Juger un crime de masse à l’échelle locale et internationale : les exemples du Rwanda et des Balkans

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Introduction :

Les années 1990 sont un moment de profonde recomposition géopolitique suite à l’effondrement du bloc de l’Est. Dans ce contexte, plusieurs États sont fortement déstabilisés et basculent dans la guerre civile suite à la disparition de la bipolarité de la guerre froide. Or, ces guerres civiles se conjuguent avec une résurgence des nationalismes dans de nombreuses régions, comme dans l’ex-bloc de l’Est. Ainsi, la Yougoslavie communiste bascule dans une série de guerres civiles entre 1991 et 2001, aboutissant à la séparation du pays entre Serbie, Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Kosovo.
Sur le continent africain, au Rwanda, les colons belges instrumentalisent les distinctions ethniques entre les Hutus et les Tutsis pour renforcer leur domination politique. Après l’indépendance du Rwanda, en 1962, les antagonismes entre Hutus et Tutsis s’accentuent et provoquent une guerre civile de 1990 à 1994 qui aboutira au renversement du gouvernement associé au Hutu Power par le Front patriotique rwandais (Tutsi).

Au cours de ces deux conflits sont commis des crimes de guerre (infraction aux lois de la guerre sur la protection des civils et des prisonniers) mais surtout des crimes contre l’humanité, comme le génocide.
La fin de la guerre froide et le développement des médias (télévision, Internet) permettent d’attirer en temps réel l’attention des grandes puissances mondiales sur les massacres. L’opinion publique internationale est ainsi gagnée à l’idée de l’existence d’un devoir humanitaire d’intervention, ce qui aboutit à l’implication militaire de forces étrangères en Yougoslavie (ONU puis OTAN) et au Rwanda (ONU et France). Les interventions internationales visent à mettre fin aux massacres et à imposer une résolution du conflit par la restauration du droit.
De façon analogue aux Alliés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les puissances qui interviennent annoncent leur intention de mettre en place des tribunaux pour juger les auteurs des crimes contre l’humanité. Il s’agit ainsi de montrer que la fin de la guerre froide a permis l’émergence d’un ordre international fondé sur le droit. Des tribunaux internationaux sont ainsi crées pour juger les auteurs et les exécutants de ces crimes. Mais le châtiment de ces actes est également un enjeu central de la construction ou de la reconstruction de l’État après la guerre, notamment pour permettre aux rescapés de vivre en sécurité. La pratique a montré l’importance mais aussi les difficultés de l’exercice d’une justice pénale internationale.

Les crimes de masse des années 1990 en ex-Yougoslavie et au Rwanda, des guerres contre des peuples

La fabrication d’un « problème ethnique »

Le Rwanda est un petit pays de l’Afrique des Grands Lacs structuré en monarchie depuis le Moyen-Âge. Jusqu’au début du XXe siècle, la société rwandaise est hiérarchisée selon le critère de la richesse, mesurée d’après le nombre de vaches que possède un individu. Ceux qui en possèdent le plus forment le groupe des Tutsis (environ 15 % de la population) dont fait partie le roi (qui possède le plus grand troupeau), tandis que ceux qui n’ont pas de vaches sont les Hutus (80 %). Au XIXe siècle, les colonisateurs allemands puis belges interprètent la différence entre Tutsis et Hutus comme une différence ethnique (les Tutsis seraient les descendants d’une race venue du Nil qui auraient soumis les Hutus locaux) et non sociale, une théorie fausse inspirée par le racisme biologique des Européens.

  • Les colonisateurs vont ainsi figer la distinction Tutsis/Hutus en favorisant explicitement les Tutsis.

Le Rwanda est une ancienne colonie belge.

Lorsque vient la décolonisation, les Tutsis sont ainsi devenu l’essentiel de l’élite du Rwanda, et sont les premiers opposants aux Belges, ce qui incite ces derniers à s’appuyer désormais sur la majorité hutue en la montant contre les Tutsis. En 1961, le roi Tutsi est assassiné et une république dominée par les Hutus est proclamée, en affirmant son rejet de « l’oppression » tutsie. L’indépendance est ensuite accordée au pays par la Belgique. Environ 200 000 personnes (dont une majorité de Tutsis) fuient dans l’Ouganda voisin et fondent le Front patriotique rwandais (FPR). La République rwandaise adopte une politique ethniste, en favorisant systématiquement les Hutus.

De son côté, la Yougoslavie (dont le nom signifie « pays des Slaves du sud ») est formée en 1918 pour rassembler plusieurs peuples des Balkans après l’effondrement des Empires ottoman et austro-hongrois. Ces Empires étant de véritables mosaïques de peuples, les langues, cultures et religion y diffèrent d’un village à un autre. Au XIX^^e^ siècle, le royaume de Serbie-Monténégro obtient son indépendance et réclame à l’Autriche-Hongrie le rattachement des Slaves du sud, ce qui fut une des causes du déclenchement de la Première Guerre mondiale. À l’issue de celle-ci, le royaume de Yougoslavie se forme, composé notamment de Serbes, de Croates mais aussi de Slovènes, Bosniaques, Monténégrins et Albanais. La royauté est serbe, mais les Oustachis (fascistes croates) prennent le pouvoir pendant la Seconde Guerre mondiale et massacrent des centaines de milliers de Serbes et Bosniaques. Après la guerre, la Yougoslavie devient un pays communiste composé de huit républiques fédérées (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Voïvodine et Kosovo) sous la main de fer de Tito (1945-1980).

La Yougoslavie rassemble plusieurs peuples après l’effondrement des empires de la région.

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À retenir

Nous voyons ainsi que les tensions « ethniques » sont construites au fil de l’histoire. Au Rwanda, la différence Tutsi-Hutu a été instrumentalisée par le colonisateur et s’est donc perpétuée sous de nouvelles formes avec de nouveaux enjeux. En Yougoslavie, des peuples partageant une histoire commune ont été rassemblés par le nationalisme puis le communisme.

Des guerres civiles ethnicisées

Le Front patriotique rwandais passe 30 ans en Ouganda au service du dictateur Yoweri Museveni, puis lance une invasion du Rwanda en 1990. Le FPR est bien équipé et entraîné, et menace de prendre Kigali et de renverser la République hutue, mais la France intervient (opération Noroît) et impose un cessez-le-feu en 1993 (trêve d’Arusha), devant mener à l’intégration du FPR au Rwanda sous l’égide du Président hutu modéré Juvénal Habyarimana. Une force de Casques bleus est envoyée sur place, la MINUAR (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda). Mais le conflit a renforcé les extrémistes hutus, déclenchant des persécutions croissantes envers les Tutsis, tous suspectés d’être liés au FPR. Elles sont relayées par la Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM). Le 6 avril 1994, le président Habyarimana est assassiné. Les extrémistes hutus prennent le pouvoir et le FPR reprend l’offensive.

Les tensions montent au Rwanda et mènent à la guerre civile.

À la mort de Tito en 1980, les relations entre les républiques yougoslaves commencent à se détériorer à mesure que les nationalismes muselés par les décennies de communisme se réveillent.

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Définition

Nationalisme :

Courant politique qui s’appuie sur l’idée d’indépendance d’une nation et qui affirme l’intérêt prioritaire de la nation par rapport aux intérêts de groupes internes ou d’autres nations.

Slobodan Milošević, président de la Serbie au sein de la Yougoslavie de 1989 à 1997, parvient à placer ses fidèles à la tête des républiques de Voïvodine, Kosovo et Monténégro, lui permettant de contrôler la fédération et de favoriser les Serbes, présents mais minoritaires dans les autres républiques. Mécontents d’une Yougoslavie dirigée par les Serbes et où Milošević refuse tout changement, la Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance en 1991. Milošević réagit en incitant les Serbes de Croatie à refuser la sécession en combattant le gouvernement croate.

  • C’est le début d’une série de guerres pour l’indépendance des républiques yougoslaves.

En 1992, la Bosnie-Herzégovine bascule à son tour dans la guerre entre la présidence indépendantiste et les milices des Serbes et Croates de Bosnie qui souhaitent récupérer au moins les régions majoritairement croates ou serbes, ou à défaut s’assurer que la Bosnie indépendante sera petite et faible.

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À retenir

Dès lors, les groupes ethniques se dotent de forces armées qui cherchent à prendre le contrôle des territoires et à en chasser les minorités pour satisfaire leurs revendications d’une homogénéité ethnique.

Le conflit dans les balkans mènent à la dislocation de la Yougoslavie.

Des pratiques criminelles délibérées

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À retenir

Dès leur prise de pouvoir, les extrémistes hutus appellent au massacre des Tutsis du Rwanda, suspectés collectivement d’être à la solde du FPR.

Des milices populaires, les Interahamwe, parcourent le pays et vérifient les cartes d’identités, assassinant sur-le-champ les Tutsis. Dans les villages, des familles tutsies sont massacrées par leurs voisins à la machette, au bâton… Les enfants ne sont pas épargnés. Le FPR avance rapidement vers la capitale tandis que les forces hutus se concentrent sur le massacre des Tutsis.

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À retenir

Près d’un million de personnes sont ainsi massacrées entre avril et juillet 1994. Ce massacre sera plus tard reconnu comme un génocide.

À l’annonce de l’indépendance de la Croatie, les Serbes de Croatie refusent la sécession et attaquent les forces croates, aidés par l’armée yougoslave. Ils chassent les Croates des zones sous leur contrôle et assiègent les enclaves. De nombreux civils croates sont tués dans les combats ou exécutés lors de la chute des enclaves, comme à Vukovar. À partir de 1992, les combats font rage en Bosnie-Herzégovine.

  • Les milices croates et les milices serbes attaquent les villes à majorité bosniaques, assiégeant Sarajevo pendant des mois entre 1992 et 1996.
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À retenir

Des millions de Bosniaques sont déplacés par les milices serbes qui cherchent délibérément à les chasser par la terreur pour créer une majorité serbe. En juillet 1995, 8 000 civils bosniaques sont exécutés par les forces serbes à Srebrenica.

On voit ainsi que les crimes de masse commis dans les années 1990 s’enracinent dans l’histoire contemporaine des États, avec une ethnicisation des conflits. Lorsque les circonstances font basculer le pays dans la guerre civile, celle-ci est donc perçue comme opposant des peuples entiers, justifiant le meurtre de civils et le nettoyage ethnique.

L’action d’une communauté internationale restructurée

L’effondrement de l’URSS avait laissé penser que la démocratie libérale allait s’imposer pacifiquement dans le monde entier sous l’égide des États-Unis comme seule superpuissance. Or, des crimes que l’on pensait appartenir au passé sombre de la Seconde Guerre mondiale se produisent sous les yeux incrédules d’une opinion internationale informée en direct. Des interventions militaires internationales sont menées dans le but de montrer qu’une communauté internationale vigilante est désormais prête à maintenir la paix et la justice dans le monde, un discours remis en cause par la réalité.

Intervenir pour faire cesser les massacres

Au Rwanda, lorsque les extrémistes hutus prennent le pouvoir, ils attaquent les forces de l’ONU qui surveillaient l’application des accords de paix de l’année précédente. La France, qui était proche du gouvernement du Président Habyarimana, est autorisée à intervenir directement le 22 juin 1994 par le Conseil de Sécurité de l’ONU. L’armée française s’interpose entre les forces armées rwandaises et le FPR et fait cesser le conflit, mais il est bien trop tard : le FPR a déjà conquis la majorité du pays et la plupart des Tutsis du Rwanda ont été massacrés.

Dans l’ancienne Yougoslavie, la réponse de la communauté internationale est plus graduelle. Pour la guerre de Bosnie-Herzégovine, l’ONU impose un embargo sur la Yougoslavie, levé après l’obtention d’un accord de paix (plan Vance-Owen). Par la suite, l’intervention militaire est bien plus importante et est effectuée non par l’ONU mais par l’OTAN, sous la direction des États-Unis. Des troupes d’interposition de l’ONU sont déployées et les positions des Serbes sont bombardées. En 1995, les accords de Dayton mettent fin au conflit et créent la Bosnie-Herzégovine comme entité fédérale composée de la Fédération croato-musulmane et de la République serbe de Bosnie.

Rétablir la paix et la justice

Les interventions internationales au Rwanda et en Yougoslavie se fondent sur le motif de l’urgence humanitaire appelant une action immédiate.
Parmi les critiques adressées à ces interventions, beaucoup leur reprochent de n’avoir pas été assez rapides et puissantes. Il reste que ces crises ont donné un tant soit peu de cohésion à une communauté internationale garante du droit.

  • C’est pourquoi le Conseil de Sécurité de l’ONU décide de la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 1993 et du Tribunal pénal international pour le Rwanda en 1994.

Ces tribunaux sont composés de juges internationaux et reçoivent la mission d’enquêter sur les violations du droit international humanitaire commises par toutes les parties sur un territoire et une période donnés. Pour les actes les plus graves, parmi lesquels le crime contre l’humanité, ils reprennent les instruments juridiques crées par le juriste Hersch Lauterpacht pour le procès de Nuremberg.

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Définition

Crime contre l’humanité :

Un crime contre l’humanité est une « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ».

Ils doivent juger tous les crimes portés à leur connaissance de façon équitable et indépendante de façon à permettre la réconciliation et la paix en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Néanmoins, ils n’échappent pas à l’accusation d’être une « justice de vainqueurs » en raison de l’absence de membres du FPR sur le banc des accusés.

Critiques et difficultés de la communauté internationale

Les interventions militaires et diplomatiques de la communauté internationale ont été soumises à plusieurs critiques. La première objection a été la légitimité de pays étrangers à intervenir dans un État souverain sous motif humanitaire. Si les images médiatiques et la gravité des évènements en cours ont bien réussi à convaincre les opinions publiques de la nécessité d’intervenir dans ces cas en particulier, les critères précis justifiant une intervention restent parfois flous.

  • L’idée d’une souveraineté indépassable des États (même non-démocratiques) a été limitée par le droit international, mais la question qui se pose alors est celle d’un éventuel devoir d’ingérence de la communauté internationale.

Cela soulève en effet de nombreux problèmes : qui peut décider d’intervenir ou de ne pas intervenir ? Que se passe-t-il si un État viole le droit humanitaire mais est suffisamment puissant pour dissuader toute intervention envers lui ? Dans quelle mesure l’intervention internationale doit-elle rester neutre ?

Les critiques touchent également la conduite des interventions. Certaines ont été accusées d’avoir été trop lentes, comme l’intervention française au Rwanda qui se fit deux mois après le début du génocide alors que la plupart des massacres avaient déjà été perpétrés.
En Yougoslavie, l’intervention de l’ONU puis de l’OTAN a été vue par la Serbie comme une attaque contre les Serbes destinée à les affaiblir dans tous les Balkans au profit des Croates, Bosniaques et Albanais. L’OTAN a en effet ciblé essentiellement des milices serbes (de loin les plus impliquées dans les atrocités), mais les États-Unis ont surtout soutenu le soulèvement de la région serbe du Kosovo (peuplée d’Albanais) qui obtient son autonomie en 1999 puis proclame son indépendance en 2008. Le Kosovo n’est cependant reconnu comme État indépendant que par 92 des 193 États souverains membres de l’ONU.

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À retenir

On voit ainsi que l’institution des tribunaux pénaux internationaux s’inscrit dans le prolongement de la justification des interventions internationales et dans l’idée que le droit international humanitaire doit être appliqué par des tribunaux.

Le difficile exercice de la justice

Les travaux des tribunaux ne se sont achevés que plusieurs années après leur établissement. Ils servent une double fonction : le châtiment des coupables (justice rétributive) et la réconciliation de la société (justice restauratrice). Leur mission a été difficile et pas toujours couronnée de succès, mais ils ont permis de tirer des enseignements sur la création d’une justice internationale humanitaire.

La justice rétributive

Les tribunaux ont pour première mission de poursuivre et juger les auteurs de violations du droit humanitaire. Ils considèrent que le fait d’occuper des fonctions officielles à responsabilité n’exonère pas des crimes commis dans le cadre de ces fonctions, y compris lorsqu’ils ont été commis en obéissant aux ordres. Sont également jugés les complices du génocide, ce qui inclus le fait d’avoir appelé à la haine et/ou à la violence. C’est ainsi que plusieurs dizaines de responsables sont traduits devant le TPIY, essentiellement des commandants de milices armées mais aussi des responsables civils ayant organisé la famine ou les violences ainsi que des journalistes ou propagandistes ayant appelé à la haine. Slobodan Milošević, président de la république de Serbie de 1989 à 1997, a fini par être lui-même traduit devant le TPIY.

La possibilité de traduire un prévenu devant le tribunal nécessite cependant de pouvoir l’appréhender. La traque et la capture de certains prévenus a pu prendre des années, tandis que d’autres étaient protégés par des États qui les cachaient ou les soustrayaient à la justice (comme certains responsables croates ou albanais). Au fil des années, des centaines de prévenus ont été déférés devant ces tribunaux. Plusieurs dizaines de condamnations ont été prononcées, mais aussi des acquittements. Certains prévenus, comme Slobodan Milošević en 2006, sont décédés au cours de leur procès. Le TPIR et le TPIY ont déclaré leurs travaux terminés respectivement en 2015 et 2017.

La justice restauratrice

La question de la justice restauratrice (visant à réparer les dommages) se pose de façon particulière dans un crime de masse, puisque les victimes encore vivantes sont très nombreuses, et ont été victimes de bourreaux qu’elles connaissaient et à proximité desquelles elles doivent vivre au quotidien à moins d’avoir émigré. La caractéristique de ces crimes de masse est en effet qu’ils se sont inscrits dans un environnement proche, avec souvent des violences perpétrées par l’entourage familier. En ex-Yougoslavie, des déplacements massifs de population ont été effectués par les milices serbes, qui n’ont pas hésité à détruire maisons et villages, ce qui empêche les victimes de reprendre une vie normale. La vision du TPIY comme une justice partiale au service de l’OTAN et dirigée contre les Serbes a trouvé un large écho en Serbie, et de nombreux prévenus ont nié la légitimité du tribunal. Il a été en outre vivement critiqué lorsqu’il est apparu que les responsables Croates et Albanais étaient bien moins susceptibles d’être condamnés.

Au Rwanda, beaucoup de gens ont participé aux massacres en s’attaquant avant tout aux Tutsis qu’ils connaissaient. Il n’est ainsi pas rare pour les survivants de se rendre compte que les voisins qui ont tué leurs familles habitent toujours au même endroit.

La justice restauratrice correspond ainsi au besoin de montrer que la société a changé et est désormais apaisée. Cela passe par la reconnaissance des crimes de l’État et le soin donné aux victimes. Le Rwanda a ainsi décidé de recourir aux tribunaux Gacaca.

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Définition

Gacaca :

Un gacaca est au Rwanda une assemblée de village traditionnelle. Les tribunaux gacaca ont été institués sur ce modèle en 2002 pour mettre en œuvre une justice locale du génocide.

génocide rwanda justice gacaca Affiche pour inciter les génocidaires à témoigner lors des séances de justice rendue par les tribunaux gacaca ©Dave Proffer

Les tribunaux Gacaca sont mis en place dans tout le Rwanda au sein des villages, et sont composés de personnes choisies pour leur intégrité. Le principe est que la communauté villageoise doit reconnaître les torts commis en permettant aux victimes de témoigner publiquement et de les confronter aux tueurs, qui sont ensuite punis symboliquement par le village tout entier. Les tueurs sont encouragés à coopérer dans la révélation de toute la vérité et peuvent être condamnés à des années de prison mais aussi à des travaux d’intérêt général.

Conclusion :

En conclusion, nous voyons que les crimes de masse des années 1990 montrent d’abord que les crimes contre l’humanité ne sont pas des souvenirs du passé, et qu’ils peuvent au contraire se produire en présence d’un certain nombre de facteurs, parmi lesquels les deux plus importants sont une situation d’affrontement armée et une ethnicisation du conflit (le fait pour celui-ci d’être lu, à tort ou à raison, comme guerre d’un groupe contre un autre). Leur empêchement constitue une des raisons d’être de la communauté internationale représentée par les organisations internationales, dont l’ONU au premier plan.
Ces évènements ont également montré qu’une intervention extérieure dans un conflit au nom du droit est une question politique complexe, et que la communauté internationale peut aussi agir trop tard ou dans la mauvaise direction. La mise en place de tribunaux spéciaux pour juger des crimes de masse a été une expérience qui a préparé le terrain à la création en 1998 de la Cour pénale internationale, un tribunal permanent destiné à juger les atteintes au droit international humanitaire. En outre, la communauté internationale est désormais attentive aux signes avant-coureurs de crime de masse. Il reste que l’idée d’un ordre international fondé sur le droit est sans cesse remise en cause par la lutte stratégique et géopolitique entre les grandes puissances.