La création d'une Europe ouverte et d'un marché commun (1957-1993)
Introduction :
Six années après la fin de la Seconde Guerre mondiale et le choc moral suscité par la découverte du génocide des Juifs et des Tziganes, six pays dont la France et la RFA décident de fonder, le 18 avril 1951, la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier, qui deviendra plus tard la CEE), posant ainsi les bases de la construction européenne.
Progressivement, cette coopération économique va s’élargir à d’autres pays tout en approfondissant ses domaines de compétences. C’est précisément ce que nous allons étudier dans cette leçon en nous posant les questions suivantes :
- Comment s’approfondit le projet européen entre 1957 et 1993 ?
- Quels sont les nouveaux pays qui rejoignent la CEE ?
- Comment et pourquoi passe-t-on de la CEE à l’UE ?
Pour répondre à ces différentes questions, la première partie sera consacrée à la signature des traités de Rome en 1957 qui posent les bases d’un marché commun. Dans une deuxième partie, nous traiterons de l’élargissement progressif du projet européen. Enfin, la troisième partie concernera le traité de Maastricht et la transformation de la CEE en Union européenne.
La signature des traités de Rome (Communauté économique européenne) et la mise en place d’un marché commun
La signature des traités de Rome (Communauté économique européenne) et la mise en place d’un marché commun
L’échec en 1954 de la CED (Communauté européenne de défense), visant à développer la coopération militaire entre les pays européens, incite les six pays membres de la CECA à renforcer dans un premier temps leur coopération économique.
La création de la CEE
La création de la CEE
Le 25 mars 1957 sont signés les traités de Rome entre la France, la RFA, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Ainsi est fondée la CEE (Communauté économique européenne). L’objectif premier est de créer un marché commun dans lequel les pays membres pourraient librement échanger des biens et des services en supprimant les droits de douane ainsi que les règlementations qui limitent le volume des échanges commerciaux.
Marché commun :
Le marché commun est une union économique visant à supprimer les barrières douanières et à faciliter le commerce entre les pays membres.
La signature du traité de Rome, le 25 mars 1957
La CEE est alors dirigée par une Commission européenne qui se trouve à Bruxelles. Elle propose des mesures, des règlementations et contrôle leur exécution. Le Conseil des ministres approuve et valide les mesures proposées par la Commission. Il faudra cependant attendre 1979 pour qu’un premier Parlement européen soit élu au suffrage universel direct. Son siège sera situé à Strasbourg.
La création d’Euratom (1957)
La création d’Euratom (1957)
On l’oublie trop souvent, mais à Rome est également signé le traité fondant l’Euratom (Communauté européenne de l’énergie atomique) qui vise à favoriser la coopération entre les six États membres afin d’accélérer la recherche scientifique et développer ainsi les usages liés au nucléaire civil. L’objectif est également de favoriser l’autonomie énergétique de l’Europe, continent encore beaucoup trop dépendant des exportations de pétrole pour assurer son développement économique et social.
La mise en place d’une politique agricole commune
La mise en place d’une politique agricole commune
En 1962 est mise en place entre les pays membres une politique agricole commune qui doit remplacer les différentes mesures mises en place au sein des six pays de la CEE. Ainsi l’article 39 du traité instituant la PAC précise les objectifs suivants :
- accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique et en assurant un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d’œuvre ;
- assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
- stabiliser les marchés ;
- garantir la sécurité des approvisionnements ;
- assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
En favorisant une agriculture productiviste au détriment du respect de l’environnement, la PAC a toutefois permis aux agriculteurs de recevoir d’importantes subventions et de développer leurs activités tout en maintenant un niveau de vie correct.
Agriculture productiviste :
Agriculture qui recherche une production maximale grâce à une forte mécanisation et à l’utilisation de produits chimiques (engrais, pesticides).
Le projet de construction européenne qui se construit autour de l’axe franco-allemand cherche à développer les échanges commerciaux en fondant un marché commun. L’objectif est également de développer la prospérité et la démocratie sur un continent dévasté par deux guerres mondiales en moins de 50 ans.
L’élargissement et l’approfondissement de la construction européenne
L’élargissement et l’approfondissement de la construction européenne
En une trentaine d’années, la CEE va rencontrer un véritable succès. Celui-ci se manifeste par une augmentation des États membres ainsi que par une diversification de ses missions.
Un élargissement progressif de la CEE
Un élargissement progressif de la CEE
De l’Europe des 6 à l’Europe des 12
De 1973 à 1986, la CEE va connaître un doublement du nombre des pays membres :
- 1973 : longtemps bloquée par l’opposition farouche du général de Gaulle considérant ce pays comme un cheval de Troie des États-Unis, le Royaume-Uni adhère à la CEE en 1973, en même temps que le Danemark et l’Irlande ;
- 1981 : la chute du régime des Colonels et le rétablissement d’un État démocratique vont permettre à la Grèce de rejoindre à son tour la CEE ;
- 1986 : le 25 avril 1974, la révolution des œillets précipite la chute du dictateur Salazar au Portugal et le rétablissement d’une vie démocratique. Il en va de même en Espagne après la mort du dictateur Franco en 1975. Les gouvernements mis en place permettent aux deux pays, 11 et 12 ans plus tard, de remplir toutes les conditions nécessaires pour rejoindre la CEE. L’adhésion de nouveaux pays méditerranéens au projet de construction européenne va leur permettre de bénéficier d’importantes subventions, d’accélérer leur développement économique et d’approfondir leur culture démocratique.
Favoriser la libre circulation des Européens
Favoriser la libre circulation des Européens
La signature des accords de Schengen (ville située au Luxembourg) en 1985 marque une étape importante dans l’histoire de la construction européenne. L’objectif est de favoriser la libre circulation des personnes à l’intérieur de cet espace en supprimant tout contrôle d’identité aux frontières. Il aura fallu dix années de négociations entre les pays pour passer de la signature des accords à leur mise en œuvre, effective à partir du 26 mars 1995.
Afin de favoriser les échanges entre jeunes européens et encourager la construction d’une culture européenne commune, le projet Erasmus est créé en 1987. Il permet aujourd’hui encore à des milliers de jeunes européens d’aller étudier pendant un an dans un autre pays européen.
La construction européenne est à géométrie variable. Tous les États membres de la CEE, le Royaume-Uni par exemple, n’ont pas validé les accords de Schengen. Au contraire, la Norvège qui ne faisait pas partie de la CEE les a validés.
Enfin, la construction du tunnel sous la Manche décidée dès 1986 et inaugurée le 6 mai 1994 par François Mitterrand et la Reine Elizabeth II correspond à un moment important dans l’histoire de l’Europe. À partir de cette date, le Royaume-Uni n’est plus réellement une île et se trouve directement relié au continent.
Géré par la société Eurotunnel, Plus de 4 millions de Britanniques l’empruntent chaque année et 1,6 millions de camions de marchandises ont emprunté le tunnel en 2018.
Du marché commun au marché unique
Du marché commun au marché unique
Au milieu des années 1980, Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, décide d’approfondir la coopération économique entre les 12 pays membres en abolissant les dernières barrières douanières qui pouvaient encore subsister ainsi qu’en supprimant tout contrôle aux frontières intra-européennes. Les 27 et 28 février 1986 sont signés les accords qui vont permettre la formation d’un marché unique à partir du 1er janvier 1993.
- À partir de cette date, les personnes, les capitaux, les biens et les services peuvent librement circuler.
De la CEE à l’Union européenne
De la CEE à l’Union européenne
La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, puis la réunification allemande l’année suivante marquent la fin de la guerre froide. Ce contexte international plus favorable va permettre de relancer et d’approfondir le projet de construction européenne.
Le traité de Maastricht
Le traité de Maastricht
Sous l’impulsion de François Mitterrand, Président de la République Française et d’Helmut Khôl, chancelier d’Allemagne, le Conseil européen se réunit à Maastricht (Pays-Bas) les 9 et 10 décembre 1991. La volonté des 12 chefs d’État et de gouvernements est alors d’accélérer la construction européenne en lui donnant une dimension plus politique.
Conseil européen :
Le conseil européen est une institution composée des chefs d’États et de gouvernements des pays membres de la CEE, puis de l’UE à partir de 1993. Le Conseil européen définit les orientations et les priorités politiques.
Ainsi, le 7 février 1992, un accord historique est signé : il transforme la CEE en Union européenne. Le texte du traité doit ensuite être ratifié par les différents gouvernements. François Mitterrand préfère l’organisation d’un référendum en France. Il aboutit finalement à une faible victoire du Oui avec 51,04 % des suffrages exprimés. Adopté progressivement par l’ensemble des 12 pays, le traité entre en application à partir du 1er janvier 1993.
Texte du traité de Maastricht avec la signature des premiers ministre belges, grec et luxembourgeois ©Mateus2019 – CC BY-SA 2.0
Le traité de Maastricht comporte trois piliers :
- le premier concerne la Communauté européenne, qui regroupe la CECA, la CEE et l’Euratom ;
- le deuxième traite de la mise en place d’une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ;
- le troisième est en lien avec la coopération judiciaire et pénale au sein de l’Union européenne.
La création d’une citoyenne européenne
La création d’une citoyenne européenne
Alors que le projet européen s’est jusqu’alors contenté de favoriser l’intégration économique des pays membres, les dispositions comprises dans le traité de Maastricht cherchent désormais à favoriser le sentiment d’appartenance à l’UE, notamment en instituant une citoyenneté européenne pour chacun des ressortissants des 12 pays. Cette citoyenneté européenne qui s’ajoute à la citoyenneté nationale permet :
- de circuler librement à l’intérieur de l’UE ;
- de travailler librement, notamment en exerçant un emploi de fonctionnaire dans un autre pays que son pays d’origine ;
- de pouvoir voter et être élu aux élections municipales et législatives dans un autre pays que son pays d’origine ;
de bénéficier de la protection diplomatique par les ambassades des pays membres lors de voyages en dehors de l’Union européenne.
Comme tous les passeports des ressortissants de l’UE, figurent en couverture la citoyenneté nationale ainsi que celle de l’Union européenne.
Vers une union économique et monétaire :
Vers une union économique et monétaire :
Lors de la conférence de Maastricht, après une période transitoire, la mise en place d’une monnaie unique est également décidée ainsi que celle d’une banque centrale européenne dont le siège se trouve à Francfort, en Allemagne. Le 1er janvier 2002, l’Euro devient alors effectivement la monnaie de 12 pays parmi les 15 que comptaient alors l’Union européenne (l’Autriche, la Finlande et la Suède ont rejoint l’UE en 1995). Des « critères de convergence » auxquels tous les États doivent s’astreindre sont également décidés afin de favoriser une politique monétaire commune : le déficit des finances publiques ne peut pas dépasser les 3 % et la dette de chaque État ne peut dépasser les 60 % du PIB.
De 1957 à 1986, la CEE s’est considérablement élargie, doublant le nombre d’États membres. La fin de la guerre froide marque un tournant dans la construction européenne. On assiste alors à un approfondissement des domaines de compétences de l’UE.
Conclusion :
En une quarantaine d’années, le continent européen fut secoué par deux guerres mondiales qui ont fait des dizaines de millions de victimes tout en ruinant les pays belligérants. Il s’agit là d’un point important dont il faut bien avoir conscience car la construction européenne est, au départ, un projet visant à maintenir la paix en Europe par la coopération économique entre les pays membres.
La fin de la guerre froide avec la signature du traité de Maastricht en 1992 marque une nouvelle étape de la construction qui élargit désormais son champ d’action à d’autres domaines. Il restera alors à réformer les institutions afin de permette à l’UE d’être plus efficace et de pouvoir davantage peser sur la scène internationale.