Quelle protection et quels droits pour les animaux ?
Introduction :
En 1804, le Code civil considérait les animaux comme des meubles ou des objets. Au fil des ans, les progrès de la science ainsi qu’une demande sociale de plus en plus sensible envers le bien-être animal, ont permis de faire évoluer le statut juridique des animaux.
Aujourd’hui, faire preuve de cruauté envers un animal est désormais considéré comme un délit puni par la loi.
Dans une première partie, nous traiterons des lois et réglementations protégeant les animaux sauvages. La deuxième partie traitera des mesures mises en place pour améliorer les conditions d’élevage. Enfin, la troisième partie sera consacrée au statut juridique des animaux domestiques.
Code civil :
Ensemble de lois et réglementations organisant les relations entre individus en France.
Mieux protéger les animaux sauvages
Mieux protéger les animaux sauvages
La première loi de protection des animaux sauvages, en France, date du 3 mai 1844. Elle prévoyait de protéger le gibier de chasse pendant sa période de reproduction.
Plusieurs décennies plus tard, en 1902, la France signe la convention internationale sur les « oiseaux utilisés pour l’agriculture ». Il s’agit alors de protéger certains oiseaux et, au contraire, d’autoriser les paysans à en chasser d’autres considérés comme nuisibles au travail des champs.
- On constate donc que les premières lois permettant de protéger certains animaux dépendaient en réalité de l’intérêt direct de l’être humain pour ses propres activités (chasse, agriculture…) et non de celui des animaux sauvages en eux-mêmes.
Aujourd’hui, l’article L411-1 du Code de l’environnement protège les espèces animales menacées de disparition. Cela désigne des espèces non domestiquées par l’être humain et inscrites sur des listes publiées par arrêté ministériel. Cette protection est élargie aux nids, aux œufs, ainsi qu’aux habitats des espèces concernées afin de préserver au maximum leur écosystème.
- Ce cadre juridique s’applique à toute tentative de destruction des espèces menacées. Cela concerne également toute intention de les perturber d’une manière ou d’une autre dans leur vie quotidienne.
Code de l’environnement :
Ensemble de lois et de réglementations dont l’objectif premier est de protéger la nature et les ressources naturelles. Il contribue à la gestion des milieux naturels, à la prévention des pollutions, ainsi qu’à la préservation de la biodiversité.
Écosystème :
Ensemble d’interactions entre des organismes vivants (faune, flore, micro-organismes) et leur environnement (sol, eau, air).
En 2023, 7 245 espèces animales étaient protégées sur le territoire français, dont au moins 660 espèces endémiques. Leur nombre va en augmentant au fil des ans, car les activités humaines et le dérèglement climatique menacent la survie de nombreux animaux.
Espèce endémique :
Espèce végétale ou animale qui se trouve uniquement dans une zone géographique spécifique.
Il existe plusieurs listes d’espèces protégées en fonction des animaux et des régions concernées. Ces listes sont consultables sur le site Internet de l’inventaire national du patrimoine naturel. Toute personne ne respectant pas la législation en vigueur risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.
Afin de protéger la biodiversité, la loi de protection de la nature de 1976 a imposé le principe « éviter, réduire, compenser » en cas de projet d’aménagement, qu’il s’agisse d’autoroute, de programmes immobiliers ou de constructions d’usine :
- éviter : en amont du projet d’aménagement, éviter les atteintes directes et indirecte sur un milieu et sur les espèces qui le peuplent. Cela signifie par exemple d’éviter de réaliser des travaux pendant la période de reproduction des espèces ;
- réduire : diminuer au maximum l’impact des travaux sur les espèces concernées en utilisant des matériaux les plus respectueux possible de l’environnement ;
- compenser : apporter une contrepartie à toute nuisance qui ne peut être évitée, notamment effectuer des travaux de restauration des milieux naturels impactés par les chantiers de construction.
L’intervention d’un écologue sur le chantier permet d’identifier la présence d’éventuelles espèces menacées sur le site. Il doit également vérifier qu’aucune espèce protégée par arrêt ministériel ne sera impactée par les travaux.
Écologue :
Spécialiste des écosystèmes, dont la principale mission est de préserver la biodiversité.
Plus récemment, la loi du 30 novembre 2021 permet de protéger les animaux sauvages élevés en captivité afin de divertir le public. Ainsi, les spectacles mettant en scène des dauphins et des orques dans des parcs d’attraction sont interdits en France à partir de 2026. Il en sera de même pour les numéros de cirque présentant par exemple des tigres et des lions à partir de 2028. Les animaux concernés devront finir leurs jours dans des refuges où leurs conditions de vie seront jugées satisfaisantes. Cette loi interdit également l’élevage des visons dont la fourrure était utilisée pour fabriquer des manteaux.
L’Union européenne joue également un rôle clé dans la protection de la faune, notamment depuis l’adoption en 1992 de la directive habitat-faune-flore qui crée le programme Natura 2000. Ce dernier prévoit la création d’espaces naturels protégés afin de préserver la biodiversité. Cela ne garantit pas une protection absolue sur l’ensemble de ces zones, dans le sens où les activités économiques ou de loisirs restent généralement présentes, mais un cadre est imposé pour assurer un état de conservation le plus satisfaisant possible pour les milieux naturels et les espèces végétales et animales qui les peuplent. Aujourd’hui, le programme Natura 2000 représente près d’un cinquième de la superficie des 27 pays membres.
L’Union européenne a également joué un rôle particulièrement important dans la réintroduction d’animaux en voie de disparition, tels que l’ours brun dans les Pyrénées ou le loup dans le massif Alpin. Des programmes de coopération entre pays membres ont été financés depuis les années 2000 afin de faciliter la réintroduction de ces animaux dans les espaces concernés. Des outils de surveillance ont été développés afin de surveiller le nombre et la circulation de ces animaux.
La protection des animaux sauvage a donc beaucoup évolué avec les enjeux de préservation de l’environnement. Mais il est important de remarquer que les animaux sauvages ne bénéficient pas encore officiellement d’un statut juridique clair, leur octroyant directement des droits. Ils restent considérés majoritairement comme des « éléments » de la nature à protéger, et de nombreux scientifiques, des associations et des citoyens tentent de faire évoluer le droit vers la définition précise d’un véritable statut pour les animaux sauvages.
Améliorer les conditions d’élevage
Améliorer les conditions d’élevage
Selon l’Organisation mondiale de la santé animale, cinq critères permettent de définir le bien-être animal :
- ne pas souffrir de faim, de soif et de malnutrition ;
- ne pas souffrir de stress ;
- ne pas subir de douleurs, de blessures et de maladies ;
- avoir des comportements normaux liés à son espèce ;
- ne pas subir la peur ni la détresse.
Cette question du bien-être animal est d’autant plus importante que la France est un des plus importants pays d’élevage au monde. En effet, en 2023, le pays a abattu près de 864 millions de volailles (poulets, dindes, canards…), 22 millions de porcs et environ 4 millions de bovins, essentiellement des vaches : la France compte donc plus d’animaux d’élevage que d’habitants !
Les conditions d’élevage et de transport des animaux ont été améliorées depuis l’adoption de la loi sur l’agriculture et l’alimentation (loi EGalim) en 2018. Elles peuvent être très variables car elles dépendent des espèces animales concernées. D’une manière générale, les conditions de vie des animaux doivent leur permettre de bénéficier de suffisamment d’eau et de nourriture. Ils doivent bénéficier aussi d’un abri lorsque que les conditions météorologiques sont incompatibles avec leur bien-être. Enfin, les animaux doivent bénéficier de soins en cas de blessure.
Lors du transport, notamment vers les abattoirs, les animaux doivent disposer d’une hauteur suffisante pour pouvoir être debout. Ils ne doivent pas être trop serrés, notamment afin de favoriser une bonne circulation de l’air et éviter ainsi de trop stresser. Les véhicules utilisés doivent être agréés par les autorités sanitaires. Les conditions de chargement et de déchargement des animaux doivent être également adaptées aux espèces concernées afin d’éviter les blessures. Enfin, la loi précise que tout acte de cruauté envers un animal d’élevage est considéré comme un délit passible de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Les conditions d’abattage des animaux dont la viande est destinée à être consommée est une question sensible dans l’opinion publique. L’association L214 est très engagée dans la dénonciation des actes de cruauté pratiquée dans certains abattoirs. Des vidéos diffusées par l’association montrent des comportements particulièrement cruels envers les animaux. La loi EGalim permet également de lutter contre certaines pratiques, notamment en désignant dans chaque abattoir un responsable de la protection animale afin de vérifier que les modes d’abattage respectent bien les procédures prévues par la réglementation en vigueur.
D’autres mesures prises par décret ont été progressivement adoptées pour lutter contre les actes de maltraitances animales :
- interdiction de la castration des porcelets sans anesthésie ;
- interdiction de construire de nouveaux bâtiments d’élevage de poules pondeuses en cages ;
- interdiction de la mise à mort des poussins mâles par broyage ou gazage.
À la différence d’une loi qui doit être adoptée par le pouvoir législatif, les décrets sont des actes réglementaires, pris par le pouvoir exécutif. Les décrets doivent toutefois être en conformité avec les lois en vigueur.
Concernant les tests en laboratoire effectués sur des animaux, notamment des souris, des rats et des hamsters, deux directives européennes ont été adoptées en 2009 et 2013 qui interdisent la pratique de ces tests pour l’élaboration de produits cosmétiques. Ces directives limitent au maximum les essais scientifiques destinés à la fabrication de nouveaux médicaments en suivant la règle des « 3R » :
- remplacer l’expérimentation animale dès que possible ;
- réduire le nombre d’animaux utilisés ;
- raffiner les procédures en essayant de limiter au maximum la douleur suscitée chez les animaux testés.
Le respect des animaux d’élevage évolue avec une prise de conscience croissante de l’importance du bien-être animal.
Même si les contrôles vétérinaires sont encore trop peu nombreux pour vérifier la bonne application de ces nouvelles règles, de réels progrès sont constatés en France dans la lutte contre la maltraitance dans l’élevage et l’expérimentation scientifique.
Lutter contre la maltraitance des animaux domestiques
Lutter contre la maltraitance des animaux domestiques
La relation entre les êtres humains et les animaux domestiques a fortement évolué avec les découvertes scientifiques qui ont démontré que les animaux aussi étaient des êtres sensibles, intelligents. De nombreuses personnes témoignent d’ailleurs d’un lien profond et très fort avec leur animal, qu’il s’agisse d’un chien, d’un chat, d’un cheval par exemple.
Animal domestique :
Animal apprivoisé et élevé par l’être humain pour sa compagnie, son assistance (ex : chien guide pour mal-voyant) ou le travail (ex : chien sauveteur).
La loi de 2015 fait évoluer l’article 515-14 du Code civil pour changer le statut des animaux : depuis cette date, ces derniers ne sont plus des « biens » ou des « meubles », ce sont des « être vivants doués de sensibilité ».
- Le système juridique évolue lentement, et l’on voit donc qu’il a fallu de très nombreuses années pour reconnaître le simple caractère « vivant » des animaux et le fait qu’ils ressentent des émotions. Si cet article peut éventuellement être étendu aux animaux sauvages, il concerne pour le moment plus précisément les animaux domestiques.
Les animaux domestiques bénéficient donc d’une protection juridique et tout acte de cruauté ou de maltraitance expose à des sanctions.
La loi du 30 novembre 2021 marque une avancée dans la lutte contre les violences faites aux animaux domestiques. Contre les abandons, elle impose aux futurs propriétaires de signer un « certificat d’engagement et de connaissances » au mois 7 jours avant la délivrance de l’animal. L’objectif est de leur laisser le temps d’être bien certains de faire leur choix en connaissance de cause. La loi prévoit également :
- l’interdiction de la vente de chiens et de chats en animalerie à partir de 2024 ;
- l’interdiction de vente d’un animal de compagnie à une personne mineure sans autorisation écrite de ses parents ;
- l’identification obligatoire de tous les chiens et les chats domestiques.
Les sanctions pénales envers les auteurs d’actes de maltraitance sur un animal domestique sont également renforcées par la loi du 30 novembre 2021, notamment si l’acte est commis devant un ou plusieurs mineurs. Des exceptions restent toutefois tolérées, notamment lorsqu’il s’agit d’une tradition locale, comme lors de corridas qui aboutissent la plupart du temps à la mise à mort du taureau.
Commettre un acte de cruauté envers un animal domestique est considéré comme un délit qui peut être puni d’une peine de prison allant jusqu’à 3 ans et 45 000 euros d’amende.
Des « stages de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale » pourront être imposés, sur décision du juge, à toute personne condamnée pour acte de cruauté envers un animal domestique.
Ainsi, en janvier 2024, un homme a été condamné pour acte de maltraitance envers sa chatte qui est morte des mauvais traitements reçus. Le tribunal l’a condamné à 8 mois de prison avec sursis. Il a du aussi verser 100 euros à une association de défense des animaux pour « préjudice animalier ». En septembre 2023, un jeune-homme de 24 ans a été condamné à effectuer 6 mois de prison ferme pour avoir volontairement blessé son chien, ainsi qu’à une interdiction à vie de détenir un animal de compagnie.
Un lien affectif fort s’est noué entre les êtres humains et leurs animaux domestiques, en même temps que s’est améliorée la connaissance de ces animaux, de leur sensibilité, leur intelligence et de leurs aptitudes.
De plus en plus de scientifiques et chercheurs tentent de faire évoluer la réflexion sur le statut des animaux, notamment pour les considérer comme des « personnes » non humaines. En témoignent par exemple la Déclaration universelle des droits de l’animal (1977) ou la Déclaration sur la personnalité juridique de l’animal (2019), qui n’ont certes pas de valeur légale, mais qui traduisent des prises de positions philosophiques fortes pour faire évoluer la question.
Conclusion :
Le statut juridique des animaux a évolué depuis une vingtaine d’années en prenant davantage en compte leur sensibilité ainsi que leurs besoins spécifiques. La loi du 30 novembre 2015, marque un progrès vers une meilleure protection légale des animaux, qu’ils soient d’élevage ou domestiques. Cette évolution juridique est également le reflet d’une transformation profonde de l’opinion publique en matière de bien-être animal.
Si des progrès ont été réalisés pour lutter contre la maltraitance des animaux, des efforts restent encore à accomplir, notamment pour mieux prendre en compte les conditions d’abattage à l’étranger des animaux dont la viande est ensuite consommée en France. Des actes de maltraitance ont également été constatés dans certains zoos ce qui impliquerait un meilleur contrôle des conditions de vie des animaux sauvages élevés en captivité.