Les différences de focalisation dans un texte
Introduction :
La focalisation dans un texte est une notion que l’on considère comme définitivement acquise dès le premier jour de l’année de troisième. Pourtant chaque année, nombre d’élèves n’ont plus exactement en tête les tenants et aboutissants de la focalisation.
Dans cette leçon, nous verrons les trois focalisations possibles dans une narration, qui sont :
- la focalisation interne ;
- la focalisation zéro ;
- et la focalisation externe.
Mais dans un premier temps, voici une explication de ce que l’on entend par le mot « focalisation ».
Quelques distinctions importantes
Quelques distinctions importantes
Auteur et narrateur
Auteur et narrateur
ll ne faut pas confondre l’auteur et le narrateur :
- l’auteur est la personne qui a écrit le texte. C’est un être humain réel ;
- le narrateur, c’est celui qui, dans un texte, raconte l’histoire.
Il arrive que l’auteur soit aussi le narrateur, comme par exemple dans le cas d’une autobiographie. C’est un genre littéraire où un écrivain raconte sa propre histoire : il est donc à la fois auteur du livre et narrateur dans le texte.
Narrateur interne et narrateur externe
Narrateur interne et narrateur externe
Avant d’aborder la focalisation à proprement parler, il faut préciser ce qu’est le statut du narrateur. Pour le déterminer, il faut se demander si le narrateur est un personnage de l’histoire ou non. Il y a donc deux statuts possibles :
- le statut interne, lorsque le narrateur fait partie de l’action qu’il raconte ;
- le statut externe, lorsque le narrateur ne fait pas partie de l’action qu’il raconte.
Il ne faut pas tout mélanger : si les termes employés pour nommer le statut du narrateur sont les mêmes que pour la focalisation, il y a néanmoins une nuance.
Les types de focalisation
Les types de focalisation
Focalisation :
La focalisation, c’est l’endroit où le narrateur se place pour raconter et ce qu’il est capable de savoir. C’est un synonyme de « point de vue ».
La focalisation interne
La focalisation interne
Focalisation interne :
On parle de focalisation interne lorsque le point de vue du narrateur est à l’intérieur d’un des personnages, et le plus souvent à l’intérieur du personnage principal.
Dans le cas fréquent où le narrateur est le personnage principal, il emploie la première personne du singulier, c’est-à-dire « je », pour raconter ses aventures. Un exemple très simple :
J’étais perdu, seul, sur cette plage, absorbé dans mes pensées. Je n’arrêtais pas de revoir le visage d’Alice. Je lui avais tout avoué. Après tant d’années de silence, je lui avais enfin confessé mes sentiments dans une lettre. Et maintenant, j’étais paniqué.
- Le narrateur, celui qui raconte l’histoire, c’est bien la même personne que celui à qui arrive cette histoire. Que se passe-t-il si un autre personnage apparaît, et débute un dialogue ?
À ce moment précis, j’ai senti une présence derrière moi. Je me suis alors retourné : elle était là, en face de moi, le visage baigné de larmes.
– J’ai lu ta lettre, me murmura-t-elle.
Je ne sus quoi lui répondre. J’étais à la croisée des chemins. C’était l’heure du choix, et ma gorge se serrait.
– Je ne voulais pas te déranger avec ces idioties, lui répondis-je en un sanglot.
Mais elle m’arrêta dans mon élan. Elle s’approcha de moi, me prit la main, et fondit de nouveau en larmes.
Il faut prêter attention à l’utilisation systématique du « je » dans ce type de focalisation. Cette histoire de retrouvailles ne nous est donnée qu’à travers un point de vue : celui du personnage principal. Cela veut dire que le lecteur en sait autant que lui et qu’il découvre l’action en même temps.
- Cette focalisation permet de ménager le suspense car jusqu’au bout, on ignore quelle sera la réaction d’Alice.
La focalisation zéro
La focalisation zéro
Focalisation zéro :
Dans une focalisation zéro, le point de vue n’est placé nulle part en particulier, et par là-même, il peut être partout à la fois. C’est un synonyme de « point de vue omniscient ».
L’histoire du précédent exemple aurait très bien pu être racontée différemment, à l’aide d’une focalisation zéro.
On appelle également la focalisation zéro le point de vue omniscient. Omniscient veut tout simplement dire : « qui sait tout » ; un narrateur qui saurait tout de ses personnages, et qui pourrait livrer les moindres de leurs pensées. Ce narrateur a donc un statut externe à l’histoire, il ne fait pas partie des personnages, et peut tout raconter d’eux. Si l’on reprend l’exemple de tout à l’heure, cela donnerait quelque chose comme :
Jean de la Maréchaussée était perdu, seul, sur cette plage, absorbé dans ses pensées. Il n’arrêtait pas de revoir le visage d’Alice. Il lui avait tout avoué. Après tant d’années de silence, il lui avait enfin confessé ses sentiments dans une lettre. Et maintenant, il était paniqué. Car il lui était impossible de savoir qu’Alice partageait ses sentiments depuis le premier jour ; que cette lettre, elle l’avait attendue en vain chaque matin depuis leur premier regard échangé. Ainsi, lorsqu’elle la reçut enfin, elle se rendit d’instinct sur la plage, où elle savait que Jean passait ses après-midi. Lorsqu’elle arriva enfin derrière lui, elle ne sut que dire, tout d’abord. Mais celui-ci sentit sa présence, et se retourna vers elle. Le visage d’Alice était baigné de larmes.
– J’ai lu ta lettre, murmura-t-elle.
Jean ne sut quoi lui répondre. Il était à la croisée des chemins. C’était l’heure du choix, et sa gorge se serrait.
– Je ne voulais pas te déranger avec ces idioties, lui répondit-il en un sanglot.
Mais Alice l’arrêta dans son élan. Elle s’approcha de lui, lui prit la main, et fondit de nouveau en larmes.
Ici, l’histoire n’est pas racontée par un « je » mais bien par un « il » ou « elle » qui n’apparaît pas. Cela paraît logique, puisque le narrateur n’est pas dans cette histoire.
Il y a ici plein de nouvelles informations : on apprend que le personnage principal s’appelle Jean. Mais surtout, on connait d’entrée de jeu les sentiments d’Alice. Il n’y a plus de suspense sur sa réponse, puisque le narrateur omniscient la fait connaître immédiatement.
- On perd en tension dramatique ce qu’on gagne en profondeur des personnages.
Tout à coup, Alice apparaît aussi réelle que Jean. Elle n’est plus seulement un objet de fascination. Désormais, elle a une histoire, des sentiments, des réactions humaines. C’est là l’avantage de la focalisation zéro.
La focalisation externe
La focalisation externe
Le dernier type de focalisation possible est la focalisation externe. Il y a un rapport entre focalisation externe du point de vue et statut externe du narrateur.
Un statut externe peut déboucher sur une focalisation zéro, dans laquelle le narrateur sait tout sur tout le monde, ou sur une focalisation externe.
Focalisation externe :
La focalisation externe, c’est quand l’histoire est racontée de l’extérieur des personnages (comme dans la focalisation zéro), mais sans pour autant nous laisser accéder à leur intériorité.
Dans une focalisation externe, l’œil du narrateur est semblable à celui d’une caméra : il filme, en quelque sorte, la scène, en décrivant l’aspect physique des décors, des personnages, mais sans jamais savoir ce qu’ils pensent. Le point de vue est alors externe au récit : il le regarde de loin, sans forcément comprendre tout ce qui se passe. Si l'on passe l’exemple précédent en focalisation externe, cela donne :
Jean de la Maréchaussée était seul, sur cette plage, aussi immobile que silencieux. Voilà plusieurs minutes qu’il restait là, à contempler l’horizon, lorsqu’Alice arriva enfin derrière lui. Lentement, Jean se retourna vers elle, et vit que son visage était baigné de larmes.
– J’ai lu ta lettre, murmura-t-elle.
Jean ne répondit rien pendant un long moment. Il la regardait.
– Je ne voulais pas te déranger avec ces idioties, finit-il par sangloter.
Mais Alice l’arrêta dans son élan. Elle s’approcha de lui, lui prit la main, et fondit de nouveau en larmes.
On remarque immédiatement que la longueur du texte n’est plus la même que lorsqu’il était en focalisation zéro : il est bien plus court. Le narrateur se limite ici à décrire ce qu’il voit, et seulement cela. On a donc des mouvements, des dialogues, mais aucune dérive sur la psychologie des personnages.
- Ce genre de point de vue sert à ménager des effets de suspense dans un texte. De plus, il laisse le lecteur libre d’interpréter la scène selon sa sensibilité. Quelque part, ce point de vue est celui qui se rapproche le plus du cinéma.
Conclusion :
Bien que les termes qui les qualifient soient en partie identiques, il ne faut pas confondre statut du narrateur et focalisation.
- Le statut du narrateur peut être interne ou externe, selon qu’il est ou non un des personnages de l’histoire.
- La focalisation, ou point de vue, peut être interne, zéro ou externe.
Le statut interne est lié à la focalisation interne, autrement dit, un narrateur qui est un personnage de l’histoire racontera l’histoire selon son propre point de vue. L’histoire sera racontée à la première personne du singulier (avec l’emploi de « je »).
Le statut externe peut être lié à la focalisation zéro, aussi appelée point de vue omniscient (qui sait tout). Dans ce cas, le narrateur raconte une histoire dont il ne fait pas partie à la troisième personne du singulier, (« il », « elle » ou « on ») et connaît tout des sentiments qui animent ses personnages.
Enfin, dans la focalisation externe, le narrateur ne sait rien des sentiments des personnages. Il décrit la scène comme le ferait l’œil d’une caméra : sobrement, mécaniquement.