La ville dans la photographie, les films et la bande-dessinée
Introduction :
L’espace urbain inspire les artistes de l’image. Les photographes, dessinateurs et réalisateurs s’emparent du sujet de la ville car il offre un cadre moderne et esthétique. La ville peut être le théâtre de catastrophes dans la réalité ou de scènes dont la beauté a été fixée dans l’instant sur une pellicule. Mais elle peut aussi être modelée et recréée à loisir par les dessinateurs qui en font un cadre à la fois pour l’histoire mais aussi un cadre esthétique pour les dessins.
Le cinéma s’approprie également la ville et la reconstitue dans ses studios pour ne garder que les aspects souhaités.
Nous allons observer les différents aspects de la ville à travers plusieurs supports iconographiques. Dans un premier temps, nous verrons que la photographie peut être, dans un cadre journalistique ou artistique, témoin du réel tout en révélant la beauté. Puis nous observerons l’image de la ville au cinéma et enfin les représentations de l’espace urbain dans la bande dessinée.
Intéressons-nous pour le moment à l’image de la ville à travers la photographie.
La photographie témoin du réel
La photographie témoin du réel
Un homme, muni d’un extincteur, lance des appels pour porter secours à d’éventuels survivants après l’effondrement de la première tour du World Trade Center. Doug Kanter, 11 septembre 2001. ©AFP
- Cette photographie a été prise par Doug Kanter le 11 septembre 2001, à New York aux États-Unis.
Elle est accompagnée d’un titre expliquant le contexte de la photo. « Un homme, muni d’un extincteur, lance des appels pour porter secours à d’éventuels survivants après l’effondrement de la première tour du World Trade Center. »
Cette photographie, prise juste après la catastrophe du World Trade Center, dans un cadre journalistique, reflète l’état chaotique de la ville. Le décor urbain tel qu’on le connaît est à présent méconnaissable. La solitude de l’homme face à la ville détruite est mise en exergue ici.
Le cadrage fait de l’anéantissement de la ville le sujet principal, l’homme n’est qu’un témoin de la catastrophe. Il est en bas à gauche de la photographie, au premier plan. Il paraît minuscule et impuissant face aux décombres. Ce décor surréaliste est réel, le photographe a saisi l’horreur de la situation. La ville n’est plus que décombres et l’homme ne peut que regarder l’étendue des dégâts, impuissant. La lumière et l’ombre ajoutent au caractère dramatique : la poussière blanchit l’image et brouille la visibilité.
- Voici à présent une photographie d’Henri Cartier-Bresson.
Harlem, New York, États-Unis, 1947 ©Henri Cartier-Bresson/Magnum/Courtesy Fondation Henri Cartier-Bresson
Le photographe est ici témoin des injustices et de la réalité de son temps. Cartier-Bresson était un photoreporter. Son métier était de témoigner pour dénoncer, défendre…
Cette photographie montre trois hommes noirs américains dans un cadre urbain misérable : on remarque les débris de planches, sur la gauche, la vieille grille, le tas de pneus, l’arrière-plan qui a l’air sale, abimé, les escaliers extérieurs de secours qui évoquent des immeubles de quartiers pauvres. La posture des deux hommes assis au premier plan est cependant digne, bien qu’ils ne semblent pas poser pour le photographe.
La fonction de la photographie est alors double, elle laisse une trace et constitue une œuvre d’art.
- La photographie ci-dessous, d’Elena Chernyshova, est extraite du National Geographic de février 2014. Elle montre la ville de Norilsk, située en Russie.
Immeubles de Norilsk, ©Elena Chernyshova, 2011
Norilsk est la ville la plus polluée de Russie. Il y règne un froid polaire. Un plan d’ensemble, pris à hauteur d’œil, nous expose une partie de cette ville enneigée.
Plan d’ensemble :
Le plan d’ensemble, en photographie mais aussi au cinéma, permet de montrer le sujet dans son environnement. Il est plus resserré que le plan général.
Deux personnes en bas de la photographie vaquent à leurs occupations. Le peu d’activité humaine donne une impression de ville morte. Cela est accentué par la multitude de fenêtres des immeubles à travers lesquelles on ne perçoit rien, derrière lesquelles il ne semble rien se passer. L’architecture stalinienne est ici mise en évidence. Les immeubles, plus qu’un décor, constituent le sujet-même de la photo. La position rectiligne des bâtiments et des fenêtres, mais aussi la totale similarité de ces fenêtres témoignent de ce style architectural si particulier. Les lignes verticales et horizontales se croisent sur les façades des immeubles. On peut être frappés par ce manque d’originalité et cette extraordinaire monotonie. Seules les couleurs des immeubles pourraient apporter une touche de gaieté. Cependant, les tons à dominante verte sont ternes et les peintures écaillées révèlent la pauvreté du quartier. Les rares balcons sont également rouillés.
La photographe dévoile ainsi une ville où règnent le froid, la pauvreté et la désolation.
Voici maintenant une étude de la représentation de la ville au cinéma.
L’image de la ville au cinéma
L’image de la ville au cinéma
Image extraite du film Métropolis de Fritz Lang, 1927
Métropolis est un film de Fritz Lang datant de 1927. Le réalisateur expose dans son film une vision de la ville à la fois cauchemardesque et fantasmée. C’est le premier film mettant ainsi en scène la ville.
C’est une projection futuriste du milieu urbain dans toute sa grandeur.
Métropolis prend donc la ville comme décor mais c’est aussi une anticipation du régime nazi et d’une société ultra hiérarchisée. Les pauvres vivent en bas et les puissants tout en haut.
- Le monde urbain de Fritz Lang est vertical et pessimiste.
La ville de Métropolis concentre les peurs d’un monde futuriste comme le surpeuplement ou la peur des machines. La ville de Fritz Lang donne une impression de ville morte qui aurait perdu toute humanité. La notion d’extérieur et la végétation sont totalement absentes.
Les voitures volantes et les passerelles qu’on peut voir dans le film constituent une vision de la ville du futur qui est devenue classique puisque celle-ci sera souvent reprise. On peut citer notamment Blade runner de Ridley Scott sorti en 1982 ou encore Le Cinquième élément de Luc Besson en 1997.
Milla Jovovich dans Le Cinquième élément, Luc Besson, 1997
Ce film prend la ville comme décor de science-fiction. C’est un cadre propice à la modernité futuriste.
Au cinéma, l’expression de la civilisation évoluée ne s’exprime qu’à travers la ville.
C’est un cadre qui la met en évidence et permet de bien la développer. On retrouve ce thème dans la trilogie de Robert Zemeckis, Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) où le héros voit les changements de sa ville lorsqu’il se rend dans le passé (les années 50 et le XIXe siècle) ou dans le futur (en 2015).
Comme dans Métropolis, la ville paraît en 2015 inhumaine et les moyens de transports sont incroyablement développés. Trains, métros et voitures volent dans les airs de manière organisée. Cependant, la ville ne semble pas véritablement peuplée.
L’image de la ville n’est pas traitée qu’au cinéma. En effet, la bande dessinée a aussi proposé différentes mises en scène.
L’image de la ville dans la bande dessinée
L’image de la ville dans la bande dessinée
Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec est une bande dessinée de Jacques Tardi. Il y met en scène, de manière originale, Paris et sa banlieue dans les années 1910 - 1920. Dans des aventures toujours plus extraordinaires, Adèle enquête sur des faits divers macabres qui menacent l’univers urbain. Les images alors déployées appartiennent au genre du roman noir. Jacques Tardi les retravaille et les détourne.
On peut y voir la récurrence de lieux urbains typiques du roman noir comme les « lieux urbains isolés ». Ainsi, lorsqu’Adèle se retrouve bloquée dans une impasse sombre alors que des bandits tentent de la kidnapper, le lieu représenté favorise l’ambiance inquiétante.
Voici ci-dessous un exemple de lieu illustrant l’ambiance d’Adèle Blanc-Sec.
Les extraordinaires aventures d’Adèle Blanc-Sec, Tome 1 : Adèle et la Bête, Jacques Tardi, 1976
Il s’agit de la première page du tome 1, Adèle et la bête. Elle plante le décor, à savoir le Museum d’histoire naturelle de Paris, la nuit. La ville est présentée sous un jour inquiétant, hostile. Le musée est rempli de squelettes d’animaux qui créent, qui plus est, une atmosphère macabre.
- Cela se rapproche de l’imaginaire de la ville dans les romans noirs américains des années 40 et 50.
La ville, dans les comics mettant en scène un super-héros, est également très présente.
Comics :
Terme utilisé pour désigner les bandes dessinées américaines.
Pourtant, des différences subsistent. La ville de Gotham dans Batman est une ville sombre, gangrénée par la délinquance. Elle est représentée dans les tons gris, bleus ou noirs. C’est une ville nocturne, assaillie de toutes parts par des êtres effrayants et maléfiques. Batman lui-même n’est pas un héros lisse, c’est un être complexe qui a une part de noirceur. Le choix de l’animal le représentant, c’est-à-dire la chauve-souris, reflète le caractère marginal de ce héros.
Batman : No man’s land, Tome 1, Bob gale (scénario), Alex Maleev (dessinateur), 2014, ©DC Classics
En revanche, Métropolis, dans Superman, est une ville lumière, symbole de modernité et de progrès. La ville est paisible, sans délinquance. Superman peut alors s’occuper des vrais « super méchants ». La ville dans Superman reflète l’idée que l’on se faisait d’elle à l’époque de la création de ce super-héros en 1933.
- L’espace urbain est entièrement tourné vers la lumière, la ville est porteuse d’espoir et florissante. Métropolis est la ville de tous les possibles.
Le héros, Clark Kent, vient d’une petite ville et s’intègre parfaitement dans la mégalopole.
Superman : Pour demain, Brian Azzarello (scénariste), Jim Lee (dessinateur), 2013, ©DC Essentiels
Conclusion :
La ville en images peut être réaliste mais aussi imaginaire. Dans certains cas, l’image peut nous faire prendre conscience de ce que nous n’aurions pas vu dans la réalité. L’image nous informe et nous révèle la vérité devant laquelle nous passerions sans prêter attention. Même dans les films où l’urbain est recréé, modelé à la convenance du réalisateur, il témoigne d’un imaginaire de la ville présent dans les mentalités d’une époque et donc révélateur. La ville sert également de cadre esthétique aux thématiques modernes ou futuristes car elle s’y prête parfaitement. Le milieu urbain dans la bande dessinée est souvent une ville imaginaire. Mais comme tous les rêves, elle se fait l’écho de la réalité. Une part de vrai coexiste donc avec le fantasme.
Les auteurs donnent à voir l’urbain dans toute sa complexité. Entre expérience vécue de l’urbain, peur d’une ville dévorante ou encore fascination d’un symbole de modernité, elle est le lieu de tous les possibles.