Les grandes découvertes
Introduction :
Depuis l’Antiquité, les hommes cherchent à explorer le monde. Mais c’est au cours du XVe et du XVIe siècle que les découvertes de nouveaux territoires s’accélérèrent. Les hommes entreprennent de s’aventurer de plus en plus loin, grâce aux progrès faits en matière de navigation. Le départ vers l’inconnu et le voyage particulièrement périlleux (c’est-à-dire dangereux) qu’effectuent les navigateurs nécessite un courage hors norme. Les récits de ces expéditions sont l’occasion pour le lecteur de découvrir les aventures extraordinaires des explorateurs. Nous nous interrogerons sur les motivations des hommes qui ont entrepris ces voyages si risqués et nous nous demanderons si les expéditions des XVe et XVIe siècles, qui impliquent la rencontre de l’autre, sont synonymes de découverte ou de conquête.
Les motivations des explorateurs
Les motivations des explorateurs
Les voyages maritimes au XVe siècle représentaient un réel danger.
Les expéditions duraient des mois, voire même des années, et les risques étaient nombreux. On peut alors se demander ce qui pouvait motiver ces voyages hautement périlleux. Christophe Colomb en expose les raisons dans son journal de bord.
Journal de bord :
Un journal de bord est un récit détaillé et quotidien de tous les événements qui se déroulent à bord du bateau.
Dans cet extrait, il s’agit du récit de la découverte de San Salvador le 12 octobre 1492.
« La terre paraît à deux heures du matin. Au matin, je débarque dans une petite île. Je déploie la bannière royale et j’en prends possession au nom du Roi et de la Reine. Tous les Indiens vont nus comme leur mère les a mis au monde. Certains se peignent en noir, d’autres de blanc, d’autres de rouge ; ils n’ont pas de fer. Je crois qu’ils se feraient aisément chrétiens, car il m’a paru qu’ils n’étaient d’aucune religion. J’étais très attentif et m’employais à savoir s’il y avait de l’or. À force de signes, je pus comprendre qu’au sud était un roi qui en avait énormément. »
On peut noter l’omniprésence du pronom personnel « je » dans cet extrait.
Omniprésence :
L’omniprésence désigne le fait d’être présent partout, tout le temps.
Christophe Colomb raconte l’expédition à la première personne du singulier puisqu’il en est le meneur.
Il s’agit donc d’un récit autobiographique mais également documentaire puisque le narrateur (la personne qui raconte l’histoire, Christophe Colomb) rapporte au roi, et donc au lecteur, des informations sur les territoires et les populations.
Récit autobiographique :
Un récit autobiographique est un récit qu’une personne réelle (l’auteur) fait de sa propre vie. L’auteur est donc à la fois le narrateur et le personnage principal de l’histoire, le héros.
On peut voir dans cet extrait que Christophe Colomb récolte des informations sur les coutumes des habitants de l’île, comme un ethnologue.
Ethnologue :
Un ethnologue est un scientifique qui étudie la manière de vivre, les coutumes et la langue des populations.
On trouve également dans ce texte des renseignements sur l’armement de cette population. En effet, l’explorateur précise que les habitants de l’île « n’ont pas de fer » ce qui signifie qu’ils ne sont pas armés. Cette indication est précieuse pour le roi : s’il veut conquérir ce territoire, il sait déjà que les indigènes ne seront pas en mesure de s’opposer aux envahisseurs.
De plus, Christophe Colomb suggère au roi la possibilité d’exporter la religion chrétienne. Il écrit en effet :
« Je crois qu’ils se feraient aisément chrétiens, car il m’a paru qu’ils n’étaient d’aucune religion. »
Il s’agit d’une motivation importante pour les Européens, grands découvreurs qui souhaitent imposer leur religion et leurs idées.
Enfin, l’explorateur informe le roi sur les richesses du territoire, en l’occurrence les provisions en or. Il s’avère qu’un roi indigène en possède « énormément ».
Ce dernier point est évidemment une motivation essentielle pour les Européens qui se lancent dans des expéditions vers des contrées inconnues pour étendre leurs royaumes et exploiter les richesses de ces territoires.
Les grandes découvertes sont financées par les royaumes européens tels que la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal. Dans ce contexte, on peut se demander si ces découvertes ne s’apparentent pas à des conquêtes.
Si les expéditions peuvent être l’occasion pour l’homme de découvrir le monde et de repousser les limites du possible, elles sont aussi un moyen d’assouvir son désir de conquête.
La cupidité pousse les royaumes européens à envoyer toujours plus de navires piller les territoires encore sauvages ou peuplés de populations non armées. L’expansion du commerce en Europe, après la guerre de Cent Ans, pousse les royaumes à mener des expéditions afin de profiter des richesses exotiques. Les territoires sont alors pillés pour l’or, le café, le chocolat, la canne à sucre et les habitants exploités afin de cultiver ou extraire ces richesses.
Les familles nobles rêvent également d’étendre leurs seigneuries, et les terres lointaines éveillent un certain goût pour l’exotisme. Ils financent donc les voyages d’explorateurs qui deviennent alors des marchands conquérants, s’appropriant des terres et même des populations entières.
L’arrivée des navigateurs européens perturbe la vie des autochtones. On peut alors assister à un choc des cultures entre des peuples aux coutumes différentes.
Le rapport à l’autre
Le rapport à l’autre
Le point de vue humaniste : ouverture et respect
Le point de vue humaniste : ouverture et respect
Humanisme :
L’humanisme est un courant littéraire et culturel du XVIe siècle qui place l’homme au cœur des préoccupations et manifeste un grand intérêt pour le savoir.
Jean de Léry, artisan du XVIe siècle, part rejoindre une colonie au Brésil. Lors de cette expédition, les protestants, dont il fait partie, sont persécutés par les catholiques et contraints de s’enfuir. Il se cache alors dans la tribu des Indiens Tupinambas. Cela lui donne l’occasion de les connaître. Vingt ans après son retour en France, il publie son récit de voyage Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil alors que les guerres de religions frappent la France. Face à l’altérité, Jean de Léry se montre respectueux envers ces populations présentées comme « sauvages », alors même qu’il semble effrayé par certaines de leurs coutumes comme le cannibalisme.
Altérité :
L’altérité est ce qui est autre, différent de soi.
Cannibalisme :
Le cannibalisme est le fait de manger un être de sa propre espèce.
Dans l’extrait suivant, Jean de Léry échange avec un indien sur le comportement des Européens.
Le point de vue de l’Indien lui donne l’occasion de remettre en question les coutumes européennes.
« “- Vraiment, dit alors mon vieillard (lequel comme vous jugerez n’était nullement lourdaud), à cette heure connais-je que vous autres Mairs, c’est-à-dire Français, êtes de grands fols 1 : car vous faut-il tant travailler à passer la mer, sur laquelle (comme vous nous dites étant arrivés par-deçà) vous endurez tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants ou à ceux qui survivent après vous ? La terre qui vous a nourris n’est-elle pas aussi suffisante pour les nourrir ? Nous avons (ajouta-t-il), des parents et des enfants, lesquels, comme tu vois, nous aimons et chérissons ; mais parce que nous nous assurons qu’après notre mort la terre qui nous a nourris les nourrira, sans nous en soucier plus avant, nous nous reposons sur cela.” »
1 Fou.
Jean de Léry rapporte le point de vue de l’Indien sur le mode de vie occidental, il s’agit d’une critique de celui-ci. Il est comparé à celui des Tupinambas qui se veut plus simple. Ils se contentent de ce que la nature leur offre, tandis que les Européens amassent les richesses. On constate que la pensée du vieillard intéresse l’auteur puisqu’il prend la peine de la retranscrire et le qualifie de « nullement lourdaud ».
Mais cette posture bienveillante face à l’autre n’est pas toujours de mise. Certains explorateurs se comportent comme des envahisseurs.
L’agression européenne
L’agression européenne
Les grandes découvertes sont donc l’occasion pour les Européens de conquérir de nouveaux territoires.
Nombre d’entre eux affirment leur supériorité et se comportent comme si tout leur appartenait. C’est ce que tente de faire comprendre Diderot dans son Supplément au voyage de Bougainville en 1772. L’auteur fait en effet un compte-rendu du voyage fait dans le Pacifique par l’explorateur Bougainville. En ajoutant un dialogue fictif, Diderot montre le point de vue des indigènes. Il critique l’avidité et la violence des Européens qui ne cherchent qu’à s’approprier des terres au mépris des valeurs humanistes.
Dans cet extrait, un chef de canton s’adresse à Bougainville :
« Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? Orou 1 ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? »
1 Nom d’un autre personnage.
Ce discours est un réquisitoire qui vise à dénoncer le comportement des Européens vus comme des envahisseurs. On remarque les nombreuses questions rhétoriques : le vieillard n’attend pas de réponse. Ces questions sont là pour faire réfléchir le lecteur. Cet extrait est un blâme.
Réquisitoire :
Discours qui a pour but d’accuser.
Blâme :
Jugement négatif à l’encontre de quelqu’un ou de ses actions. C’est le contraire d’un éloge.
Question rhétorique :
Une question rhétorique ou oratoire est un procédé d’écriture qui consiste à poser une ou plusieurs questions qui n’attendent pas de réponse. La réponse est déjà connue ou implicite.
Conclusion :
Les grandes découvertes ont donc été pour l’homme le moyen d’acquérir de précieuses connaissances et d’ouvrir son esprit à d’autres cultures, d’observer d’autres territoires. Mais ces explorations ont également mené les Européens à coloniser les pays découverts, à exploiter les ressources de terres qui ne leur appartenaient pas et à asservir d’autres hommes. Les royaumes européens ont également cherché à imposer leurs coutumes et leur religion aux populations indigènes. Les grandes découvertes de terres sont aujourd’hui épuisées. L’homme, ayant conquis tous les territoires, se tourne désormais vers la conquête de l’espace : d’abord la lune, à présent Mars.