Modélisation d’un mouvement
Introduction :
Le 30 mai 2020, sous les yeux de millions de téléspectateurs et d’internautes, deux astronautes américains ont quitté la Terre à destination de la Station spatiale internationale, à bord d’une capsule Dragon2 propulsée par une fusée Falcon de SpaceX. La trajectoire du véhicule, du lancement jusqu’au lieu de rendez-vous avec la station, était connue par avance, à la minute près. Comment prévoir avec précision où se trouverait la capsule spatiale, ou d’ailleurs, la Station internationale ?
En mécanique classique, on peut prédire la trajectoire exacte d’un système quelconque, à condition de connaître les forces extérieures exercées sur celui-ci.
Ce chapitre présente les outils permettant de modéliser un mouvement, en particulier les mouvements rectiligne et circulaire. Les vecteurs vitesse et accélération sont définis, ainsi que leurs composantes dans un repère cartésien et dans le repère de Frenet, particulièrement adaptée à l’étude des mouvements circulaires.
Vitesse et accélération
Vitesse et accélération
Définition du vecteur vitesse
Définition du vecteur vitesse
Le vecteur position relie le centre du repère au point matériel représentant le système. Si le centre du repère est noté $O$ et le système $M$, le vecteur position s’écrit $\overrightarrow{OM}$.
Le vecteur déplacement relie une position occupée $\overrightarrow{OM}$ par le système à un instant $t$, à la position $\overrightarrow{OM^\prime}$ qu’il occupe à un instant ultérieur $t^\prime$ : $$\overrightarrow{MM^\prime}=\overrightarrow{OM^\prime}-\overrightarrow{OM}$$
En seconde et première, le vecteur vitesse moyenne entre deux instants $t$ et $t^\prime$ a été défini, comme étant égal au rapport du vecteur déplacement correspondant par l’intervalle de temps : $$\vec{v}_{\text{moy}}=\dfrac{\overrightarrow{MM^\prime}}{t^\prime -t}$$
Lors de l’analyse d’une chronophotographie, les deux instants $t$ et $t^\prime$ correspondent à deux images successives. La vitesse estimée est alors une vitesse moyenne sur un intervalle de temps court.
Estimation de la vitesse du système d’après une chronophotographie
En première, la notion de vitesse instantanée à un instant $t$ a aussi été définie, comme la limite mathématique de la vitesse moyenne quand l’intervalle de temps considéré, à partir de la date $t$, tend à s’annuler. Ce rapport de deux variations infinitésimales est appelé dérivée.
Vitesse instantanée :
La vitesse instantanée d’un système est égale à la dérivée, par-rapport au temps, de son vecteur position. Elle est définie à tout instant $t$ de l’étude du mouvement du système : $$\vec{v}(t)=\dfrac{d\overrightarrow{OM}}{dt}(t)$$
Définition du vecteur accélération
Définition du vecteur accélération
En première, le vecteur variation de vitesse, entre deux instants $t$ et $t^\prime$, a été défini comme la différence entre les vitesses instantanées à ces deux dates : $$\Delta \vec v=\vec v(t^\prime)- \vec v(t)$$
Et l’accélération moyenne entre $t$ et $t^\prime$ est définie comme le rapport de la variation de vitesse sur la durée de l’intervalle considéré : $$\vec{a}_{\text{moy}}=\dfrac{\Delta \vec{v}}{t^\prime-t}$$
L’accélération moyenne sur l’intervalle court séparant deux prises de vue d’une chronophotographie, est une estimation approchée de l’accélération du système à chacune de ces dates.
Estimation de l’accélération du système d’après une chronophotographie
De même que pour la vitesse, on peut considérer une date $t^\prime$ infiniment proche de $t$, pour obtenir une valeur de l’accélération à la date $t$ : c’est l’accélération instantanée.
Accélération instantanée :
L’accélération instantanée d’un système est égale à la dérivée par-rapport au temps de son vecteur vitesse instantanée. Elle est définie à tout instant $t$ de l’étude du mouvement du système : $$\vec{a}(t)=\dfrac{d\vec{v}}{dt}(t)$$
Expressions dans un repère cartésien
Expressions dans un repère cartésien
Les expressions ci-dessus font apparaître des dérivées de vecteurs. Celles-ci peuvent être réécrites à l’aide de dérivées de fonctions scalaires, à condition de considérer les composantes des vecteurs mentionnés.
Les mouvements étudiés cette année sont généralement linéaires ou au moins contenus dans un plan, donc un repère à deux dimensions suffit.
Les relations suivantes sont aussi valables dans un repère à trois dimensions.
Dans un repère cartésien à deux dimensions $(O\ ; \, \vec{u}_x, \, \vec{u}_y)$, le vecteur position $\overrightarrow{OM}$ se décompose de la manière suivante : $$\overrightarrow {OM}(t)=x(t)\cdot\vec{u}_x+y(t)\cdot\vec{u}_y$$
- Avec $\vec{u}_x$ et $\vec{u}_y$ les vecteurs unitaires de l’axe des abscisses et celui des ordonnées, respectivement.
- Ce repère est fixe tout au long du mouvement étudié, donc les vecteurs unitaires ne dépendent pas du temps.
Alors la vitesse instantanée, qui est la dérivée par rapport au temps du vecteur position, s’écrit : $$\vec{v}(t)=\dfrac{d\overrightarrow{OM}}{dt}(t)$$
$$\vec{v}(t)=\dfrac{dx}{dt}\cdot\vec{u}_x+\dfrac{dy}{dt}\cdot\vec{u}_y$$
- Car la dérivée de la somme de deux fonctions est égale à la somme des dérivées de ces fonctions.
Ici, ce sont l’abscisse et l’ordonnée du système qui sont traitées comme des fonctions du temps, et on suppose que la dérivée ne tend pas vers l’infini. Pour les trajectoires étudiées, ces hypothèses sont justifiées.
De même, les composantes de l’accélération sont les dérivées par rapport au temps des composantes de la vitesse instantanée.
Dans un repère cartésien à deux dimensions, le vecteur position a pour coordonnées : $$\begin{pmatrix} x(t) \\ y(t) \end{pmatrix}$$
- Avec $x$ et $y$ deux fonctions du temps, qui peuvent être dérivées deux fois.
Le vecteur vitesse instantanée $\vec{v}(t)$ a pour coordonnées : $$ \begin{pmatrix} v_{x}(t) = \dfrac{dx}{dt} = \dot{x} \\ \\ v_{y}(t) =\dfrac{dy}{dt} = \dot{y} \end{pmatrix}$$
- Où le point représente, en mécanique, une dérivation par rapport au temps.
Le vecteur accélération instantanée $\vec a(t)$ a pour coordonnées : $$\begin{pmatrix} a_{x}(t) = \dfrac{dv_{x}}{dt} = \ddot{x} \\ \\ a_{y}(t) = \dfrac{dv_{y}}{dt} = \ddot{y} \end{pmatrix}$$
- Où les deux points représentent, en mécanique, deux dérivations successives par rapport au temps.
Considérons un système dont les coordonnées s’écrivent, en fonction du temps ($x$ est la coordonnée horizontale, selon l’axe des abscisses, et $y$ la coordonnée verticale, selon l’axe des ordonnées) : $$x(t) = v_{0} t + x_{0}$$ $$y(t) = y_{0} - \frac{g}{2} t^{2}$$
En dérivant une fois par rapport au temps ces expressions, on obtient les composantes de la vitesse : $$\dot{x}(t) = v_{0}$$ $$\dot{y}(t) = - g t$$ En dérivant encore une fois, on obtient les composantes de l’accélération : $$\ddot{x}(t) = 0$$ $$\ddot{y}(t) = - g$$
- On peut remarquer que dans ce cas, l’accélération est constante, verticale et orientée vers le bas.
- De plus, à $t=0$ nous avons : $\dot{x}(0) =v_0$ et $\dot{y}(0) =0$, ainsi la vitesse est horizontale.
- Enfin, pour l’accélération à $t=0$ nous avons : $\ddot{x}(0) =0$ et $\ddot{y}(0) =-g$, ainsi la vitesse à l’instant initial est perpendiculaire à l’accélération à la date $t=0$ seulement.
La trajectoire est alors parabolique, ce que nous reverrons dans un chapitre ultérieur.
Mouvements rectilignes
Mouvements rectilignes
Un système en mouvement rectiligne est caractérisé par une trajectoire en forme de droite (ou de segment de droite).
À chaque instant, la vitesse du système est tangente à sa trajectoire. Les variations de la vitesse sont donc liées à celles de la trajectoire, et certains mouvements peuvent être définis d’après la valeur de l’accélération du système.
Mouvement rectiligne uniforme
Mouvement rectiligne uniforme
Le type de mouvement le plus simple à décrire mathématiquement est le mouvement rectiligne uniforme, au cours duquel la valeur, la direction et le sens de la vitesse du système sont conservés.
Système en mouvement rectiligne uniforme :
Un système en mouvement rectiligne uniforme (noté MRU) est caractérisé par un vecteur vitesse constant, ou, de manière équivalente, un vecteur accélération égal au vecteur nul.
Légende
Dans un repère cartésien, écrivons les composantes de la vitesse $\vec{v}(t)$ du système en MRU : $$\begin{pmatrix} v_{x} \\ v_{y} \end{pmatrix}$$
Avec $v_{x}$ et $v_{y}$ des constantes.
Leurs dérivées sont donc nulles, et ainsi le vecteur accélération $\vec{a}(t)$ est égal au vecteur nul :
$$ \begin{pmatrix} \dfrac{dv_{x}}{dt} \\ \\ \dfrac{dv_y}{dt} \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} 0 \\ 0 \end{pmatrix} = \vec{0}$$
Pour un MRU, le vecteur accélération $\vec{a}(t)$ est égal au vecteur nul : $$\vec a=\vec{0}$$
Prenons l’exemple d’un parachutiste en descente « contrôlée » après l’ouverture de son parachute : son mouvement est rectiligne uniforme (dirigé vers le bas). Son accélération est nulle, de même que la résultante des forces extérieures qui s’y exercent : la force de frottement due à l’air compense le poids.
Mouvement rectiligne uniformément accéléré
Mouvement rectiligne uniformément accéléré
Système en mouvement rectiligne uniformément accéléré :
Un système en mouvement rectiligne uniformément accéléré (noté MRUA) ne subit aucun changement de trajectoire, cette dernière est rectiligne.
La valeur de sa vitesse varie toujours dans le même sens, et la valeur de la vitesse augmente uniformément au cours du temps, c’est-à-dire de la même quantité pour un même intervalle de temps.
De manière équivalente, le vecteur accélération de ce système est constant et parallèle à la trajectoire.
Dans un repère cartésien, écrivons les composantes de la vitesse $\vec{v}(t)$ du système en MRUA. On oriente l’axe des abscisses parallèlement au vecteur vitesse : $$ \begin{pmatrix}v_x (t) \\ v_y=0 \end{pmatrix}$$
Le vecteur accélération $\vec{a}(t)$ du système a pour composantes les dérivées de celles de la vitesse : $$ \begin{pmatrix}\dfrac{dv_x}{dt} \\ \\ 0 \end{pmatrix}$$
Or la valeur de la vitesse varie toujours d’une même quantité pour un même intervalle de temps, cela veut dire que cette variation est proportionnelle à l’intervalle de temps écoulé :
$$\Delta v_x = k \times \Delta t \Leftrightarrow \frac{\Delta v_x}{\Delta t} = k$$
Avec $k$ une constante indépendante du temps.
En faisant tendre celle-ci vers zéro, on en déduit la valeur de la dérivée de la composante $v_x$ : $$\dfrac{d v_x}{dt} = \lim_{\Delta t \to 0} \frac{\Delta v_x}{\Delta t} = k$$
Et donc, nous pouvons déduire les composantes de l’accélération $\vec{a}(t)$ : $$ \begin{pmatrix} k \\ 0 \end{pmatrix}$$
Pour un MRUA, le vecteur accélération est constant, et parallèle à la trajectoire du système.
Mouvements circulaires
Mouvements circulaires
Un système en mouvement circulaire est caractérisé par une trajectoire en forme de cercle.
Le mouvement circulaire le plus simple à décrire mathématiquement est le mouvement circulaire uniforme, il a aussi de nombreuses applications pratiques, par exemple l’étude des trajectoires orbitales des planètes, satellites et engins artificiels, que nous verrons dans le chapitre « Mouvement dans un champ de gravitation ».
Mouvement circulaire uniforme
Mouvement circulaire uniforme
L’analyse de la chronophotographie d’un objet en mouvement circulaire uniforme peut nous permettre d’observer que l’accélération est perpendiculaire à la vitesse à tout instant, et de valeur constante.
Système en mouvement circulaire uniforme :
Un système en mouvement circulaire uniforme (noté MCU) est caractérisé par une trajectoire circulaire, et une vitesse dont la valeur reste constante. De manière équivalente, son vecteur accélération est toujours perpendiculaire à son vecteur vitesse, et de norme constante.
Motivation pour adopter un repère mobile
Motivation pour adopter un repère mobile
Cette démonstration n’est pas au programme de terminale, mais nous permet de mieux comprendre le choix d’un repère mobile.
Considérons un système en mouvement circulaire uniforme et essayons de décrire sa position et sa vitesse en coordonnées cartésiennes, dans un repère fixe.
En plaçant le centre du repère au centre du cercle de rayon $R$ décrit, et en définissant l’angle $\theta$ comme sur le schéma ci-dessus, on peut établir les composantes du vecteur position : $$\overrightarrow{OM} \begin{pmatrix} R \cos \left( \theta(t) \right) \\ R \sin \left( \theta(t) \right) \end{pmatrix}$$
Au cours d’un mouvement circulaire uniforme, l’angle $\theta$ subit toujours une même variation sur un même intervalle de temps : $$\Delta \theta = k \times \Delta t$$
Sachant que cet angle est nul à la date $t=0\ \text{s}$, on peut dire que $\theta$ est proportionnel à $t$ : $$\theta(t) = k t$$
- Les composantes du vecteur position s’écrivent alors :
$$\overrightarrow{OM} \begin{pmatrix} R \cos ( kt) \\ R \sin (kt) \end{pmatrix}$$
- Les composantes du vecteur vitesse s’écrivent :
$$\vec{v} (t)\begin{pmatrix} - kR \sin (kt) \\ kR \cos (kt) \end{pmatrix}$$
D’après les formes des dérivées des fonctions trigonométriques sinus et cosinus, et la méthode pour dériver une fonction composée : $ (f (kx))^\prime = k f^\prime(kx)$.
- La constante $k$, représentant la variation de l’angle $\theta$ par unité de temps, est aussi appelée vitesse angulaire, et dans des cours ultérieurs elle sera souvent notée $\omega$.
Si le mouvement décrit est circulaire mais pas uniforme, l’écriture de $\theta$ est plus compliquée, et les calculs qui s’ensuivent également.
- C’est pourquoi on préfère, pour décrire les mouvements curvilignes, et circulaires en particulier, utiliser un repère lié à la position du système que l’on appelle Repère de Frenet, dans lequel les vecteurs vitesse et accélération sont plus faciles à écrire.
Repère de Frenet : définition et expressions de la vitesse et de l’accélération
Repère de Frenet : définition et expressions de la vitesse et de l’accélération
Le centre du repère cartésien usuel est fixe dans le référentiel choisi, durant toute la durée du mouvement étudié. Cela peut être par exemple un coin de la paillasse où est menée l’expérience (en salle de TP), le centre de la Terre, ou le centre du Soleil.
- Le repère de Frenet n’est pas fixe car il « suit » le mouvement.
Repère du Frenet :
Le centre du repère du Frenet est le point matériel représentant le système étudié. Les deux vecteurs unitaires définissant ses axes sont :
- le vecteur tangent $\vec{T}$, parallèle à la vitesse et de même sens ;
- le vecteur normal $\vec{N}$, perpendiculaire à $\vec{T}$ et dirigé vers le centre de courbure de la trajectoire, au point considéré. Pour un mouvement circulaire, ce centre de courbure est le centre du cercle parcouru par le système.
Représentation du repère de Frenet sur une trajectoire circulaire
D’après ces définitions, on déduit facilement que dans ce repère, la seule composante de la vitesse est selon le vecteur tangent $\vec T$.
Pour un mouvement circulaire uniforme, la seule composante de l’accélération est selon le vecteur normal $\vec N$, son écriture exacte sera démontrée ultérieurement.
Pour un mouvement circulaire non-uniforme, la composante de l’accélération selon le vecteur tangent $\vec T$ serait dû uniquement à la variation de la valeur de la vitesse.
Le système étudié suit une trajectoire circulaire de rayon $R$. Dans le repère de Frenet, ses vecteurs vitesse et accélération s’écrivent : $$\vec{v} = || \vec{v} || \cdot \vec{T}$$ $$\vec{a} = \frac{dv}{dt}\cdot \vec{T} + \frac{v^2}{R}\cdot \vec{N}$$
Prenons l’exemple de la station spatiale internationale, en orbite circulaire autour de la Terre (de rayon $R_{T}= 6\ 371\ \text{km}$) à une altitude $z=400\ \text{km}$ environ. Sa période de révolution vaut $T\approx90\ \text{min}$. On peut déterminer la vitesse de déplacement de la station sur son orbite, ainsi que son accélération, d’après ces données.
Le rayon du cercle décrit vaut : $$\begin{aligned}R &= R_{T}+z\\ &=6\ 371 +400\\ &= 6,77\times10^{3}\ \text{km}\end{aligned}$$
La station est en MCU et décrit en une période un cercle de périmètre : $$\begin{aligned}P &= 2 \pi R\\ &= 2 \pi \times 6,77\times10^{3}\\ &=4,25\times 10^{4}\ \text{km}\end{aligned}$$
Sa vitesse est constante tout au long de la trajectoire et vaut : $$\begin{aligned}v &= \dfrac P T\\ &=\dfrac{4,25\times 10^{4}}{90} \\ &\approx 473\ \text{km}\cdot \text{min}^{-1} \\ &\approx 7,88\times10^{3}\ \text{m}\cdot \text{s}^{-1}\end{aligned}$$
L’accélération tangentielle de la station est nulle car $v$ est une constante, et sa composante normale vaut : $$\begin{aligned}a_{N} &= \dfrac{v^{2}}{R}\\ &=\dfrac{\left(7,88\times10^{3}\right)^2}{6\ 371} \\&\approx 9,17\ \text{m}\cdot \text{s}^{-2}\end{aligned}$$
On peut donc remarquer que cette valeur est un peu inférieure à celle de l’accélération de pesanteur à la surface de la Terre (valeur à connaître, pour rappel $g=9,81\ \text{m}\cdot \text{s}^{-2}$).