La ruse et le Renard chez La Fontaine
Introduction :
Jean de La Fontaine est un célèbre fabuliste du XVIIe siècle. Ses fables sont de courts récits poétiques mettant en scène des animaux et dont le lecteur peut tirer un enseignement.
Le Renard est un personnage qui revient à plusieurs reprises dans les fables de La Fontaine. Il est traditionnellement représenté comme un personnage rusé. Nous allons donc voir dans ce cours que le Renard chez La Fontaine est rusé mais aussi qu’il peut également être victime de sa ruse.
Le Renard rusé
Le Renard rusé
Jean-Jacques Grandville, Illustrations des Fables de La Fontaine, 1838-1840
Dans la fable « Le Corbeau et le Renard » de La Fontaine, le Renard élabore une stratégie afin d’obtenir le fromage que tient le Corbeau dans son bec. Il flatte alors le Corbeau pour que celui-ci laisse tomber son fromage. Voici un extrait de la fable :
« ‟Et bonjour, Monsieur du Corbeau,
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage1
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix2 des hôtes de ces bois.”
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie,
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : ‟Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens3 de celui qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute.” […] »
1 Le ramage est le chant d’un oiseau.
2 Le phénix est un personnage de la mythologie capable de renaitre de ses cendres. Dans la fable, le phénix désigne une personne extraordinaire.
3 Vivre aux dépens de quelqu’un, c’est vivre grâce à quelqu’un, aux frais de quelqu’un.
Une fable est écrite en vers. Elle est composée de deux parties : le récit et la morale.
Morale :
La morale d’une fable est une conclusion que l’on doit tirer du récit. Il s’agit d’un enseignement sur une conduite à tenir.
Les animaux parlent, ils ont des traits de caractère et des comportements humains.
- L’auteur personnifie ici les personnages du Corbeau et du Renard.
Personnification :
La personnification est une figure de style qui consiste à donner des caractéristiques humaines à des animaux et des objets.
Le Renard se montre rusé, il complimente le Corbeau sur son physique, notamment avec les adjectifs « joli » et « beau ». Il emploie également la métaphore « vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois » afin de flatter le Corbeau.
Métaphore :
Une métaphore est une figure de style qui consiste à faire une comparaison sans utiliser de terme comparatif tel que « comme », c’est une image.
En effet, en comparant le Corbeau au Phénix, le Renard lui dit ainsi qu’il est le plus bel oiseau du bois.
Le Renard parvient à pousser le Corbeau à lâcher son fromage en l’incitant, par la flatterie, à ouvrir le bec pour chanter. Il se montre fourbe et hypocrite.
Fourbe :
L’adjectif fourbe désigne quelqu’un qui emploie des ruses pour tromper.
Hypocrite :
L’adjectif hypocrite désigne quelqu’un qui fait des flatteries sans les penser, qui est faux.
Le lecteur peut alors faire le parallèle avec les hommes qui peuvent se montrer aussi rusés et hypocrites que le Renard afin d’obtenir ce qu’ils souhaitent. La morale de cette fable est prononcée par le Renard : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Ainsi le Corbeau a sa part de torts également, puisque s’il n’avait pas été si vaniteux, il n’aurait pas été touché par les faux compliments du Renard et n’aurait pas laissé tomber son fromage.
Vaniteux :
L’adjectif vaniteux désigne quelqu’un qui a de l’admiration pour soi-même.
La fable a pour fonction de plaire mais aussi d’instruire le lecteur, c’est pourquoi elle comporte un enseignement.
La Fontaine enseigne ainsi le pouvoir du langage, car c’est un outil de séduction qui permet de manipuler les gens. Le Renard s’est en effet habilement servi du langage pour parvenir à ses fins.
Voici à présent une autre fable de Jean de La Fontaine qui met en scène cette fois le Renard victime de sa ruse.
Le Renard trompé
Le Renard trompé
Illustration de François Chauveau pour les Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine, Claude Barbin et Denys Thierry, 1668
Dans la fable « Le Coq et le Renard » de Jean de La Fontaine, le Renard voit un Coq perché sur un arbre et use d’un stratagème pour le faire descendre et le manger.
Stratagème :
Un stratagème est une ruse habile pour arriver à ses fins.
Il lui dit qu’il souhaite la paix et lui propose de descendre de son arbre pour qu’il puisse l’embrasser. Voici la réponse du Coq :
« ‟Ami, reprit le Coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle
De cette paix.
[…]
Je vois deux Lévriers1,
Qui, je m’assure, sont courriers2
Que pour ce sujet on envoie.
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous.
- Adieu, dit le Renard, ma traite3 est longue à faire,
Nous nous réjouirons du succès de l’affaire
Une autre fois.″
[…]
Et notre vieux Coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur ;
Car c’est double plaisir de tromper le trompeur. »
1 Les lévriers sont des chiens connus pour courir très vite.
2 Un courrier est un messager.
3 La traite est le chemin, le parcours.
La tentative de tromperie du Renard a échoué. Le Coq n’est pas dupe et sent la ruse du Renard.
Dupe :
L’adjectif dupe désigne quelqu’un que l’on peut tromper facilement.
Il voit les chiens arriver pour le défendre et repousser le Renard. Il joue donc son jeu pour mieux s’en moquer. Le Coq emploie le même stratagème que le Renard et utilise des antiphrases lorsqu’il s’adresse au Renard :
« je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle
De cette paix »
Antiphrase :
Une antiphrase est une figure de style qui consiste à dire le contraire de sa pensée.
De plus lorsqu’il dit : « Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous » le Coq sait parfaitement qu’il ne descendra pas et que le Renard ne restera pas face aux lévriers qui arrivent.
On assiste donc dans cette fable à un retournement de situation qui est comique, puisque le Coq se montre plus rusé que le Renard.
Celui-ci voulait manger le Coq mais c’est lui qui doit à présent s’enfuir face aux chiens. Le Coq rit donc de « sa peur » et le lecteur peut aussi se moquer du « trompeur trompé ».
La morale de cette fable est courte et écrite au présent de vérité générale : « Car c’est double plaisir de tromper le trompeur. »
Le présent de vérité générale est un temps qui sert à exprimer un fait vrai tout le temps.
Cette morale exprime le fait qu’il est plaisant de duper quelqu’un qui souhaitait nous tromper.
Conclusion :
La fable est séduisante pour le lecteur car c’est un récit court et amusant. Il est vivant grâce aux dialogues et aux rimes. La mise en scène des animaux est une originalité qui apporte également un aspect divertissant et amusant. Sous des apparences de conte pour enfant, la fable instruit le lecteur. Elle livre des enseignements à propos du comportement humain et fait également des critiques de la société. Ainsi la ruse chez La Fontaine est tantôt au service des plus forts, tantôt au service des plus faibles et c’est toujours le plus rusé qui remporte le jeu.