Identifier une réaction nucléaire
Introduction :
La majorité de la production électrique en France est assurée par des centrales nucléaires, qui tirent leur énergie de la fission de l’uranium ou du plutonium, entre autre. Les produits formés sont radioactifs et leur retraitement ou leur stockage ne sont pas aisés. Pendant ce temps, les chercheurs prévoient, à l’aide du réacteur expérimental ITER, de maîtriser la fusion de l’hydrogène en hélium : cela permettrait, à long terme, de produire de l’énergie de manière plus efficace et sans laisser de déchets radioactifs. Ces trois types de réactions, la fission, la fusion, et la radioactivité, ont un point commun : ce sont des transformations nucléaires.
Ce chapitre présente les différents types de transformations nucléaires et leurs aspects énergétiques. La notion d’isotope est également présentée.
Transformations de la matière
Transformations de la matière
Présentons tout d’abord les grandes familles de transformations connues, et leurs spécificités.
Transformations physiques, chimiques, et nucléaires
Transformations physiques, chimiques, et nucléaires
Différents types de transformations peuvent être appliquées à la matière.
Une transformation physique :
Une transformation physique modifie les propriétés physiques macroscopiques de la matière : pression, température, état (solide, liquide, gaz).
Une transformation chimique :
Une transformation chimique modifie la composition et l’agencement des molécules, par échange d’atomes et d’ions, pour former de nouvelles substances chimiques.
Elle conserve les éléments chimiques.
Une transformation nucléaire :
Une transformation nucléaire modifie la composition d’un ou de plusieurs noyaux atomiques concernés : nombres de protons et/ou de neutrons.
Elle transforme un éléments chimique en un autre.
L’ébullition de l’eau est une transformation physique : l’eau liquide et la vapeur obtenue sont le même corps pur simple et ont la même formule moléculaire.
L’électrolyse de l’eau est une transformation chimique : l’eau de formule $\text{H}_{2}\text{O}$, avec un apport d’énergie, est transformée en dioxygène $(\text{O}_{2})$ et dihydrogène $(\text{H}_{2})$.
La production d’hélium au centre du Soleil est une réaction nucléaire : quatre noyaux d’hydrogène $(\text{H})$ sont combinés pour former un noyau d’un autre élément, l’hélium $(^{4}\text{He})$.
Radioactivité
Radioactivité
La désintégration radioactive est, historiquement, le premier type de transformation nucléaire qui a été étudiée.
La radioactivité est une transformation nucléaire spontanée, il en existe de 3 types :
- la radioactivité alpha $(\alpha)$ correspond à l’émission d’un noyau d’hélium 4 $(^{4} \text{He})$, aussi appelé particule alpha : le noyau fils a $2$ protons et $2$ neutrons de moins que le noyau père ;
- la radioactivité bêta $(\beta)$ correspond à l’émission d’un électron (radioactivité « bêta moins ») ou d’un positron (radioactivité « bêta plus ») ainsi que d’un neutrino : un proton du noyau père est transformé en neutron, ou l’inverse ;
- la radioactivité gamma $(\gamma)$ correspond à l’émission de rayons gamma, un rayonnement électromagnétique très énergétique.
Une désintégration radioactive permet à un noyau instable de se transmuter pour devenir un noyau plus stable. Elle est généralement accompagnée d’une émission d’énergie, sous forme de rayons gamma ou de particules possédant une énergie cinétique importante.
Par exemple, le carbone 14, noté $^{14}_{6} \text{C}$, est radioactif : il se désintègre par radioactivité beta moins $(\beta^-)$, formant un noyau d’azote 14, noté $^{14}_{7} \text{N}$, qui est stable.
L’uranium 238, noté $^{238}_{92} \text{U}$, est aussi instable et se désintègre par radioactivité alpha $(\alpha)$ en formant un noyau de thorium, noté $^{234}_{90} \text{Th}$, qui se désintègre à son tour en uranium 234 par une désintégration beta moins $(\beta^-)$.
Un anti-électron ou positron est une antiparticule équivalente de l’électron, c’est-à-dire que si un électron et un positron se rencontrent, ils s’annihilent, et une quantité d’énergie égale à la somme de leurs énergies initiales, est émise.
- Un positron a une charge électrique opposée à celle de l’électron, de même masse.
Un neutrino est une particule élémentaire électriquement neutre, dont la masse est si faible qu’elle n’a pas encore été précisément mesurée. Le neutrino n’apparaît que dans les réactions nucléaires, ce n’est pas un constituant de l’atome.
Fission et fusion nucléaire
Fission et fusion nucléaire
La fission nucléaire fut observée et décrite pour la première fois en 1938, par les physiciens Otto Hahn, Fritz Strassmann et Lise Meitner.
Fission :
La fission consiste en la division d’un noyau lourd en deux noyaux plus légers, le plus souvent à la suite d’une collision avec un neutron (fission induite).
Alors que si un noyau extrêmement lourd se désintègre en plusieurs fragments, alors la fission est dite spontanée, mais cette réaction est très rare. Elle dégage une énergie de liaison par nucléon, plus petite que pour les noyaux moyennements lourds.
La fission de l’uranium 235 induite par la collision avec un neutron produit un noyau de krypton 92 $(^{92}_{36} \text{Kr})$ et un noyau de baryum $(^{141}_{56} \text{Ba})$ ainsi que $3$ neutrons.
Dans un réacteur nucléaire, où les atomes d’uranium 235 sont présents en quantité suffisante, les $3$ neutrons produits par une réaction de fission peuvent à leur tour produire chacun une réaction de fission, et ainsi de suite : il s’agit d’une réaction en chaîne.
La fission de l’uranium 235
Des rayons gamma (non précisé sur l’image) sont également produits.
Le projectile, c’est-à-dire le neutron incident induisant la réaction, doté d’une énergie cinétique non-négligeable, apporte celle-ci au noyau de départ (noyau père) et rend cette réaction possible. Les noyaux fils sont plus stables que le noyau père : la réaction produit donc de l’énergie. Une fission spontanée est possible pour quelques éléments très lourds, comme l’uranium, le plutonium, ou le californium ; la fission est le plus souvent induite, c’est-à-dire qu’elle fait intervenir un seul projectile.
Fusion :
La fusion consiste en la formation d’un noyau lourd à partir de deux noyaux légers ou plus. Elle s’accompagne d’un dégagement d’énergie.
- L’énergie dégagée par la fusion est près de 4 millions de fois supérieure à celle de la fission, pour une même masse de réactif. D’où l’intérêt du projet ITER évoqué en introduction.
Au centre du Soleil, de l’hélium est produit par fusion de noyaux d’hydrogène (protons) : à partir de 4 noyaux d’hydrogène, un noyau d’hélium est formé, alors que 2 anti-électrons et 2 neutrinos sont libérés.
Fusion de noyaux d’hydrogène
Pour qu’ait lieu une réaction de fusion, il faut que les noyaux soient très proches les uns des autres. Or les cortèges électroniques de deux atomes ont tendance à se repousser, ainsi les noyaux sont trop éloignés pour qu’ils interagissent entre eux.
Une température très importante permet d’ioniser les atomes, c’est-à-dire de leur arracher leurs électrons. Une pression très importante permet de maintenir les noyaux assez près les uns des autres pour interagir.
Par exemple, au centre du Soleil la température est d’environ $10^{7}\,\degree\text{C}$, et la pression vaut plusieurs milliards de fois plus que la pression atmosphérique terrestre : la fusion de noyaux d’hydrogène peut donc avoir lieu, formant des noyaux d’hélium.
La fission induite et la fusion nucléaire sont des réactions provoquées. De l’énergie doit être fournie (projectile ou forte pression et forte température) au(x) noyau(x) réactif(s).
Dans chaque cas les noyaux produits sont plus stables que les réactifs : ces réactions s’accompagnent donc d’un dégagement d’énergie.
Écriture et caractéristiques d’une transformation nucléaire
Écriture et caractéristiques d’une transformation nucléaire
Une réaction nucléaire permet donc la transmutation d’un élément en un autre. Voyons comment une telle réaction peut être représentée et équilibrée, quels noyaux sont plus susceptibles de réagir de cette manière et quelle énergie est produite par de telles réactions.
Écriture d’une réaction nucléaire
Écriture d’une réaction nucléaire
Une transformation nucléaire peut être décrite par une équation bilan de la forme :
réactifs $\to$ produits
Pour équilibrer cette équation-bilan :
- les réactifs et les produits doivent présenter le même nombre total de nucléons ;
- la somme des charges électriques des réactifs doit être égale à celle des produits ;
- pour chaque neutron « transformé » en proton (ou inversement) : un électron (ou un anti-électron) ainsi qu’un neutrino (${\nu}_{e}$), doivent être formés simultanément.
- La réaction de désintégration du carbone 14 s’écrit
$$ ^{14}_{6} \text{C} \to ^{14}_{7}\,\text{N }+ e^{-} + \bar{\nu}_{e}$$
- La réaction de fission de l’uranium 235 s’écrit :
$$ ^{235}_{92} \text{U} + ^{1}_{0} n \to\,^{141}_{56} \text{Ba} + ^{92}_{36} \text{Kr }+ 3 ^{1}_{0} n $$
- La réaction bilan de fusion de l’hydrogène s’écrit :
$$ 4 ^{1}_{1} \text{H} \to\,^{4}_{2} \text{He} + 2 e^{+} + 2 \nu_{e} $$
Notion d’isotope et radioactivité
Notion d’isotope et radioactivité
- Prenons pour exemple le carbone.
Le carbone 12, aussi noté $^{12}_{6} \text{C}$, est majoritaire dans la nature et contient $A-Z=12-6=6$ neutrons.
Le carbone 14, noté $^{14}_{6} \text{C}$, en contient $A-Z=14-6=8$ neutrons.
- Les deux contiennent le même nombre de protons : il s’agit du même élément, avec des masses atomiques différentes.
Isotope :
On appelle isotopes deux atomes ayant le même nombre de protons mais des nombres de neutrons différents.
Parmi les isotopes d’un même élément, un seul est généralement bien plus stable que les autres, c’est-à-dire qu’il ne se désintègre pas, ou beaucoup plus lentement que les autres, et il est majoritaire dans la nature.
- Dans notre exemple, le carbone 12 est l’isotope stable.
Les noyaux des autres isotopes peuvent subir des désintégrations radioactives et sont plus facilement fissiles (susceptibles de subir une fission, spontanée ou induite).
- Dans notre exemple, le carbone 14 est instable.
Il est donc peu présent dans la nature, et sa quantité dans des matériaux organiques inertes décroît avec le temps. Cette propriété permet d’évaluer l’âge d’objets datant de quelques siècles à quelques millénaires par un décompte du carbone 14 qu’ils contiennent.
Pour la plupart des éléments jusqu’au calcium ($Z=20$) l’isotope le plus stable contient souvent autant de protons que de neutrons : c’est le cas du carbone 12. Les éléments plus lourds présentent souvent plus de neutrons que de protons, même dans leurs isotopes les plus stables.
Énergie libérée
Énergie libérée
La cohésion du noyau atomique est assurée par l’interaction forte. Celle-ci s’applique à proprement parler entre les quarks, constituants des neutrons et des protons, et assure l’existence des nucléons. Une petite partie de cette interaction permet de maintenir les protons ensemble dans le noyau atomique, compensant ainsi largement la répulsion due aux charges de ces particules, toutes de même signe.
C’est la force de Coulomb, que l’on abordera en classe de première avec le champ électrique et électrostatique, représentant un vecteur de l’interaction électrostatique entre 2 charges ponctuelles.
La transmutation de la matière, par le biais de la radioactivité, de la fission ou de la fusion, met en œuvre l’interaction faible qui assure la cohésion du noyau.
On a vu que du fait de la cohésion du noyau, la masse de celui-ci est inférieure à la somme de celles de ses nucléons. Pour déterminer l’énergie gagnée ou perdue lors d’une réaction nucléaire, il est donc d’usage de comparer les masses atomiques des produits et des réactifs : si les produits sont plus légers que les réactifs, c’est que de l’énergie a été libérée, et celle-ci est proportionnelle à la « perte de masse » occasionnée.
Dans le cas de la radioactivité, l’énergie et les particules émises endommagent la matière qu’elles traversent (en l’ionisant). Une certaine dose est tolérée par les êtres vivants, dans la mesure où le sol, l’eau et même les os sont légèrement radioactifs. Des quantités de rayonnements ou de particules plus importantes, que cette radioactivité naturelle, peuvent être nocives.
Conclusion :
Les transformations nucléaires modifient la structure du noyau atomique, c’est-à-dire le nombre de protons et/ou de neutrons de celui-ci. Seules ces réactions permettent de transformer un élément chimique en un autre. Les principaux types de transformations nucléaires sont les désintégrations radioactives alpha, beta, ou gamma, spontanées, la fission (généralement induite), et la fusion (nécessitant une température et une pression très élevées).
On représente généralement une transformation nucléaire par une équation bilan. Les réactifs et produits doivent présenter les mêmes charges électriques totales et les mêmes nombres totaux de nucléons. Pour chaque proton « transformé » en neutron (ou inversement), un anti-électron (respectivement un électron) ainsi qu’un neutrino est produit simultanément. Des isotopes d’un élément donné contiennent un même nombre de protons mais des nombres de neutrons différents. La cohésion et la stabilité du noyau atomique est assurée par l’interaction forte, dont l’intensité est très importante. En comparaison avec les réactions chimiques, les transformations nucléaires libèrent généralement de grandes quantités d’énergie.