L'organisation des pouvoirs au sein de la Ve République
Introduction :
La France a régulièrement changé de régime politique depuis la Révolution de 1789.
Rappelons qu’à la suite de cet événement fondateur pour notre démocratie, une monarchie constitutionnelle est mise en place jusqu’à la condamnation puis l’exécution de Louis XVI. La Ire République est alors proclamée (1792-1804).
Napoléon Bonaparte accède ensuite au pouvoir et fonde le premier Empire (1804-1814).
À sa chute, la monarchie absolue est restaurée avec à sa tête Louis XVIII d’abord, puis Charles X.
La monarchie absolue est renversée par la révolution de Juillet (1830) mise en relief par le peintre Delacroix dans le célèbre tableau La Liberté guidant le peuple.
La Liberté guidant le peuple, Eugène Delacrois
Une monarchie constitutionnelle voit alors le jour, c’est la monarchie de Juillet de Louis-Philippe (1830-1848).
Celui-ci est contraint d’abdiquer suite à la révolution française de 1848, et une 2de République est proclamée (1848-1851).
Cependant, le président de la République, Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, proclame le second Empire et prend le nom de Napoléon III (1851-1870).
La défaite de la France contre la Prusse entraîne la mise en place d’un nouveau régime : la IIIe République, qui consolidera de nombreux droits économiques et sociaux (1870-1940).
Ce régime prend fin au moment de la Seconde Guerre mondiale avec le régime de Vichy sous l’occupation (1940-1944).
À la libération, la IVe République est instaurée (1946-1958).
Enfin, la Ve République, notre régime actuel, a été instaurée le 4 octobre 1958.
Ce cours sera surtout l’occasion de s’intéresser au fonctionnement de la Ve République.
Nous verrons dans un premier temps quelles sont les caractéristiques de la Ve République. Nous verrons ensuite quel est le fonctionnement actuel de notre régime politique.
Les caractéristiques de la Ve République
Les caractéristiques de la Ve République
La Constitution de la Ve République
La Constitution de la Ve République
Suite à la menace d’un coup d’État militaire d’une partie de l’armée qui refuse d’obéir aux ordres du gouvernement, Charles de Gaulle est appelé par le gouvernement de la IVe République à prendre les rênes du Conseil le 15 mai 1958 parce qu’on pense alors que l’armée lui obéira. Il accepte, à condition d’obtenir les pleins pouvoirs constitutionnels pour 6 mois. Le Conseil de la IVe République accepte et Charles de Gaulle prépare alors la nouvelle Constitution. Elle est soumise à référendum à la fin de l’été 1958 et entre en vigueur le 4 octobre 1958.
- C’est la naissance de la Ve République.
Référendum :
Vote qui permet à l'ensemble des citoyens d'approuver ou de rejeter une mesure proposée par le pouvoir exécutif.
Au départ, le président de la République est élu par des grands électeurs (des parlementaires ainsi que des élus locaux). Il nomme un Premier ministre responsable politiquement devant l’Assemblée nationale. Mais en 1962, le président au pouvoir, de Gaulle, modifie la Constitution grâce à un référendum (on parle de révision constitutionnelle).
- Désormais, le président de la République sera élu au suffrage universel direct, c’est-à-dire par l’ensemble des citoyens en âge de voter.
Cela contribue à renforcer la légitimité du président face aux citoyens mais aussi face au Premier ministre et au Parlement.
En 2000, une nouvelle révision constitutionnelle intervient par référendum. Les citoyens doivent alors se prononcer sur la durée du mandat présidentiel : pour ou contre le quinquennat (5 ans). Les français se prononcent pour, entrainant ainsi la fin du septennat (7 ans). Cette modification limite ainsi la possibilité d’une cohabitation à la tête de l’exécutif.
Cohabitation :
Situation dans laquelle le Premier ministre est issu d’un autre camp politique que le président.
En effet, les députés sont depuis 1958 élus pour cinq ans et peuvent voter une motion de censure afin de renverser un gouvernement. Cette motion a des chances de passer si et seulement si les députés sont majoritaires à l’Assemblée. Or, désormais, l’élection des députés a lieu quelques temps seulement après l’élection présidentielle et valide en quelque sorte le choix effectué précédemment.
Un État unitaire en voie de décentralisation
Un État unitaire en voie de décentralisation
On dit de la France qu’elle est un État unitaire. Cette forme d’organisation du pouvoir s’oppose au fédéralisme présent dans nombre d’autres pays. Ces modes d’organisation sont très souvent hérités de traditions associées à la construction de l’État.
État unitaire :
État dans lequel tous les citoyens sont soumis à une seule source de pouvoir. La souveraineté est indivisible et une seule nation peut exister sur le territoire.
État fédéral :
L’État fédéral est un État composé de différents États souverains qui ont décidé librement de s’associer. Parmi les États fédéraux, on peut citer les États-Unis et l’Allemagne.
En France, l’unité de l’État est un principe fondamental qui est d’ailleurs rappelé dès le premier article de la Constitution de 1958. C’est le premier adjectif utilisé pour qualifier la France dans la Constitution :
« Article 1 – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »
Depuis la Révolution, une des grandes caractéristiques des régimes politiques en France est la centralisation du pouvoir. Cela signifie que toutes les décisions émanent du pouvoir central et sont relayées sur le territoire par les préfets. Ce type d’exercice du pouvoir pose le problème de la distance entre le pouvoir central et les citoyens qu’il gouverne. En effet, pour qu’une décision s’adapte le mieux aux réalités locales, elle doit pouvoir varier, au moins légèrement, en fonction des circonstances locales. De plus, plus un pouvoir est proche du peuple, plus il a de légitimité et plus ses décisions seront suivies.
Pour résoudre ces problèmes, l’État unitaire peut être décentralisé.
Décentralisation :
La décentralisation est un processus durant lequel un certain nombre de compétences de l’État sont transférées à des autorités locales, ce qui donne une certaine autonomie aux collectivités locales.
En France, le processus de décentralisation débute en 1982. La dernière réforme dans ce sens date de 2010. Au cours de ce processus, les municipalités, les départements et les régions ont reçu de plus en plus de pouvoirs qui étaient exercés auparavant par l’État central.
Cependant, la décentralisation ne transfère pas de souveraineté aux territoires : seul le Parlement a le pouvoir de créer des lois. De plus, la décentralisation n’aboutit pas à la reconnaissance de nations différentes de la nation française et ne confère pas de citoyenneté différente aux habitants des régions. Enfin, ce transfert de compétences n’est pas forcément accompagné d’un transfert des ressources nécessaires à leur exercice.
L’organisation des pouvoirs au sein de la Ve République
L’organisation des pouvoirs au sein de la Ve République
La séparation des pouvoirs en France
La séparation des pouvoirs en France
La Ve République est un régime démocratique. L’une des conditions de la démocratie est la séparation des pouvoirs.
Montesquieu théorise en 1748 dans De l’esprit des lois le concept de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire pour protéger les individus contre le pouvoir arbitraire d’un seul homme. En effet, selon lui, tout individu qui a un pouvoir aurait tendance à en abuser. Par conséquent, les pouvoirs doivent être encadrés et restreints.
- Cela fait partie des fondements des régimes démocratiques.
Le pouvoir exécutif
Pouvoir exécutif :
Dans un État, il s'agit des institutions chargées de faire exécuter les lois. Ces institutions sont généralement le chef de l'État, le chef du gouvernement et le gouvernement lui-même.
En France, notre pouvoir exécutif est bicéphale (ce qui signifie « à deux têtes »).
- Le président de la République est élu au suffrage universel direct (par les citoyens électeurs, hommes et femmes de nationalité française, de plus de 18 ans et inscrits sur les listes électorales). Son mandat dure 5 ans. Le président choisit et nomme le Premier ministre. Il dispose d’un droit de dissolution de l’Assemblée nationale.
- Le Premier ministre, nommé par le président, dirige la politique du gouvernement. C’est une figure centrale de l’exécutif puisqu’il accompagne ses ministres dans l’élaboration des projets de lois. Il est cependant responsable devant l’Assemblée nationale qui peut le renverser en votant une motion de censure à la majorité absolue (289 voix).
La séparation des pouvoirs exige qu’un pouvoir puisse arrêter un autre pouvoir : ce sont les « checks and balance » dans le langage anglo-saxon. Droit de dissolution Motion de censure Possibilité pour un chef d’État de renouveler un Parlement. Possibilité pour un Parlement d’obtenir par un vote la démission d’un gouvernement.
Le pouvoir législatif
Pouvoir législatif :
Dans un État, il s'agit des institutions chargées de voter les lois. Ces institutions sont généralement le parlement qui peut être constitué de plusieurs chambres.
En France, notre pouvoir législatif est bicaméral (c’est-à-dire qu’il existe « deux chambres »). Le pouvoir législatif appartient au Parlement qui est composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’Assemblée se compose de 577 sièges de députés élus pour 5 ans et le Sénat de 348 sièges de sénateurs élus pour 6 ans. Le mode de désignation n’est pas identique. Les députés sont élus par les citoyens alors que les sénateurs sont élus par des grands électeurs (conseillers régionaux, départementaux et municipaux).
Le Parlement a pour principales missions de voter les projets de loi du gouvernement et de contrôler l’action du gouvernement. Il peut également faire des propositions de lois bien qu’en pratique, la majorité des lois soient préparées par le gouvernement.
Le pouvoir judiciaire
Pouvoir judiciaire :
Dans un État, ce sont les institutions chargées de contrôler l'application des lois et de sanctionner leur non-respect. Ces institutions sont généralement les tribunaux et les magistrats.
En France, il existe évidemment de nombreux tribunaux. Il convient cependant de rappeler l’importance de deux grandes institutions : le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État.
- Le Conseil constitutionnel vérifie si les lois votées sont conformes à la Constitution. Il vérifie également le bon déroulement des élections nationales. Il est surnommé « les sages ».
- Le Conseil d’État conseille le gouvernement lorsque celui-ci souhaite soumettre au vote un projet de lois. C’est également la plus haute juridiction du droit administratif. Il peut donc « juger l’administration » en dernière instance si cette dernière n’a pas respecté le droit en vigueur.
L’importance du pouvoir exécutif
L’importance du pouvoir exécutif
Le pouvoir exécutif est particulièrement important. Celui-ci a ainsi la possibilité de « passer en force » des textes de loi par le gouvernement.
Généralement, un projet de loi issu du gouvernement doit faire l’objet d’une discussion devant l’Assemblée nationale.
- C’est la navette parlementaire.
Or, cette discussion peut prendre du temps, et se trouver retardée par les innombrables propositions d’amendements. Afin de gagner du temps, le gouvernement peut invoquer l’article 49-3 de la Constitution. Le gouvernement engage sa responsabilité sur le texte, c’est-à-dire que le Parlement doit se prononcer à la majorité, dans un délai de 24 h, sur une motion de censure du gouvernement s’il veut empêcher l’adoption du texte.
L’issue est double : le texte est réputé adopté sans vote sauf si le Parlement parvient à voter la motion de censure, auquel cas le texte est rejeté et le gouvernement doit démissionner.
Cette pratique est vivement critiquée car il est très peu probable que le Parlement réunisse la majorité nécessaire pour censurer le gouvernement dans le délai imparti. C’est donc un outil très avantageux pour un gouvernement qui souhaite faire passer un texte de loi controversé. Ce fut notamment le cas pour la loi Macron de 2015 sur l’économie.
Conclusion :
L’histoire constitutionnelle française est riche en termes de changement de régime. La Ve République est née en 1958, mais la Constitution est aujourd’hui bien différente de la première version.
La France est un État dans lequel tous les citoyens sont soumis à une seule source de pouvoir provenant de l’État central. Bien que la décentralisation soit inscrite dans la Constitution, le fonctionnement de l’État français demeure encore très fortement centralisé.
Le président de la République est aujourd’hui élu au suffrage universel direct et le pouvoir penche assez nettement en faveur du pouvoir exécutif.