L'évolution de la Ve République : défense des principes fondateurs et émergence de nouveaux droits
Introduction :
La constitution de la Ve République, adoptée après référendum en 1958, dote la France d’institutions suffisamment souples pour permettre aux pouvoirs publics de gouverner et moderniser le pays en fonction des évolutions de la société française. Ces dernières sont d’autant plus légitimes qu’elles correspondent aux principes fondamentaux énoncés dans l’article premier de cette même Constitution :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».
- Quelles sont les principales évolutions de la société française depuis les années 1990 ?
- De quelle manière ces transformations font-elles écho aux principes fondamentaux de la Ve République ? Après avoir étudié dans une première partie la construction d’une société plus paritaire, nous étudierons dans une deuxième partie les enjeux liés à la laïcité. Enfin, la troisième partie traitera des nouveaux droits revendiqués et acquis par une partie de la population française depuis les années 1990.
Une société plus respectueuse de l’égalité homme-femme
Une société plus respectueuse de l’égalité homme-femme
Quatre adjectifs correspondent aux grands principes fondamentaux de la Ve République : indivisible, laïque, démocratique et sociale. C’est au nom de ces derniers que la société française est progressivement devenue plus respectueuse de l’égalité homme-femme.
Un renouveau du mouvement féministe
Un renouveau du mouvement féministe
Les premières années du XXIe siècle sont marquées par un renouveau du mouvement féministe.
Féminisme :
Le féminisme est un mouvement associatif et philosophique qui réclame l’égalité des droits entre les hommes et les femmes au sein de la société. Le MLF (Mouvement de libération des femmes), fondé en 1970, est une association féministe parmi les plus actives dans les années 1970.
Par le passé, son action avait notamment contribué à la légalisation de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) en janvier 1975. Parmi de nombreuses initiatives menées au début des années 2000, nous pouvons citer la création de l’association Ni putes ni soumises fondée par Fadela Amara en 2003, qui dénonce les violences exercées sur les jeunes filles de banlieue, victimes de harcèlements sexuels, de mariages forcés ou de viols. Ce mouvement est né à la suite de la « Marche des femmes des quartiers pour l'égalité et contre les ghettos » (8 mars 2003). L’association propose également une aide matérielle, juridique et psychologique à des centaines de femmes chaque année. Très active au sein de son association, Fadela Amara est nommée, en juin 2007, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.
Les Femen sont une autre organisation féministe fondée en Ukraine en 2008. Ses membres dénoncent les inégalités et les violences dont les femmes sont victimes. Leurs actions sont le plus souvent très spectaculaires afin de capter l’attention des médias. Ainsi, en octobre 2012, pour protester contre le verdict, selon elles trop laxiste, de la justice dans une affaire de viols collectifs à Fontenay-sous-Bois, les Femen apparaissent devant le ministère de la justice, sous l’objectif des caméras, en grande partie dénudées avec des slogans particulièrement explicites peints sur leur poitrine.
Enfin, le succès remporté en 2017 par les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc sur les réseaux sociaux atteste du besoin des femmes victimes d’abus sexuels de libérer leur parole et de s’engager en faveur d’un plus grand respect des Droits des femmes.
La loi impose la parité
La loi impose la parité
L’engagement des féministes a permis d’informer l’opinion publique en faisant pression sur le pouvoir politique afin d’imposer une règlementation en faveur d’une plus grande égalité au sein de la société. Ainsi, le vote de la loi sur la parité en politique en 1999 impose aux partis politiques de proposer autant de candidats que de candidates en position éligible lors des élections. Les partis ne respectant pas cette règle devront s’acquitter d’une amende importante.
Parité :
La parité désigne l’égalité des Droits et l’égale représentation des hommes et des femmes au sein de la société française dans l’entreprise et en politique.
Dans le monde du travail, le vote en 1983 de la loi Roudy, alors ministre des Droits de la femme, avait permis de poser un cadre réglementaire interdisant de moins payer les femmes que les hommes à niveau de compétence et d’ancienneté égales. Cette loi étant encore trop peu respectée, elle fut renforcée en *2014 par le vote de la loi sur l’égalité réelle.
Un combat encore inachevé
Un combat encore inachevé
D’importants progrès ont été observés depuis une vingtaine d’années en faveur d’une plus grande égalité homme-femme. Alors que les femmes représentaient 5,3 % du nombre total de députés en France en 1981, on en compte 39 % à la suite des élections législatives de 2017.
Par ailleurs, si les écarts de salaire se sont réduits ces dernières années, de nombreuses discriminations persistent dans le monde du travail. En effet, les femmes occupent plus fréquemment des emplois moins qualifiés et plus souvent à temps partiel. Afin de sensibiliser l’opinion publique à ces questions, Emmanuel Macron, à la suite de son élection en 2017 à la présidence de la République, a décidé que la question de l’égalité hommes-femmes serait considérée « grande cause du quinquennat du président de la République ».
Enfin, il est important de rappeler qu’en 2019, on comptait 146 féminicides en France, ce nombre étant en augmentation. En moyenne, une femme meurt tous les deux jours des coups reçus par un homme, le plus souvent son mari.
Féminicide :
Le féminicide est le meurtre d’une femme en raison de son genre.
Collage réalisé dans les rues de Paris en 2019 ©DeuxPlusQuatre - CC BY-SA 4.0
Un renouveau du féminisme constaté au début du XXIe siècle a contribué à faire pression sur les pouvoirs publics. De nouvelles lois ont été adoptées qui ont permis de diminuer ces inégalités, sans toutefois les faire disparaître.
La laïcité, un principe républicain au cœur des débats de société
La laïcité, un principe républicain au cœur des débats de société
En France, sans doute davantage qu’ailleurs dans le monde, la question de la laïcité est objet de polémiques et de débats particulièrement vifs.
Laïcité :
La laïcité est un principe républicain qui garantit à chacun la liberté de conscience mais aussi la neutralité de l’État dans la gestion des questions religieuses. Elle a été consacrée par la loi de séparation des Églises et de l’État, adoptée en 1905.
La laïcité est un principe républicain
La laïcité est un principe républicain
Comme indiqué dans l’article premier de la constitution, la laïcité est un des principes fondamentaux de notre culture républicaine. Il faut remonter à la fin du XIXe siècle pour comprendre pourquoi les débats autour de cette question occupent une place encore très importante de nos jours.
Les lois Ferry de 1881-1882 créent l’école gratuite, laïque et obligatoire pour tous. Par ailleurs, la loi de 1905 instaure la séparation de l’Église et de l’État. Elle implique notamment de renoncer à rémunérer les membres du clergé catholique. Ces deux lois correspondent à un moment particulier de l’Histoire de France. Alors que l’on assistait à une diminution des pratiques religieuses, essentiellement catholiques, l’enracinement de la république dans la culture politique des Français devenait enfin une réalité, un siècle après la Révolution française. Depuis lors, remettre en question le principe de laïcité revient à remettre en question les valeurs républicaines qui fondent la nation française.
Un principe qui s’adapte aux évolutions de la société
Un principe qui s’adapte aux évolutions de la société
Dans les années 1990, la société française a considérablement changé. Si la religion catholique est de moins en moins pratiquée, la religion musulmane s’est progressivement développée pour être aujourd’hui pratiquée par environ 5 millions de personnes.
Cette évolution des pratiques religieuses des Français a engendré d’importantes polémiques, notamment autour de la question du port du voile à l’école. Un débat a alors opposé les partisans d’une laïcité libérale dans laquelle la liberté de conscience doit prévaloir sur la neutralité de l’État. À l’opposé, les partisans d’une interprétation plus stricte du principe de laïcité considèrent que tout signe d’appartenance religieuse doit être interdit à l’école comme dans tous les espaces publics.
- Pour clarifier cette question et apaiser les polémiques, une loi fut adoptée en 2004, interdisant le port de signe religieux ostentatoire à l’école.
Parallèlement, en 2003, un Conseil français du culte musulman (CFCM) est créé. Cette association a pour mission de représenter les musulmans de France. Elle prête une attention particulière à l’entretien et la construction des lieux de culte musulman en veillant à la transparence de leur financement.
Enfin, une charte de la laïcité est rédigée en 2013 par l’Éducation nationale. Elle doit être étudiée par les élèves et affichée à l’entrée de tous les établissements scolaires depuis 2015.
©Ministère de l’Éducation nationale
Les polémiques autour du principe de laïcité
Les polémiques autour du principe de laïcité
Régulièrement, le principe de laïcité est évoqué dans les médias. Ce fut le cas en 2010 autour de la question du port de la burqa dans l’espace public. Ce vêtement couvre intégralement le corps de la femme, notamment son visage, ce qui ne permet plus de distinguer son identité. Nombreuses sont les personnes qui considèrent avant tout ce vêtement comme un moyen autoritaire de soumission de la femme à l’autorité de l’homme. Pour lutter contre sa diffusion, une loi fut votée en octobre 2010 qui interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. De ce fait, le port de la burqa est désormais interdit en France.
Burqa :
La burqa est un voile intégral noir couvrant les femmes des pieds à la tête. Il est couramment porté dans certains pays musulmans.
Plus récemment, en 2016, l’installation d’une crèche de Noël dans l’enceinte de la mairie de Béziers a fait polémique dans les médias au nom du principe de neutralité qui doit être respecté dans les bâtiments publics. Saisie, la justice a ordonné au maire de la retirer. Celui-ci a rétorqué en mettant en avant le caractère culturel et non religieux de cette crèche. Depuis lors, cette question de la légalité ou non des crèches de Noel dans les bâtiments publics est un sujet de controverse qui rejaillit au moment des fêtes de fin d’année, sans avoir été clairement tranché par la justice.
Enfin, des polémiques autour de la pratique des prières de rues dans certaines villes de la région parisienne éclatent à plusieurs reprises dans les années 2010, notamment à Clichy (Seine-Saint-Denis) en 2017. Même si les prières de rue ne sont pas interdites en France tant qu’elles ne perturbent pas l’ordre public, elles permettent de souligner le manque de lieux de culte décents pour une partie des croyants.
Les évolutions de la société interprétées, à tort ou à raison, comme une remise en cause du principe de laïcité suscitent d’importants débats. Cela prouve que cette question est encore aujourd’hui extrêmement sensible.
Des citoyens qui se mobilisent pour leurs droits
Des citoyens qui se mobilisent pour leurs droits
Le taux de syndicalisation a fortement baissé depuis 70 ans passant de 30 % en 1950 à 11 % dans les années 2020. Cette proportion est aujourd’hui une des plus faibles d’Europe. Toutefois, la capacité de mobilisation des Français est restée importante comme le montre l’organisation de grandes manifestations depuis les années 1990 pour la défense de leurs droits et la lutte contre les discriminations.
Taux de syndicalisation :
Le taux de syndicalisation correspond aux nombres de personnes syndiquées par rapport à la population active.
Des citoyens dans la rue
Des citoyens dans la rue
De nombreux mouvement sociaux ont été régulièrement organisés en France depuis une trentaine d’années. Ils ont parfois fortement ralenti l’activité économique du pays. Ainsi en 1995, afin de protester contre la réforme de la sécurité sociale, plusieurs centaines de milliers de manifestants descendent dans la rue. Les transports en commun, notamment le métro parisien, sont bloqués pendant trois semaines, ce qui n’était jamais arrivé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
À partir d’octobre 2018, face à la baisse du pouvoir d’achat d’une partie de la population qui n’accepte pas l’accroissement des inégalités dans une société de plus en plus mondialisée, le mouvement des Gilets jaunes fait son apparition. Utilisant les médias et les réseaux sociaux pour s’organiser et diffuser leurs messages politiques, des centaines de milliers de personnes se sont mobilisées pendant plusieurs mois partout en France.
Gilets jaunes :
Le mouvement des Gilets jaunes fait référence au gilet de haute sécurité utilisé notamment sur les chantiers industriels. Il désigne la mobilisation de centaines de milliers de personnes qui réclament une société moins inégalitaire.
Vers une plus grande égalité des droits
Vers une plus grande égalité des droits
Les grandes manifestations qui se sont déroulées depuis une trentaine d’années ont toutes en commun de vouloir défendre les valeurs et les principes de la République pour sauvegarder certains droits ou en acquérir de nouveaux.
L’épidémie de Sida qui a particulièrement concerné les hommes homosexuels à partir du milieu des années 1980 a mis en lumière des drames personnels mais aussi des discriminations dont les personnes LGBT+ étaient victimes. Pour lutter contre ces dernières, en 1999 est voté le PACS (Pacte civil de solidarité) qui permet à deux adultes, quel que soit leur sexe et leur sexualité, d’officialiser leur union.
LGBT+ :
LGBT+ (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre) est un sigle utilisé pour désigner l’ensemble des personnes qui ne sont pas hétérosexuelles. Il permet de désigner des orientations sexuelles, mais également des identités de genre.
En 2013, un nouveau pas est franchi avec le vote de la loi du mariage pour tous, défendue au parlement par Christiane Taubira, ministre de la justice. Cette loi accorde aux couples homosexuels le droit de se marier avec les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Les débats autour de cette réforme de société ont divisé le pays, notamment autour du droit à l’adoption que cette réforme rendait possible. Plusieurs années après l’approbation de cette loi, les polémiques se sont apaisées et plus personne ne remet sérieusement en cause les droits acquis depuis plus de vingt ans par la communauté LGBT.
Vote de loi du Mariage pour tous à l’Assemblée nationale, le 23 avril 2013. Christiane Taubira, ministre de la Justice, a défendu cette loi au Parlement. Les débats furent particulièrement houleux mais aboutirent à son adoption. Sur cette image nous voyons Christiane Taubira et le premier ministre, Jean-Marc Ayrault se congratuler après l’adoption du texte de loi ©Ericwaltr – CC BY-SA 3.0
Des débats de bioéthiques qui font polémique
Des débats de bioéthiques qui font polémique
Bioéthique :
La bioéthique est l’étude des problèmes moraux posés par les progrès de la recherche scientifique, notamment en biologie et en génétique.
En 2008, Vincent Lambert est victime d’un accident de la route à la suite duquel il se trouve dans un état de coma végétatif irréversible. Ce drame va diviser les membres de sa famille et émouvoir l’opinion publique pendant plusieurs années. Ses parents, favorables au maintien des soins nécessaires à sa survie, se sont opposés en justice avec sa femme qui dénonce un acharnement thérapeutique. Cette dernière était favorable à un arrêt des soins, entraînant le décès de son mari. Après de nombreuses procédures judiciaires, notamment devant le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme, le décès de Vincent Lambert intervient le 11 juillet 2019, du fait de l’arrêt d’une partie des soins prodigués.
Cette situation pose la question plus générale de la qualité de la fin de vie à laquelle nous aspirons tous. La loi Léonetti, relative aux droits des malades et à la fin de vie votée en 2016 propose un cadre juridique qui permet au patient d’exprimer sa volonté d’arrêter un traitement en étant informé des conséquences de sa décision, même quand celle-ci peut entraîner sa mort.
Sous la Ve République, la mobilisation des citoyens permet aux pouvoirs publics de saisir les évolutions de la société et d’adapter le cadre réglementaire et législatif en conséquence.
Conclusion :
Alors que la IVe République (1946-1958) n’a duré que 12 ans, les institutions de la Ve République ont permis à la France, depuis plus de 60 ans, de se développer et de se moderniser.
Parce qu’elle est une démocratie vivante dans laquelle les citoyens peuvent s’engager en fonction de leurs propres convictions pour défendre les principes républicains auxquels ils croient, la France a également pu se réformer en intégrant dans sa législation les évolutions les plus marquantes de la société.
Rares sont aujourd’hui les personnalités politiques favorable à une profonde révision de nos institutions qui aboutiraient à la création d’une VIe République. Cela prouve sans doute que ce régime politique est appelé à durer encore de nombreuses années.