L'affaire Dreyfus
Introduction :
Depuis le début du XXe siècle, la France a traversé de nombreuses crises politiques qui ont eu, à chaque fois, des répercussions sur l’opinion publique du pays.
La première de ces crises politique, et l’une des plus importantes, est l’affaire Dreyfus. Cette affaire a marqué des générations de Français, elle a également ébranlé la IIIe République naissante. Cette réaction s’explique par le fait que ce n’est pas une simple erreur judiciaire mais un complot antisémite.
Il sera intéressant de décrypter son déroulement avant de s’intéresser au rôle des intellectuels et de la presse dans l’établissement de l’opinion publique. Mais avant cela, quelques définitions doivent être fournies.
Définitions
Définitions
Opinion publique :
L’opinion publique est l’ensemble des idées et des jugements partagés par la population sur tous les sujets de société.
L’opinion publique a pu se former grâce au progrès de :
- la liberté de communication,
- la liberté politique,
- l’éducation via l’école républicaine.
- la technologie, qui a favorisé la diffusion des journaux à un coût de plus en plus bas, entraînant une démocratisation de l’accès à l’information.
Le terme « médias » est récent et l’on ne parle de médias de masse qu’à partir du XXe siècle avec l’apparition d’abord des journaux, puis des radios, des chaînes de télévisions, d’internet, et enfin des téléphones mobiles. Il faut être vigilant sur le contexte de la crise étudiée et ne pas parler de médias qui n’existaient pas à l’époque.
Crise politique :
Une crise politique est un moment particulier en démocratie où le pays a une « poussée de fièvre », liée à un événement qui choque l’opinion publique. Dans toute crise politique il y a un enjeu politique majeur.
Les médias, selon l’époque, jouent un rôle fondamental pour traiter l’événement, informer et faire basculer l’opinion publique dans un sens ou dans l’autre. L’objectivité absolue n’existant pas, chaque média façonne l’opinion publique à sa façon.
L’affaire Dreyfus
L’affaire Dreyfus
Contexte
Contexte
L’affaire Dreyfus s’est déroulée dans un contexte d’antisémitisme violent en France, écho de la montée des nationalismes en Europe.
La France est en pleine seconde révolution industrielle et les techniques de fabrication des journaux par le système des rotatives permettent d’abaisser les coûts de fabrication. C’est l’âge d’or de la presse française, qui profite de la liberté de presse établie en 1881 et de la scolarisation massive qui permet la lecture des journaux par le plus grand nombre.
Déroulement de la crise
Déroulement de la crise
Alfred Dreyfus - Auteur inconnu, vers 1894
Dreyfus est un capitaine de l’armée française de confession juive.
Depuis la Révolution française, les Juifs sont censés être devenus des citoyens comme les autres et donc bénéficier des mêmes traitements.
En 1894, Dreyfus est condamné pour espionnage au profit de l’armée allemande, l’ennemi juré du pays depuis la perte de l’Alsace et de la Lorraine en 1870. Dreyfus est dégradé publiquement, humilié et condamné au bagne à Cayenne.
En 1894, Dreyfus est la cible de l’opinion publique : à part sa famille et son avocat, peu de personnes remettent en cause le tribunal militaire qui l’a condamné sur des preuves secrètes.
- L’armée est une institution très prestigieuse et personne n’ose questionner ses actes.
En 1896, le colonel Picquart prouve l’innocence de Dreyfus et montre que le vrai coupable est le commandant Esterhazy. Un autre gradé, le colonel Henry, forge un faux pour éviter la révision du procès.
L’écrivain Émile Zola publie un article intitulé « J’accuse » le 13 janvier 1898. Dans cet article, Zola démonte tout le mécanisme de faux et de couverture des autorités à tous les niveaux. Malgré les preuves, Zola est condamné pour cet article et doit fuir au Royaume-Uni.
- Le colonel Henry avoue avoir fait un faux document pour faire condamner Dreyfus et se suicide.
En 1899, Dreyfus est condamné avec « des circonstances atténuantes » puis gracié. Mais il ne veut pas de la grâce présidentielle : il veut être innocenté.
En 1906, Dreyfus est enfin totalement innocenté et reprend sa place dans l’armée.
Le rôle des journaux et des intellectuels
Le rôle des journaux et des intellectuels
Les journaux
Les journaux
Une partie des Français était déjà antisémite avant cette crise, mais l’affaire Dreyfus déclenche une vague d’antisémitisme qui se reflète dans les journaux.
Les journaux se déchainent, notamment ceux d’extrême droite. Les lois de l’époque autorisent des propos qui mettraient aujourd’hui leurs auteurs en prison.
Première page du journal d’extrême droite La Libre Parole- ©Edouard Drumont - Domaine public
La France se sépare en deux, l’opinion publique est divisée. L’affaire Dreyfus s’invite dans les foyers, créant de la division.
Caricature parue dans Le Figaro le 14 février 1898 - ©Caran d'Ache - Domaine public
Peu à peu le doute s’installe grâce au travail de l’avocat de Dreyfus, Bernard Lazare.
- Mobilisation de personnalités politiques et d’intellectuels sur l’innocence de Dreyfus.
- Parution du « J’accuse » de Zola, en une du journal L’Aurore en 1898.
Une du journal L’Aurore du 13 janvier 1898- ©Émile Zola - Domaine public
Dreyfusard et antidreyfusards
Dreyfusard et antidreyfusards
L’affaire Dreyfus est le début de l’engagement des intellectuels dans les débats politiques et sociétaux en France. Les plus célèbres dreyfusards sont :
- Zola bien sûr ;
- Clemenceau, journaliste et homme politique qui possède le journal L’Aurore ;
- Jean Jaurès, homme politique et théoricien du socialisme français, fondateur de la SFIO et du journal L’Humanité.
Les dreyfusards se regroupent et créent la Ligue des droits de l’Homme, association visant à protéger les droits individuels des citoyens.
Dans le camp antidreyfusard on trouve par exemple :
- Charles Maurras, fondateur du parti d’extrême droite l’Action française ;
- Édouard Drumont, journaliste, écrivain et homme politique antisémite et son journal La Libre Parole. Il fonde la Ligue Nationale antisémite de France ;
- Maurice Barrès, écrivain et homme politique nationaliste et antisémite.
L’affaire a eu un impact en France bien après le jugement et sera reprise par les collaborateurs antisémites de la Seconde Guerre mondiale.
Conclusion :
L’affaire Dreyfus a vu l’affrontement des valeurs républicaines et de l’antisémitisme ambiant d’une époque. La justice équitable et les droits de l’Homme étaient l’enjeu de l’affaire Dreyfus. La IIIe République naissante ne s’est appuyée qu’en partie sur ses bases, liées à la Révolution française et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Face à l’armée et à la raison d’État, la République a été « sauvée » par des personnages attachés à ses valeurs fondamentales.