Une ville en marge des flux de la mondialisation : l’exemple de Détroit
Introduction :
La mondialisation représente les connexions entre les différents acteurs du monde. Avant la révolution industrielle au XIXe siècle, les connexions entre les pays étaient laborieuses, compliquées et parfois dangereuses.
C’est au XXe siècle que tout s’accélère, avec le développement massif des réseaux de communications et l’amélioration des moyens de transports. Au XXIe siècle, on a l’impression que toutes les régions du monde sont connectées entre elles. Mais en réalité, cette affirmation n’est pas tout à fait juste.
La mondialisation a mis en place des pôles dominants, parfaitement connectés entre eux, et organisés autour de grandes villes, New York, Londres et Tokyo en tête. Ces métropoles forment ce qu’on appelle l’archipel métropolitain mondial. Mais il existe également des espaces qui demeurent en marge de la mondialisation. Ces espaces en marge ne se situent pas forcément dans les pays pauvres ou en voie de développement : on les trouve parfois dans les pays les plus développés, ce qui renforce d’ailleurs leur isolement.
Nous verrons dans ce cours que la ville de Détroit, aux États-Unis, est un exemple de ces espaces en marge de la mondialisation. Alors que cette ville était présentée, il y a quelques décennies, comme un modèle de réussite économique et industrielle, Détroit est aujourd’hui une ville sur le déclin, abandonnée par ses habitants.
Dans une première partie, nous étudierons les modalités de ce déclin, puis nous en analyserons les causes dans une seconde partie. Finalement, nous terminerons ce cours par une réflexion sur les espaces en marge de la mondialisation.
Détroit, une ville fantôme
Détroit, une ville fantôme
La ville de Détroit aux États-Unis - Source : lepoint.fr
Détroit est située dans l’État du Michigan, au nord-est des États-Unis.
Entre 1900 et 1930, la ville est devenue le symbole de l’industrialisation des États-Unis, tout particulièrement grâce à l’industrie automobile.
Chaîne de montage des usines Ford à Détroit en 1913
Mais Détroit a particulièrement souffert de la crise économique.
Un déclin économique
Un déclin économique
La ville de Détroit connaît tout d’abord une situation de déclin économique. Si l’on peut affirmer que les États-Unis sont un pays riche, cela n’empêche pas que certaines régions sont plus développées que d’autres.
Dans le cas de Détroit, la croissance économique a été stoppée au début des années 2000, augmentant le taux de chômage de manière impressionnante. En 2009, en pleine crise, il atteint un record de 28 %.
Face à ces difficultés économiques, la ville affiche également un taux de criminalité record auquel s’ajoutent de sérieuses tensions raciales, créant une situation explosive.
Un déclin démographique
Un déclin démographique
Mais ce qui caractérise tout particulièrement la crise de Détroit, c’est son déclin démographique. Le XXIe siècle est le siècle de l’explosion urbaine : les villes ne cessent de gagner des habitants, et dans à peine quelques décennies, les trois quart de la population mondiale vivront en ville.
Les géographes relient d’ailleurs le concept de mondialisation à celui d’urbanisation : un monde connecté est avant tout un monde urbain.
Dans le cas de Détroit, la ville comptait dans les années 1960 près de 2 millions d’habitants. En 2013, il en reste moins de 700 000. On estime que 25 % de la population a quitté la ville en dix ans, soit une moyenne d’une personne toutes les 20 minutes. On comptabilise alors plus de 100 000 maisons abandonnées.
Bâtiment abandonné à Détroit © Albert duce
Ce déclin démographique entraîne un déclin urbain : de grandes zones anciennement peuplées ont peu à peu été abandonnées, laissant place à de grands terrains vagues, reconquis par la végétation sauvage.
Durant les années 2000 on parle même de « ville fantôme », car la municipalité ne semble plus être en mesure de s’occuper de la ville : les feux de signalisation clignotent sans cesse à l’orange, les camions de poubelle ne passent que rarement, les lignes de bus fonctionnent mal ou pas du tout, et de nombreux bâtiments publics ou privés sont abandonnés.
Les causes de ce déclin
Les causes de ce déclin
Quelles sont les causes d’un tel déclin, alors même que la ville possédait une industrie florissante et qu’elle se situe dans l’un des pays les plus puissants au monde ?
La désindustrialisation
La désindustrialisation
La crise de la ville semble avoir débuté à la fin des années 1950, notamment avec la fermeture d’usines automobiles emblématiques. Les États-Unis ont eu du mal à s’adapter à la concurrence d’autres pays, et tout particulièrement du Japon, en matière d’industrie automobile.
Cette perte de concurrence a poussé l’industrie automobile de Détroit à délocaliser une partie de sa production. En d’autres termes, des usines ont fermé pour déplacer leur production à l’étranger, où produire coûte moins cher. Avec le départ de cet outil industriel commence alors ce qu’on appelle la désindustrialisation. Au final, alors que Détroit enregistrait 300 000 emplois dans l’industrie en 1960, la ville n’en compte plus que 25 000, soit 12 fois moins.
La prospérité de Détroit s’inscrivait dans un modèle économique américain dominé par les villes de la côte Est du pays. Depuis peu, le centre de gravité économique s’est déplacé à l’Ouest, notamment en Californie, où l’industrie, plus diversifiée, offre des emplois. Naturellement, ce changement de situation a favorisé une migration de travailleurs interne au pays.
La migration des emplois et des travailleurs aux États-Unis
La crise des subprimes
La crise des subprimes
Déjà fragilisée, la ville de Détroit s’est totalement effondrée avec la crise financière de 2007, dite crise des « subprimes ». Les prix de l’immobilier ont baissé rapidement, les taux d’intérêt des crédits ont fortement augmenté et de nombreuses familles américaines ont été dans l’impossibilité de rembourser leur crédit immobilier.
- D’abord nationale, cette crise a eu de lourdes conséquences internationales.
Comme elle avait souffert de la désindustrialisation, Détroit souffre de cette crise financière. À tel point qu’en 2013, la ville se déclare en faillite. La ville a donc dû vendre une partie des biens publics. L’éducation, la police, les transports et la santé ont subi d’importantes coupes budgétaires, entrainant la ville dans la misère et la violence.
Aujourd’hui, la situation semble en partie s’améliorer. Si la ville est bien sortie de la faillite, sa situation économique reste préoccupante et elle doit toujours faire face à une crise démographique et immobilière.
Détroit, une crise de la mondialisation ?
Détroit, une crise de la mondialisation ?
Une crise des pays du Nord
Une crise des pays du Nord
Malgré son passé faste et une industrie autrefois intégrée à l’économie mondiale, Détroit apparaît aujourd’hui comme un espace en marge des flux commerciaux, économiques, politiques et culturels.
Contrairement aux métropoles émergentes qui connaissent la croissance, Détroit a vécu ce qu’on appelle la décroissance. Et s’il s’agissait là des prémices d’une crise commune au pays du Nord ?
En effet, le phénomène de la désindustrialisation est un réel problème qui touche tous les pays riches, et qui a des conséquences sociales dramatiques : le taux de chômage dans la plupart des pays européens en est un exemple.
De plus, un fameux dicton américain dit qu’en règle générale « ce que connait Détroit, les États-Unis le connaissent 10 ans plus tard ».
Si l’on suit cette logique, alors peut-être que ce qui apparaît encore comme une situation particulière et localisée, le cas Détroit, pourrait en réalité présager d’une situation globale, commune à tous les pays du Nord.
Une possible redynamisation
Une possible redynamisation
Mais il ne faut pas donner trop d’importance à un dicton. La situation de Détroit est typique d’une collectivité dont le passé a été faste et qui « vit sur ses acquis », sans se projeter dans l’avenir, en niant les réalités et les évolutions.
À ce titre, l’économiste et ancien premier ministre français Raymond Barre disait « l’économie se venge toujours ».
La Californie est un État fort de la diversification de son industrie. Elle est notamment devenue un pôle leader mondial de la high tech, c’est-à-dire les hautes technologies.
Détroit est certes une ville en déclin, mais elle n’en reste pas moins insérée à la mondialisation. En développant des activités plus compétitives, la ville pourrait se redynamiser.
Avec le soutien de l’État du Michigan et des subventions nationales, d’ambitieux projets peuvent voir le jour et améliorer l’image de Détroit.
Conclusion :
Alors que Détroit représentait la gloire des États-Unis, gloire fondée sur l’industrie automobile notamment, elle connaît aujourd’hui une situation extrêmement difficile : criminalité à un niveau record, chômage de masse, déclin démographique, maisons abandonnées…
Cette situation peut paraître surprenante dans un pays tel que les États-Unis, véritable moteur de la mondialisation.
Symptomatique de la désindustrialisation des pays développés, la décroissance et la marginalisation de Détroit inquiètent. Cependant, la ville pourrait suivre l’exemple d’autres régions qui ont su dynamiser et diversifier leur économie.