Variation génétique des bactéries et résistance aux antibiotiques
Introduction :
Les bactéries peuvent engendrer des maladies et causer des infections contre lesquelles nous utilisons des antibiotiques. Mais certaines bactéries y sont devenues résistantes et empêchent le bon fonctionnement du traitement.
Pourquoi l’efficacité des antibiotiques recule-t-elle ? Nous verrons dans un premier temps par quels mécanismes ces résistances aux antibiotiques apparaissent, afin d’étudier dans un second temps les précautions à prendre et les nouveaux traitements à mettre en place.
Les bactéries et les antibiotiques
Les bactéries et les antibiotiques
Généralités sur les bactéries
Généralités sur les bactéries
Bactérie :
Une bactérie est un organisme unicellulaire ayant au moins une membrane plasmique, un cytoplasme et un chromosome unique, libre dans le cytoplasme, en plus de petites molécules d’ADN circulaire appelées plasmides. Souvent, elle possède une paroi à l’extérieur de la membrane plasmique.
Bactérie
Les bactéries sont des êtres vivants, parmi les plus anciens sur la planète. Elles existent dans tous les milieux et dans tous les écosystèmes, et vivent même dans des conditions extrêmes où elles sont les seules à vivre (par exemple au fond des océans, où la salinité, la température et la pression rendent quasi impossibles les conditions de vie).
Par ailleurs, notre corps est composé de plus de bactéries que de cellules. Ces bactéries nous sont essentielles et tapissent la plupart de nos tissus et muqueuses. Elles aident par exemple à la digestion (ce sont les bactéries de la flore intestinale), ou recouvrent notre peau et la protège. Elles participent à la formation de la flore commensale (cutanée, respiratoire, digestive et génitale).
Ces bactéries vivent en symbiose avec notre corps.
En revanche, d’autres bactéries sont dites pathogènes.
Organisme pathogène :
Un organisme pathogène est un organisme responsable d’une infection associée à l’apparition d’une maladie.
Par exemple : Yersinia pestis est la bactérie responsable de la peste et est à ce titre un organisme dit « pathogène ».
Les bactéries n’ont pas (ou rarement) de reproduction sexuée : leur reproduction passe par le clonage. Une bactérie unique (la bactérie mère) va subir de nombreuses divisions cellulaires, pour donner des bactéries clones (les bactéries filles). Cela constitue une souche bactérienne.
Fonctionnement des antibiotiques
Fonctionnement des antibiotiques
En grec, anti signifie « contre » et bio désigne le vivant. Les antibiotiques sont donc des substances utilisées pour lutter contre des organismes vivants.
Les virus n’ont pas exactement la même constitution, ni le même métabolisme que les bactéries. Les antibiotiques sont sans effets sur eux.
Les antibiotiques sont donc des molécules qui agissent en bloquant la croissance des bactéries contre lesquelles ils sont dirigés. Ils peuvent être :
- produits par d’autres bactéries ;
- ou bien synthétisés chimiquement en laboratoire.
La plupart des antibiotiques invalident les capacités de multiplication de la bactérie. Celle-ci meurt sans pouvoir se reproduire.
Tous les antibiotiques sont prescrits par un médecin, pour une durée généralement courte (de $5$ à $10$ jours en moyenne) afin de traiter une maladie d’origine bactérienne.
Par exemple, lors d’une blessure, le sang peut être infecté par des organismes pathogènes d’origine bactérienne. Les antibiotiques préviennent la septicémie (l’infection du sang).
Chaque souche bactérienne est constituée de clones : une souche peut être ou non sensible à un antibiotique. Certaines bactéries sont en effet naturellement capables de résister à certaines molécules antibiotiques.
Les résistances aux antibiotiques
Les résistances aux antibiotiques
Résistances dues à des mutations
Résistances dues à des mutations
Les bactéries se multipliant rapidement, elles connaissent donc proportionnellement plus de mutations que les cellules d’un organisme animal. Certaines mutations peuvent ainsi permettre une résistance aux antibiotiques.
On dit également que les bactéries deviennent « antibiorésistantes ».
Il existe trois types de résistances aux antibiotiques :
- la prolifération d’une protéine qui détruit/invalide la molécule antibiotique ;
- la modification de la molécule sur laquelle l’antibiotique se fixe en temps normal (ne pouvant plus s’y fixer, il n’a donc plus d’effet sur la bactérie) ;
- la modification de la membrane de la bactérie (la membrane est ainsi rendue imperméable à la molécule antibiotique).
- Ces mutations de résistance peuvent être portées :
- soit par le chromosome bactérien ($20\,\%$ des cas) ;
- soit par des plasmides bactériens ($80\,\%$ des cas).
La capacité de résistance à un antibiotique se mesure grâce à un antibiogramme (voir exemple ci-dessous). On répartit une solution de bactéries sur une boîte de Pétri dans un milieu propice au développement. On place ensuite dans la boîte des pastilles contenant les différents antibiotiques. Le tout est laissé à incubation pendant $24$ heures. On observe ensuite si la bactérie testée s’est développée près des pastilles d’antibiotiques.
- La taille du cercle non colonisé autour de ces pastilles permet dès lors de mesurer l’efficacité de l’antibiotique contre cette souche bactérienne.
Transmission de la résistance aux antibiotiques
Transmission de la résistance aux antibiotiques
Nous avons vu que les bactéries se reproduisent par clonages. On parle de transmission génétique verticale : les gènes passent de mères en filles. Ainsi une partie de la transmission de cette résistance aux antibiotiques se fait par voie verticale.
Transfert vertical :
Un transfert de gène vertical est un transfert de matériel génétique de génération en génération, soit par fécondation (reproduction sexuée) soit par division.
Mais il arrive que des bactéries s’échangent du matériel génétique entre bactéries de même génération : elles transfèrent leur plasmide d’un cytoplasme à l’autre, sans avoir besoin de division cellulaires. C’est la transmission horizontale.
Transfert horizontal :
Un transfert de gène horizontal est un transfert d’un ou plusieurs gènes sans nécessité de génération supplémentaire.
Cette transmission horizontale est la principale source de résistance au sein des populations bactériennes.
Transfert horizontal entre bactéries de souches différentes et transfert vertical
Chez les bactéries, ce transfert peut avoir lieu entre différentes souches, voire même entre différentes espèces.
Néanmoins, les bactéries peuvent développer des moyens de se défendre contre les antibiotiques, ce qui doit être pris en compte lors des traitements.
Mauvaise utilisation des antibiotiques et résistance bactérienne : quelles précautions ?
Mauvaise utilisation des antibiotiques et résistance bactérienne : quelles précautions ?
Les organismes pathogènes, tels que les bactéries, sont normalement détruits par notre système immunitaire. Ainsi les antibiotiques ne sont prescrits que lorsque les symptômes d’une maladie sont trop importants ou que le risque est trop grand que notre organisme n’arrive pas à s’en débarrasser naturellement.
Comme nous l’avons vu, une mutation peut apparaître et donner un avantage sélectif à une souche bactérienne qui résistera au traitement antibiotique. Dans ce cas précis, toutes les bactéries sont détruites, sauf celles qui ont acquis cette résistance. Cette souche va donc se multiplier.
Quand une pression de sélection est induite par un facteur environnemental (par exemple un prédateur, ou comme ici un antibiotique), les individus ayant un avantage dans cet environnement peuvent se développer et se reproduire plus facilement : c’est la sélection naturelle.
Une souche possédant une mutation conférant un gène de résistance à l’antibiotique s’est développée.
- Résultats : la population bactérienne devient résistante, c’est pourquoi certains antibiotiques deviennent moins efficaces.
L’utilisation massive des antibiotiques en santé animale et humaine a provoqué leur dispersion dans les milieux de vie. Cette dispersion a conduit à l’émergence de souches de bactéries résistantes. Ces souches présentent alors un avantage sélectif par rapport aux autres souches sensibles.
Les maladies nosocomiales (contractées en milieu hospitalier ou médical) sont souvent liées à des bactéries multi résistantes : les bactéries ont obtenu ces multi résistances par jeux de transferts horizontaux et verticaux, dans un milieu propice. En effet, les individus malades ont un système immunitaire affaibli qui favorise la prolifération des bactéries.
Le suivi de l’évolution de l’antibiorésistance peut être réalisé par la réalisation d’antibiogramme dans les établissements de santé. De façon globale, on assiste à une forte augmentation des bactéries multirésistantes aux antibiotiques (BMR). D’après une enquête de Santé publique France, en 2018, le nombre d’infections à BMR est estimé à environ $158000$ et le nombre de décès directement attribués à ces infections à $12500$.
En santé animale, l’analyse des excréments montre la présence de nombreuses BMR qui vont alors se retrouver dans le sol, l’eau. Ces BMR vont alors se disséminer dans l’environnement.
De plus, la consommation de ces animaux par un individu, l’expose à un risque de contamination par ces BMR.
Afin d’éviter de rendre les bactéries résistantes, il convient de bien respecter les durées de prescription et d’éviter de prendre des antibiotiques en cas d’infection virale (par un virus). Dans ce cas, les antibiotiques vont alors surtout s’attaquer aux bactéries qui ne sont pas pathogènes et dont nous avons besoin.
De plus, il est recommandé de réaliser un antibiogramme avant de prescrire un antibiotique.
Conclusion :
Les bactéries sont des organismes unicellulaires, qui prolifèrent rapidement par divisions successives. Certaines sont bonnes pour notre organisme, mais certaines sont pathogènes. C’est contre ces bactéries pathogènes que l’on utilise les antibiotiques : ceux-ci sont des molécules capables de détruire spécifiquement une espèce, voire une souche de bactérie.
Néanmoins, les reproductions rapides des bactéries favorisent l’apparition de mutation entraînant l’apparition de résistance à ces substances. Ces avantages sélectifs peuvent être transmis par transfert vertical ou horizontal.
Afin de limiter l’apparition de ces résistances, des précautions doivent être prises lors de l’utilisation des antibiotiques.
Le suivi de l’antibiorésistance est capital et des mesures sont mises en place par l’OMS et les gouvernements afin de limiter l’utilisation abusive de ces antibiotiques en santé humaine et animale.