Quel est l'impact des variables économiques et démographiques sur le financement de la protection sociale ?
Introduction :
Depuis près de trois décennies, les débats sur la protection sociale alimentent régulièrement la scène politique. Des changements semblent indispensables pour anticiper les évolutions liées au marché du travail et relever le défi démographique. Nous allons nous intéresser dans ce cours aux régimes de retraite et à la manière dont ils sont financés. Nous verrons ensuite les problématiques démographiques et économiques associées aux systèmes de retraite. Puis, nous ferons un rapide historique sur les systèmes de santé, de leurs origines aux formes les plus modernes, en analysant leur influence sur l’économie. Enfin, nous nous demanderons s’il faut tendre vers une régulation marchande ou une régulation administrée.
Régimes de retraite et financement
Régimes de retraite et financement
Avant d'analyser le mode de financement des régimes de retraite, nous allons nous intéresser aux 2 types de régimes les plus importants.
Les 2 principaux régimes de retraite
Les 2 principaux régimes de retraite
On peut opposer le système de retraite par répartition et le système de retraite par capitalisation.
- Dans un système par répartition, la logique qui prime est la solidarité, les actifs cotisant pour les retraités. Il y a donc une forte solidarité entre générations. Ici, le système ne peut fonctionner qu’à la condition que les actifs soient suffisamment nombreux pour financer les pensions des retraités.
- Un régime par capitalisation revêt une toute autre logique. Dans ce système, les actifs cotisent pour leur propre retraite, la solidarité n’étant plus le socle de base du système. Les cotisations peuvent être utilisées pour effectuer des placements financiers ou immobiliers. Il est à noter que ces cotisations peuvent également s’opérer dans un cadre collectif, au travers d’accords d’entreprises. Ce système peut contribuer à augmenter les inégalités.
Nous avons vu que le financement peut reposer sur une logique individuelle ou sur une logique collective. Dans tous les cas, un système de retraite s’appuie sur la richesse produite par les actifs. Nous allons maintenant détailler les différentes sources de financement des retraites.
Le financement des régimes de retraite
Le financement des régimes de retraite
On peut distinguer principalement 4 sources de financement des retraites.
- Le financement par les entreprises
Ici, c’est l’employeur qui paie les retraites futures des salariés. Il peut prélever une partie du salaire pour en garantir le financement. D’un point de vue historique, cela permettait également de fidéliser les salariés dans une logique paternaliste. Ici, le risque est la disparition de l’entreprise et donc la perte de l’emploi et de la retraite pour les salariés concernés.
- Le financement par répartition
Ce financement repose sur une logique assurantielle (système bismarckien) obligatoire et sur une solidarité intergénérationnelle qui a pour objectif la redistribution. Comme nous l’avons vu, les actifs d’aujourd’hui financent les pensions de retraite de demain. Recevoir une pension de retraite est donc conditionné par le fait d’avoir cotisé un minimum au préalable.
- Le financement par l’impôt
Il repose sur une logique universelle (système béveridgien) qui permet d’assurer un revenu minimal à l’ensemble de la population. En réalité, il concerne uniquement les personnes n’ayant droit à aucune pension ou ayant une pension insuffisante pour garantir leurs besoins de base.
- Le financement par capitalisation
Ici, ce sont les placements financiers qui permettent le financement des pensions futures. Celles-ci dépendront donc du montant investi par la personne concernée. Nous avons vu également que ce système peut intégrer une dimension collective au travers de fonds de pension permettant des économies d’échelle et une mutualisation des risques.
On parle d’économies d’échelle lorsque le coût unitaire moyen de production diminue avec l’augmentation des quantités produites.
On parle de mutualisation des risques lorsque plusieurs individus sont prêts à supporter un risque de manière collective en acceptant de verser une cotisation faible. De ce fait, lorsqu’un individu est touché par ce risque, les cotisations des membres permettent de le financer.
Les systèmes de retraite doivent de plus en plus prendre en considération les évolutions relatives au marché du travail et aux dynamiques démographiques afin de garantir la pérennité du système.
Problématiques démographiques et économiques relatives aux systèmes de retraite
Problématiques démographiques et économiques relatives aux systèmes de retraite
Des modifications nécessaires
Des modifications nécessaires
Nous l’avons vu précédemment, ce sont les actifs et la richesse qu’ils engendrent qui permettent de financer le système de retraite. Or, la précarité du travail et la hausse du chômage impliquent moins d’actifs et donc de richesse créée, ce qui est incompatible avec un système de retraite coûteux. De plus, le vieillissement démographique n’améliore pas les choses. Il augmente les pensions de retraite à financer et contribue à faire augmenter le ratio de dépendance démographique.
Ratio de dépendance démographique :
Nombre de retraités par rapport au nombre d’actifs.
Ainsi, en 2008, le pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans dans le monde s’élevait à 7 %. Des prévisions établies par l’ONU estiment que ce pourcentage pourrait doubler en 2040 pour atteindre 14 %.
Pour faire face à l’élévation des dépenses, il est possible de jouer sur le taux de remplacement.
Taux de remplacement :
Le taux de remplacement est le pourcentage de son ancien revenu que l’on perçoit une fois arrivé à la retraite. Si l’on touchait 2 000 € par mois en travaillant et qu’on touche 1 600 € de retraite, le taux de remplacement est de 80 %.
Il faut cependant veiller à ce que les retraités gardent un pouvoir d’achat correct.
Pour augmenter les revenus alloués au système, il est également possible d’allonger la durée de cotisations.
Enfin, cela peut passer par l’augmentation du niveau de cotisations versées par les employeurs et les salariés, mais cela peut entraîner une dégradation de la compétitivité du travail et une hausse du chômage.
Face à ces évolutions et à la volonté d’équilibrer les dépenses et revenus du système, deux scénarios sont envisageables.
Deux scénarios possibles
Deux scénarios possibles
En effet, l’objectif du gouvernement est de tendre vers un système de retraite moins compliqué, car il existe en réalité de nombreux régimes de retraite en France :
- celui des salariés du secteur public,
- celui des salariés du secteur privé,
- celui des indépendants,
- celui des régimes spéciaux,
- etc.
Le but est donc de simplifier le système en essayant de tendre vers un système de retraite général, applicable à tous.
De ce fait, deux scénarios se dégagent.
- La mise en place d’un système par points où le nombre de points acquis est déterminé par le nombre d’années d’activité et où les points sont ensuite convertibles en pension de salaire.
- La mise en place d’un système par compte notionnel qui repose également sur un système de points, mais où l’on prend en considération l’espérance de vie dans le calcul des pensions accordées.
Nous allons maintenant étudier la mise en place des systèmes de santé en établissant un historique rapide puis en nous intéressant à leur rôle dans l’économie.
Historique des systèmes de santé et poids dans l’économie
Historique des systèmes de santé et poids dans l’économie
Historique des systèmes de santé
Historique des systèmes de santé
Un semblant de système de santé voit son apparition à la fin du XIXe siècle en Allemagne sous l’initiative du chancelier Bismarck qui souhaite maintenir la paix sociale. Ce système repose sur les cotisations des salariés et est limité à ces derniers.
Plus tard, au début des années 1940, un système de protection social émerge sous l’initiative de lord Beveridge qui souhaite étendre la couverture du système de santé à l’ensemble des individus. Ce modèle s’appuie sur la fiscalité des contribuables qui sont couverts en retour de la totalité des frais inhérents à leur santé.
La France se situe au carrefour de ces 2 systèmes puisqu’une part de son financement est assurée par l’impôt et l’autre part par les cotisations sociales.
Nous allons maintenant analyser le rôle des dépenses de santé dans l’économie d’un pays.
Conséquences économiques
Conséquences économiques
Selon la théorie de la croissance endogène, les dépenses de santé participent à la création de richesses. En effet, il est indispensable que les salariés soient suffisamment en bonne santé pour pouvoir produire efficacement. Néanmoins, les dépenses de santé pour accroître l’espérance de vie ont des rendements décroissants.
En effet, un pays qui connaît une espérance de vie très faible et qui va augmenter ses dépenses de santé va entraîner une hausse de l’espérance de vie plus que proportionnelle. Toutefois, on estime qu’au-delà de 100 000 euros par habitant, toute augmentation des dépenses de santé n’engendre qu’une faible augmentation de l’espérance de vie.
À l’inverse, dans un pays démographique touché par le vieillissement, la hausse de l’espérance de vie va entraîner automatiquement une hausse des dépenses de santé plus que proportionnelle (en améliorant à peine l’espérance de vie).
On assiste à un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie, la santé étant devenue un secteur économique à part entière créant des emplois et de la richesse et participant à la croissance économique.
Nous allons maintenant nous interroger sur le type de régulation du système de retraite vers lequel il est nécessaire de tendre.
Régulation marchande ou régulation administrée ?
Régulation marchande ou régulation administrée ?
Liens entre croissance et dépenses de santé
Liens entre croissance et dépenses de santé
Dans les pays où le système de santé repose sur l’impôt ou sur les cotisations sociales, la hausse des dépenses de santé passe forcément par la hausse de ces prélèvements. Dans une vision néoclassique, l’augmentation de ces prélèvements pèse négativement sur le coût du travail (hausse des cotisations) ou sur les revenus (hausse de l’impôt). Ces prélèvements restent tolérables lorsque la conjoncture est favorable, mais en cas de conjoncture défavorable, ils contraignent le gouvernement à opérer des arbitrages aux dépens de l’éducation par exemple.
Enfin, on peut faire 3 remarques importantes vis-à-vis du financement des dépenses de santé :
- une hausse du revenu par habitant entraîne automatiquement une hausse plus que proportionnelle des dépenses de santé ;
- un nombre croissant de patients à soigner signifie plus de dépenses de santé. L’arbitrage se fait alors entre davantage de soignants payés plus faiblement (une hausse des soignants avec un même niveau de dépenses entraîne une baisse de la rémunération) ou une augmentation des prélèvements et des coûts supportés par les patients (dépassement d’honoraires, assurance privée, etc.) ;
- le progrès technique a plutôt tendance à baisser les dépenses pour le patient mais à les augmenter pour l’ensemble du système.
Nous allons maintenant voir les différents problèmes liés à l’adoption d’un système de santé qui repose sur le financement privé et ceux assujettis au financement public.
Problèmes d’incitation et d’asymétrie d’information
Problèmes d’incitation et d’asymétrie d’information
On constate qu’à niveau de santé équivalent, les dépenses sont assez disparates selon les pays. En France, elles sont de 25 % plus élevées qu’au Royaume-Uni. Une question primordiale se situe au niveau du financement et de la place du privé et du public.
- Aux États-Unis, les dépenses privées relatives à la santé sont estimées à environ 8,5 % du PIB contre environ 1 % au Royaume-Uni.
Le financement public revêt de nombreux avantages : réduction des inégalités, solidarité accrue, réduction du risque de sélection adverse. Ce dernier pourrait exister dans le cadre d'un financement privé : les individus n'étant pas tous égaux face à la santé, les personnes les plus fragiles se trouveraient contraintes de payer davantage.
Néanmoins, ce financement public présente aussi des inconvénients : comportements à risque et aléa moral. Ce dernier s’explique par le fait que les patients connaissent mieux leur comportement que les organismes de santé qui les prennent en charge. Des effets pervers peuvent alors apparaître : certains patients peuvent abuser des visites chez le médecin et de la consommation de médicaments sous couvert d’un remboursement intégral. De la même façon, les médecins peuvent multiplier les prescriptions et les examens, augmentant par la même occasion leurs revenus. C’est la raison pour laquelle des mesures incitatives existent telles que le ticket modérateur (partie à la charge du patient) ou encore le conventionnement forfaitaire chez les médecins.
Conclusion :
Le système de protection sociale fait l’objet de nombreuses discussions. Le vieillissement démographique et les évolutions du travail poussent aujourd’hui les décisionnaires à rechercher des solutions afin de pouvoir financer les pensions de retraite dont le poids s’alourdit avec la hausse de l’espérance de vie. Les systèmes de santé, même s’ils participent à la croissance économique, nécessitent eux aussi des modifications afin qu’ils soient plus efficaces et plus viables, les comportements opportunistes entraînant des effets non désirés augmentant sensiblement leur prise en charge financière.