Le Proche-Orient au coeur de la nouvelle géopolitique mondiale
Introduction :
Au début des années 1970, au terme d’un nouvel affrontement israélo-arabe (la guerre du Kippour), les puissances pétrolières prennent conscience de leur rôle prépondérant sur la scène économique mondiale. Cette prise de conscience engendre une volonté d’assumer des positions politiques fortes susceptibles de chambouler l’équilibre économique et géopolitique mondial. En se mêlant avec des ambitions d’acteurs régionaux rivaux, les enjeux énergétiques de la région vont progressivement concentrer l’attention des grandes puissances et faire du Proche-Orient l’épicentre des tensions mondiales.
Le Proche-Orient et le Moyen-Orient ne constituent pas des espaces géographiques clairement distincts : on considère généralement que le Proche-Orient désigne les régions de l’Est méditerranéen qui vont de l’Égypte à la Turquie, et que le Moyen-Orient englobe une entité géographique beaucoup plus importante (rassemblant la Turquie, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Péninsule arabique (avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes Unis, Oman, le Yémen, le Qatar, Bahreïn et le Koweït), l’Égypte, l’État d’Israël ainsi que les territoires palestiniens).
La plupart des pays du Proche-Orient est alors traversée par différents courants politiques et idéologiques allant du nationalisme arabe, le panarabisme (Nasser en Égypte), à l’islamisme politique, qui privilégie l’unité de la Oumma (communauté des croyants) et qui a pour projet politique l’établissement d’un État fondé sur la loi coranique et les principes de l’Islam.
Au centre des rivalités entre grandes puissances et puissances régionales, il y a les richesses du sous-sol et le pétrole, énergie principale dans le monde.
Comment s’explique le fait que cette région du monde soit devenue la principale source de conflit dans la planète ? Au cœur des tensions, nous étudierons dans un premier temps l’importance des guerres israélo-arabes : comment la question palestinienne et l’existence d’un État juif au centre du Proche-Orient arabe constituent une source de déstabilisation ? Nous observerons ensuite en quoi le renversement d’un des principaux alliés des occidentaux dans la région, le régime du Shah d’Iran, par la révolution islamique, constitue une autre source d’instabilité, pour finalement achever notre étude sur ce qui constitue sans doute la question centrale qui anime les relations géopolitiques internationales au Proche et Moyen-Orient, l’enjeu pétrolier et énergétique.
Le Proche-Orient et le Moyen-Orient
Le Proche-Orient est un terme qui apparait autour de la fin du XIXe siècle et qui n’est réellement popularisé qu’après la Première Guerre mondiale. Il convient ici de rappeler que c’est donc une notion européo-centrée. L’actuel Proche-Orient fut largement dessiné lors des accords Sykes-Picot du 16 mai 1916 entre la France et l’Angleterre, découpant la région en zones d’influence.
Chronologie : le Moyen-Orient et le Proche Orient, foyer de conflits depuis 1945
La question israélo-arabe et ses répercussions
La question israélo-arabe et ses répercussions
La création de l’État d’Israël en 1948, sous l’égide de l’ONU, entraîne des conflits avec l’ensemble des États arabes qui se solidarisent à la cause palestinienne. La résolution de l’ONU prévoyait la création de deux États : un État palestinien et un État juif. Cependant, Palestiniens et Arabes y voient une spoliation de leurs droits nationaux et leur refus d’accepter la résolution de l’ONU entraîne alors une première guerre en 1948 qui se solde par la défaite des États arabes et l’impossibilité pour les Palestiniens de créer leur État. Un grand nombre d’entre eux est contraint à l’exil (Nakba).
Entre 1948 et 1967, pas moins de trois conflits ont opposé l’État d’Israël à ses voisins arabes, fermement opposés à l’existence d’un État hébreux en Palestine. Cependant, les trois guerres (la guerre de 1948, issue du refus d’accepter la création de l’État d’Israël par les puissances arabes voisines, la crise du canal de Suez en 1956 et la guerre des Six Jours en 1967) ont toujours tourné en faveur des Israéliens, leur permettant d’étendre leur territoire à toute la Palestine, de conquérir Jérusalem, le désert du Sinaï – jusqu’alors égyptien – et le plateau du Golan syrien.
Chronologie de l’État d’Israël, 1947-2010
La fin du panarabisme et de la confrontation contre Israël
La fin du panarabisme et de la confrontation contre Israël
Depuis 1948, les États arabes font de la lutte contre l’ennemi israélien un argument pour favoriser l’idéologie panarabe, qui consiste à favoriser l’unité du monde arabe. La première confrontation est la guerre des Six Jours, qui s’est déroulée du 5 au 10 juin 1967. Elle oppose Israël à une coalition composée de l’Égypte, de la Jordanie et de la Syrie. Ce conflit influencera longtemps la géopolitique de la région. En effet, c’est lors de ce conflit qu’Israël annexe des territoires palestiniens et qu’il conquiert Jérusalem. Le prestige de Nasser, leader du Panarabisme et président Égyptien, s’en trouve fortement diminué.
La guerre des Six Jours et la victoire d’Israël débouche sur le pacte de Khartoum en septembre 1967 entre les pays arabes opposés à Israël et qui prévoit notamment les « trois non » :
- non à la paix avec Israël ;
- non à la reconnaissance de l’État d’Israël ;
- non à la négociation avec Israël. Ce pacte se place à l’encontre de la résolution 242 de l’ONU qui intervient en novembre de la même année et qui « exige l’instauration d’une paix juste et durable au Proche-Orient ».
Les tensions vont croissantes entre les pays arabes et Israël durant cette période pour exploser une nouvelle fois lors de la guerre du Kippour, en 1973, provoquée par une attaque surprise de l’Égypte et de la Syrie. Une nouvelle fois, cette guerre est remportée par Israël. La principale conséquence de cette guerre, c’est le fameux choc pétrolier. Les puissances arabes productrices de pétrole décident de ralentir leurs exportations de l’or noir pour obliger les Occidentaux à favoriser une résolution pacifique du conflit. Devant l’augmentation subite du prix du pétrole qui paralyse leurs économies, les puissances occidentales réussissent à convaincre Israël de mettre fin aux affrontements.
L’armée égyptienne franchit le Canal de Suez le 7 octobre 1973
La résolution du conflit aboutit à une certaine normalisation des relations entre Israël et l’Égypte avec les premiers accords de paix de Camp David le 17 septembre 1978. Ils se font sous l’égide des États-Unis, qui ont pris la place de la Grande-Bretagne comme principale puissance décisionnelle au Proche-Orient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Israël est le principal allié des États-Unis dans la région.
- Par cet accord, l’Égypte reconnaît officiellement l’existence de l’État d’Israël, en échange de quoi elle récupère la péninsule du Sinaï et le contrôle du canal de Suez.
Accords de Camps David, 1978, Anouar Al-Sadate, Jimmy Carter et Menahem Begin
La question palestinienne, hors de Palestine
La question palestinienne, hors de Palestine
Le territoire palestinien est sous mandat britannique à partir de 1920. Les populations arabes qui y vivent se revendiquent alors palestiniennes et réclament leur indépendance sur l’ensemble du territoire de la Palestine mandataire (voir carte de la chronologie d’Israël). Également présente sur ce territoire, la population juive réclame progressivement un foyer national pour son peuple et un État juif, suivant l’idéologie sioniste.
La Palestine est donc un territoire promis à deux peuples distincts et qui s’opposent.
À la création de l’État d’Israël, en 1948, et la débâcle des États arabes, les Palestiniens connaissent un exode massif qu’ils appellent la Nakba. Les différentes guerres israélo-arabes poussent les Palestiniens, à fuir leur terre vers les pays arabes voisins, tels que l’Égypte, le Liban, la Syrie et surtout la Jordanie.
Dans ce dernier pays s’est installée l’OLP (Organisation pour la libération de la Palestine), dirigée par Yasser Arafat.
Organisation de libération de la Palestine – OLP :
L’OLP est une coalition nationaliste arabe dont le but est la libération de la totalité du territoire palestinien. Elle s’impose progressivement comme représentante du peuple palestinien et est reconnue comme telle au niveau international. L’OLP mène une guérilla et différentes actions sous forme de lutte armée pour tenter de déstabiliser l’État d’Israël.
Les palestiniens en Jordanie et au Liban
Les palestiniens en Jordanie et au Liban
Du fait de la Nakba, les Palestiniens sont désormais installés dans les pays voisins et leur poids démographique et politique prend une importance considérable dans leur terre d’accueil.
Par exemple, si l’on étudie le cas de la Jordanie à la fin des années 1960, plus de 75 % des habitants sont palestiniens et même les jordaniens se sentent gagnés par la cause des combattants palestiniens et de l’OLP. Cette dernière est d’ailleurs si importante sur le plan politique, que, par la voix de son leader Arafat, elle appelle au renversement de la monarchie hachémite (jordanienne). En effet, le roi Hussein est considéré trop conciliant avec Israël par l’OLP.
Les tensions s’accroissent entre les partisans du régime et ceux de l’OLP. Le 1er septembre 1970, le roi échappe à une tentative d’assassinat palestinienne. Le 12 septembre, il déclenche des actions militaires contre les combattants de l’OLP et le 16 septembre 1970, il décrète la loi martiale sur le territoire jordanien en répression contre les Palestiniens et l’OLP. Ce mois de septembre 1970, particulièrement violent, est appelé septembre noir.
Le conflit entre l’armée jordanienne et l’OLP s’envenime et se poursuit jusqu’en juillet 1971, date à laquelle Arafat et ses combattants (les fédayins) sont expulsés de Jordanie manu militari et trouvent refuge au Liban.
Les combattants palestiniens suscitent là aussi la sympathie et l’engouement d’une fraction des masses populaires arabes. S’y déclenche alors en 1975 une guerre civile intercommunautaire sur fond de question palestinienne, que l’on appelle guerre du Liban. Elle oppose certains groupes favorables aux actions de l’OLP à d’autres qui veulent les désarmer et les accusent d’apporter la guerre au Liban, déjà en prise à des tensions communautaires entre chrétiens, musulmans sunnites, musulmans chiites et druzes.
La guerre civile au Liban trouve son apogée en 1982 avec le massacre des Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatilah par les phalangistes libanais, hostiles à l’OLP. Elle se conclut en 1990, par la prise de contrôle de l’État libanais par la Syrie voisine.
Phalange libanaise :
Groupe paramilitaire de chrétiens libanais.
Les modes d’action de l’OLP et l’échec de la réconciliation
Les modes d’action de l’OLP et l’échec de la réconciliation
À partir de l’épisode du septembre noir, l’OLP change de mode d’action pour médiatiser le sort de son peuple, organisant des prises d’otages spectaculaires et des détournements d’avions sur des lignes internationales. L’épisode le plus tragique est l’assassinat d’athlètes israéliens lors des jeux Olympiques de Munich en 1972 par une organisation palestinienne, appelée Septembre noir en référence aux épisodes de la répression jordanienne de 1970.
Attention à ne pas confondre les événements du septembre noir de 1970 durant lesquels l’armée jordanienne, sous les ordres du roi Hussein de Jordanie, a violemment réprimé les populations palestiniennes sur son territoire et le groupuscule terroriste palestinien Septembre noir créé à la suite des événements en Jordanie et responsable de nombre d’assassinats et de prises d’otages.
Au sein du territoire palestinien (limité alors à la Cisjordanie et la bande de Gaza) occupé par l’armée israélienne (le Tsahal), les populations protestent contre la politique israélienne par la guerre des pierres, ou Intifada, en 1987. L’Intifada (« le réveil » ou « le soulèvement » en arabe) est déclenchée par un incident en apparence anecdotique dans un pays en guerre : un camion militaire israélien fait 3 morts en heurtant un taxi collectif palestinien le 7 septembre 1987. Cela déclenche un mouvement de révolte spontané au cours duquel de jeunes palestiniens, mais aussi des femmes et même des enfants, jettent des pierres sur les forces d’occupation israélienne. En une semaine, la guerre des pierres s’étend à l’ensemble des territoires occupés depuis 1967. La répression féroce et systématique mise en place ne parvient pas à mettre fin aux soulèvements spontanés qui interviennent sur tout le territoire palestinien, et même jusqu’à Jérusalem.
À la suite de l’Intifada, Israël entame des négociations avec l’OLP de Yasser Arafat. En 1993, un accord est signé à Oslo, scellé par la poignée de mains historique entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Cet accord prévoit l’installation d’une autorité palestinienne (composée d’un président, d’un gouvernement et d’un parlement) en Cisjordanie et à Gaza.
Poignée de main historique en 1973 à Oslo entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, Bill Clinton au centre ©Israël Defense Forces - CC BY-SA 3.0
Cependant, l’assassinat de Rabin par un extrémiste israélien en 1995, et la dégradation des relations diplomatiques qui s’ensuit entraîne l’échec des accords d’Oslo.
Le Hamas, organisation islamiste et armée favorable à l’indépendance politique et religieuse de la Palestine et à l’instauration de la loi coranique sur son territoire, se démarque de l’OLP en qualifiant de trahison les accords de paix signés par Arafat, ce qui lui vaut de gagner en popularité et de conquérir progressivement la population de Gaza, moins favorable à l’OLP que d’autres régions comme la Cisjordanie.
Au sein de l’État d’Israël, certains sont également opposés aux accords d’Oslo conclus entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Le 28 septembre 2000, le leader de l’extrême droite israélienne Ariel Sharon (dirigeant du Likoud, parti politique israélien hostile à la conclusion d’un accord avec les Palestiniens), déclenche par ses provocations une seconde Intifada en se rendant sur l’esplanade des mosquées, dans Jérusalem-Est, lieu jusqu’alors interdit aux juifs.
Le mouvement islamiste radical du Hamas ne cesse de gagner en influence, remportant les premières élections organisées pour le Conseil législatif palestinien en janvier 2006. En juin 2007, le Hamas organise une opération de prise du contrôle de la bande de Gaza (jusqu’alors gouvernée par l’Autorité palestinienne aux mains de l’OLP) en y installant son propre pouvoir. Le territoire est fréquemment depuis le théâtre d’opérations militaires israéliennes.
Le développement de l’islamisme
Le développement de l’islamisme
Il ne faut pas confondre islamisme (et l’adjectif islamiste) avec l’islam (et l’adjectif islamique). L’islamisme est un courant de pensée politique apparu au XXe siècle qui vise l’établissement d’un État fondé sur les principes de l’islam. Il s’agit de transformer le système politique, social et juridique en faisant de la charia (loi islamique) l’unique source du droit pour l’ensemble de la société.
Dans les années 1970, l’islamisme connaît un nouveau souffle après la révolution iranienne. Après s’être réinventé, il se diffuse dans le Proche-Orient.
La révolution iranienne
La révolution iranienne
L’islamisme politique, déjà puissant en Égypte à cette époque (notamment par le biais de l’organisation des Frères musulmans depuis 1928), s’implante en Iran qui, jusqu’alors, était considéré comme un pilier de l’ordre occidental dans la région. À la fin des années 1970, le régime monarchique du Shah Mohamed Reza Pahlavi, par son faste ostentatoire, sa subordination totale aux intérêts américains et son autoritarisme répressif (appliqué la police du régime, la Savak) est totalement discrédité.
Shah :
Titre porté par les rois du Proche-Orient.
De plus, contrastant fortement avec l’exubérance du luxe qui s’affiche à la cour et chez l’infime minorité de la classe dirigeante, la population iranienne est durement impactée par la crise économique globale et la misère explose. En septembre 1978, c’est une véritable révolution populaire qui secoue le pays. Si la gauche laïque et même communiste y joue un certain rôle, c’est la faction ultra religieuse dirigée par l’ayatollah Khomeini qui finit par triompher.
Ayatollah :
Titre religieux de haute importance dans le clergé chiite.
Des militants islamistes arborent des portraits de l’ayatollah Khomeini en 1978
Le Shah est alors contraint, sous pression américaine, de confier le pouvoir à un des opposants à sa politique, Chapour Bakhtiar. Ce dernier cède sa place sous la pression populaire à Khomeini. L’ayatollah Khomeini impose alors un régime théocratique : la République islamique, dirigée exclusivement par des religieux. Dorénavant guide de la révolution, Khomeini renouvelle l’islamisme à partir de références chiites mais également en adoptant une rhétorique anti impérialiste (pour lutter contre l’ingérence américaine dans la politique de l’Iran) et surtout anti israélienne (pour fédérer les masses arabes et musulmanes, unies dans le rejet de l’État juif d’Israël).
Théocratie :
État dirigé par des religieux et régi par des principes exclusivement religieux.
Chiisme :
Le chiisme est l’une des deux principales branches de l’islam, l’autre étant le sunnisme. La plus grande communauté vit en Iran et représente 90 % de sa population (et 40 % des chiites du monde). Dans l’islam, le chiisme est relatif à la branche des partisans d’Ali, gendre du prophète Mahomet, et de ses descendants. C’est un courant minoritaire dirigé par un clergé hiérarchisé.
Contrairement au régime du Shah, il rejette donc l’alliance avec les États-Unis et, s’emparant de la question palestinienne délaissée par les États arabes, rompt avec Israël en se posant désormais comme le défenseur de la cause palestinienne. Le retournement de position stratégique de l’Iran se solde par la crise des otages de l’ambassade américaine de Téhéran, au cours de laquelle quarante-deux civils du personnel de l’ambassade sont maintenus captifs pendant 444 jours entre 1979 et 1981.
L’Iran renforce donc sa position de puissance régionale en jouant de son prestige « anti-impérialiste » (le régime islamique apparait comme un adversaire de premier plan des États-Unis) et en usant de sa position de leader du monde chiite.
L’Iran finance et organise des groupes politico-militaires d’obédience islamiste : en Palestine avec le Hamas qui prendra le pouvoir dans la bande de Gaza et surtout au Liban avec la création du Hezbollah (le parti de dieu) en 1982.
Mettant en place un programme politique axé autour de la résistance contre Israël, de la mise en place d’une politique sociale et du développement économique lui permet d’entrer au gouvernement, et de prendre de plus en plus de pouvoir. En 2000, face aux attaques du Hezbollah, Israël décide de quitter le sud du Liban, qui passe alors sous le contrôle du mouvement islamiste. Le Hezbollah gagne alors de plus en plus de prestige et en 2005, deux membres du Hezbollah entrent au gouvernement.
Hezbollah :
Le Hezbollah est un mouvement islamiste chiite et libanais qui est représenté par un parti politique au Liban. Il existe depuis 1982 et s’est créé sur des financements iraniens en réponse à une intervention militaire israélienne au Liban pour faire cesser les activités de l’OLP qui opérait dans la région. Le Hezbollah est considéré comme un groupe terroriste par de nombreux pays.
Le développement du terrorisme islamiste
Le développement du terrorisme islamiste
Dans la croyance sunnite, courant religieux majoritaire de l’islam (à opposer aux chiites), deux courants islamistes connaissent un essor important à partir des années 1980 : les Frères musulmans et les salafistes.
- Les Frères musulmans
Les Frères musulmans sont issus d’un courant réactionnaire né dans les années 1920 en Égypte lié au rejet de l’occupation britannique des pays du monde arabe. Le mouvement se développe par la suite comme opposition conservatrice au régime panarabiste et militaire de Nasser puis de Sadate, si bien qu’ils assassineront ce dernier dans un attentat le 6 octobre 1981.
Les Frères musulmans rejettent l’influence occidentale et ses apports (comme la démocratie ou l’État de droit) dans les sociétés orientales. Ils veulent établir une société exclusivement musulmane en ségrégant les minorités religieuses. Ainsi, les coptes (chrétiens d’Égypte) sont pris pour cible par les Frères musulmans. En construisant leur réputation par la prise en charge de responsabilités sociales délaissées par l’État, les Frères musulmans construisent leur popularité auprès des couches les plus populaires des sociétés arabes. Par exemple, ils ont mis en place un certain nombre d’organisations dites de « secours islamique » qui fait de l’aide humanitaire : envoi de médecins dans les zones de déserts médicaux, construction de dispensaires, etc. Ils sont cependant concurrencés par une autre forme d’islamisme plus ancienne, le salafisme, qui retrouve un nouveau souffle à la fin des années 1970.
- Les salafistes
Né en Arabie Saoudite au XVIIIe siècle, le salafisme entend imposer un retour à la pureté de la société islamique primitive, celle du prophète et des premiers califes de l’islam. Intimement lié à la famille royale saoudienne, ce courant prend de l’ampleur à la fin des années 1970, en réaction à l’avènement de la république islamique en Iran. Pour offrir une alternative au message de Khomeini, chiite et persan, les Saoudiens favorisent le développement du djihadisme salafiste.
Suite à l’invasion par les soviétiques de l’Afghanistan en 1979, et dans le cadre de la guerre par procuration, typique de la logique de la guerre froide, les réseaux américains favorisent l’envoi de combattants musulmans sur le front par le biais de leurs contacts saoudiens pour lutter contre les soviétiques. L’Afghanistan devient un terrain de lutte stratégique dans la guerre froide. Ces combattants, appelés moudjahidin, vont mener la guerre sainte contre l’envahisseur russe athée et sont recrutés dans les groupes salafistes les plus radicaux. Parmi eux, le saoudien Oussama Ben Laden va fonder le groupe Al-Qaida qui, après le retrait soviétique de l’Afghanistan en 1989, va s’orienter vers la lutte contre l’Occident par le biais d’attentats terroristes.
Des moudjahidin abattent un hélicoptère soviétique en Afghanistan avec un lance missile américain Stinger. Stuart Borwn, First sting, huile sur toile, 2008 © Stuart Brown – CIA Museum Art Collection
Moudjahidin :
Combattants du jihad, de la guerre sainte.
La politique énergétique
La politique énergétique
À partir de la guerre du Kippour, les pays producteurs de pétrole prennent conscience de leur rôle fondamental dans l’économie du monde, faisant de la question énergétique un enjeu majeur de la géopolitique mondiale.
l’OPEP et l’émergence des pétromonarchies
l’OPEP et l’émergence des pétromonarchies
Jusqu’à la fin des années 1960, les puissances industrielles occidentales contrôlent l’essentiel des zones de production et des prix par l’intermédiaire de sociétés pétrolières à capitaux et des majors.
Majors :
Les majors sont les plus grandes compagnies pétrolières privées du marché mondial (BP, Esso, etc.).
En 1960, la création de l’OPEP (Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole) montre la volonté des États arabes de s’organiser pour peser davantage sur les cours du pétrole. Ils achètent des parts dans les majors ou procèdent à des nationalisations. On ne peut pas véritablement parler de guerre pour le pétrole, mais celui-ci est en arrière-plan de tous les conflits et tensions qui ont affecté le Proche et le Moyen-Orient comme on le constate lors de la guerre du Kippour (1973) qui accélère le premier choc pétrolier.
La brutale réduction de la production de pétrole met en quelques semaines les économies occidentales en difficulté, forçant les États-Unis à demander l’arrêt des opérations militaires israéliennes. Les pétromonarchies arabes du Golfe persique s’enrichissent considérablement et deviennent de vrais acteurs économiques et politiques au Moyen et Proche-Orient.
Pétromonarchie :
Monarchie tirant sa puissance de ses ressources pétrolières, qu’elle exporte largement. L’Arabie saoudite est une pétromonarchie.
Les Émirats arabes unis, créés en 1971, illustrent ce boom économique et l’importance des ressources pétrolières pour les pétromonarchies. Depuis la découverte du premier gisement de pétrole à Abou Dhabi dans les années 1960, le pays connaît une importante période de développement économique et démographique.
Dans un contexte de choc pétrolier, la maîtrise des ressources en pétrole est fondamentale. Les États-Unis ont donc implanté dans la région un réseau de bases militaires pour contrôler les routes stratégiques. Ils entretiennent leur alliance avec l’Arabie Saoudite, principal exportateur du pétrole américain. Cela les conduit à s’opposer à l’Iran. De 1980 à 1988, ils soutiennent l’Irak dans la guerre opposant l’Iran à l’Irak.
En parallèle, en quête de stabilité économique et de reconnaissance internationale, les monarchies arabes vont abandonner la cause palestinienne, coûteuse et sujette à polémique avec la diplomatie américaine. Le lien entre ces pétromonarchies et les États-Unis se renforce à partir de la révolution islamique en Iran. En effet, les dirigeants de l’Irak, du Koweït, de l’Arabie Saoudite et des autres États du golfe Persique sont eux aussi dérangés par la révolution iranienne, car elle exalte les minorités chiites de leurs pays contre l’hégémonie sunnite. Cette situation crée une atmosphère de révolte susceptible de mener à une guerre interconfessionnelle. Se sentant menacées par ce nouvel acteur instable, les monarchies arabes du golfe Persique renforcent alors leurs liens avec les États-Unis, premiers partenaires commerciaux sur le plan énergétique.
L’Irak au centre de la géopolitique du pétrole
L’Irak au centre de la géopolitique du pétrole
La forte concentration des hydrocarbures au Moyen-Orient concentre progressivement les tensions internationales autour de cette région dont dépend la stabilité de l’économie mondiale.
Alors que la révolution islamique en Iran provoque en 1979 un second choc pétrolier et fait plonger à nouveau les économies mondiales, les projecteurs se braquent désormais sur cette région dont les turbulences impactent le monde entier.
En 1980, décidé à étouffer la République islamique naissante mais également à s’approprier des régions pétrolifères stratégiques, le dictateur irakien Saddam Hussein décide d’envahir l’Iran, son voisin. Sans aucun résultat concret sur le terrain, la guerre entre l’Iran et l’Irak plonge la région entière dans des guerres successives jusque dans les années 1990.
Le dictateur irakien Saddam Hussein, en 1979
Le 2 août 1990, quelques mois après avoir mis fin au conflit avec l’Iran, Saddam Hussein décide d’envahir le Koweït voisin, entraînant la première guerre du Golfe (ou guerre Irak-Koweït) qui durera jusqu’au 28 février 1991 et nécessitera l’intervention de l’ONU et d’une coalition internationale. Il accuse officiellement le petit pays d’avoir puisé illégalement dans ses réserves pétrolières et souhaite l’annexer comme province de l’Irak. Cependant, les ambitions du dictateur irakien font redouter une déstabilisation des marchés pétroliers internationaux. Les saoudiens voisins craignent également pour leurs régions pétrolifères, proches de la frontière koweitienne et sujettes aux appétits de Saddam Hussein.
Déterminés à protéger leurs alliés et partenaires commerciaux, les États-Unis profitent de la faiblesse d’une Union soviétique déclinante pour coordonner une opération de secours du Koweït sous l’égide de l’ONU. L’opération Tempête du désert, entre janvier et février 1991, permet à la coalition menée par les Américains de chasser les troupes de Saddam Hussein du Koweït, et également de sécuriser les intérêts stratégiques américains dans la région.
La seconde guerre du Golfe (ou guerre d’Irak) ne dure que quelques semaines. Du 20 mars 2003 au 1er mai 2003, une coalition menée par les États-Unis et la Grande Bretagne permet de renverser le régime de Saddam Hussein.
Des années après la fin officielle de la guerre, le gouvernement de l’Irak reste très fragile. Les violences sont quotidiennes, résultant des attaques de soldats et de convois de l’armée américaine par des insurgés et de la guerre civile entre les différences mouvances islamistes. Une guerre civile a même éclaté en 2013 (pour finalement prendre fin en 2017) lors de la création de l’État islamique à cheval entre la Syrie et l’Irak. L’instauration de l’État islamique dans la région a mené à une persécution des chrétiens et yézidis (une petite communauté religieuse monothéiste) obligés de fuir au Kurdistan.
Le conflit réveille également d’autres problématiques ethniques, comme la question kurde. Cette minorité iranophone à la frontière avec l’Iran fait l’objet d’un nettoyage ethnique de la part du dictateur irakien. Malgré un traité de reconnaissance d’autonomie des kurdes signé entre Saddam Hussein et les représentants kurdes en 1970, le dictateur ne respectera jamais ses engagements et ira même jusqu’à mener une campagne de génocide contre les kurdes de février à septembre 1988. À la suite de la première guerre du Golfe, une zone autonome kurde est établie au nord de l’Irak et sert de base arrière aux Américains pendant les guerres du Golfe.
Question kurde :
Ensemble des problématiques et enjeux liés à la minorité kurde, une population iranophone comptant environ 35 millions de personnes, répartie entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie.
Conclusion :
Entre 1970 et 1990, le Proche-Orient est progressivement devenu l’épicentre des tensions mondiales, éclipsant l’Europe de la fin de la guerre froide. La construction de l’État d’Israël à partir de 1948 a profondément et durablement divisé les peuples du Proche et du Moyen-Orient et a bouleversé une première fois la géopolitique mondiale en engendrant des conflits de grande envergure qui ont conduit les belligérants à radicaliser leur position quant à la question palestinienne. Si le retrait des puissances arabes du conflit israélo-palestinien n’a pas résolu le problème de fond, il a fait émerger de nouveaux acteurs et de nouveaux enjeux.
Suite à la révolution islamique en Iran, les idéologies islamistes ont connu un nouveau souffle et se sont développées dans l’ensemble de la région. Elles ont souvent pris le relais des États arabes comme acteurs de la contestation contre les occidentaux et dans la mondialisation. Elles ont adopté des méthodes plus violentes comme le terrorisme. Les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont permis également aux pétromonarchies de prendre conscience de leur rôle dans l’économie mondiale, entraînant la région dans de nombreux conflits liés à l’appropriation des ressources.