Les efforts de coopération internationale depuis 1990
Introduction :
La fin de la guerre froide a ouvert le monde à de nouvelles perspectives en ce qui concerne la gestion des affaires internationales. Si, depuis 1945, les logiques de cette guerre bloquaient le bon fonctionnement des institutions internationales et que les deux blocs défendaient des positions fermes et inamovibles, la chute de l’URSS a permis de faire réémerger la question du multilatéralisme et l’idée d’une gestion plus globale du monde. En 1990, les États-Unis d’Amérique deviennent la première puissance mondiale incontestée en diffusant leur modèle et en jouant le rôle de « gendarmes du monde ». L’unification des politiques économiques mondiales et l’accélération de la mondialisation ont également renforcé le besoin de coopération économique. Il faut désormais définir des règles concernant le fonctionnement du monde.
Nous verrons dans ce cours comment les institutions internationales se sont renforcées depuis 1990, en étendant les coopérations à de nombreux domaines. Puis nous étudierons quels sont les enjeux de la coopération internationale.
Le renforcement des institutions internationales
Le renforcement des institutions internationales
Le nouveau contexte des années 1990 a fait ré-émerger les projets de coopération promouvant l’idée d’une gestion plus globale de la planète, notamment par le biais du renforcement des institutions internationales.
Une nouvelle ère de diplomatie
Une nouvelle ère de diplomatie
La principale institution internationale à avoir été renforcée à la fin de la guerre froide est l’Organisation des Nations unies (ONU). Créée en 1945 au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU a été pendant quarante ans neutralisée par l’opposition frontale entre le bloc de l’Ouest américain et le bloc de l’Est soviétique. Cette organisation était voulue à l’origine comme un lieu de discussion favorisant la coopération internationale et les efforts de règlement diplomatique des contentieux internationaux. C’est à partir des années 1990 que l’ONU a réellement pris de l’ampleur : enfin débarrassée de toute confrontation idéologique, elle a pu étendre ses efforts de négociations pour résoudre les conflits en cours. L’ONU a ainsi multiplié ses efforts pour encourager la mise en place de transitions politiques et sociales afin de promouvoir l’émergence de sociétés plus apaisées, intégratrices et démocratiques.
Le président américain Bill Clinton au côté de Nelson Mandela et de Frederik de Klerk
C’est par exemple le cas en Afrique du Sud, où l’ONU a favorisé le dialogue entre les différents partis pour aboutir à la fin de l’apartheid. En effet, depuis 1948, l’Afrique du Sud était dominée par un régime raciste qui séparait les populations issues de la colonisation européenne de celles d’origines africaines : en clair, cela consistait à séparer géographiquement, à toutes les échelles, des populations noires et des populations blanches. Ce régime de discrimination raciale, portant le nom d’apartheid, a perduré pendant des décennies avec le soutien des États-Unis qui, en plein contexte de guerre froide, confiaient à l’Afrique du Sud le rôle de relais de l’anticommunisme en Afrique. À la fin des années 1980, alors que l’URSS s’ouvre progressivement au monde et que les tensions Est-Ouest s’affaiblissent, les États-Unis retirèrent leur soutien au régime sud-africain. L’ONU favorise alors la mise en place d’un dialogue entre le parti ANC (African National Congress, parti politique, membre de l’Internationale socialiste), dirigé par Nelson Mandela, et le régime sud-africain, dirigé par Frederik de Klerk. Ce dialogue aboutit en 1994 à la fin de l’apartheid et à l’adoption d’un nouvelle constitution sud africaine inclusive, démocratique et égalitaire incarnée par la présidence de Nelson Mandela de 1994 à 1999.
- Frederik de Klerk a été le dernier président blanc durant l’apartheid. Nelson Mandela et lui reçurent le prix Nobel de la paix en 1993 pour avoir mis fin à cette politique de séparation des populations noires et blanches.
Un autre effort notable de cette diplomatie post-guerre froide concerne la question israélo palestinienne. Les États-Unis participent activement à la mise en place de négociations entre le gouvernement israélien, dirigé par Yitzhak Rabin et l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), dirigée par Yasser Arafat. En 1993, ces négociations aboutissent aux accords d’Oslo, au cours desquels un accord de principe est signé pour une reconnaissance mutuelle de l’État d’Israël et des entités palestiniennes de Gaza et de Cisjordanie. Cet accord historique, marquant l’introduction de la diplomatie et de la négociation politique au cœur d’un conflit vieux de quarante cinq ans, ne suffira cependant pas à régler cette question complexe.
La gestion de l’économie mondialisée
La gestion de l’économie mondialisée
La fin du bloc communiste au début des années 1990 a accentué la mondialisation économique. Tous les pays de l’ancien bloc de l’Est ont rapidement adopté l’économie de marché, changeant les équilibres économiques établis jusqu’alors. En effet, le monde capitaliste s’était refondé en 1945 sur une économie centrée autour des États Unis, avec des institutions qui devaient veiller à la stabilité des États, comme le Fond monétaire international ou la Banque mondiale. Avec la fin du modèle communiste du bloc de l’Est, ces institutions internationales ont étendu leurs services à ces États de l’ancien bloc communiste, en leur conférant des prêts et des conseils de gestion.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est créée en 1995 pour gérer l’économie mondiale. Cette institution est chargée de mettre en place des règles relatives au commerce mondial et d’organiser des plateformes de résolution des contentieux. Favorisant le libre-échange, l’OMC émet aussi des recommandations aux États membres.
Libre-échange :
Le libre-échange est une théorie économique qui a été développée par Adam Smith puis David Ricardo. D’après cette théorie, toutes les entraves à la libre-circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes entre les pays doivent être supprimées.
Cependant, la vision clairement néolibérale de l’organisation favorise les pays les plus riches au détriment des pays les plus faibles, qui doivent aussi se confronter aux lobbies des entreprises privées. L’OMC ne gère pas non plus la direction économique globale. Celle-ci est concentrée entre les mains des plus grandes puissances, qui se réunissent au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, fondée en 1961) et également à l’occasion des réunions G8 ou G20. Ces réunions rassemblent les chefs d’États des pays les plus puissants, favorisant les prises de décision communes en matière économiques, mais négligeant encore une fois l’avis des pays plus faibles économiquement. Ceux ci, réunis au sein du G77, font valoir leur divergence et contestent la gestion de l’économie mondiale par les plus grands pays.
G77 :
Le Groupe des 77 aux Nations unies est une coalition de pays en développement. Leur but est de peser au sein de l’organisation onusienne afin de faire porter leur voie alternative en ce qui concerne notamment l’économie, les échanges de biens ou encore la lutte contre les lobbies.
Les efforts de mise en place d’une justice internationale
Les efforts de mise en place d’une justice internationale
La fin de la guerre froide a aussi ouvert la possibilité de mettre en place une justice internationale. Si cette dernière a été pratiquée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, notamment à l’occasion des procès de Nuremberg et de Tokyo — qui visaient à juger les principaux responsables des crimes des régimes nazis et japonais — la mise en place d’une vraie justice internationale était pourtant impossible à cause du contexte de la guerre froide : il fallait éviter l’opposition judiciaire entre les deux blocs. La Cour internationale de Justice, fondée en 1945, avait alors un rôle surtout consultatif, car le règlement des contentieux était indissociable de l’opposition Est-Ouest. Ainsi, c’est seulement à partir des années 1990 et de la fin de la guerre froide que l’on voit se multiplier des tribunaux spéciaux internationaux jugeant des conflits — tels que les crimes de guerres — qui s’apparentent à ceux jugés entre 1945 et 1948 à Nuremberg et Tokyo : le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (PTIY), fondé en 1993 et le tribunal pénal international pour le Rwanda (PTIR), en 1994.
- La mise en place de tribunaux internationaux, liés à des régions et à des conflits, ainsi que leur succès permet l’élaboration d’un système judiciaire international plus complexe et plus étendu.
Cet effort de création d’une justice internationale aboutit au Statut de Rome en 1998, qui donne naissance à la Cours pénale internationale (CPI). Celle-ci est compétente pour juger les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis à partir de 2002. Cependant, la CPI se heurte au refus de certaines puissances d’y adhérer, de peur de ne devoir y comparaitre pour des crimes commis par leurs armées : c’est notamment le cas de la Chine, de l’Inde, de la Russie et surtout des États-Unis. Si la CPI admet un principe de non-rétroactivité, pour éviter d’avoir à juger des crimes du passé, certains États réclament au contraire la mise en place d’instances judicaires internationales pour pouvoir juger des crimes de régimes passés et ainsi tourner la page mémorielle de ces évènements traumatisants : c’est le cas notamment au Cambodge, où en 2006 a été créée la chambre extraordinaire pour juger les crimes du régime des Khmers rouges (1975-1979).
Principe de non rétroactivité :
Principe selon lequel on ne peut juger des faits antérieurs à la création d’une loi ou d’une institution.
Les grands enjeux de la coopération au XXIe siècle
Les grands enjeux de la coopération au XXIe siècle
Le nouvel ordre mondial avenu en 1990 a aussi ouvert la voie à une plus grande coopération mondiale concernant des enjeux très contemporains, comme le maintien de la paix, la gestion des réfugiés et des migrations ou encore la question environnementale.
Le maintien de la paix
Le maintien de la paix
Depuis les années 1990 et la multiplication de guerres civiles et de conflits localisés à l’intérieur des pays (aboutissant à des situations désastreuses pour les populations concernées ainsi que pour les pays voisins), le maintien de la paix est devenu le centre des enjeux de la gestion du monde. La fondation des Nations unies en 1945 avait pour objectif le maintien de la paix. Cette institution doit favoriser la mise en place de protocoles permettant la résolution pacifique des conflits par le biais d’espaces de discussions et elle doit aussi assurer la protection des civils pour éviter qu’ils ne soient les victimes collatérales de conflits politiques.
Un Casque bleu Pakistanais tient dans ses bras une petite fille congolaise dans la région du Kivu © MONUSCO/Alamgir Khan – CC BY-SA 2.0
Pour cela, l’ONU dispose d’une force militaire : les Casques bleus. Ces derniers, composés de soldats des différents pays membres de l’ONU et coordonnés par une gouvernance internationale, sont chargés du maintien de la paix : ils ne doivent pas intervenir dans le conflit mais assurer la protection des civils et maintenir l’ordre en attendant la résolution pacifique du conflit.
Exceptionnellement, le Conseil de sécurité de l’ONU peut dépêcher les casques bleus dans une zone de conflit pour empêcher l’invasion d’un pays par un autre, comme à l’époque de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1991.
Cette décision est la conséquence d’une entente entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (la France, la Grande-Bretagne, la Chine, les USA et la Russie). À noter que chacun d’eux dispose d’un droit de veto pour s’opposer à une décision qui irait à l’encontre de leurs intérêts.
- Concernant le maintien de la paix à l’échelle mondiale, les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU conservent, encore aujourd’hui, un rôle prééminent et incontournable.
Les réfugiés et les migrations
Les réfugiés et les migrations
Depuis 1990 et l’augmentation des guerres civiles, la gestion des réfugiés est devenue un enjeu croissant pour de nombreux États. Celles-ci sont souvent liées à des questions raciales, ethniques, religieuses ou politiques, et opposent des partis se rejetant entre eux. Ces guerres civiles conduisent souvent à des logiques de nettoyage ethnique, comme en ex-Yougoslavie, voire de génocide, comme au Rwanda. Concernant les populations ciblées, la seule issue pour échapper à la mort ou aux persécutions est la fuite vers les pays voisins, entrainant des crises humanitaires sans précédent pour ces pays, qui doivent accueillir malgré eux des flux de réfugiés dans la détresse la plus totale. Ces derniers sont protégés par le Protocole relatif au statut des réfugiés (datant de 1951) défini par le droit des réfugiés appliqué à partir de 1967. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui dépend de l’ONU, se charge de la gestion des réfugiés grâce à des aides humanitaires et à une assistance auprès des États d’accueil.
Le camp de réfugiés de Suruç en Turquie accueille des réfugiés syriens
Cependant, même si l’ONU œuvre pour favoriser la coopération entre États pour la gestion des réfugiés, celle ci est intimement liée au volontarisme politique des chefs d’États : certains peuvent être tentés d’instrumentaliser l’accueil des réfugiés à des fins politiques, électorales ou l’utilisent comme une occasion pour s’ingérer dans les affaires intérieures de leurs voisins.
Ainsi, la gestion des migrations — qu’elles soient politiques ou économiques — est l’objet de tensions internationales.
- C’est notamment le cas depuis l’apparition de la crise migratoire en Méditerranée, née à la suite des guerres civiles en Syrie, en Irak et en Libye au début des années 2010 : l’afflux massif d’immigrés dans l’Union européenne a poussé les pays de la région à coopérer davantage pour la résolution d’un problème qui dépasse les simples frontières nationales.
Les questions environnementales
Les questions environnementales
L’augmentation des activités industrielles humaines depuis les deux derniers siècles a eu des conséquences environnementales très nocives concernant l’équilibre entre la nature et les sociétés humaines. Jusqu’aux années 1970, la question environnementale n’était que marginale et ne figurait pas dans l’agenda des politiques nationales — encore moins internationales. Cependant, constatant le réchauffement climatique de la planète au cours des dernières décennies et ses conséquences, cette question a pris une place de plus en plus importante dans les discussions internationales entre États. En 1988 se crée le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dépendant de l’ONU : celui ci établit un consensus de la communauté scientifique quant au réchauffement climatique global. Il va, par exemple, avertir le monde sur la fonte des glaces, la montée des eaux, la modification des climats et l’impact combiné de ces phénomènes sur la biodiversité ; il met également en avant l’augmentation des risques de conflits liés à l’appropriation des ressources.
On appelle anthropocène l’époque dans laquelle les activités des sociétés humaines perturbent effectivement le climat et la biodiversité.
En 1992, à l’occasion du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, l’ONU propose aux dirigeants du monde une convention-cadre sur les changements climatiques. C’est une déclaration de principe qui établit un objectif de limitation des gaz à effet de serre. Elle est cependant non contraignante, c'est-à-dire qu’elle n’engage pas à la mise en place de politiques concrètes.
Sommet de la Terre :
Il s’agit de rencontres décennales menées par l’ONU depuis 1972 et qui visent à définir des lignes directrices pour la préservation du climat et de la biodiversité.
Les signataires de cette convention cadre adoptent en 1997 le protocole de Kyoto. Celui-ci engage cette fois-ci les pays les plus polluants à mettre en œuvre des politiques contraignantes afin de réduire la pollution émise, tandis que des mécanismes de flexibilité sont proposés aux pays en voie de développement pour qu’ils puissent se développer tout en limitant leurs émissions polluantes.
Réunion des chefs d’État sous l’égide du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, à l’occasion de la Cop21 à Paris, en 2015
Devant l’augmentation des problèmes climatiques, les États se réunissent à nouveau en 2015 à l’occasion de la Cop21, avec pour objectif commun de réduire les émissions de CO2. Cependant, les accords de Paris qui en débouchent, approuvés par 195 États, consistent en une déclaration de principe n’engageant aucun des État signataires à des mesures concrètes.
Conclusion
La disparition des logiques de la guerre froide en 1990 a donné naissance à un nouveau contexte ayant permis de donner un nouvel élan aux institutions internationales dans la gouvernance mondiale. Les institutions établies dans l’après 1945 ont pu devenir ce qu’elles voulaient être à l’origine, comme l’ONU qui avait été neutralisée par les confrontations des blocs, tandis que d’autres institutions ont vu le jour pour répondre aux nouveaux besoins d’un monde en mouvement.
De nouveaux enjeux internationaux ont été établis, nécessitant de repenser la manière d’aborder les problèmes à l’échelle mondiale en privilégiant davantage de coopération internationale et de volontarisme de la part des plus grandes puissances.