Les Fausses Confidences - Partie 2
Une pièce ambiguë
Une pièce ambiguë
- Dans cette pièce, la notion de « fausse confidence » se décline à tous les niveaux :
- les propos et gestes sont à double entente ;
- les quiproquos sont fréquents ;
- En réalité une seule fausse confidence est centrale : celle de Dubois à Araminte pour lui révéler que son intendant est amoureux d’elle.
- Ce qui rend cette confidence fausse est le fait que Dubois simule, fasse le comédien devant Araminte pour lui faire croire qu’il est de son côté (alors qu’il complote avec Dorante).
- Il introduit ainsi du théâtre dans le théâtre.
- L’exécution de la ruse de Dubois s’appuie sur deux autres temps forts : le portrait et la lettre.
- Pour l’un comme pour l’autre, le lecteur et les spectateurs sont à chaque fois dans la confidence puisqu’ils savent toujours qu’un tour est en train de se jouer.
- L’intrigue, qui trompe un à un les personnages, est donc ambiguë.
- Ces ruses ont une grande influence sur la mise en scène et l’écriture de la pièce.
- Il ne s’agit pas seulement de rendre ces malentendus compréhensibles du public, il faut aussi les rendre comiques.
- Pour ce faire, Marivaux s’appuie sur le principe de la double énonciation théâtrale, en s’aidant notamment des apartés et de l’ironie.
Un duo ambivalent
Un duo ambivalent
- Outre les différents malentendus, l’ambiguïté repose souvent sur le personnage lui-même et non sur la situation.
- Au cœur de la dynamique de tromperie, qui innerve toute l’action, se tiennent Dorante et Dubois.
- Dorante apparaît douteux aux spectateurs : ses efforts sont-ils réellement motivés par l’amour ?
- Comme il est désargenté, et Araminte riche, il est facile de penser qu’il veut se marier avec elle par cupidité.
- Quant à Dubois, il n’est pas un valet frivole et rigolard (comme Arlequin).
- Il tire sa puissance de la connaissance de la psychologie et de la sentimentalité d’autrui.
- D’ailleurs, sa stratégie tient sur les connaissances suivantes :
- dans un premier temps il faut susciter l’amour par la curiosité et la jalousie ;
- dans un deuxième temps il faut le rendre public.
- C’est pourquoi il contraint Araminte à s’interroger sur son désir profond d’épouser le Comte Dorimont, puis à lire publiquement la (fausse) lettre de Dorante.
- Dubois est ainsi un fin psychologue et un redoutable metteur en scène : ses confidences permettent de faire avancer l’action tout en renseignant le lecteur et les spectateurs sur la personnalité des personnages.
- Il fait partie des valets comploteurs qui se multiplient dans le théâtre du XVIIIe siècle (cf. Figaro).
Une manipulation au service de la parole
Une manipulation au service de la parole
- Dubois et Dorante trompent pour arriver à leurs fins, mais également pour prouver aux yeux de chacun ses travers, ses hésitations et ses lâchetés.
- La parole sort grandie de ces tours de passe-passe qui supposent une maîtrise parfaite de la langue.
- Plus qu’un simple élaborateur de situations, Dubois cherche aussi à changer les opinions des membres de son entourage.
- Il est ainsi derrière chaque personnage, comme le montre son « Il faut qu’elle nous épouse ».
- Les tromperies de la pièce servent toutes à mettre au jour quelque chose de vrai : la vérité se mêle toujours au mensonge.
- Le portrait que Dubois dresse de Dorante à Araminte est celui d’un homme fougueux mais toutefois terriblement raisonnable. Il le dit « habile » et « excessi[f] » mais décrit en réalité un être délicat et attentionné.
- Il ne faut pas voir Dubois comme un simple « confident », Marivaux en fait aussi un être à l’origine des confidences.
- Il est ainsi apte à dévoiler les hypocrisies de la noblesse et de la bourgeoisie, tout en désignant au spectateur la situation complexe des femmes dans la bonne société française de son époque.
- Par les mots du vocabulaire amoureux, Dubois éveille la curiosité de ses interlocuteurs.
- C’est parce qu’il sait improviser une histoire à toute vitesse et la raconter avec vivacité qu’il est si convaincant.
- Les effets sont visibles sur Araminte qui éprouve de long moment de trouble, jusqu’à ne plus se « remettre » en mémoire ce qu’elle voulait dire.
- Les effets de la parole sont donc cataclysmiques et d’une grande efficacité.
- Ils sont aussi contagieux : via la parole, Araminte se rebelle contre sa mère et plus largement contre la bonne société de son époque.
ARAMINTE. — En vérité, ma mère, vous seriez la première à vous moquer de moi, si ce que vous dites me faisait la moindre impression. Ce serait une enfance à moi que de le renvoyer sur un pareil soupçon. Est-ce qu’on ne peut me voir sans m’aimer ? Je n’y saurais que faire ; il faut bien m’y accoutumer et prendre mon parti là-dessus. Vous lui trouvez l’air galant, dites-vous ? Je n’y avais pas pris garde, et je ne lui en ferai point un reproche. Il y aurait de la bizarrerie à se fâcher de ce qu’il est bien fait. Je suis d’ailleurs comme tout le monde ; j’aime assez les gens de bonne mine. »