Le système politique démocratique
Introduction :
Selon les philosophes des Lumières du XVIIIe siècle, l’ordre politique naît de la volonté des individus d’abandonner une partie de leur liberté au profit d’une entité supérieure afin de garantir la paix entre les individus. Cette entité détient ainsi un pouvoir sur les individus qui composent la société et peut les contraindre à agir d’une manière qui permette le maintien de la paix sociale.
Actuellement, ce pouvoir est incarné par l’État. Cette forme d’organisation du pouvoir politique est une construction qui se développe en Europe à partir du Moyen Âge.
Ce cours va nous permettre d’analyser le processus de création des États, en prenant comme appui la constitution de l’État français, puis nous questionnerons les conditions d’existence d’un pouvoir démocratique.
D’où vient le pouvoir politique ?
D’où vient le pouvoir politique ?
Pouvoir :
Le pouvoir désigne la capacité pour une personne, un groupe ou une institution d’obtenir d’autrui une action qu’elle n’aurait pas effectuée autrement. Le pouvoir repose donc sur un rapport de domination.
Un enseignant dans une classe, les parents avec leurs enfants, une cheffe d’entreprise avec son salarié ou encore un médecin face à un patient, tous exercent un pouvoir. Pour autant, ces formes de pouvoir ne correspondent pas à un pouvoir politique au sens strict.
En effet, pour que l’on puisse parler de pouvoir politique, il doit y avoir une capacité pour un groupe, un gouvernement par exemple, à diriger la société et à orienter l’ensemble des comportements de ses membres.
Les formes de pouvoirs politique
Les formes de pouvoirs politique
Max Weber, fondateur de la sociologie en Allemagne, a élaboré une célèbre typologie des différentes formes de pouvoir politique reposant toujours sur un rapport de domination.
La domination traditionnelle : comme son nom l’indique, elle repose sur la tradition. Les coutumes et les croyances exercent à elles seules un pouvoir sur les individus. Les grandes familles de monarques durant le Moyen Âge exerçaient leur pouvoir par le poids des traditions (« Le Roi est mort, vive le Roi ! »). Les monarques de droit divin étaient ainsi considérés comme descendants des dieux.
La domination charismatique : les individus se soumettent au caractère exceptionnel, héroïque, de la personne qui exerce le pouvoir. En France, on peut penser à Napoléon Bonaparte ou au général de Gaulle. Dans le monde, on peut prendre l’exemple de Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud.
La domination légale-rationnelle : les individus se soumettent aux règles juridiques (c’est-à-dire au droit) car elles sont rationnelles (issue d’une réflexion) et donc perçues comme efficaces. L’État incarne alors une domination de type « légale-rationnelle ».
Il s’agit, pour reprendre la célèbre expression du sociologue Max Weber, d’un « idéal-type ». Ces formes idéales de domination ne se rencontrent jamais complétement dans la réalité. Elles servent à mieux comprendre le réel. D’ailleurs, les trois types de domination peuvent cohabiter.
La naissance des États modernes
La naissance des États modernes
Au Moyen Âge, le territoire français était composé de plus d’une centaine de fiefs. À cette époque, le roi exerçait son pouvoir sur une partie limité du royaume, le domaine royal, et certains des seigneurs féodaux étaient bien plus puissants que lui.
En redécouvrant les textes du droit romain, le pouvoir royal entreprend un processus de conquête et d’unification du pouvoir sur l’ensemble du royaume.
Les juristes royaux, c’est-à-dire les personnes chargées d’interpréter et d’appliquer le droit, considèrent que le roi détient son pouvoir de Dieu et que, de ce fait, il ne peut être le vassal d’aucun seigneur féodal. Cela place le roi au sommet de la pyramide féodale.
Les juristes royaux développent ensuite la notion de souveraineté pour légitimer le pouvoir suprême du roi sur le royaume. Selon cette notion, le roi détient le seul pouvoir légitime sur le territoire royal.
Souveraineté :
La souveraineté est le droit exclusif d'exercer le pouvoir politique sur un territoire.
L’unification du pouvoir en France se poursuit au fil des siècles en utilisant plusieurs biais :
- la justice : le roi supprime progressivement les compétences détenues par les seigneurs féodaux ;
- le financement de l’armée : le prélèvement d’impôts permet de financer l’armée qui protège les individus contre les menaces extérieures. En consentant à l’impôt, les individus acceptent aussi l’existence d’un pouvoir central les protégeant ;
- la Révolution française : en abolissant les privilèges dans la nuit du 4 août 1789, elle contribue à la centralisation du pouvoir. En effet, en défaisant les trois ordres (le clergé, la noblesse et le tiers état), la Révolution entend rendre les individus libres et égaux en droits sur tout le territoire. La Révolution rompt les frontières des anciennes provinces et transfère le pouvoir à des autorités sous contrôle de l’autorité centrale ;
- l’institutionnalisation du pouvoir : progressivement, l’État se dote d’une organisation bureaucratique composée de fonctionnaires spécialisés, recrutés en fonction de leurs compétences. Ce mode de fonctionnement de l’État empêche l’appropriation de la fonction par celui qui l’exerce, ainsi que la transmission héréditaire du pouvoir.
On assiste donc progressivement à la constitution d’un État moderne détenant seul la capacité d’exercer une violence légitime sur autrui (emprisonner, sanctionner, imposer…).
État :
Selon le sociologue allemand Max Weber, l’État représente une communauté humaine qui, sur son territoire, détient le monopole de la violence légitime. Il est donc le seul à être habilité à faire usage de cette violence.
Violence légitime :
La violence légitime fait référence au monopole dont dispose l’État pour contraindre légalement les individus à obéir, en utilisant la force si nécessaire. Personne, hormis l’État, n’est en droit d’exercer une violence sur autrui.
Au XIXe siècle, un nouveau concept fait irruption en France et en Allemagne : la nation. On distingue deux conceptions de la nation :
- une conception objective (conception allemande) qui définit la nation comme un groupe composé d’individus partageant certains traits communs, tels que la langue, l’histoire, la culture et la religion. Dans ce cas, l’appartenance à la nation est déterminée par l’hérédité et est indépendante des individus qui la composent.
- une conception élective (conception française) qui affirme que la nation est composée par l’ensemble des individus qui souhaitent vivre ensemble, quelles que soient leurs différences objectives. Dans ce cas, l’appartenance à la nation est un choix pour l’individu, et elle permet à un étranger de prendre la nationalité s’il partage le projet politique de la nation d’adoption. C’est l’approche qui est utilisée pour la nation française.
Nation :
« Nation » vient du verbe latin nacere qui signifie « naître ». Une nation désigne un peuple partageant des caractéristiques communes (conception objective) ou souhaitant vivre ensemble (conception élective).
La nation ne se confond pas toujours avec l’existence d’un État.
Ainsi, il y a des nations sans État, comme les Kurdes, et des États composées de différentes nations, comme le Royaume-Uni.
Les Kurdes représentent environ 40 millions d’individus et vivent dans quatre pays différents : la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie. Quant au Royaume-Uni, il est composé de différentes nations : les nations anglaise, écossaise, galloise et irlandaise du nord.
La France se définit quant à elle comme un État-Nation puisqu’elle a imposé, parfois par la force, une langue unique, des symboles (un drapeau, un hymne, etc.), des principes communément partagés aujourd’hui.
Comment caractériser le pouvoir démocratique ?
Comment caractériser le pouvoir démocratique ?
Démocratie :
Régime politique dans lequel les citoyens sont souverains.
Ils exercent librement leurs droits politiques en désignant leurs représentants à l'occasion d'élections libres au cours desquelles des choix de vote sont possibles, en ayant la liberté d'expression et d'association.
« La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. »
Abraham Lincoln, président des États-Unis (1860-1865).
Historiquement, le terme renvoie d’abord à une expérience antique aux VIe et Ve siècles avant notre ère : celle de la cité d’Athènes. Cependant, la démocratie athénienne était une démocratie directe bien différente de celle dans laquelle nous évoluons.
Dans une démocratie directe, tous les citoyens sont invités à participer au pouvoir. Le tirage au sort est d’ailleurs considéré comme réellement démocratique, puisqu’il oblige tout le monde par le hasard à participer à la chose publique.
Nous vivons quant à nous dans le cadre d’une démocratie représentative. Les citoyens élisent des représentants qui incarnent alors la nation. On parle à ce titre de souveraineté nationale.
Les conditions d’un pouvoir démocratique
Les conditions d’un pouvoir démocratique
Les démocraties représentatives telle que la France, peuvent dériver vers un régime politique autoritaire. En effet, un représentant ou un parti élu peut être tenté de monopoliser le pouvoir à des fins personnelles.
Pour éviter ces dérives, de nombreuses conditions sont nécessaires.
- La reconnaissance de droits
Un pouvoir démocratie est un pouvoir qui reconnaît à ses citoyens des droits civils et politiques, comme par exemple le droit de vote, la liberté d’expression, de circulation, de réunion, d’association, de manifestation… Le respect de ces droits est considéré comme un critère important en démocratie.
Pourtant, ces droits civils et politiques ont mis du temps à être reconnus.
Par exemple, en France, ce n’est qu’à partir de la IIIe République qu’ils se développent. En 1881, une loi protège la liberté et l’indépendance de la presse. En 1884, c’est au tour de la liberté syndicale d’être proclamée. En 1901, la liberté d’association voit le jour (elle n’avait pas été reconnue tout au long du XIXe siècle).
Au cours du XXe siècle, les droits civils et politiques sont complétés par des droits économiques et sociaux. Ces derniers naissent dans le cadre de la IVe République, peu de temps après la Seconde Guerre mondiale. Il y a alors la création du droit à la sécurité sociale, à l’indemnisation du chômage.
Actuellement, une troisième génération de droits voit le jour : il s’agit de droits environnementaux avec les principes associés au développement durable (le droit à un air non pollué, le droit aux transports en commun, etc.).
Mais la reconnaissance des droits ne suffit pas à elle seule à caractériser un pouvoir démocratique.
- Le pluralisme politique
Un pouvoir n’est pas démocratique sans la présence d’un pluralisme politique.
En effet, reconnaître des droits ne sert à rien si un seul parti dirige et oriente les comportements des citoyens.
Pluralisme politique :
Le pluralisme signifie que la compétition électorale pour accéder aux postes de représentants est ouverte à des candidats de partis politiques différents portant des programmes différents.
Le pluralisme est à la fois une condition de la démocratie mais aussi un atout pour celle-ci. En effet, la concurrence électorale pousse alors chaque camp à proposer un programme et des idées qui répondent aux problèmes et aux enjeux de la société. Les citoyens et citoyennes peuvent alors sélectionner les idées qu’ils/elles jugent les plus pertinentes.
Cependant, cette condition n’est toujours pas suffisante pour que l’on puisse parler de démocratie.
- Le suffrage
La reconnaissance de droits et la mise en place d’un pluralisme doit également être accompagnées d’un large suffrage.
Suffrage :
Le suffrage est une expression qui désigne un vote, une voix donnée par l'électeur à un candidat ou à une liste de candidats.
Le suffrage est dit universel lorsque tous les citoyens en âge de voter sont invités aux urnes.
En revanche, on parle de suffrage censitaire lorsque seuls certains citoyens, généralement les plus fortunés, sont invités à exprimer leur voix.
L’histoire de la démocratie française a été marquée d’allers-retours entre suffrage universel (masculin) et suffrage censitaire.
Par exemple, entre 1830 et 1848 (monarchie de Juillet), seulement 10 % des hommes en âge de voter pouvaient le faire (suffrage censitaire). Notons également que les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1944.
Une démocratie suppose donc l’existence d’un large suffrage afin de permettre également à toutes les opinions de s’exprimer.
Enfin, un pouvoir démocratique se doit aussi de garantir la tenue d’élections régulières.
La reconnaissance des droits, la présence d’un pluralisme politique et la mise en place d’un suffrage assez large ainsi que la tenue d’élections de manière régulière conditionnent donc l’exercice du pouvoir démocratique.
L’importance de l’État de droit en démocratie
L’importance de l’État de droit en démocratie
Le sociologue allemand Max Weber soulignait que nos États modernes se sont imposés à travers la domination légale rationnelle : le droit.
Mais l’idée d’État de droit va encore plus loin : l’État est lui-même soumis par le droit. Pour le dire autrement, un État de droit est un pouvoir institutionnel dans lequel l’État limite lui-même ses pouvoirs. En effet, un État qui ne se soumet pas lui-même aux droits et aux devoirs qu’il entend faire appliquer ne serait plus réellement démocratique.
Un État de droit met donc en place une hiérarchie des normes, c’est-à-dire une organisation par ordre d’importance des règles juridiques. Plus un principe est proche de la volonté du peuple et plus ce dernier est placé au sommet de la hiérarchie des normes.
Ainsi, nous retrouvons en France comme dans la grande majorité des pays, une constitution au sommet de la hiérarchie.
Constitution :
Texte fondateur d'un régime politique. Elle se situe au sommet de la hiérarchie des normes d'un État. Elle constitue ce que l'on appelle la loi fondamentale. Elle énonce :
- l’ensemble des règles qui organisent les pouvoirs publics et leurs rapports entre eux (gouvernement, parlement, président…) ;
- les libertés publiques (ou libertés fondamentales) qui sont accordées à toute personne résidant sur le territoire ou ressortissante de l'État concerné.
Toutes les lois et tous les règlements nationaux doivent être compatibles avec ce texte.
En France, le Conseil constitutionnel est chargé de vérifier la constitutionnalité des textes adoptés. Notre Constitution actuelle, celle de la Ve République, date du 4 octobre 1958. Elle incorpore aussi les textes à valeur constitutionnelle comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004.
Tous ces textes énoncés dans la Constitution forment le bloc de constitutionnalité. Toute loi se doit de respecter la loi fondamentale présente dans ce bloc.
Conclusion :
La vie en société suppose la mise en place d’un ordre politique qui exerce sur un territoire donné un pouvoir orientant durablement les comportements des individus en société dans le sens souhaité.
En France, l’État est le fruit d’une longue lutte pour unifier le pouvoir politique. Ce processus s’est appuyé sur la construction d’une identité collective unique : la nation française.
Actuellement, la nation détient la souveraineté car c’est d’elle que le pouvoir politique tire sa légitimité. C’est l’un des fondements de notre démocratie.
En démocratie, les citoyens participent à l’ordre politique puisqu’ils détiennent le droit d’élire des représentants (démocratie représentative).
Mais pour fonctionner, une démocratie doit aussi reconnaître aux citoyens de nombreux droits afin de permettre un choix éclairé de la part des citoyens.
Il faut également garantir la tenue d’élections régulières et ouvertes au plus grand nombre tout en favorisant un pluralisme politique.
Enfin, l’État, détenteur du monopole de la violence légitime, se doit de respecter les principes qui émanent de la volonté populaire. Un État démocratique est ainsi aussi un État de droit qui organise ses pouvoirs dans le but de ne pas en abuser.