Le Carnaval et la fête des Fous
Introduction :
La fête des Fous et le Carnaval sont des fêtes du Moyen Âge. Elles sont issues de la religion catholique. C’était pour le peuple l’occasion de se mélanger, toutes classes sociales confondues, dans une ambiance festive et paillarde (débauchée). Nous verrons dans ce cours que le Carnaval et la fête des Fous au Moyen Âge sont pour le peuple le moyen de lâcher prise car ces périodes s’opposent au Carême et à sa rigueur.
Nous étudierons cette opposition à travers le fabliau La bataille de Caresme et de Charnage puis à travers la peinture de Pieter Brueghel l’Ancien, Le Combat de Carnaval et de Carême.
La bataille de Caresme et de Charnage
La bataille de Caresme et de Charnage
Le Carnaval est la période des fêtes qui commence le 6 janvier et s’achève la veille du mercredi des Cendres, qui marque le début du Carême. Le Carême est une période de privation où l’on devait manger légèrement et consommer du poisson mais pas de viande. Ainsi l’origine du mot Carnaval serait « carne » qui signifie la « viande » et « levare » qui signifie « enlever ».
La fête des Fous précède le Carnaval et se déroulait les 26, 27 et 28 décembre. Les ecclésiastiques portaient des masques, se déguisaient, dansaient, chantaient et jouaient dans l’église.
Ecclésiastique :
Un ecclésiastique est un religieux.
On élisait un évêque des fous ou un pape des fous qui siégeait durant les trois jours. Dans le fabliau La bataille de Caresme et de Charnage, l’auteur anonyme reprend de manière comique les chansons de geste du Moyen Âge.
Fabliau :
Un fabliau est un petit conte du Moyen Âge, amusant et écrit en vers.
Chanson de geste :
La chanson de geste est un récit en vers qui raconte des exploits guerriers.
Dans ce récit, la cuisine légère, représentée par Caresme, le seigneur des eaux, et la cuisine grasse représentée par Charnage le baron de la bonne chère (la bonne nourriture), se livrent bataille. Il s’agit d’une image pour exprimer l’opposition entre le Carême et le Carnaval. Ce conte était destiné à faire rire les châtelains. En voici un extrait :
« Caresme s’avança monté sur un mulet, avec un saumon comme haubert1, un auqueton2 de lamproie3. […] Les traits4 et les munitions de guerre consistaient en pois, marrons, beurre, lait et fruits secs. Charnage montait un cerf dont le bois ramu5 était chargé de mauviettes6. […] Son épée était une défense de cochon bien ouvragée7, forgée par un boucher et aiguisée par un cuisinier, sa lance un bec d’oiseau, son bouclier une tarte et sa bannière un frais fromage. »
1 Un haubert est une cotte de maille qui protège le corps des combattants.
2 Un auqueton est une sorte de veste en coton.
3 Une lamproie est une sorte de poisson.
4 Le trait est une arme que l’on lance, une flèche ou une lance.
5 Ramu veut dire « couvert de branches ».
6 Une mauviette est un type d’alouette.
7 Ouvragé veut dire travaillé.
On peut constater que dans cet extrait, le champ lexical de la nourriture côtoie le champ lexical de la guerre. En effet, on peut relever les termes « saumon », « lamproie », « pois, marrons, lait, beurre et fruits secs », « cochon », « tarte » et « frais fromage » comme se rapportant au champ lexical de la nourriture. Les termes « haubert », « épée », « traits », « lance », « bouclier » et « bannière » relèvent du champ lexical de la guerre. L’auteur décrit ici les deux combattants armés et vêtus d’aliments. Il livre donc une description détaillée des combattants qui s’opposent.
On peut également remarquer une opposition entre les aliments qui se rapportent à Caresme et ceux qui se rapportent à Charnage. Les aliments sains comme les « fruits secs » s’opposent aux aliments plus riches comme la « tarte ». Ce combat est si inattendu qu’il produit un effet comique.
Ce fabliau symbolise en réalité l’opposition qui existe dans la société du Moyen Âge entre riches et pauvres mais aussi entre l’Église et le peuple.
Ce contraste est également représenté dans l’œuvre de Pieter Brueghel l’Ancien, Le Combat de Carnaval et Carême.
Le Combat de Carnaval et Carême
Le Combat de Carnaval et Carême
Le Combat de Carnaval et Carême est une peinture à l’huile de Pieter Brueghel l’Ancien datant de 1559. Elle représente une place de ville animée lors du Carnaval.
Pieter Brueghel l’Ancien, Le Combat de Carnaval et Carême, 1559 ©Yelkrokoyade
Il s’agit d’une vue d’ensemble en plongée.
Vue en plongée :
Une vue en plongée est une expression qui s’utilise pour désigner un point de vue situé en hauteur. L’œil du spectateur est donc plus haut que la scène observée.
Le décor du tableau est celui d’une ville du Moyen Âge. Des habitations encadrent le tableau, sur la gauche et en arrière-plan. Sur la droite du tableau les portes de ce qui semble être une église sont ouvertes. Cela montre la dimension religieuse du Carnaval, mais aussi l’importance de la religion à cette époque.
La séparation de l’Église et de l’État en France n’a eu lieu qu’en 1905. Avant cela, l’Église entretenait des liens étroits avec l’État et occupait une place importante dans divers domaines tels que l’éducation, la politique ou encore la santé.
Le premier plan représente quant à lui la place de la ville, avec en son centre un puits. De nombreuses personnes sont amassées là et semblent être en pleines festivités. Il règne un chaos général.
Chaos :
Le chaos désigne un état de confusion général, une désorganisation.
En bas du tableau et au premier plan, deux chars et deux personnages incarnent le contraste entre le mardi gras et le mercredi des Cendres. Ils croisent leurs lances, qui ne sont pas de véritables lances mais des objets s’en approchant.
Cette scène représente de manière symbolique l’opposition entre Carême et Carnaval.
Il s’agit d’une parodie de bataille.
Parodie :
Une parodie est une imitation comique de quelque chose de sérieux, dans le but de faire rire.
Ce tableau est aussi une représentation symbolique de deux manières de vivre : une vie tournée vers le plaisir représenté par l’auberge à gauche du tableau et une vie dévouée à la religion, représentée par l’église à droite du tableau.
Conclusion :
Le peuple s’est approprié les fêtes religieuses du Carnaval et de la fête des Fous. Ce sont des moments de lâcher prise face aux conditions de vie extrêmement rudes du Moyen Âge. L’opposition entre les personnages de Carême et de Carnaval révèle une opposition entre riches et pauvres, hommes d’Église et hommes du peuple.