La France : une puissance maritime ?
Introduction :
Au sein du continent européen, la France métropolitaine est souvent qualifiée d’isthme européen. Or, un isthme est une bande de terre resserrée entre deux mers. L’expression met donc l’accent sur l’importance de la mer pour le territoire français. De plus, la France possède de nombreux territoires ultramarins dispersés dans l’océan Atlantique, l’océan Pacifique et l’océan Indien. La réflexion sur la notion de puissance peut être liée à ce constat d’une superficie maritime importante. En effet, la puissance est une notion employée à la fois par les historiens et les géographes qui renvoie à la capacité d’un État à influer sur les autres. Cela signifierait que la présence française dans les mers et océans renforce la puissance du pays.
On peut alors s’interroger sur la capacité de la France à utiliser ses atouts maritimes comme source de puissance.
La France possède effectivement de nombreux atouts en tant que puissance maritime. Cependant, ces atouts sont contrebalancés par quelques faiblesses.
La France et ses atouts maritimes
La France et ses atouts maritimes
La France possède de nombreux atouts maritimes métropolitains et ultramarins qui lui confèrent une vaste zone économique exclusive (ZEE).
La ZEE s’étend sur 200 milles marins (370 km) environ à partir des lignes de base de la côte. Dans cette zone, l’État riverain dispose de droits souverains et de devoirs. Il peut exploiter les ressources en surface et en profondeur. Il a en charge la protection de la zone.
De vastes façades maritimes en France métropolitaine
De vastes façades maritimes en France métropolitaine
La France métropolitaine compte 5853 km de façades maritimes. Elle est bordée au Nord par la mer du Nord et la Manche, à l’Ouest par l’océan Atlantique et au sud par la mer Méditerranée.
Cette diversité offre une grande variété de climats et de paysages
Les côtes françaises ont de plus un relief favorable aux installations portuaires nombreuses. Certaines d’entre elles sont très anciennes. Ainsi, en 600 avant J.-C., des Grecs de Phocée se sont installés dans une anse à l’abri en Méditerranée et ont fondé Massalia, une cité qui porte aujourd’hui le nom de Marseille.
Il faut distinguer dans cet ensemble portuaire deux catégories :
- les ports de pêche et de plaisance ;
- les grands ports avec des industries présentes en bordure de littoral (zones industrialo-portuaires).
La littoralisation des industries est un phénomène de concentration des activités industrielles sur les littoraux. Ces localisations facilitent l’accès aux matières premières pour les industries qui réduisent ainsi leurs coûts de production et peuvent exporter aussi plus facilement.
Marseille, Le Havre et Dunkerque sont les principaux ports français. Le tonnage est la capacité de transport d’un navire
Avec ses conditions climatiques privilégiées, la côte méditerranéenne domine cet ensemble de ports de plaisance
Ports de plaisance :
Les ports de plaisance sont plutôt réservés aux activités de loisirs. Ils comportent des bateaux à voile ou à moteur appartenant le plus souvent à des particuliers. Ils concernent une économie touristique.
Les installations portuaires sont également très différentes selon la catégorie portuaire : grues pour charger et décharger des conteneurs ou quais de petites dimensions accueillant des navires de pêche ou de plaisance.
Ces 5853 km de littoraux offrent une ZEE (Zone économique exclusive) importante en France métropolitaine.
Cette ZEE est exploitée pour de nombreuses activités. En ce qui concerne la pêche, avec plus de 4 000 bateaux, la France se classe au 6e rang de l’Union européenne. La pêche française métropolitaine se caractérise par sa grande diversité aussi bien au niveau des zones de pêche (Méditerranée, Atlantique, etc.) que des bateaux engagés dans cette activité (plus ou moins grands et modernes). Une autre activité est liée au tourisme balnéaire. Il s’agit des activités de plaisance. Plus d’un million de bateaux de plaisance sont présents en France métropolitaine. Le Sud et la Bretagne en totalisent la moitié. En outre, une route maritime majeure au niveau mondial traverse la ZEE Cette route passe par la Méditerranée, le détroit de Gibraltar et longe la ZEE atlantique en direction de la Northern range. Enfin, l’exploration de nouvelles ressources et l’exploitation de l’énergie éolienne et l’énergie marémotrice (usine marémotrice de la Rance en Bretagne) offrent de larges potentialités dans les prochaines années.
Les littoraux métropolitains et la ZEE qui en résulte sont donc un facteur de puissance dans la mesure où ils offrent des possibilités d’activités économiques variées et font de la France un pays attractif. Ils affirment aussi une présence géopolitique aussi bien au Sud qu’à l’Ouest du continent européen. Cependant, cette présence maritime s’étend bien au-delà de l’Europe.
La 2e ZEE dans le monde
La 2e ZEE dans le monde
Les territoires ultra-marins français permettent à la France de posséder la 2e zone économique exclusive la plus vaste du monde (11 millions de km2 environ) après les États-Unis et devant l’Australie.
La zone la plus importante se situe dans le Pacifique Sud avec plus de 6,8 millions de km2. Cet espace maritime s’articule autour de la Nouvelle Calédonie, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie et de l’île de Clipperton. Vient ensuite la zone de l’océan Indien (2,7 millions de km2). Si Mayotte et La Réunion sont les îles les plus connues de cet espace maritime, d’autres îlots, plus au Sud, sont regroupés sous l’appellation de TAAF (Terres australes et antarctique française). Il s’agit des îles Saint-Paul et Amsterdam, Crozet et Kerguelen. L’océan Atlantique, plus proche des côtes françaises métropolitaines, ne représente que 600 000 km2, ce qui est peu comparé aux deux zones précédentes. Il comprend Les Antilles, la Guyane et Saint-Pierre et Miquelon.
Cette immense surface permet à la France d’être présente économiquement, diplomatiquement et militairement dans le monde entier bien au-delà de son territoire métropolitain, ce qui est synonyme de puissance.
La France est présente militairement partout dans le monde. Sa puissance militaire s’exprime d’ailleurs principalement maritimement : la France et les États-Unis sont les seuls à disposer d’un porte-avion nucléaire (un seul pour la France avec le Charles de Gaulle, contre une dizaine aux États-Unis) et la dissuasion nucléaire française s’appuie sur 4 SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engin). De plus, la France dispose de plusieurs bases militaires dans le monde (Réunion, Martinique, Djibouti, Émirats arabes unis, etc.).
Avec l’amélioration des technologies d’exploration, de nouveaux gisements d’hydrocarbures ont été découverts dans la ZEE française. Les principales découvertes de gisements pétroliers se situent pour l’instant en Nouvelle Calédonie, en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Au large de Cayenne (Guyane), le gisement découvert en 2011 recèlerait une capacité de 300 millions de barils par jour. L’inconvénient est qu’il est situé à 6 000 mètres de profondeur, son exploitation est donc difficile et très coûteuse.
Les minerais et nodules polymétalliques (voir cours Mers et océans : vecteurs essentiels de la mondialisation) sont plus présents dans la zone pacifique. Là encore, la France est bien placée car c’est dans l’océan Pacifique que sa ZEE est la plus vaste. Elle dispose en outre de technologies de pointe pour exploiter ses ressources. À ce jour, le recensement de l’ensemble des ressources présentes n’est pas achevé.
Les atouts maritimes français sont donc multiformes. Certains sont actuellement exploités et d’autres offrent de réelles perspectives. Cependant, on entend parfois dire que ces atouts ne sont pas assez valorisés.
Les faiblesses des espaces maritimes français
Les faiblesses des espaces maritimes français
Les espaces maritimes français souffrent essentiellement d’une compétitivité insuffisante de leurs espaces portuaires. Il est également très difficile de contrôler et de préserver l’immense zone économique exclusive française.
Des ports peu compétitifs
Des ports peu compétitifs
Marseille et Le Havre sont les premiers ports français.
Cependant, dans le classement des ports mondiaux, ils sont situés loin derrière les premiers ports asiatiques. Le Havre se situe aux alentours de la 50e place et Marseille aux alentours de la 100e. Pour les comparer, en une année Shanghai traite un volume de marchandises de 40,23 millions d’E.V.P., tandis que Le Havre en traite 2,88 millions et Marseille 1,36 million (chiffres datant de 2017).
Les E.V.P. (équivalents vingt pieds) sont une unité de mesure approximative basée sur le volume d’un conteneur de vingt pieds. Un E.V.P. correspond donc à un conteneur standard (33 m3 environ).
La situation géographique de la France est en partie responsable de ces résultats. Le pays étant à l’extrême ouest du continent européen, il ne peut avoir le rôle de hub que joue Rotterdam au sein du continent. Les ports français sont donc géographiquement moins bien situés que les ports rhénans pour redistribuer les marchandises importées à l’intérieur du continent européen (hinterland).
Hub :
Un hub est un endroit à partir duquel sont redistribuées des personnes et des marchandises par différents moyens de transport.
Hinterland :
Un hinterland ou arrière-pays correspond à une zone continentale dans laquelle sont acheminées des marchandises provenant d’un port. Les marchandises, une fois débarquées, sont distribuées par voies terrestres.
En revanche, ils disposent d’atouts pour exporter les productions françaises et européennes vers d’autres continents : Marseille en direction de l’Afrique du Nord et le Havre en direction de l’Amérique du Nord.
Cette carte met parfaitement en évidence la place privilégiée de la façade maritime du nord de l’Europe appelée la Northern range. Elle est idéalement située pour desservir l’ensemble du continent européen.
La compétitivité passe aussi par des aménagements modernes capables d’accueillir des porte-conteneurs de plus en plus grands. Des travaux dans ce sens ont été menés à Marseille et au Havre :
- un port en eau profonde a été aménagé au Havre. Inauguré en 2006, le projet se nomme Port 2000 ;
- à Marseille, Fos 2XL est également un programme ambitieux. Un quai pouvant accueillir quatre porte-conteneurs en même temps a été aménagé, et la connexion avec le réseau ferroviaire intérieur a été améliorée. Enfin, l’organisation portuaire a été repensée pour rendre les ports français plus attractifs et compétitifs. Certains terminaux sont directement gérés par de grandes compagnies de transport maritime. Beaucoup de grands ports européens fonctionnaient déjà de cette manière avant les ports français, notamment ceux de la Northern range, ce qui peut être à l’origine du retard français. Désormais, les plus grands ports français sont organisés comme leurs voisins européens. Par exemple, un terminal conteneur de Port 2000 au Havre est géré par la CMA-CGM et un autre par Maersk. La compagnie de transport organise ainsi plus facilement les déplacements de ses navires et a ses propres employés sur place.
Terminal conteneur :
Un terminal conteneur est un lieu de transbordage, c’est-à-dire que les marchandises passent par exemple du porte-conteneur au camion ou au train à cet endroit-là.
Le porte conteneur de la CMA-CGM accoste sur le terminal géré par l’entreprise du même nom au port du Havre ©Philippe Alès – CC BY-SA 4.0
Des espaces maritimes à protéger
Des espaces maritimes à protéger
Pour être pleinement un élément de la puissance française, les espaces maritimes doivent être maîtrisés. Cette maîtrise englobe l’exploitation raisonnée des ressources, la surveillance et la protection des espaces maritimes. Cependant, la surveillance et la protection ne sont pas faciles tant les espaces maritimes français sont immenses et éloignés les uns des autres.
La surveillance est un instrument de lutte contre les trafics maritimes illicites. Dans les Antilles, la France participe à la lutte contre le trafic des stupéfiants intense dans la zone des Caraïbes. Les approches maritimes de la Guyane sont aussi étroitement surveillées à cause de la proximité du centre spatial à Kourou. Dans le Pacifique et l’océan Indien, la marine française assure des missions en direction des migrants, de la surveillance des zones de pêche et de la lutte contre la piraterie. Cependant, ce sont seulement six frégates, 20 patrouilleurs et quelques navires assurant la logistique, secondés par des avions, qui sont responsables aujourd’hui de la surveillance des 11 millions de km2 de la ZEE française. Cela fait peu, d’autant que cette flotte est vieillissante.
En ce qui concerne la protection des espaces maritimes, la France a pris un certain retard qu’elle tente aujourd’hui de rattraper. Par exemple, le premier parc naturel marin français, localisé en mer d’Iroise, date de 2007.
Parc naturel marin :
Un parc naturel marin appartient à la catégorie plus large des aires marines protégées (A.M.P.). Il vise à protéger la faune et la flore, les eaux marines. Les activités pratiquées doivent être durables.
Depuis, des espaces marins protégés ont été créés par la France autour de Mayotte et des Glorieuses (dans l’océan Indien), dans le golfe du Lion, dans les estuaires picards et la mer d’Opale.
Le parc marin d’Arcachon créé en 2014 est un bel exemple de ce vers quoi doit tendre ce type de protection des milieux marins. Ce parc a été fondé pour protéger une lagune ouverte soumise aux courants de marée. Des colonies d’oiseaux rares y vivent ainsi que des tortues et des mammifères marins, notamment des marsouins. L’aire de protection s’étend sur 435 km2. Il a fallu organiser la continuité des activités économiques avec la protection de ce milieu remarquable. En effet, le bassin d’Arcachon compte des activités de pêche, de tourisme et d’ostréiculture qui, dans le cadre du Parc, tentent de respecter les objectifs du développement durable.
Certains de nos parcs nationaux ont également un domaine maritime important. C’est par exemple le cas des parcs de Port-Cros et des Calanques.
Le cœur marin du parc est plus important en superficie que le cœur terrestre
Parc national :
Un parc national est un espace délimité et protégé dans lequel s’applique une réglementation stricte, en particulier dans la zone « cœur » du Parc. Ces règles sont plus souples dans l’aire d’adhésion. L’ensemble est organisé à l’aide d’une Charte qui définit des objectifs de protection et inclut la participation des habitants vivant dans le Parc.
Dans ce cas, la zone maritime fait partie d’un ensemble plus vaste mais très protégé puisque les règles qui s’appliquent dans un parc national sont assez contraignantes, afin d’assurer un maximum de protection.
Pour autant, beaucoup s’accordent à dire que la France, comme d’ailleurs le reste du monde, ne dispose pas encore suffisamment d’espaces maritimes protégés.
Conclusion :
Finalement, les atouts maritimes sont l’un des éléments qui participent à la puissance de la France. Ils matérialisent la présence française dans le monde. Les espaces maritimes sont, de plus, des réservoirs de ressources et d’activités multiples. Cependant, ces espaces semblent pouvoir offrir des perspectives bien plus grandes encore, et leur potentiel paraît encore largement inexploité. Pour autant, cette exploitation, si elle a lieu, devra se faire dans un cadre respectueux et durable pour limiter les effets négatifs des activités humaines sur ce milieu si fragile.