Histoire et mémoires : l’exemple de la guerre d’Algérie

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  • Il est important de distinguer :
  • l’histoire, l’étude scientifique et objective du passé à partir de multiples sources ;
  • de la mémoire, le souvenir du passé propre à un individu ou à un groupe, ou la vision d’un événement ou d’une époque qui contient une part de subjectivité.
  • La conquête française de l’Algérie commence en 1830 avec la prise d’Alger, et se poursuit pendant plusieurs décennies. Les régimes successifs de la France s’efforcent d’en faire une colonie de peuplement, plus d’un million d’Européens (Français mais aussi Espagnols et Italiens) y vivaient en 1950.

Le conflit et ses lendemains, de la guerre des mots à l’ensevelissement

En France, une guerre sans nom

  • Après le massacre de Sétif, le FLN lance une insurrection le 1er novembre 1954. L’État français renforce la présence militaire dans les départements algériens.
  • La France viole ainsi les conventions internationales sur le droit de la guerre ainsi que les principes inscrits dans sa propre Constitution : l’armée française torture des rebelles, des civils, et certains prisonniers sont aussi exécutés.
  • En métropole, la torture est rapidement connue et dénoncée par de nombreux acteurs.
  • Avant et après l’indépendance, le gouvernement français n’emploie jamais l’expression de « guerre d’Algérie » mais parle des « évènements d’Algérie ».
  • Le terme permet de nier la légitimité du sentiment national algérien mais aussi de ne pas reconnaître les violations du droit de la guerre commises pendant celle-ci.
  • Ce n’est qu’en 2002 que l’appellation de « guerre d’Algérie » apparaît dans un texte de loi français, sous l’effet du réveil des mémoires.

En Algérie, une mémoire confisquée

  • Après l’indépendance, des dizaines de milliers de harkis, des algériens qui ont combattu pour l’armée française sont massacrés.
  • Certains harkis parviennent à gagner la métropole, souvent grâce à la complicité de leurs officiers.
  • Le nouveau gouvernement algérien s’appuie sur la légitimité de vainqueur de la « Guerre de libération nationale » avec une version idéalisée du conflit présenté comme un soulèvement spontané de tous les Algériens contre l’impérialisme français.
  • Le FLN applique une politique de terreur envers les populations civiles, son combat est aussi dirigé contre d’autres factions rivales.
  • En 1965, Houari Boumédiène prend le pouvoir grâce à un coup d’État. Le FLN devient le parti unique et martèle désormais sa version officielle du conflit.

L’ensevelissement du conflit dans la mémoire française

  • En France, au lendemain des accords d’Évian, la majorité des anciens acteurs du conflit gardent le silence.
  • Les harkis qui ont pu se réfugier en France vivent dans des camps de réfugiés et sont considérés comme des « collabos » par les autres Algériens.
  • Sur la scène internationale, la France se retrouva également de plus en plus isolée dans le contexte de la guerre d’Algérie.
  • Les États français et algériens ont ainsi chacun instrumentalisée la mémoire en fonction de leurs intérêts du moment, à savoir la préservation de l’image de la France et la justification du pouvoir du FLN.

Le réveil des mémoires à partir des années 1970

L’émergence de mémoires divergentes

  • Les acteurs du conflit connaissent un réveil mémoriel progressif à partir des années 1970. Ce réveil montre la divergence de vision des évènements.
  • Nostalgiques de leur vie en Algérie, les pieds-noirs, anciens membres de l’OAS, et militaires, entretiennent une vision idéalisée du temps de la colonisation et accusent Paris de les avoir abandonnés par calcul politique.
  • Concernant les harkis, ils sont toujours vus comme des « collabos » par l’État algérien tout en étant victimes du racisme et de la pauvreté en France.
  • Enfin, les communistes et les anciens partisans français du FLN réclament l’ouverture des archives et la reconnaissance des crimes de l’armée.

Un travail entamé par l’histoire et le cinéma

  • Dès les années 1960, le récit de l’État est ainsi remis en cause par des travaux historiques. Mais ceux-ci restent limités par l’impossibilité d’accéder aux archives de l’armée ou d’enquêter en Algérie.
  • Le cinéma s’empare également de la question avec des films comme La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966). Cette production italo-algérienne dépeint l’ambiguïté et la violence de la campagne de terreur du FLN tout en montrant la légitimité de son combat. Il filme la violence de façon crue, en reproduisant fidèlement les attentats et les interrogatoires.

La « prise de conscience mémorielle »

  • Le réveil des mémoires a des conséquences sur les anciens acteurs du conflit, qui s’organisent au cours des années 1970. Les Français qui ont fait leur service militaire en Algérie obtiennent le statut d’ancien combattant. Les pieds-noirs obtiennent des indemnisations, tandis que les harkis se révoltent contre leurs conditions de vie indigne.
  • En 1983 : la grande Marche pour l’égalité et contre le racisme réunit des enfants de membres du FLN et des enfants de harkis côte-à-côte pour dénoncer le racisme qu’ils subissent tous en France. La même année, les « évènements d’Algérie » entrent dans les programmes scolaires.

Une mémoire toujours séparée mais qui avance vers le partage

L’inscription difficile dans la mémoire officielle française

  • En 1990, le gouvernement français ouvre l’accès à la plupart des archives concernant le conflit.
  • L’Assemblée nationale emploie l’expression de « guerre » pour la première fois en 1999 pour désigner le conflit.
  • Des témoignages qui confirment définitivement la véracité des accusations de torture sont publiés.
  • En 2002 Jacques Chirac inaugure un Mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Dix ans plus tard, François Hollande reconnaît officiellement la responsabilité de l’État dans la torture et les souffrances du peuple algérien et désigne le 19 mars (date du cessez-le-feu) comme journée nationale des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie. Plus récemment, Emmanuel Macron a affirmé son désir de tourner la page du conflit, dont la plupart des acteurs sont vieillissants ou décédés, tout en désignant la colonisation française comme un « crime contre l’humanité ».
  • Cependant, cette reconnaissance mémorielle n’est pas acceptée de tous. Par nostalgie de l’Algérie française ou par refus de la « repentance ».

En Algérie, une mémoire toujours sous contrôle

  • Contrôlée d’une main de fer par le FLN, l’Algérie tente de libéraliser son système politique à la fin des années 1980. Mais le processus démocratique est interrompu en 1992, et le pays bascule dans une guerre civile entre l’armée et les partis islamistes.
  • La décennie noire qui suit fait des centaines de milliers de morts en Algérie.
  • Durant cette période le pouvoir algérien ne permet toujours pas de diverger du récit officiel du FLN. La seule ouverture faite date de 1995, lorsque Messali Hadj (fondateur du MNA détruit par le FLN) est rangé parmi les pères fondateurs de la nation par le président Bouteflika. Les archives sont toujours interdites d’accès, les harkis sont toujours considérés comme des collaborationnistes et les violences du FLN contre les civils à peine évoquées.