Un poème : L’Albatros, de Charles Baudelaire
Introduction :
Charles Baudelaire est un poète français du XIXe siècle, il est l’auteur du poème L’Albatros.
Poète :
Un poète est celui qui écrit des poèmes.
Le poème
Le poème
L’Albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage1
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents2 compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur3, maladroits et honteux,
Laissent piteusement4 leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche5 et veule6 !
Lui, naguère7 si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule8,
L’autre mime, en boitant, l’infirme9 qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées10
Qui hante la tempête et se rit de l’archer11 ;
Exilé sur le sol au milieu des huées12,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire
Lexique :
1 L’équipage désigne l’ensemble des personnes travaillant sur un bateau.
2 Une personne indolente est paresseuse et ne fait pas d’effort.
3 L’azur désigne la couleur bleue du ciel, et des flots.
4 Piteusement désigne une manière d’agir qui provoque la pitié.
5 Une personne gauche est maladroite.
6 Une personne veule manque de courage.
7 Naguère signifie « il y a peu de temps, récemment ».
8 Un brûle-gueule est une pipe.
9 Un infirme est une personne invalide, atteinte d’un handicap.
10 Le prince des nuées désigne ici l’albatros.
11 Un archer est une personne qui tire à l’arc.
12 Les huées sont des cris hostiles, poussés par un groupe.
La structure du poème L’Albatros
La structure du poème L’Albatros
Un poème est un texte qui sert à exprimer des émotions comme la tristesse, la joie, ou la colère. Pour cela, le poète joue sur le rythme de ses phrases et sur les sons qu’elles produisent.
Le rythme du poème L’Albatros
Le rythme du poème L’Albatros
Comme beaucoup de poèmes, L’Albatros est un texte écrit en vers.
Vers :
En poésie, un vers désigne une ligne du texte. Un vers commence souvent par une majuscule.
Dans L’Albatros, « Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage » est un vers. « Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, » est un autre vers.
On observe qu’un vers ne correspond pas toujours à une phrase entière. Il peut s’agir d’un bout de phrase. Cela permet d’écrire des vers qui font la même longueur, c’est-à-dire des vers qui ont le même nombre de syllabes. Cela donne du rythme et de la musicalité au poème.
Dans L’Albatros, on compte douze syllabes dans chaque vers. On appelle ces vers des alexandrins.
Sou/vent,/ pour/ s’a/mu/ser,/ les/ ho/mmes/ d’é/qui/page
Pre/nnent/ des/ al/ba/tros,/ vas/tes /oi/seaux/ des/ mers,
Comme souvent en poésie, L’Albatros est un texte court découpé en plusieurs strophes.
Strophe :
Une strophe est un groupe de plusieurs vers. Entre deux strophes, il y a un saut de ligne.
Dans L’Albatros, il y a quatre strophes. Voici les deux premières strophes :
Dans L’Albatros, chaque strophe regroupe quatre vers, c’est-à-dire quatre lignes. Une strophe de quatre vers est appelée un quatrain.
Les sonorités du poème L’Albatros
Les sonorités du poème L’Albatros
À la fin des vers du poème L’Albatros, on peut remarquer des sons qui sont parfois identiques. On dit que les vers riment. Cela rend le texte plus musical et renforce l’émotion.
Rime :
Une rime désigne la répétition d’un même son à la fin de deux vers.
Dans L’Albatros, « veule » rime avec « brûle-gueule » et « laid » rime avec « volait ».
« Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait ! »
Dans L’Albatros, les vers riment entre eux, un vers sur deux. Ce sont des rimes croisées.
IMG02 – Rimes croisées
L’importance des mots dans le poème L’Albatros
L’importance des mots dans le poème L’Albatros
Pour exprimer avec justesse ses émotions, le poète choisit son langage avec précaution. Un poème doit évoquer beaucoup de choses en très peu de lignes. Chaque mot à son importance.
Le vocabulaire de la mer
Le vocabulaire de la mer
L’Albatros est un poème qui évoque une scène de vie en mer. Un albatros volant au-dessus d’un navire est pris par des marins qui se moquent de lui. Pour que le lecteur puisse ressentir la force de cette scène, Charles Baudelaire utilise le champ lexical de la mer.
Champ lexical :
Un champ lexical est un ensemble de mots ou d’expressions se rapportant à un même thème.
Dans L’Albatros, les mots qui font partie du champ lexical de la mer sont : « équipage », « albatros », « oiseaux des mers », « navire », « planches », « azur », « avirons », « tempête ».
Les substituts pour désigner l’albatros
Les substituts pour désigner l’albatros
Le poème L’Albatros a pour sujet principal un albatros, c’est-à-dire un oiseau de mer. Pour éviter de répéter plusieurs fois le mot « albatros », le poète utilise des substituts.
Substitut :
Un substitut est un mot ou une expression que l’on utilise pour désigner une chose sans la nommer.
Les substituts utilisés par Charles Baudelaire pour désigner les albatros sont les suivants : « vastes oiseaux des mers », « indolents compagnons de voyage », « rois de l’azur », « voyageur ailé », « infirme qui volait », « prince des nuées ».
L’utilisation des substituts permet également d’enrichir la description de l’albatros.
Parfois, les substituts de l’albatros sont positifs comme avec « rois de l’azur » ou « prince des nuées ». Parfois ils sont négatifs comme avec « l’infirme qui volait ».
Le poète essaye donc de nous faire comprendre qu’il y a deux manières de percevoir l’albatros. Il est à la fois majestueux et maladroit.
Le poète est comme l’albatros de son poème
Le poète est comme l’albatros de son poème
Comme souvent en poésie, le texte est rempli d’images qui sont là pour nous faire réfléchir. Il faut essayer de comprendre, au-delà des images, quelle réalité le poète essaye de nous dévoiler.
La vie de l’albatros
La vie de l’albatros
Charles Baudelaire nous décrit un albatros que l’on peut percevoir de deux manières différentes.
Dans le ciel, quand il est en vol, l’albatros est un oiseau majestueux et admirable.
Baudelaire évoque plusieurs fois la grandeur et la supériorité de l’oiseau : « vastes oiseaux », « grandes ailes », « ailes de géant », « beau », « roi de l’azur », « prince des nuées ».
Une fois au sol sur le bateau, l’albatros devient très maladroit et les marins se moquent de lui.
Baudelaire évoque la maladresse et le ridicule de l’oiseau à plusieurs reprises : « maladroits et honteux », « piteusement », « gauche et veule », « comique et laid », « boitant », « infirme ».
La vie du poète
La vie du poète
Dans les trois premières strophes du poème, il est uniquement question de l’albatros. Mais la dernière strophe du poème concerne le poète.
« Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »
Charles Baudelaire se compare à l’albatros, il dit que le « Poète » (c’est-à-dire lui-même) est semblable au « prince des nuées » (c’est-à-dire l’albatros).
En lisant le poème, on comprend que l’albatros est majestueux dans le ciel car c’est là qu’il est le plus à l’aise avec ses grandes ailes. On peut supposer que le poète ressent la même chose quand il écrit ses poèmes : il se sent « géant » car c’est ce qu’il sait faire de mieux. En revanche, le poète se sent surement misérable au contact de la société dans laquelle il vit, tout comme l’albatros qui est ridiculisé par les marins quand il se trouve sur le bateau.
Photographie de Charles Baudelaire