Formes indirectes de la puissance : culture, langue, nouvelles technologies et maîtrise des voies de communication

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Introduction :

La puissance peut s’exprimer de deux manières. Elle peut faire usage de la force, c’est le hard power, mais elle peut aussi s’exercer de manière indirecte : elle dépend alors, comme le définit le géopolitologue américain Joseph Nye en 1990, de « l’habileté à séduire et à attirer ». Cette manière indirecte d’exercer une influence est appelée le soft power.
Comment se traduisent ces formes indirectes de la puissance ?

Nous allons étudier l’efficacité du soft power à travers des outils tels que la diffusion d’une langue, le contrôle des nouvelles technologies et la maîtrise des voies de communication.

L’enjeu de la langue et de la culture comme vecteur de puissance

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À retenir

La langue constitue un outil important de la puissance d’un État à l’échelle régionale ou internationale, car elle est le véhicule des idées.
Elle contribue à la diffusion de modes de vie, de valeurs et de modèles culturels, ce qui en fait un levier essentiel pour bénéficier d’un rayonnement mondial.

Les critères pour connaître l’influence d’une langue dans le monde

Le critère géographique

Les régions du monde dans lesquelles une langue est parlée permet de définir une aire d’influence de cette langue. Il faut tenir compte du statut de la langue : langue officielle de jure (reconnue par la loi) ou de facto (dans les faits) ; langue véhiculaire (utilisée comme moyen de communication entre des populations de langues différentes) et langue vernaculaire (langue d’une minorité).

Le critère de communication

Il dépend du nombre de locuteurs, natifs ou bilingues. La langue doit être pratiquée pour avoir une réelle influence et ne doit pas seulement être la langue de la scolarité. Enfin, il faut prendre en compte les langues de la même famille (langues anglo-saxonnes, latines ou slaves par exemple), plus faciles à comprendre et apprendre par de nombreux locuteurs.

Le critère économique

Il se mesure à l’attraction touristique, aux exportations de produits culturels et aux échanges en général.

Le critère de savoirs

Le contenu sur Internet et la fréquentation des sites dans une langue, le cinéma, la place du top 500 des universités d’après le classement de Shanghai et la langue des publications universitaires permettent de définir ce critère.

Le critère diplomatique

On parle ici plus précisément des langues officielles et de travail des grandes organisations internationales.

  • À l’ONU, il y a 6 langues officielles : l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe.
  • La Banque mondiale a 6 langues de travail, les mêmes que celles de l’ONU.
  • La seule langue officielle du FMI est l’anglais, mais le FMI a 7 langues de travail : l’anglais, l’arabe, le chinois (mandarin), le français, le japonais, le russe et l’espagnol.
  • Les langues de travail du Secrétariat de l’OMC sont l’anglais, le français et l’espagnol.

Trois exemples de langues influentes : l’anglais, le français et le mandarin

L’anglais

L’anglais est la langue internationale par excellence, incontournable dans les échanges diplomatiques, le domaine des affaires, les communications aériennes et maritimes, la recherche et les publications scientifiques, et Internet.
Plus de 1,4 milliard de personnes parlent anglais, ce qui en fait la première langue dans le monde. C’est d’ailleurs la langue la plus enseignée en langues étrangères.
L’anglais est le vecteur essentiel de la diffusion de la culture et des idées du modèle anglo-saxon. Si les États-Unis, en tant que première puissance mondiale, diffusent l’anglo-américain au sein d’une économie mondialisée, il faut également tenir compte de l’héritage colonial britannique. En effet, l’anglais est la langue officielle des 56 États composant le Commonwealth.

Le français

Le français rayonne aussi dans l’espace de son ancien empire colonial et plus de 300 millions de personnes dans le monde parlent français.
À l’ONU, la langue française est la deuxième langue la plus utilisée après l’anglais (tous les traités des Nations unies sont validés dans leur version anglaise et française).
La diffusion de la langue française s’appuie sur les réseaux d’Alliances françaises, d’instituts français et de lycées français dans le monde.

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Définition

Alliance française :

Organisation créée en 1883 et liée au ministère des Affaires étrangères. Sa mission consiste à faire rayonner la culture et la langue française à l’extérieur du pays, grâce au développement d’un réseau d’établissements à travers le monde.

On estime que plus de 2,5 millions de Français vivent à l’étranger. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) regroupe les pays de langue et de culture française. Cette organisation est très active dans le rayonnement de la France dans le monde.
Les médias sont également vecteurs de cette présence. Le groupe France Média Monde réunit les radios et télévision française ayant une diffusion internationale comme RFI (Radio France Internationale), France 24 ou TV5 Monde.

La diffusion de la culture et de la langue françaises s’appuie également sur l’attraction touristique de la France qui est la première destination touristique du monde depuis les années 1990.

Le mandarin

Le mandarin (chinois) est la langue la plus parlée au monde selon le nombre de locuteurs natifs (environ 1 milliard).
À l’échelle internationale, la diffusion du mandarin s’appuie sur la première diaspora du monde (environ 50 millions de Chinois vivent à l’étranger) mais également sur l’implantation des Instituts Confucius dans de nombreux pays depuis 2004. Ces établissements ont pour but de véhiculer la langue et la culture chinoises. Outre les cours de langue, ils proposent une initiation à la calligraphie, à la cuisine chinoise ou encore au tai-chi ou au kung-fu. La multiplication de ces instituts accompagne l’émergence de la Chine sur la scène internationale. Aujourd’hui, on compte 548 instituts dans 154 pays.

Ainsi, la diffusion de la langue est un atout majeur pour exercer sa puissance. Diffuser une langue permet de renforcer l’influence d’un modèle culturel mais aussi de favoriser les transactions commerciales, et enfin de s’imposer à travers le dialogue diplomatique.

La maîtrise des nouvelles technologies à travers la puissance des géants du numérique

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À retenir

Internet est un puissant outil de communication et également un vecteur d’influence majeur. En effet, Internet permet de collecter et de disséminer de l’information partout dans le monde. L’accès que les géants du numérique peuvent permettre aux informations et aux données est un enjeu considérable dans le monde actuel.

La domination américaine et le rôle déterminant des GAFAM

Les États-Unis sont les premiers à amorcer la révolution numérique. Le développement des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) dans les années 1990 en font une puissance inégalée.

  • Aujourd’hui, les géants du numérique sont un atout majeur du soft power américain.

Faisons d’abord un point sur les acronymes.

  • L’expression GAFAM regroupe les 5 grands géants du Web : Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft.
  • Les FAANG sont également évoqués pour parler de Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google.
  • Enfin, les applications NATU rassemblent Netflix (vidéos), Airbnb (hôtellerie), Tesla (construction automobile) et Uber (transports).

Leurs champs d’activités sont vastes, leur développement et leur succès financiers colossaux, leur capacité d’innovation impressionnante.
Ces entreprises spécialisées dans le secteur du numérique sont de véritables ambassadrices de la puissance des États-Unis dans le monde mais elles sont aujourd’hui concurrencées par les entreprises chinoises.

Les BATX, nouveaux champions du numérique chinois, et la montée en puissance de la Chine

Les BATX sont des firmes technologiques chinoises plus récentes que les GAFAM mais tout aussi ambitieuses.
Ces entreprises comprennent Baidu (l’équivalent de Google en Chine), Alibaba (l’équivalent d’Amazon en Chine), Tencent (services diversifiés d’internet) et Xiaomi (un peu sur le modèle d’Apple). Il faudrait dire BHATX en y ajoutant le « H » de Huawei (télécommunications et informatique).

  • À travers ces fleurons du numérique, Xi Jinping veut faire de la Chine une « cyber superpower » capable de rivaliser avec les États-Unis.

L’État chinois favorise le développement du numérique qui est le reflet de sa montée en puissance en termes d’innovation. La production chinoise est aujourd’hui autonome.

Tensions et concurrences technologiques

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À retenir

Les géants du numérique constituent un instrument de soft power au service des États qui les ont aidés à se développer et qui ont passé avec eux des accords commerciaux importants. La compétition de ces firmes privées se double donc d’enjeux importants pour les États eux-mêmes.

La capitalisation boursière est moins impressionnante du côté de la Chine, qui compte tout de même plus d’un milliard d’internautes et les États-Unis un peu plus de 311 millions. Mais les États-Unis craignent de se faire rattraper et il existe une véritable compétition technologique et numérique entre les deux puissances.
Les enjeux sont à la hauteur des tensions qui existent.

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Exemple

Si les États-Unis de la première présidence de Trump ont mis en avant l’argument sécuritaire avec le risque d’espionnage pour empêcher l’accès de Huawei et de TikTok sur le marché américain, ils expriment aussi leur crainte de se voir dépassés. L’application TikTok connait un succès fulgurant dans le monde avec 1,56 milliards d’utilisateurs en 2024.

Les menaces potentielles pour la cybersécurité, notamment l’espionnage de données confidentielles concernent l’ensemble des plateformes numériques.

  • De manière générale, les géants du numérique sont si puissants qu’ils ont tendance à menacer la souveraineté des États.

La lutte pour la maîtrise des technologies montre l’importance des enjeux géostratégiques. Il s’agit d’un combat d’influence à l’échelle mondiale permettant de diffuser un modèle mais aussi de connaitre les autres modèles afin de mieux les concurrencer.

La maîtrise des voies de communication à travers les « nouvelles routes de la soie »

[RETENIR] La maîtrise des voies de communications à l’échelle mondiale est également un enjeu géopolitique important, puisqu’elle permet à un État de consolider sa puissance économique, commerciale, mais aussi, moins directement, d’influencer les autres États.
Le projet des « nouvelles routes de la soie » est un exemple intéressant qui contribue à l’affirmation par la Chine de son statut de puissance mondiale. [RETENIR]

Extension des « nouvelles routes de la soie »

Même si les routes caravanières de la soie qui reliaient la Chine au Proche-Orient il y a près de 2 000 ans évoquent déjà une civilisation chinoise rayonnante, les « nouvelles routes de la soie » sont un projet d’une autre envergure.
Les routes de la soie modernes ont vu le jour en 2013 sous l’impulsion du président Xi Jinping. Le programme est intitulé « One Belt, One Road » (OBOR) ou « Belt and Road Initiative » (BRI).

La logique est à la fois terrestre et maritime. Le programme comprend, d’une part, de grands corridors terrestres de routes et chemins de fer à travers le continent eurasiatique. D’autre part, les routes maritimes sont composées d’une succession d’installations portuaires et aéroportuaires de la mer de Chine orientale jusqu’au détroit de Bab-el-Mandeb entre la corne de l’Afrique et la péninsule arabique, en passant par les rives de l’Océan Indien. Pour qualifier cette stratégie chinoise ambitieuse, ses concurrents (ex. : États-Unis, Inde) ont parlé à l’époque de stratégie du « collier de perles », chaque installation portuaire ou militaire construite ou achetée par la Chine constituant une « perle » de ce « collier » maritime.

Plus d’une centaine d’États sont concernés par le projet. Le troisième forum des « nouvelles routes de la soie » qui s’est tenu à Pékin en octobre 2023 a accueilli plus de 130 chefs d’État.
La Chine a investi plus de 1 000 milliards de dollars en 10 ans sous forme de prêts et plus de 3 000 projets ont été lancés. Le projet s’est néanmoins ralenti parce que de nombreux pays surendettés peinent à rembourser leurs crédits.

carte des nouvelles routes de la soie

Une manière pour la Chine d’affirmer son influence

Le projet des « nouvelles routes de la soie » répond à la volonté de la Chine de renforcer son influence dans de nombreux pays appartenant à ce que l’on nomme « les Suds ». Nous pouvons décliner les motivations sur les plans économique et commercial, politique et diplomatique.

Sur les plans économique et commercial, l’industrie chinoise a trouvé pour ses industries de BTP (bâtiment et travaux publics) des débouchés lui permettant d’écouler ses surplus de production.
Elle parvient également à un développement régional plus harmonieux de son territoire. En effet, la Chine intérieure a longtemps été délaissée au profit du littoral et les infrastructures terrestres développées dans le cadre des « nouvelles routes de la soie » permettent de dynamiser les échanges en Asie centrale.
De plus, l’approfondissement des échanges en Asie centrale permet à la Chine de diversifier ses approvisionnements en ressources énergétiques par oléoducs et gazoducs. Elle peut ainsi s’affranchir du « dilemme de Malacca ». L’ancien président chinois Hu Jintao exprimait ainsi la crainte que le détroit de Malacca soit bloqué. Ce détroit est un point de passage majeur sur la principale route maritime reliant le Proche-Orient et le littoral chinois. Il se caractérise par son étroitesse et sa densité de circulation, dont la sécurité est sous le contrôle des États-Unis. Cette configuration entraîne un sentiment de vulnérabilité pour la Chine qui craint pour sa sécurité énergétique et souhaite trouver d’autres voies pour se ravitailler en hydrocarbures. La Chine envisage également de construire un canal traversant la péninsule thaïlandaise, le canal de Kra, afin de contourner le détroit de Malacca.

Sur les plans politique et diplomatique, la Chine souhaite sécuriser ses frontières en Asie centrale en poursuivant la sinisation du Xinjiang. La sinisation est un processus d’acculturation : les Ouigours qui vivent dans cette région subissent l’influence de la culture chinoise aux dépens de leur propre culture. Cela a entraîné une répression violente contre l’ethnie ouïgoure avec 1 à 2 millions de déportations arbitraires en 2017. La Chine s’affirme comme un acteur anti-terroriste et stabilisateur en Asie centrale et partage son influence dans cette partie du monde avec la Russie.
Mais l’influence de la Chine ne se cantonne pas seulement au continent asiatique. Les « nouvelles routes de la soie » sont un projet à échelle mondiale qui ambitionne de changer les équilibres géopolitiques en constituant une concurrence vis-à-vis des États-Unis. En 2049, pour le centenaire de la République populaire de Chine, le projet est de dessiner une mondialisation à la chinoise.

Conclusion :

La capacité d’influencer les autres nations par la séduction et la persuasion est une arme stratégique particulièrement efficace. Elle permet d’éviter les conflits et d’obtenir plus facilement l’adhésion des pays sous influence.
Ce jeu d’influence entre les pays utilise de multiples canaux, tels que la diffusion de la langue, les outils numériques et les voies de communication, auxquels on peut ajouter les médias (qui participent à la diffusion des modèles idéologiques et culturels), mais aussi le tourisme et l’immigration (qui rendent compte de l’attrait que suscite un pays). L’exemple le plus frappant de l’usage de ce soft power est celui des États-Unis. Néanmoins, toutes les puissances mondiales jouent également de ce levier pour peser sur l’échiquier économique et géopolitique mondial.