit rapidement les « poids lourds » mondiaux de la richesse créée et les pays ou continents qui, à l’inverse, produisent peu de richesse.
- La Chine par exemple, crée un PNB global très fort mais si on le ramène au nombre d’habitants, il faut diviser ce PNB par presque 1,4 milliards.
- À l’inverse, le Luxembourg crée un PNB global plutôt faible mais ramené au nombre d’habitants, c’est-à-dire près de 400 000, le Luxembourg est parmi les premiers au monde.
Il faut bien analyser la projection choisie et surtout maîtriser le vocabulaire qui correspond au sujet de la carte. Pour l’exemple ci-dessus, il faut définir ce qu’est le PNB et le PNB par habitant, car les cartes économiques appellent un vocabulaire spécifique.
- Quelques rappels :
- le PIB est la richesse créée à l’intérieur des frontières d’un État, contrairement au PNB ;
- l’IDH, ou indicateur de développement humain, rend compte de l’espérance de vie, de l’éducation, de l’accès à la santé et à la culture. L’IDH permet une vision plus globale que les seuls PNB ou PIB, car il essaie d’analyser la répartition de la richesse et non sa seule création ;
- l’IPH, ou indicateur de pauvreté humaine, mesure la probabilité de mourir jeune, le taux d’analphabétisme et le pourcentage de la population en-dessous du seuil de pauvreté. Il en existe deux, un pour les pays riches, un pour les pays pauvres.
- Choisir un facteur plutôt qu’un autre, c’est se représenter un monde complètement différent.
- Concernant la démographie, on peut s’intéresser à de multiples facteurs :
- la pyramide des âges, par exemple, montre la répartition par âge et par sexe d’une population ;
- les taux de natalité et de mortalité sont tous deux sont calculés sur 1 000 habitants par an, et donnent le nombre de naissances et de décès ;
- l’espérance de vie est l’âge moyen que l’on peut espérer atteindre. Attention, ce n’est qu’une moyenne, et un fort taux de mortalité infantile fait chuter fortement l’espérance de vie ;
- l’indice de fécondité est le nombre d’enfants par femme en âge de procréer. Pour qu’il y ait un renouvellement de génération il faut 2,1 enfants par femme en âge de procréer. En dessous de ce chiffre, on parle de difficultés démographiques.
- La planète « démographique » est différente selon où l’on se trouve et les équilibres sont menacés.
Les prévisions démographiques pour 2050 montrent une carte de la planète totalement différente de la planète du PIB par habitants… Les géants économiques sont des « nains » démographiques et vice versa.
Carte de la population mondiale estimée en 2050
Cette carte de l’urbanisation mondiale montre que le phénomène urbain s’accentue au sud et que la métropolisation devient un phénomène planétaire.
Carte de l’urbanisation mondiale
Métropolisation :
La métropolisation est l’accroissement incessant des plus grandes villes du monde qui voient êtres humains et activités économiques se concentrer dans des métropoles géantes au détriment des petites et moyennes villes.
Des cartes pour informer : la géopolitique
Des cartes pour informer : la géopolitique
Géopolitique :
La géopolitique étudie les espaces en portant un regard sur la politique, l’économie, les religions, la culture, les conflits, etc.
Les géopoliticiens dégagent des aires « cohérentes » dans le monde, mais de nombreuses théories sont remises en cause par les événements planétaires.
Cette carte représente le « choc des civilisations » selon Samuel Huntington. Chaque couleur représente la zone d’influence de chaque « civilisation » mondiale. Huntington parle de « choc » car pour lui ces civilisations se heurtent les unes aux autres et tentent de prendre le dessus par des conflits parfois violents.
Mais cette thèse est remise en cause par de nombreux chercheurs car des études récentes démontrent que les conflits sont plus nombreux et violent à l’intérieur d’une même aire géopolitique censée être homogène.
Huntington a mis en avant un choc notamment entre l’Occident et le monde islamique, mais le monde islamique n’a rien d’homogène et est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense. La géopolitique est une science difficile et les cartes ne cessent de se transformer au grès des politiques mises en œuvre par les états.
Civilisation :
Pour Huntington, une civilisation est un ensemble plus ou moins cohérent de langues, de croyances religieuses, de codes sociaux, d’arts, de modes de vie, etc
L’approche d’Huntington est très contreversée et il faut approcher ces définitions avec un regard critique. Il n’existe pas de civilisation « pure », toute civilisation a été influencée et s’est plus ou moins imprégnée d’autres civilisations.
L’Union européenne, l’ALENA en Amérique du Nord, le MERCOSUR en Amérique du Sud, l’OCS, l’Organisation de coopération de Shanghai, les BRICS, les nouveaux pays émergents… Tous se regroupent et s’allient pour peser d’avantage sur la politique et l’économie mondiales.
Carte des organisations économiques dans le monde
Conclusion :
Toutes ces cartes montrent que selon la projection choisie et le phénomène étudié, nous n’avons pas la même planète sous les yeux. Selon la place accordée à chaque pays, selon l’information qu’on choisit de présenter, le monde sera présenté différemment.
Devant une carte à commenter il faut donc toujours penser à la projection qui a été choisie et la critiquer. Pour cela, il faut bien analyser le sujet, bien maîtriser le vocabulaire adapté et surtout avoir un esprit critique. Parfois, ce que ne dit pas la carte est aussi important que ce qu’elle présente.