L’intervention publique permet de remédier aux effets indésirables du marché sur l’environnement
Introduction :
Le volume d’échanges marchands a explosé durant les dernières décennies pour faire face à la demande toujours croissante des quelques 6,5 milliards d’habitants qui peuplent aujourd’hui la planète.
De fait, l’économie de marché a vu se multiplier la production de biens et de services destinés à satisfaire ces besoins croissants, monopolisant à la fois quantité de matières premières et consommant toujours plus d’énergies fossiles pour en assurer l’exploitation, la transformation ou le transport.
Mais ce mode de production à outrance s’avère dommageable pour l’environnement et génère une pollution considérable qui menace l’équilibre de la planète. Nous allons donc voir ensemble quelles sont les sources de cette pollution et en quoi celle-ci témoigne d’un dysfonctionnement du marché, avant d’analyser quelles sont les mesures qui peuvent être adoptées pour inciter le marché à réduire son niveau de pollution.
Le marché, source de pollution
Le marché, source de pollution
Le marché est le lieu de rencontre de l’offre et de la demande. Il est constitué de flux marchands qui matérialisent les biens, services et capitaux qui s’échangent entre vendeurs et acheteurs.
On distingue généralement trois grandes catégories de marché : le marché des biens et services, le marché du travail et le marché des capitaux.
Les sources de pollution sont diverses : certaines peuvent être naturelles, comme les éruptions volcaniques par exemple, mais bon nombre d’entre elles sont directement imputables au marché.
Les pollutions imputables au fonctionnement du marché
Les pollutions imputables au fonctionnement du marché
Pour que les biens et services soient échangés sur le marché, il faut avant tout qu’ils soient « produits » : ainsi, un producteur de céréales (blé ou maïs) devra d’abord les planter, les traiter et les récolter avant de les offrir sur le marché.
Les machines qui interviennent lors du processus de récolte ou de transport sont consommatrices d’énergie (essence, pétrole) et par là-même source de pollution. Il en va de même pour les produits et engrais utilisés pour produire les céréales : ces apports polluent la terre et les cours d’eau, notamment du fait des nitrates utilisés.
L’agriculture intensive s’avère particulièrement dommageable pour l’environnement, la culture à grande échelle du maïs ou du colza requérant une consommation massive d’énergies polluantes, d’eau et d’engrais : cette agriculture « industrialisée », pratiquée dans bon nombre de pays développés, génère une très forte pollution.
Le phénomène est identique pour les produits manufacturés, dont les matières premières servant à la fabrication sont polluantes (on peut penser aux matières toxiques entrant dans la composition de produits chimiques par exemple) et ont un impact considérable sur l’environnement.
Outre la production, le transport de marchandises est aussi une source de pollution. L’impact des transports (camions, bateaux, trains, avions) en termes de pollution de l’environnement est important du fait de la quantité d’énergies fossiles qu’ils consomment. À cet égard, on peut songer à la pollution de l’air qui touche les grandes villes.
Énergies fossiles :
Les énergies fossiles désignent les énergies épuisables (et donc non-renouvelables) issues de la transformation de matières organiques. Il s’agit notamment du pétrole, du gaz ou du charbon, dont l’utilisation affecte de manière négative l’environnement par les rejets en CO2 qu’elles entrainent.
Cette pollution est le fait de tous les agents économiques, qu’ils produisent ou consomment : c’est le marché lui-même qui, en incitant à davantage de production pour satisfaire les besoins et multiplier les profits, engendre une pollution toujours plus grande qui affecte notre environnement.
La pollution traduit-elle un dysfonctionnement du marché ?
La pollution traduit-elle un dysfonctionnement du marché ?
Pour que le marché se trouve en situation d’équilibre, il faut que l’offre et la demande se compensent. Les marchés s’équilibrent automatiquement grâce à la flexibilité des prix. Un excédent d’offre fera baisser le prix et un excédent de demande le fera augmenter afin de maintenir l’égalité entre l’offre et la demande.
L’offre définit la quantité de biens et de services que les vendeurs (ou offreurs) souhaitent échanger sur le marché pour un prix donné.
La demande désigne la quantité de biens ou de services que les acheteurs (demandeurs) souhaitent acquérir sur un marché.
Pour autant, les producteurs peuvent être tentés de produire le plus possible et à moindre coût pour optimiser les bénéfices : ce faisant, ils sont à l’origine d’une pollution plus importante, puisque les appareils de productions et le transport sont des facteurs de pollution. En agissant de la sorte et en ne prenant pas en compte les répercussions que peuvent avoir leurs décisions de production sur l’environnement, les producteurs en font supporter le coût aux particuliers ou à la collectivité.
Ainsi, la décision de produire prise par les « offreurs » peut avoir des conséquences négatives sur les agents extérieurs qui « subissent » les dommages et les nuisances de cette production : on parle alors d’externalité négative, puisque les retombées de cette production sont négatives (pollution).
Une externalité, positive ou négative, désigne l’effet involontaire, favorable ou défavorable, de l’action d’un agent économique sur le bien-être des autres agents économiques et non pris en compte par le marché pour dédommager ou faire payer l’auteur de l’externalité.
Ainsi, la production d’un bien ou d’un service ne se limite pas au coût des facteurs de production supporté par l’entreprise (matière première, production, transformation, transport…) : il faut y ajouter les coûts supportés par la collectivité, par exemple la pollution de l’air, le traitement des eaux polluées par les nitrates, le nettoyage d’une plage après une marée noire. On parle alors de coûts sociaux, car ils incluent à la fois les coûts privés de production et les coûts supportés par la collectivité du fait des préjudices subis.
Coût social :
Le coût social désigne la totalité des coûts générés par une activité économique et qui sont pris en charge par la totalité des agents, qu’ils en bénéficient ou non.
La non prise en compte des externalités que génère la production constitue un cas de défaillance du marché : en effet, si l’offreur assure l’intégralité des coûts de production et reçoit des bénéfices lors de la vente, et que l’acheteur peut jouir de l’ensemble des avantages que lui procure ce bien, cela ne signifie pas pour autant que tous les coûts sont supportés par l’un ou par l’autre.
- On peut par exemple citer le cas d’un vendeur de véhicule : le vendeur touchera les bénéfices inhérents à cette vente, tandis que l’acheteur bénéficiera des facilités et avantages que lui procure ce bien. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne supporteront les coûts liés à la pollution engendrée par ce véhicule : ces coûts seront supportés par la collectivité qui en subira les effets.
L’économie de marché est à l’origine de la majorité des phénomènes de pollution dont pâtissent la totalité des agents économiques : la non-prise en compte par les offreurs des effets engendrés par un volume ou des modes de production inadaptés conduit à des dysfonctionnements qui affectent la totalité de notre environnement.
Pour endiguer cette pollution, il est donc indispensable de poser des « cadres » destinés à réduire la pollution et d’inciter le marché à réduire son impact sur l’environnement.
Les politiques visant à réduire la pollution due au marché
Les politiques visant à réduire la pollution due au marché
Les moyens mis en œuvre pour amener le marché à réduire sa pollution peuvent prendre la forme d’instruments réglementaires (règles contraignantes) et d’instruments économiques (sanctions financières, subventions). Ils peuvent être incitatifs, par le biais notamment de subventions accordées, ou contraignants, avec l’instauration de taxes visant à pénaliser les offreurs les plus polluants.
Les politiques incitatives
Les politiques incitatives
Prenons l’exemple de l’agriculture bio, qui est en fort développement.
On sait que la production de légumes bio est moins polluante (pas d’utilisation de nitrates par exemple) et qu’elle génère moins d’externalités négatives. Elle est donc moins coûteuse pour l’État qui n’a pas à assurer le coût d’externalités négatives importantes, comme c’est le cas pour l’agriculture intensive (traitement et dépollution des cours d’eau par exemple).
L’État va donc inciter les agriculteurs à se convertir à l’agriculture biologique par le biais d’avantages financiers (aides à la conversion et aide au maintien) : cela peut passer par le versement d’une subvention ou par une exonération de charges.
Cela permet donc à un agriculteur produisant du bio de compenser ses coûts de production plus élevés (absence d’engrais, donc volume de production moindre pour un investissement en engrais naturels plus élevé) et ainsi d’éviter une perte de bénéfice.
Ces dispositifs constituent une manière efficace de gérer la pollution en incitant l’offreur à mettre lui-même en place les mesures nécessaires pour la réduire.
Pourtant, les incitations ne suffisent pas toujours pour amener les offreurs à modifier leur mode de production et donc pour agir de manière significative sur le niveau de pollution. L’État doit donc intervenir en gendarme et imposer un certain nombre de mesures obligeant les offreurs à modifier leur production.
Les politiques contraignantes
Les politiques contraignantes
Nous l’avons vu, l’État peut inciter les entreprises à moins polluer grâce à des subventions.
Cependant, ces incitations s’avèrent parfois insuffisantes pour lutter de manière efficace contre la pollution, et les pouvoirs publics n’ont alors pas d’autres solutions que d’imposer des contraintes financières dissuasives aux agents responsables.
Comme nous le montre le graphique ci-dessous, les types de pollution peuvent être multiples : si nous prenons l’exemple des polluants atmosphériques, ceux-ci sont générés par divers secteurs (agriculture, transports, industrie…). Les pouvoirs publics prennent donc des mesures contraignantes pour forcer les pollueurs à supporter les coûts de la pollution qu’ils génèrent.
Parmi les types de contraintes imposées par les pouvoirs publics, on peut tout d’abord citer les taxes.
- Par exemple, les carburants sont fortement taxés par l’État, de manière à inciter le consommateur à moins utiliser son véhicule. Par répercussion, le prix des carburants devient dissuasif pour les consommateurs, qui sont incités à utiliser les transports en commun, mais aussi pour les fabricants de véhicules, obligés de se tourner vers la commercialisation de véhicules moins polluants ou utilisant davantage les énergies moins émettrices de CO2 comme par exemple la voiture électrique.
De même, le système d’écotaxe mis en place depuis le 1er janvier 2008 permet à l’État français de faire payer un malus aux véhicules particuliers les plus anciens et donc les plus polluants : perçue lors d’un premier certificat d’immatriculation, l’écotaxe a pour but d’encourager le renouvellement du parc automobile et donc de limiter la circulation des véhicules les plus polluants.
Écotaxe :
Une écotaxe désigne une taxation opérée sur un bien, un service ou une activité à l’origine de dommages sur l’environnement.
On peut également évoquer la mise en place de normes anti-pollution qui sont obligatoires et contraignantes, mais qui connaissent une application restreinte : c’est par exemple le cas en France de la vignette Crit’Air, censée être apposée sur les véhicules pour permettre une meilleure gestion de la pollution atmosphérique. Cette vignette n’est obligatoire que dans certaines villes ou certaines zones restreintes (centres-villes), la majorité des zones rurales en étant exemptées.
On peut également songer à la taxe carbone entrée en vigueur en 2014 en France et destinée à taxer les émissions de dioxyde de carbone produites par les énergies fossiles : le dioxyde de carbone ayant une incidence importante sur le changement climatique, cette taxe a pour but de limiter l’usage des énergies fossiles tout en incitant à recourir aux énergies renouvelables.
Taxe carbone :
Il s’agit d’une taxe appliquée sur les énergies fossiles, principalement responsables du réchauffement climatique du fait des émissions de gaz à effet de serre. Elle a pour but de réduire progressivement l’utilisation des énergies les plus polluantes (pétrole, gaz, charbon) au profit d’énergies moins polluantes.
À l’échelle européenne, on peut aussi mentionner le marché des « droits à polluer », destiné à limiter les émissions de CO2. Le taux d’émission est globalisé, et chaque entreprise se voit allouer un crédit de droit à polluer : le quota attribué ne pourra pas être dépassé par l’entreprise qui se verra contrainte, en cas de niveau d’émission de CO2 supérieur à celui qui était autorisé, à « acheter » un droit supplémentaire à polluer auprès d’une entreprise qui, elle, n’utilise pas la globalité de ses droits. Cette dernière pourra donc « transférer » son droit à polluer à une autre entreprise qui souhaite l’acheter. Ce droit à polluer est ainsi échangeable sur le marché, au même titre qu’une autre marchandise, selon le mécanisme de l’offre et de la demande : il ne permet donc pas de limiter le niveau de pollution, mais contraint simplement les entreprises les plus polluantes à prendre en charge le coût de cette pollution.
Sans intervenir directement, sur le niveau de pollution en lui-même, les mesures contraignantes, telles que les taxes ou les quotas, font peser une sanction financière dissuasive qui a pour but de mettre en application le principe du « pollueur-payeur ».
Conclusion :
L’économie de marché génère de la pollution qui dégrade l’environnement et le bien-être collectif.
Les pouvoirs publics interviennent pour limiter (ou réduire) la pollution (imputable à la fois aux producteurs et aux consommateurs) en utilisant des outils réglementaires comme des contraintes sur le volume de la pollution toléré (émission de CO2 des voitures neuves) et avec des outils économiques comme des sanctions financières (des taxes) ou des incitations financières (des subventions).