L’art comme outil de dénonciation des horreurs de la guerre
Introduction :
L’art expose les choses à la vue de tous. Il peut révéler ce que l’on ne voit pas. Que ce soit en littérature, au cinéma, en peinture ou en sculpture, l’art dénonce. Ainsi, il peut servir de support à la dénonciation des horreurs de la guerre. Il vaut ainsi tous les discours, frappant les esprits par ses images symboliques et provoquant l’émotion du spectateur ou du lecteur.
Nous nous demanderons dans ce cours par quels moyens l’art peut dénoncer les horreurs de la guerre. Nous verrons dans une première partie que l’art reflète la réalité de la guerre dans toute son atrocité ; puis nous montrerons que l’art peut également permettre de dénoncer la cruauté de l’adversaire. Enfin, nous étudierons le devoir de mémoire.
La réalité de la guerre
La réalité de la guerre
L’art met le spectateur face à une réalité qui provoque l’émotion.
La guerre de 1914-1918 est souvent qualifiée de « boucherie » car elle a été extrêmement meurtrière. John Northcote Nash est un peintre qui a vécu la Première Guerre mondiale et est l’un des douze survivants du bombardement ayant eu lieu près de Cambrai le 30 décembre 1917. Au cours de ce bombardement, sur quatre-vingts hommes, soixante-huit sont tués ou blessés dès les premières minutes.
Il représente cette scène dans le tableau Over the top en 1918. L’artiste est témoin de la bataille, il s’agit donc d’une scène réelle.
John Northcote Nash, Over the top, 1918
Ce tableau représente un champ de bataille. Le paysage est enneigé et la tranchée qui s’ouvre devant le spectateur peut faire penser à une blessure. La couleur de la terre contraste avec la blancheur de la neige. Des cadavres sont déjà au sol. Des soldats se hissent pour aller combattre, d’autres, déjà en marche vers l’ennemi, sont courbés, la tête baissée. Ils avancent prudemment car une épaisse fumée grise se dresse devant eux, ils peinent donc à distinguer ce qui se cache derrière.
Malgré le manque de visibilité, le danger et la défaite qui semble évidente, les soldats doivent continuer d’avancer.
En arrière-plan, un éclair de lumière représente une explosion, des taches sombres volent dans les airs. On peut penser que ce sont des corps, propulsés par la violence du bombardement. On aperçoit au centre un homme à genoux, tête baissée. On ignore s’il a été touché ou s’il n’a simplement plus la force de continuer.
Avec ce tableau, l’auteur représente avec réalisme l’horreur de la guerre. Il dénonce également son absurdité et la souffrance morale des soldats.
Ici l’artiste est donc lui-même victime de la guerre et témoigne de ses atrocités. L’art peut également servir à dénoncer les actes cruels de l’adversaire.
La cruauté de l’adversaire
La cruauté de l’adversaire
Le film Le Pianiste de Roman Polanski, sorti en 2002, raconte l’histoire vraie du pianiste juif Wladyslaw Szpilman, déporté dans le ghetto de Varsovie en 1940 durant la Seconde Guerre mondiale.
Ghettos :
Le terme « ghettos » désigne les quartiers où étaient placés de force les Juifs. Sous l’occupation nazie, les ghettos juifs étaient régis par des lois discriminatoires très strictes.
Après l’attaque de la Pologne en 1939, les Allemands occupent le pays. Ils créent le ghetto de Varsovie en 1940 afin de maintenir toute la population juive dans un camp. Les conditions de vie sont épouvantables : les gens sont entassés dans des immeubles en ruine, ils ne mangent pas à leur faim et sont maltraités par la police et les nazis qui gardent le ghetto.
Le pianiste Wladyslaw Szpilman fait partie de cette population. Dans l’extrait étudié ici, il est témoin d’une scène choquante.
Au cœur du ghetto résonne une musique entraînante. Les Juifs attendent au passage à niveau que le tramway passe. Impuissants, ils écoutent la musique malgré eux. Deux soldats allemands choisissent alors dans la foule plusieurs couples pour improviser un bal.
Les nazis obligent les Juifs à danser alors qu’ils ne tiennent pas sur leurs jambes tant ils sont affaiblis par la faim. Ils sont tenus de divertir les Allemands qui leur imposent ce bal de façon sadique.
Sadique :
Un sadique est une personne qui prend plaisir à faire souffrir.
Les couples formés sont improbables et maladroits, ils ressemblent à des marionnettes, des pantins. Cela produit une scène pathétique
Pathétique :
Qui provoque de la tristesse et de la pitié.
La scène est terrifiante car il s’agit d’un exercice d’humiliation. Un des soldats rit et fait signe aux musiciens de jouer plus fort. Les moqueries des Allemands ajoutent à la cruauté de ce bal ridicule. Pour les Juifs, malades et affamés, chaque note de musique est une souffrance physique mais aussi morale.
- C’est leur dignité d’Homme qui est piétinée.
La cruauté des nazis est ici dénoncée par une mise en scène révélant toute l’horreur de la situation.
L’art peut donc servir à témoigner d’actes cruels et inhumains.
Le devoir de mémoire
Le devoir de mémoire
Le devoir de mémoire consiste à reconnaitre les faits qui ont eu lieu durant la guerre, à collecter les témoignages et à les diffuser afin que chacun puisse réaliser que cela a vraiment existé dans le but de ne pas reproduire les erreurs du passé.
Marguerite Duras participe à ce devoir de mémoire dans Hiroshima mon amour. Il s’agit d’un film d’Alain Resnais sorti en 1959 dont elle a écrit le scénario et les dialogues. Le livre tiré du scénario a été publié l’année suivante.
Le personnage féminin, simplement appelé « Elle », est une actrice française venue tourner un film à Hiroshima.
Nuage atomique sur Hiroshima, 6 août 1945
Hiroshima est la ville sur laquelle les États-Unis ont lancé la première bombe atomique le 6 août 1945 au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Dans cet extrait, l’actrice s’adresse à son amant japonais.
« ELLE :
Quatre fois au musée à Hiroshima. J’ai vu les gens se promener. Les gens se promènent, pensifs, à travers les photographies, les reconstitutions, faute d’autre chose, à travers les photographies, les photographies, les reconstitutions, faute d’autre chose, les explications faute d’autre chose.
Quatre fois au musée à Hiroshima.
J’ai vu […] des peaux humaines flottantes, survivantes, encore dans la fraîcheur de leurs souffrances. […] Des chevelures anonymes que les femmes de Hiroshima retrouvaient toute entières tombées le matin, au réveil. »
L’actrice raconte s’être rendue au musée d’Hiroshima, construit en hommage aux victimes de la bombe atomique. On peut constater de nombreuses répétitions. Elles ont une signification et un effet poétique. En effet, la répétition de la phrase nominale « quatre fois au musée à Hiroshima », évoque la répétition de ses visites au musée mais surtout sa difficulté à réaliser ce qui s’est passé à Hiroshima.
Une phrase nominale est une phrase qui ne contient pas de verbe.
L’actrice se répète cette phrase comme pour se convaincre que cela a existé. En effet, l’horreur de la situation lui semble inimaginable. Elle a donc besoin d’aller au musée pour voir les faits de ses propres yeux. Les répétitions des mots « photographies » et « reconstitutions » évoquent quant à eux l’abondance de documents mais aussi leur vacuité.
Vacuité :
Absence de sens, absurdité.
La répétition de « faute d’autre chose » est un moyen d’insister sur cette absence de sens, l’absence d’explication à ce geste abominable qu’est le lancement de la bombe atomique sur des civils.
Enfin, la narratrice décrit des images : des « peaux humaines », « des chevelures » qui se trouvent au milieu des décombres comme des objets. Cela témoigne de l’extrême violence de l’explosion. Les « femmes de Hiroshima », quand elles ne sont pas victimes physiquement des bombardements, sont témoins de ces atrocités. Elles sont confrontées à ces visions cauchemardesques dès leur « réveil ».
Cet extrait participe au devoir de mémoire puisqu’il décrit les faits mais donne également une émotion. Il guide le spectateur dans les sentiments qu’il est censé ressentir à l’évocation de ces actes barbares.
C’est une sorte de catharsis.
Catharsis :
La catharsis, selon le philosophe Aristote, est l’effet de « purification » produit par la vision d’une scène dramatique sur le spectateur. La représentation, sur scène, de crimes et d’actes violents permet au spectateur de ne pas être tenté de reproduire de tels actes dans la vie réelle.
Conclusion :
L’art, sous toutes ses formes, peut donc être le support d’une dénonciation de la guerre et de ses atrocités. Il permet de dire l’indicible et de participer au devoir de mémoire. L’artiste tient alors le rôle de guide et aide le spectateur ou le lecteur à éprouver les émotions qu’il doit ressentir face à ces horreurs. La prise de conscience par l’art et l’expérimentation des sentiments de terreur et de tristesse permettront aux générations futures de ne pas reproduire de telles atrocités.