L’Union européenne : la puissance dans la diversité
Introduction :
Depuis la sortie du Royaume-Uni, l’Union européenne compte environ 447 millions d’habitants répartis sur 4,2 millions de km2. C’est aussi 27 pays unis, sur un continent européen qui en comprend une cinquantaine. Ces 27 pays ont volontairement adhéré à cette organisation qui s’est développée après la Seconde Guerre mondiale. La diversité entre les pays est grande. Pourtant, cette association est grande, mais cela n’a freiné ni les demandes d’adhésions ni les domaines mis en commun. Cela a permis à l’UE de s’affirmer comme une puissance mondiale et de devancer les États-Unis dans certains domaines. Il est alors intéressant de voir comment l’Union européenne s’intègre dans la mondialisation.
Dans un premier temps, nous verrons que cette intégration repose paradoxalement sur une diversité qui est synonyme de puissance. Dans un deuxième temps, nous verrons que la mise en commun progressive de nombreux domaines (économique, politique, etc.) a conduit à l’affirmation de la puissance de l’UE.
Une diversité synonyme de puissance
Une diversité synonyme de puissance
C’est un conflit, la Seconde Guerre mondiale, qui est à l’origine de la naissance de l’organisation régionale la plus aboutie au monde. De plus, malgré une certaine homogénéité du continent, les pays rassemblés au sein de l’UE présentent des caractéristiques très différentes qui sont au final synonyme de puissance.
Par convention, vous ne devez pas mettre de majuscules à « européenne » lorsque vous écrivez Union européenne. En revanche, les majuscules sont obligatoires pour UE.
Une organisation régionale ancienne
Une organisation régionale ancienne
Après la Seconde Guerre mondiale, assez rapidement, six pays européens ont souhaité s’unir pour se reconstruire et éviter qu’un conflit identique ne se reproduise. Ces six pays sont la France, l’Allemagne de l’Ouest (RFA, République fédérale d’Allemagne), l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Parmi la liste des initiateurs de cette future organisation, on trouve deux Français, Jean Monnet et Robert Schuman, aux côtés de l’Allemand Konrad Adenauer, de l’Italien Alcide De Gasperi, du Belge Paul-Henri Spaak, du Luxembourgeois Joseph Bech et du Néerlandais Johan Willem Beyen.
La première association entre les pays européens est la CECA (Communauté Européenne du charbon et de l’acier). Créée en 1951, elle décide de la libre circulation du charbon et de l’acier entre six pays, sans droits de douane, pour en faciliter le commerce et la consommation. Le charbon et l’acier étaient en effet nécessaires à la reconstruction économique dans les domaines industriels et énergétiques.
En 1957, lors de la signature par ces pays du Traité de Rome, la CEE (Communauté économique européenne) est créée.
La CEE établit un marché commun, c’est-à-dire un espace permettant la libre circulation des biens, des capitaux et des services. Il s’agit de mettre en commun l’ensemble des secteurs économiques. En 1968, l’union douanière est mise en place. À partir de là, les États membres adoptent une politique commerciale commune vis-à-vis des États ne faisant pas partie de la CEE.
Le succès de la CEE conduit à des adhésions successives et atteint :
- 9 pays en 1973 : Danemark, Irlande, Royaume-Uni (sorti en 2020) ;
- 10 en 1981 : Grèce ;
- 12 en 1986 : Espagne, Portugal ;
- 15 en 1995 : Autriche, Finlande, Suède ;
- 25 en 2004 : Chypre, Estonie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovénie, Slovaquie, Hongrie, République tchèque ;
- 27 en 2007 : Bulgarie, Roumanie ;
- 28 en 2013 : Croatie.
La sortie du Royaume-Uni en 2020 ramène le chiffre à 27.
La régularité des adhésions d’années en années et le nombre de pays accentuent la diversité et l’originalité de l’organisation. Après un ancrage en Europe de l’Ouest les premières années, des pays nordiques (Danemark, Suède, Finlande) et du Sud (Portugal, Espagne, Grèce) ont intégré l’UE. Entre 2004 et 2007, c’est l’Est du continent qui entre massivement dans l’UE. Par commodité, on regroupe ces pays sous l’appellation de PECO (Pays d’Europe centrale et orientale). Leur demande d’adhésion fait suite à la fin de la guerre froide.
L’entrée de dix pays en même temps semble avoir signifié à la fois une sorte d’apogée de l’UE et un frein. Une rupture d’équilibre a été provoquée par l’entrée de dix pays à la fois. Depuis cette date, l’UE fait une pause dans ce processus d’élargissement. En effet, jamais l’UE n’avait accueilli autant de nouveaux pays en même temps. De plus, ces derniers sont d’anciens pays communistes, loin de l’économie capitaliste du reste des pays membres. Seules la Bulgarie, la Roumanie et la Slovaquie ont été acceptées depuis en remplissant un certain nombre de conditions, comme d’ailleurs l’ensemble des pays candidats.
Ces conditions, appelées aussi critères de Copenhague, sont adoptées en 1993 : le pays candidat doit être une démocratie respectueuse des droits de l’homme et être une économie de marché.
Malte et Chypre, qui sont entrés également dans l’UE en 2004, ne font pas partie des anciens pays du bloc communiste, les PECO. Cependant, ces îles permettent à l’UE de dominer l’espace méditerranéen. De plus, leur adhésion peut être mise en lien avec la mondialisation croissante. En effet, Malte et Chypre sont parfaitement situées en Méditerranée, le long d’une route maritime majeure, et peuvent accueillir des porte-conteneurs.
Les deux îles abritent des ports de transbordement, c’est-à-dire que les marchandises passent d’un navire à un autre
Ces adhésions successives sont donc bien synonymes de l’attractivité de l’UE. Ces élargissements en ont d’ailleurs fait une puissance démographique. En effet, l’UE représente un marché potentiel de 447 millions d’habitants (sans le Royaume-Uni), contre 327 millions aux États-Unis. La diversité de l’ensemble de ces pays est également un atout non négligeable.
Une homogénéité géographique, des trajectoires diverses
Une homogénéité géographique, des trajectoires diverses
Les 27 pays constituant l’Union européenne forment un ensemble plus ou moins homogène dans les domaines géographique et culturel.
Dans le domaine géographique, c’est l’homogénéité qui domine. On constate d’abord l’existence d’un réseau hydrographique dense qui lie de nombreux pays.
Réseau hydrographique :
Un réseau hydrographique est un ensemble de cours d’eau reliés les uns aux autres.
En effet, le Rhin dans l’Europe du Nord-Ouest, le Danube, l’Elbe, l’Oder à l’Est sont autant de voies d’eau favorisant les liaisons Nord-Sud (Rhin, Elbe) et Est-Ouest (Danube, Oder) et traversant plusieurs pays. Historiquement, ces fleuves ont eu une grande importance pour les échanges commerciaux. De plus, beaucoup de capitales européennes sont installées au bord de ces fleuves : Paris, Vienne, Berlin, Londres…
Ces fleuves ont, historiquement, joué un rôle majeur dans l’unification commerciale du continent. Ils restent des voies de circulation essentielles aujourd’hui pour l’acheminement des marchandises mais aussi pour le développement touristique
Dans le domaine climatique, les pays de l’UE sont situés dans une zone tempérée avec une influence océanique marquée, qui s’explique par la présence des mers et océans. Cela signifie que les températures sont plutôt douces et les précipitations moyennes. Ce climat favorise les possibilités agricoles à peu près partout à l’exception du nord de la Scandinavie (Suède, Finlande) et des hautes montagnes.
Dans un autre domaine, l’Histoire et la culture ont plutôt façonné des identités très différentes. Les pays de l’UE ont été en conflit bien avant les deux guerres mondiales. Ils ont des religions, des langues, des traditions diverses. Par exemple, les institutions de l’UE reconnaissent aujourd’hui officiellement 24 langues. Cette diversité est d’ailleurs rappelée par la devise que s’est donnée l’UE : In varietate concordia, qui signifie « Unie dans la diversité ». Les géographes, eux aussi, ont un terme pour désigner l’ensemble des valeurs définissant une identité européenne partagée malgré les différences : l’européanité.
Cette diversité est bien réaffirmée avec la devise dans les symboles européens. Elle est aussi rassurante pour les pays membres et leurs habitants qui tiennent à garder leurs spécificités au sein de l’UE
L’UE s’est donc construite progressivement, et repose sur deux éléments qui peuvent sembler contradictoires mais qui sont finalement synonymes de puissance : la diversité des pays membres et leur volonté de s’unir. Cependant, d’autres éléments interviennent pour ancrer l’UE du côté des puissances mondiales.
Une union unique au monde
Une union unique au monde
Le premier de ces éléments est la capacité des Européens à avoir mis en commun plus de domaines que n’importe quelle autre organisation régionale. Le deuxième élément concerne la puissance commerciale européenne.
De nombreuses politiques communes
De nombreuses politiques communes
Les États membres des différentes organisations ont mis en commun dès le début un certain nombre de domaines économiques. Ces derniers n’ont cessé de s’élargir au fil des années. Après le charbon et l’acier, l’agriculture fait, dès 1962, l’objet d’une politique commune, la PAC (politique agricole commune, voir aussi le cours : L’Union européenne : entre inégalités territoriales et concurrence mondiale). Les autres domaines économiques concernés par des politiques communes aujourd’hui sont la pêche, le commerce, les transports, l’énergie, la recherche et le développement.
Après l’Union économique, c’est une union politique qui est initiée. Elle débute en 1992, lors de la signature du Traité de Maastricht (1992), même si des institutions européennes avaient déjà été instaurées auparavant pour gouverner la CEE (le Parlement par exemple en 1952).
À l’initiative du président français François Mitterrand et du chancelier allemand Helmut Kohl, le 7 février 1992, à Maastricht (Pays-Bas), la CEE (née en 1957 par le traité de Rome) devient l’Union européenne.
Le changement de nom n’est pas anodin. Il signifie clairement que l’aspect économique est désormais intégré dans un ensemble beaucoup plus large. En France, le traité de Maastricht fut approuvé de justesse par référendum le 20 septembre 1992. Pour les Français qui votèrent contre le Traité, les domaines mis en commun étaient trop nombreux et la France perdait sa souveraineté en l’adoptant.
Le traité prévoit en effet une unification monétaire, politique et citoyenne.
L’unification monétaire permet l’adoption de l’euro au 1er janvier 1999. L’union politique se traduit par une volonté de coordonner la politique étrangère et de renforcer la coopération policière et judiciaire. L’espace Schengen, créé en 1985, vient compléter cette coopération en créant une frontière commune externe. À l’intérieur de l’espace Schengen, voyager d’un pays à l’autre est possible sans contrôle systématique des passeports.
L’espace Schengen ne correspond pas exactement aux frontières externes de l’UE. 22 pays de l’UE ont adhéré à l’espace Schengen, auxquels on peut ajouter d’autres pays européens qui ne font pas partie de l’UE, par exemple la Suisse ou la Norvège.
Quant à la citoyenneté européenne, elle s’exprime par exemple au moyen des élections et des échanges universitaires.
Il ne manque plus alors qu’une union sociale, lente et compliquée à mettre en place de par la diversité des systèmes de santé, des droits des travailleurs, etc.
Des questions liées à des situations d’urgence se sont rajoutés très récemment aux préoccupations de l’Union européenne, comme l’environnement ou la question de l’asile et des migrations. Par exemple, dans le domaine environnemental, il existe aujourd’hui une harmonisation européenne concernant les voitures, qui doivent respecter des normes identiques en matière d’émission de CO2.
La difficulté de gestion de l’ensemble des politiques communes entre 27 pays différents est une évidence. Cependant, de multiples réalisations sont également possibles uniquement grâce à cette union. En effet, par manque de budgets, d’une insertion dans la mondialisation limitée, d’une population peu nombreuse… de nombreux pays européens assez petits en superficie, avec des moyens de production limités n’auraient pas connu de développement, d’amélioration des conditions de vie de leur population ou encore d’insertion dans la mondialisation.
Le premier pôle commercial mondial
Le premier pôle commercial mondial
La politique commerciale est l’un des éléments les plus aboutis de la construction européenne. Cela signifie que les règles établies entre pays et hors zone UE sont anciennes et fonctionnent bien, comme l’Union douanière créée en 1968. L’union douanière signifie que tous les pays de l’UE ont les mêmes règles de fonctionnement en ce qui concerne les marchandises qui circulent entre pays membres et les importations venant de pays extérieurs à l’Union européenne. Pour les produits circulants entre pays membres, il n’existe aucun droit de douane. Cette libre-circulation favorise les échanges et les productions. Pour les importations arrivant de pays extérieurs, des taxes sont à payer pour entrer sur le territoire de l’UE. Des marchandises circulent ensuite librement à l’intérieur des pays membres : plus aucun droit à payer, pas de contrôle supplémentaire.
À ce jour, on peut dire que, malgré les nombreuses critiques et les sceptiques, l’Union européenne est un succès économique. En effet, elle est de loin la première puissance commerciale mondiale.
Elle compte pour 17 % des échanges de biens et de services dans le monde (chiffres 2017) devant les États-Unis (14 %) et la Chine (12 %).
En distinguant les biens des services, l’UE se place au 2e rang mondial dans l’exportation de biens, c’est-à-dire des produits manufacturés, et 1re dans l’exportation de services.
Exportation de services :
L’exportation de services consiste à vendre des savoir-faire comme la recherche et le développement, la conception, le marketing.
Les produits manufacturés européens qui s’exportent bien sont des produits de haute technologie ou de moyenne gamme. Cela signifie que ce sont des produits à valeur ajoutée qui nécessitent une main-d’œuvre qualifiée. En d’autres termes, ce sont les productions de pays développés.
Ce chiffre (17 %) concerne les échanges avec les zones hors UE.
Si l’on ajoute les échanges entre pays membres, la part de l’UE dans le commerce mondial passe à 34 %.
Ce doublement révèle l’importance du commerce entre les pays de l’UE. L’Allemagne domine cet ensemble et participe largement à ce très bon résultat.
Les échanges entre pays de l’Union européenne se font entre tous les pays, peu importante la distance, et ce depuis une vingtaine d’années. Cependant, la proximité géographique est toujours favorisée. Par exemple, les partenaires commerciaux privilégiés de la France sont l’Italie et l’Espagne.
Cependant, même si ses chiffres sont très bons, la part de l’Union européenne dans le commerce mondial a diminué depuis le début des années 2000 face à la concurrence chinoise et la sortie du Royaume-Uni va certainement accentuer cette baisse de performance.
Pour continuer à être compétitive face à l’émergence chinoise, l’UE tente d’adapter sa politique commerciale. Elle a conclu de nouveaux accords commerciaux, notamment avec le Canada et le Japon pour favoriser ses exportations. Elle essaie également d’occuper la place laissée vacante par les États-Unis qui ont adopté une politique protectionniste (sous la politique de Donald Trump). L’UE n’hésite pas non plus à augmenter les droits d’entrée sur le territoire de l’UE de certains produits en provenance des États-Unis pour répondre à cette politique.
Politique protectionniste :
Une politique protectionniste consiste à tenter de limiter les importations étrangères via par exemple l’augmentation des droits de douane.
Conclusion :
L’Union européenne est donc une organisation unique et originale qui a été copiée dans d’autres régions du monde. On peut citer par exemple l’ALENA entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, ou le Mercosur en Amérique latine. Ces organisations régionales en sont restées à une union basée sur le libre-échange. Mais l’UE est unique car elle a été bien au-delà. Elle a réussi à unifier 27 pays très différents qui acceptent de travailler en commun dans de nombreux domaines. L’UE a ainsi pu s’affirmer en tant que puissance. Par ce biais également, la paix sur le continent a été préservée.
Cependant, les critiques adressées à l’UE sont peut-être aussi nombreuses que ses réussites et les défis qui l’attendent sont imposants.