Le mythe, une parole fondatrice
Le mythe, parole fondatrice
Le mythe, parole fondatrice
- La parole est un moyen d’expression et de communication grâce auquel le locuteur peut exercer un pouvoir sur l’auditeur.
- Ce pouvoir manifeste une autorité, c’est-à-dire :
- le pouvoir de commander (d’être écouté et obéi) qui recquiert une légitimité ;
- le renvoi à un statut d’auteur (< auctoritas) : l’autorité est toujours celle d’un auteur.
- Paradoxalement, certains discours n’ont pas d’auteurs connus ou reconnus, comme les mythes par exemple.
- Le mythe, en tant que discours répété et transmis par la tradition orale puis par les livres, fonde l’organisation des communautés humaines.
- On peut donc dire que l’autorité de la parole du mythe provient justement de son origine.
- Le mythe est à comprendre en deux sens étroitement liés :
- la parole mythologique est l’une des premières paroles transmises connues ;
- le mythe propose le récit de l’origine humaine ou de quelque chose qui lui est propre.
- On parlera de « parole » fondatrice car ces mythes relèvent initialement d'une transmission l’orale.
- L’origine populaire des mythes en fait un objet universel : ils n’appartiennent pas à un auteur (une autorité) mais à tout le monde.
- L’anonymat initial du mythe est donc une condition indispensable de l’universalité de son propos.
- Sa popularité est sa force et la condition de sa pérennité.
La crédibilité de la parole mythologique
- Le mythe énonce une idée, et pas simplement une « morale ».
- Le récit mythologique ne raconte pas un ensemble de faits réels, c’est la force des idées qui fonde son autorité.
Le fabuleux de la parole mythologique
- La forme fabuleuse et fantastique des mythes permet aux lecteurs/auditeurs de s’identifier aux situations et aux personnages.
- Ces caractères permettent en effet d’élever le récit, d’universaliser sa morale et de construire des expériences de pensée que tout le monde peut faire.
L’effet immédiat du mythe
- La parole du mythe exprime la vérité possible d’une intuition (≠ superstition).
- De plus, son accessibilité le rend immédiatement effectif.
L’intemporalité de la parole mythologique
- La plupart des mythes font, à diverses époques, l’objet de reprises.
- La filiation approximative est l’un des traits de l’autorité de la parole mythologique (Candaule < Hérodote < Platon < Wagner < Tolkien).
Le mythe et son interprétation
Le mythe et son interprétation
- La représentation mythologique (comme le rêve) peut nous paraître étrange car étrangère à notre rationalité.
- Le mythe, dans son discours apparent, ne représente pas la réalité elle-même. Il faut donc, pour le comprendre, décrypter ce qui en constitue l’essence même : le symbole.
- En effet, dans un mythe tout n’est que symbole : l’intuition cachée de quelque chose est manifestée par une autre chose qui est visible.
- Tout mythe demande, non pas à être expliqué, mais à être interprété :
- l’explication porte sur la raison des choses elles-mêmes, la détermination de la cause immédiate ;
- l’interprétation porte sur la raison d’être de la représentation des choses.
- Elle a pour objet un « pourquoi » et non un « comment ».
- L’autorité de la parole interprétative tient dans la capacité du sujet pensant à produire une interprétation universelle, c’est-à-dire à laquelle tout le monde peut donner son assentiment.
- Cette autorité de l’interprétation repose sur ce que Lévi-Strauss appelle l’« efficacité symbolique » dans son Anthropologie structurale.
- Cette notion démontre la fonction sociale du mythe, qui est toujours le mythe d’une collectivité.
- Ainsi, les symboles du mythe structuré comme une société permettent de consolider l’ordre et le fonctionnement de celle-ci.
- L’efficacité symbolique du mythe repose sur l’interaction existant entre trois niveaux :
- le niveau de l’organisme humain ;
- le niveau sous-jacent (qui ne se voit pas) de l’inconscient et des forces de la nature ;
- le niveau sus-jacent (qui est apparent) du récit mythique.
- La symbolique et la parole du mythe ne font donc pas que donner à penser sur nos origines, notre nature, notre destination, elles ont également une efficacité pratique.
L’autorité de la parole mythologique par les nouvelles mythologies
L’autorité de la parole mythologique par les nouvelles mythologies
- Beaucoup de récits contemporains sont des résurgences de la parole mythologique.
- Mais cette parole présente aujourd’hui deux spécificités :
- elle apparaît essentiellement par l’image et le son (le cinéma) et renoue ainsi avec une sorte de transmission orale ;
- plutôt que centrée sur la question des origines, la nouvelle mythologie s’intéresse surtout à la question « Où allons-nous ? » et développe des récits dont la préoccupation est la fin de l’Homme et du monde.
- La question de la finalité semble donc compter davantage aujourd’hui que la question de l’origine.
- La récupération de thèmes mythiques est largement exploitée par le cinéma :
- La Planète des singes (1968) mêle science et mythe d’une transformation de l’humanité ;
- RoboCop est une référence au Phénix antique qui renaît de ses cendres,
- 2012 emprunte à l’épisode biblique de l’arche de Noé la thématique de la catastrophe suite à laquelle des survivants élus sont le point de départ d’une nouvelle humanité.
- La parole mythologique est aussi présente dans nos vies quotidiennes.
- Roland Barthes, dans son livre Mythologies paru en 1957, analyse les mythologies modernes :
- de nos pratiques actuelles (la grève, la publicité, les croisières) ;
- de nos objets du quotidien (la nouvelle Citroën de l’époque) ;
- de nos fictions (les Martiens ou les Romains au cinéma).
- Il analyse aussi notre « mythologique » steak-frites, chapitre qu’il intercale juste après celui sur « Le vin et le lait ».
- Le fantasme de l’antique corne d’abondance se réalise et se pervertit dans la puissance de la surproduction et la frénésie de la surconsommation.