Dynamiques démographiques et inégalités socio-économiques en France
Introduction :
La France est la 7e puissance économique mondiale et la 2e puissance européenne. Cependant, son développement économique ne doit pas masquer des disparités importantes au sein de ses territoires, à toutes les échelles. De plus, le pays connait des dynamiques démographiques particulières, qui appellent à la prise en compte de certains enjeux, comme le vieillissement.
En premier lieu, nous présenterons l’organisation générale du territoire français en termes de répartition de la population et de dynamisme démographique. Dans un second temps, nous nous demanderons en quoi le phénomène de mondialisation entraîne des modifications visibles dans l’espace français telles que la métropolisation, qui entraine des inégalités socio-spatiales à toutes les échelles.
L’organisation générale du territoire français
L’organisation générale du territoire français
Le maillage administratif français
Le maillage administratif français
La France métropolitaine a une superficie de 550 000 km², ce qui en fait le plus grand État d’Europe occidentale.
Ce territoire est divisé administrativement en plusieurs strates, afin de permettre une gestion administrative et politique à différentes échelles et une décentralisation du pouvoir et de l’administration.
Depuis la réforme de 2015, la France compte 18 régions, découpées à leur tour en 101 départements.
Chaque département est à son tour constitué du plus petit échelon administratif : la commune.
Commune (en France) :
Une commune est une collectivité territoriale. Son territoire est administré par le maire et le conseil municipal, élus pour six ans.
Il y a environ 36 000 communes en France mais ce chiffre cache une grande disparité :
- Paris est la plus grande commune de France avec 2 millions d’habitants. Elle est elle-même divisée en plusieurs arrondissements avec chacun un maire ;
- 10 % des communes françaises ont moins de 100 habitants ;
- il faut également prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins, c'est-à-dire ceux éloignés de la métropole, au-delà des mers. Issus de l’ancien Empire colonial français (XVIe-XXe siècle), ils sont divisés en douze territoires et comptent au total 2,6 millions d’habitants.
Cinq territoires ultramarins sont des Départements ou Régions d’Outre-Mer (DROM) :
- la Guyane (Amérique du sud) ;
- la Guadeloupe (Mer des Caraïbes) ;
- la Martinique (Mer des Caraïbes) ;
- la Réunion (Océan Indien) ;
- Mayotte (Océan Indien).
Ils représentent une superficie totale de 89 000 km². Chacun est doté, comme les départements métropolitains (de la métropole, soit la France), d’un chef-lieu de département (ville qui est le centre administratif, par exemple Basse-Terre pour la Guadeloupe). Les DROM sont également représentés par un Ministère des Outre-Mer qui leur est dédié.
Cette disparité existe à toutes les échelles. La densité de population du territoire français est inégale selon les territoires.
64 millions d’habitants inégalement répartis sur le territoire
64 millions d’habitants inégalement répartis sur le territoire
L’espace français métropolitain concentre la majorité de la population française soit 64 millions d’habitants. Cette population est inégalement répartie sur le territoire français.
- Par exemple, la région Ile-de-France compte 50 fois plus d’habitants que la région de la Corse.
La France devient de plus en plus en urbaine. Aujourd’hui, 41 % du territoire est en milieu urbain et 78 % de la population française vit en ville .
Le tissu urbain français est très hiérarchisé : Paris et sa grande banlieue écrasent le reste des unités urbaines en France. On utilise le terme de macrocéphalie, ce qui veut dire qu’il y a une domination et un grand déséquilibre au profit de Paris et son aire urbaine de 12 millions d’habitants.
Loin derrière, Lyon ou Marseille n’ont que respectivement 1,8 et 1,7 million d’habitants.
- L’espace français est polarisé par les plus grandes villes et leur rayonnement : Paris, Lille, Strasbourg, Marseille ou Lyon sont des pôles qui dominent largement leurs régions.
- Dans le grand Sud-ouest, Toulouse et Bordeaux sont les deux pôles d’attraction.
- Par ailleurs, on trouve dans l’ouest de la France des régions à pôles modestes et multiples, comme Nantes, Rennes, Brest et Angers. La carte ci-dessous présente les unités urbaines, c'est-à-dire les lieux concentrant les populations.
Unité urbaine :
Une unité urbaine est un territoire ayant deux caractéristiques :
- une continuité du bâti (pas d’espaces non construits) ;
- une population d’au moins 2 000 habitants.
Si le territoire étudié ne possède pas ces deux caractéristiques, c’est un territoire rural.
L’héliotropisme, qui est l’envie pour une population de vivre dans des régions ensoleillées, les dynamiques européennes et les littoraux sont des atouts pour les territoires.
On distingue une bande entre la Meuse et le Sud-ouest, ne comprenant quasiment pas d’unités urbaines. Cette zone est appelée « diagonale du vide » ou « diagonale des faibles densités ». Elle caractérise des espaces peu urbanisés (peu de villes), peu peuplés et moins intégrés au reste du territoire français.
Ces territoires français connaissent des dynamiques démographiques différenciées.
Principales dynamiques démographiques en France
Principales dynamiques démographiques en France
La démographie est l’étude de la population, à partir de données diverses et généralement statistiques. Les pays développés ont pour caractéristique d’avoir achevé leur transition démographique. Cela signifie que leur démographie est caractérisée par :
- une mortalité faible ;
- une natalité également faible.
La France fait figure d’exception au sein des pays d’Europe occidentale. Avec environ 2 enfants par femme, elle présente le taux de fécondité le plus élevé d’Europe. Cela s’explique par des allocations versées pour les enfants, donc une aide financière versée par l’État, et un très bon système de garde des enfants (crèches, assistantes maternelles, maternelles). Ce système n’est pas aussi présent dans d’autres pays européens.
- Cependant, ce taux n’est pas suffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Le taux de fécondité est le nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer (entre 15 et 50 ans). Le taux de 2,1 enfants est le seuil minimal pour assurer le renouvellement des générations (hors impact des migrations).
Comme tous les pays développés, la France est confrontée au vieillissement de sa population. En effet, la transition démographique ayant été achevée, la natalité du pays baisse mais l’espérance de vie augmente. Cela pose des défis sociaux et économiques en matière de soins aux personnes âgées mais aussi de capacité à prendre en charge les pensions de retraites.
- Aujourd'hui, les hommes ont une espérance de vie de 79,4 ans et les femmes de 85,3 ans.
- Les plus de 65 ans représentent 12 millions de personnes en France soit près d’une personne sur cinq.
Afin de compenser en partie la baisse de sa population mais aussi son vieillissement, un pays peut avoir une politique ouverte vis-à-vis de l’immigration. En 2015, 6,2 millions d’immigrés vivaient en France, soit 9 % de la population totale. Environ 40 % d’entre eux ont acquis la nationalité française.
Immigration :
L’immigration est le fait de quitter son pays d’origine pour s’installer durablement ou définitivement dans un autre pays.
Les territoires ultramarins connaissent des dynamiques démographiques propres, différentes de la métropole. Globalement, le taux de fécondité est plus élevé. Ainsi, la population y augmente plus rapidement : 5,4 ‰ d’accroissement naturel (différence entre le nombre de décès et le nombre de naissances) en 2010 pour la population métropolitaine contre 11,2 ‰ pour les territoires ultramarins. Cependant, la population des DROM représente moins de 4 % de la population française dans son ensemble.
Le territoire français est donc inégalement urbanisé et occupé par les populations. L’intégration de la France dans la mondialisation renforce ou engendre de nouveaux phénomènes qui entrainent des inégalités socio-spatiales à toutes les échelles.
Un territoire français inégalement intégré à la mondialisation
Un territoire français inégalement intégré à la mondialisation
La métropolisation, outil de la mondialisation
La métropolisation, outil de la mondialisation
La métropolisation est un phénomène à mettre en lien avec la mondialisation. Elle correspond au développement et à la croissance des métropoles.
Mondialisation :
La mondialisation est un processus qui fait intervenir :
- une nouvelle échelle pour réfléchir aux relations économiques et sociales entre les êtres humains ;
- des échanges de population, de marchandises et d’argent de plus en plus nombreux.
Ainsi, les villes jouent un rôle primordial dans le processus de mondialisation. Les métropoles sont les villes qui servent de relais à la mondialisation.
Métropole :
Une métropole est un ensemble urbain de grande importance qui exerce des fonctions de commandement, d’organisation et d’impulsion sur une région et qui permet son intégration avec le reste du monde.
Les fonctions de commandement désignent les pouvoirs dont disposent les instances politiques et économiques. Ces fonctions sont multiples : politiques, économiques, culturelles, militaires.
Ainsi, les métropoles, dotées de ces fonctions de commandement, exercent un rôle fondamental sur leurs territoires et à toutes les échelles :
- elles sont un bassin d’emploi local ;
- elles sont le siège de FTN (Firmes Transnationales, entreprise avec son siège en métropole et des activités dans d’ autres pays), véritables vecteurs de la mondialisation ;
- elles peuvent être le lieu de décisions politiques.
Toutes les métropoles n’ont pas le même rayonnement. En France, seule Paris est une métropole mondiale. Les autres grandes villes françaises comme Lyon ou Marseille sont des métropoles régionales : elles exercent leur influence sur leur territoire, mais n’ont pas de rôle particulier à l’étranger ou avec les autres villes-monde. On peut faire la même remarque concernant les villes les plus importantes des DROM, qui n’exercent qu’une influence locale.
Cependant, en assurant le développement économique du pays, les métropoles françaises, notamment Paris, permettent d’intégrer le territoire français dans la mondialisation et lui assurent sa place de 7e puissance économique mondiale.
La France est la 7e puissance économique du monde. Elle représente 5 % du PIB mondial et c’est la 2e puissance économique européenne derrière l’Allemagne. La France participe au commerce mondial avec 4 % des échanges mondiaux. Les services (secteur tertiaire de l’économie, soit par exemple l’informatique, le marketing, finances, immobilier, etc.) sont l’atout majeur de ses exportations.
Il ne faut pas minimiser ici le rôle prépondérant des espaces ruraux dans le développement national en matière économique.
La métropolisation entraine une concentration des populations et des emplois dans les métropoles. Pour étudier plus précisément les relations entre économie et population, l’Insee travaille sur un cadre différent des cadres administratifs traditionnels : l’aire urbaine.
L’aire urbaine : l’organisation du territoire selon le dynamisme économique
L’aire urbaine : l’organisation du territoire selon le dynamisme économique
Afin d’accompagner les différents territoires français dans la mondialisation, il faut que les acteurs soient en capacité de connaitre les atouts et les contraintes de ces espaces. Le découpage administratif classique région/département/commune peut manquer de pertinence pour étudier les dynamiques démographiques et économiques françaises.
L’Insee propose donc de réfléchir à ces questions en découpant le territoire français en « aires urbaines ».
L’Insee est l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques.
Aire urbaine :
Selon l’Insee, une aire urbaine est « un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ».
Cette définition montre le rôle économique de l’organisation du territoire. En effet, l’aire urbaine est un ensemble de communes cumulant des emplois.
L’aire urbaine est donc un ensemble complexe de communes, qui s’étend sur un territoire plus ou moins grand et composé de différents éléments :
- La zone la plus attractive de l’aire urbaine est la ville-centre qui peut éventuellement être une métropole. Elle concentre les emplois et les fonctions de commandement (politiques, économiques…).
Il ne faut pas confondre « ville-centre » et « centre-ville ».
- La ville-centre est la commune au cœur d’une agglomération ou d’une métropole. C’est la ville qui influence directement un territoire, qui cumule les emplois et attire les populations.
- Le centre-ville est le quartier central d’une ville, quelle que soit sa taille, qui concentre des commerces de proximité et des services publics.
- Autour de la ville-centre, on trouve la banlieue. L’habitat est encore urbain, le bâti est continu. La population de la banlieue travaille en grande partie dans la ville-centre.
- Enfin, plus éloignée de la ville-centre, on voit se développer la couronne périurbaine.
Couronne périurbaine :
La couronne périurbaine correspond à un espace urbain, caractérisé par l’éloignement et la discontinuité du bâti vis-à-vis de la ville-centre. Elle fait le lien entre la banlieue et l’habitat rural.
- Les espaces périurbains sont des zones d’habitat résidentiel, généralement pavillonnaire (maisons).
- Les habitants du périurbain disposent de peu de services de proximité, ce qui les contraint à disposer d’un véhicule personnel pour se rendre dans la ville-centre ou à utiliser les transports (RER, Train régional, Tram, bus).
Si la banlieue a une existence ancienne, la couronne périurbaine autour des grandes agglomérations est liée à l’étalement urbain qui s’est développé depuis le milieu du XXe siècle. La ville progresse sur les territoires ruraux. Ce phénomène se produit car la ville-centre concentre trop d’emplois par rapport au nombre d’habitants qu’elle peut loger.
Photographie aérienne prise dans la banlieue de Versailles (78) en 2005 qui montre l’étalement urbain
La zone pavillonnaire correspond à une couronne périurbaine :
- le bâti est discontinu par rapport au reste de la ville ;
- il s’agit d’une zone pavillonnaire sans service de proximité apparent ;
- la zone est a priori éloignée de la ville-centre.
La métropolisation entraîne une concentration des populations et des emplois en direction des métropoles. Dès lors, ce phénomène entraîne des inégalités sociales liées qu’on peut observer dans l’organisation de l’espace : ce sont des inégalités socio-spatiales.
Des inégalités socio-spatiales à toutes les échelles
Des inégalités socio-spatiales à toutes les échelles
Comme vu précédemment, la mondialisation entraine un accroissement du phénomène de métropolisation en France. Les métropoles concentrent de plus en plus les populations, les emplois et les richesses.
À l’échelle nationale, on a vu que la France est caractérisée par la macrocéphalie parisienne :
- les 4/5e des 500 premières sociétés françaises ont leur siège en Ile-de-France (région parisienne) ;
- la Défense, le quartier des affaires parisien, accueille 1 500 sièges sociaux ;
- Paris est la première destination touristique mondiale ;
- Paris est la première ville au monde pour l’accueil des congrès internationaux.
L’hypercentralisation parisienne au sein du territoire français n’est pas une question nouvelle. En 1947, l’économiste français Jean-François Gravier la dénonçait déjà avec son ouvrage, Paris et le désert français.
Dès lors, les autorités de l’État se penchent depuis la deuxième moitié du XXe siècle sur un rééquilibrage du territoire. Dans les années 1960, une politique d’aménagement du territoire a abouti à la création de métropoles d’équilibre, pour faire contre-poids à la capitale. Parmi ces métropoles d’équilibre, on peut citer Lyon, Bordeaux ou encore Strasbourg.
Aménager un territoire, c’est faire en sorte que chaque habitant du pays ait accès aux mêmes services et aux mêmes équipements, sans que cela ne coûte trop cher au contribuable. L’aménagement du territoire est une compétence des pouvoirs publics (État, collectivités locales).
En 2010, l’État a souhaité réaffirmer cette volonté en créant les « métropoles » administratives. Ce sont des intercommunalités, c'est-à-dire des regroupements de communes, concernant les territoires de plus de 400 000 habitants. Ces métropoles doivent impulser une dynamique économique de territoire, indépendamment de la « locomotive » que constitue Paris.
Ces différentes métropoles doivent donc entraîner leur territoire, y compris les pôles ruraux, dans leurs dynamiques de développement économique.
En outre, les inégalités socio-spatiales se lisent également à l’échelon régional voire local. Elles sont liées à la métropolisation et au fait que ces villes-centres concentrent les emplois et les infrastructures. Dès lors, les espaces plus éloignés des villes-centres font face à des difficultés diverses :
- inégalités d’accès à l’emploi ;
- inégal accès aux services de proximité et aux services publics (éducation, santé, mairies) ;
- les populations des banlieues et de la couronne périurbaine sont généralement employées dans la ville-centre. Elles opèrent donc chaque jour des migrations pendulaires, ce qui pose la question de l’accès aux transports.
Migrations pendulaires :
Les migrations pendulaires désignent les déplacements quotidiens des populations pour se rendre sur leur lieu de travail.
Ces inégalités socio-spatiales, locales comme nationales, sont également prises en charge par l’Union européenne (UE). Ainsi, l’UE mène une politique de cohésion territoriale, avec une volonté de réduction de ces inégalités. Elle finance des opérations d’aménagement du territoire, conjointement avec les acteurs locaux, à travers des fonds comme le FEDER.
FEDER – Fonds Européen de Développement Régional :
Le FEDER a pour vocation de renforcer la cohésion (unité) économique et sociale dans l’Union européenne en corrigeant les déséquilibres entre ses régions.
Un des axes de travail du FEDER est le développement rural. En effet, le phénomène de métropolisation qui tend à concentrer le développement dans les villes entraîne des disparités de richesse avec le monde rural.
Conclusion :
Dans son ensemble, la France, 7e puissance mondiale, est intégrée dans la mondialisation. Cependant, la bonne santé économique du pays ne doit pas masquer les enjeux de développement actuels :
- enjeux démographiques avec la question du vieillissement ;
- enjeux sociaux liés à la métropolisation et à la concentration des richesses et des emplois dans les pôles économiques principaux du pays ;
- enjeux administratifs avec une recherche de décentralisation par rapport à Paris.
Dès lors, les acteurs publics et privés doivent penser l’aménagement du territoire de façon à aboutir à une prise en compte de ces enjeux pour une meilleure cohésion de l’espace français.